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Décisions

CA Nancy, 5e ch., 17 novembre 2021, n° 21/01066

NANCY

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Metropole Television (M6) (SA), M6 Digital Services (Sas), Bedrock (Sasu)

Défendeur :

Société Industrielle et Financière de Lorraine

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Meunier

Conseillers :

M. Beaudier, M. Firon

T. com. Nancy, du 12 avr. 2021, n°n° 19/…

12 avril 2021

Le 3 octobre 2018, un reportage intitulé « Les pesticides se mettent au frais, des résidus retrouvés dans les fruits et légumes surgelés » a été diffusé dans le journal télévisé 19.45 de la chaîne M6, et est resté visualisable en « replay » sur le site de la chaîne pendant une semaine. Il a ensuite été relayé sur la page publique Facebook de la chaîne.

Considérant que ce reportage a eu un impact néfaste sur l'image de marque des produits T., ayant pour activité la fabrication et la commercialisation de glaces et produits surgelés, ce qui s'est traduit par une baisse des ventes immédiatement après sa diffusion, les sociétés T. ont fait effectuer une étude d'impact avant d'engager des dépenses aux fins de restaurer cette image de marque et retrouver la confiance des consommateurs.

Par exploits en date du 29 juillet 2019, la société Glaces T., la société T. Distribution, la société T. Magasins et la société Société Industrielle et Financière de Lorraine ont assigné la société directoire et conseil de surveillance Metropole Télévision (M6) et la société M6 Digital Services devant le tribunal de commerce de Nancy.

Par exploit en date du 10 juin 2020, la société Glaces T., la société T. Distribution, la société T. Magasins et la société Société Industrielle et Financière de Lorraine ont assigné la société Bedrock, autrefois dénommée M6 Distribution, exploitant sous l'enseigne M6 Digital Distribution, devant le tribunal de commerce de Nancy.

Le tribunal de commerce de Nancy a prononcé la jonction des deux affaires.

Par jugement en date du 12 avril 2021, le tribunal de commerce de Nancy a :

-déclaré la société Metropole Television, la société M6 Digital Services, la société Bedrock et la société M6 Distribution Digital recevables mais mal fondées en leur exception d'incompétence,

-les en a déboutées,

-s'est déclaré compétent pour connaître du litige,

Sur le fond :

-déclaré les sociétés M6 Digital Services et Bedrock mal fondées en leur demande de mise hors de cause,

-les en a déboutées,

-déclaré la société M6 Distribution Digital mal fondée en son intervention volontaire,

-l'en a déboutée,

-condamné in solidum les sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock, autrefois dénommée M6 Distribution, à payer, à titre de dommages intérêts, à :

*la société Glaces T. la somme de 403 700 € (353 700 + 50 000)

*la société T. Distribution la somme de 699 800 € (649 800 + 50 000)

*la société T. Magasins la somme de 543 200 € (493 200 + 50 000)

*la Société Industrielle et financière de Lorraine la somme de 50 000 €.

-déclaré les sociétés Glaces T., T. Distribution, T. Magasins et Société Industrielle et financière de Lorraine mal fondées en leur demande de publication du jugement entrepris,

-les en a déboutées,

-déclaré la société Société Industrielle et Financière de Lorraine mal fondée en sa demande de remboursement des frais d'études engagés,

-l'en a déboutée,

-condamné in solidum les sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock, autrefois dénommée M6 Distribution, aux dépens de l'instance,

-condamné in solidum les sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock, autrefois dénommée M6 Distribution, à payer aux sociétés Glaces T., T. Distribution, T. Magasins et Société Industrielle et financière de Lorraine la somme de 25 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonné l'exécution provisoire du jugement entrepris.

Suivant déclaration électronique transmise au greffe le 26 avril 2021 les sociétés Metropole Television (M6), M6 Digital Services et Bedrock ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 août 2021, les sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock demandent à la cour de :

-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré les sociétés M6 Digital Services et Bedrock mal fondées en leur demande de mise hors de cause ;

Statuant à nouveau :

-dire et juger irrecevables les demandes à l'encontre de m6 digital services, étrangère aux faits poursuivis, et infirmer les condamnations prononcées à son encontre ;

-dire et juger irrecevables les demandes à l'encontre de la société Bedrock, étrangère aux faits poursuivis, et infirmer les condamnations prononcées à son encontre ;

Statuant à nouveau et évoquant l'affaire :

-dire et juger que les faits poursuivis relèvent de l'action en diffamation, en ce qu'ils mettent en cause, selon l'assignation, l'image de marque, la réputation commerciale et/ou la considération des sociétés intimées, qui se plaignaient dans leur assignation d'être mises en cause à raison de comportements illicites (non-respect des normes) voire frauduleux (usage de molécules interdites) qui leur seraient imputables ;

-dire et juger que le tribunal de commerce était matériellement incompétent pour statuer sur les demandes ;

-dire et juger prescrites les demandes des société Glaces T., T. Distribution, T. Magasins, et Société Industrielle et Financière de La Lorraine, formées par assignation du 29 juillet 2019, plus de trois mois après la diffusion du sujet litigieux sur M6 et 6play, le 3 octobre 2018 ;

A titre subsidiaire :

-dire et juger qu'en requalifiant les fautes intentionnelles reprochées par les intimées aux appelantes sur le fondement de l'article 1240 du code civil, en faute de négligence et d'imprudence au sens de l'article 1241 du même code, sans rouvrir les débats afin de permettre aux parties de présenter leurs arguments sur cette négligence alléguée, le tribunal a violé le principe du contradictoire ;

Statuant à nouveau, et faisant droit aux moyens de défense auxquels le tribunal a omis de répondre :

-dire et juger que les faits poursuivis ne relèvent pas du dénigrement commercial et ne caractérisent aucun abus des journalistes de M6 dans l'exercice de leur liberté d'expression, leur sujet, traité avec mesure, reposant sur une base factuelle suffisante, et les images d'illustration du sujet (y compris les petits pois surgelés versés dans une assiette) comme sa forme étant proportionnées au but légitime poursuivi d'information du public dans le cadre d'un débat d'intérêt général de santé publique, sans que les intimées ne justifient d'aucun préjudice indemnisable qui serait imputable à la diffusion de ce sujet ;

En conséquence :

-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock, à payer, à titre de dommages intérêts, à la société Glaces T. la somme de 403 700 € (353 700 + 50 000), à la société T. Distribution la somme de 699 800 € (649 800 + 50 000), à la société T. Magasins la somme de 543 200 € (493 200 + 50 000) et à la Société industrielle et financière de Lorraine la somme de 50 000 € ;

-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock à payer aux société Glaces T., T. Distribution, T. Magasins, et Société Industrielle et Financière de La Lorraine la somme de 25 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

En tout état de cause :

-débouter en tant que de besoin les intimées de l'intégralité de leurs moyens et prétentions ;

-les condamner in solidum à payer aux sociétés les sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock une indemnité de 20.000 € chacune par application de l'article 700 du code de procédure civile, avec exécution provisoire.

-les condamner in solidum à payer aux sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de Maître M. en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 août 2021, les sociétés Glaces T., T. Distribution, T. Magasins et Société Industrielle et financière de Lorraine demandent à la cour de :

Sur l'exception de procédure :

-confirmer le jugement du 12 avril 2021 rendu par le Tribunal de commerce de Nancy en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence matérielle opposée par les sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock,

-débouter, en conséquence, les sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock de leur appel et de toutes prétentions, demandes et fins contraires de ce chef,

Au fond :

-confirmer le jugement du 12 avril 2021 rendu par le Tribunal de commerce de Nancy en ce qu'il a débouté les sociétés M6 Digital Services et Bedrock de leur demande tendant à être mises hors de cause.

-confirmer le jugement du 12 avril 2021 rendu par le Tribunal de commerce de Nancy en ce qu'il a retenu la responsabilité civile extracontractuelle des sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock à raison de la commission d'un acte de dénigrement des produits surgelés de la marque T. lors de la diffusion, le 3 octobre 2018, dans le journal télévisé de la chaine M6 «19/45», du reportage intitulé « Les pesticides se mettent au frais, des résidus retrouvés dans les fruits et légumes surgelés »,

-débouter en conséquence les sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock de leur appel et de toutes prétentions, demandes et fins contraires de ce chef.

-débouter par ailleurs les sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock de leur demande d'infirmation du jugement du 12 avril 2021 pour non-respect du principe du contradictoire ;

-infirmer le jugement pour le surplus, à l'exception des dispositions du jugement ayant statué sur les dépens de première instance,

Et statuant à nouveau :

-condamner in solidum avec les sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock, autrefois dénommée M6 Distribution, à payer à la société Glaces T. les dommages et intérêts suivants :

*au titre du manque à gagner la somme de 353 700 €,

*au titre du préjudice moral la somme de 150 000 €,

*au titre des frais engagés pour restaurer l'image des produits surgelés T. la somme de 2 646 308 €,

Soit la somme totale de 3 150 008 €,

-condamner in solidum avec les sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock, autrefois dénommée M6 Distribution, à payer à la société T. Magasins les dommages et intérêts suivants :

*au titre du manque à gagner la somme de 493 200 €,

*au titre du préjudice moral la somme de 150 000 €,

Soit la somme totale de 643 200 € ;

-condamner in solidum avec les sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock, autrefois dénommée M6 Distribution, à payer à la société T. Magasins les dommages et intérêts suivants :

*au titre du manque à gagner la somme de 649 800 €,

*au titre du préjudice moral la somme de 150 000 €,

Soit la somme totale de 799 800 € ;

-condamner in solidum avec les sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock, autrefois dénommée M6 Distribution, à payer à la société T. Magasins les dommages et intérêts suivants :

*au titre des frais engagés pour restaurer l'image des produits surgelés T. la somme de 1 280 264,09 €,

*au titre du préjudice moral la somme de 150 000 €,

Soit la somme totale, sauf à parfaire, de 1 430 264,09 € ;

-ordonner aux sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock, autrefois dénommée M6 Distribution, de publier sur le site internet de M6 (www.6play.fr) ainsi que sur le compte public Facebook de cette dernière la décision à intervenir les condamnant, et ce, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de sa signification.

-condamner in solidum, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock, autrefois dénommée M6 Distribution, à payer à la société Glaces T. :

*la somme de 46.699 € en dédommagement des frais qu'elle a été contrainte d'exposer pour évaluer l'impact du reportage du 03 octobre 2018 chez les consommateurs ;

*la somme de 25.000 € au titre des frais d'avocat exposés ;

-condamner les sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock, autrefois dénommée M6 Distribution, aux dépens d'appel ;

-débouter les sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock, autrefois dénommée M6 Distribution, de leurs conclusions, prétentions et fins contraires.

Pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions visées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance le 1er septembre 2021.

MOTIFS :

- Sur la recevabilité des demandes dirigées contre les sociétés M6 Digital Services et Bedrock

Attendu qu'au soutien de sa demande de mise hors de cause, la société M6 Digital Services fait valoir que le service de télévision de rattrapage («6Play»), sur lequel le reportage litigieux a été mis à la disposition du public après sa diffusion sur la chaîne M6, a fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine à la société M6 Distribution, par voie d'apport partiel d'actif, le 30 septembre 2019, portant sur la branche complète et autonome d'activité « 6Play/Distribution/Innovation », au profit de la société T-Commerce, devenue M6 Distribution Digital ;

Que toutefois, la convention dont se prévaut la société M6 Digital Services constitue seulement un 'projet d'apport partiel d'actif', comme il est expressément mentionné dans son intitulé (cf. pièce n°24) ; que l'appelante ne rapporte pas la preuve que ce projet se serait par la suite concrétisé par l'établissement d'un acte de cession entre les sociétés cessionnaire et cédante ; qu'au surplus, il n'est pas justifié de sa publication au BODACC, de sorte que la cession alléguée n'est en tout état de cause pas opposable aux tiers ;

Qu'il est établi dès lors que la société M6 Digital Services exploitait le service de mise à disposition des programmes de la chaîne M6 sur son site internet dédié «6Play», et ce, après la diffusion le 3 octobre 2018 du documentaire intitulé «les pesticides se mettent au frais, des résidus retrouvés dans les fruits et légumes surgelés» ; qu'il convient par conséquent de déclarer recevables les demandes en indemnisation formées par les sociétés intimées à son encontre ;

Attendu qu'il est démontré par ailleurs que le reportage litigieux a été diffusé sur la chaîne M6, alors que celle-ci était exploitée par la société M6 Distribution, nouvellement dénommée Bedrock, en l'espèce immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 538 650 458, comme l'illustre l'organigramme de la société Métropole Télévision et de ses filiales versées aux débats par les appelantes (cf. pièce n° 26) ;

Qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi que le projet d'apport partiel d'actif entre la société apporteuse M6 Distribution et la société bénéficiaire T-Commerce aurait abouti ; que même à supposer le contraire, en l'absence du respect des formalités de publicité, cette cession n'est pas opposable aux sociétés tierces intimées ;

Qu'il convient dans ces conditions de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a déclaré les sociétés M6 Digital Services et Bedrock mal fondées en leur demande de mise hors de cause.

- Sur la responsabilité des sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock :

Attendu que la diffamation est définie par l'article 29 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse comme étant « toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel il appartient » ; que l'action en diffamation est ouverte en l'espèce lorsque celle-ci a visé une personne physique ou morale, sauf s'agissant de cette dernière, lorsque ce sont uniquement ses produits ou services qui sont en cause ;

Qu'au soutien de leur appel, les sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock soulèvent l'incompétence matérielle du tribunal de commerce saisi, au motif que les faits invoqués par les sociétés intimées relèvent, suivant les termes de l'assignation délivrée le 29 juillet 2019, d'une atteinte à leur réputation commerciale, lesquels sont exclusivement constitutifs d'une diffamation au sens des dispositions précitées ;

Que conformément aux dispositions de l'article 568 du code de procédure civile, elles demandent à la cour d'user de son pouvoir d'évocation, et par conséquent, de déclarer l'action des intimées prescrite pour avoir été intentée plus de trois mois après la diffusion du reportage litigieux ;

Attendu toutefois qu'il est de principe que les appréciations dénigrantes divulguées par une personne qui touchent les produits, les services ou les prestations d'une entreprise industrielle ou commerciale n'entrent pas dans les prévisions de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 dès lors qu'elles ne concernent pas une personne physique ou morale ; que la divulgation de telles informations constitue un dénigrement qui relève en effet de la catégorie des actes de concurrence déloyale, engageant la responsabilité de leur auteur, sur le fondement des dispositions de l'article 1240 du code civil ;

Que les sociétés Glaces T., T. Distribution, T. Magasins et Société Industrielle et financière de Lorraine reprochent en l'espèce aux sociétés appelantes d'avoir porté le discrédit sur les produits surgelés qu'elles fabriquent et commercialisent, dans le cadre d'un reportage télévisé ayant pour objet de restituer les résultats d'une enquête réalisée par « 60 millions de consommateurs » sur la présence de pesticides dans les fruits et légumes frais et surgelés ;

Que l'assignation en date du 29 juillet 2019 vise expressément les faits de dénigrement des produits de la marque T., lesquels sont présentés dans le reportage pour illustrer les commentaires du présentateur sur leur potentielle contamination par les pesticides utilisés pour leur culture ; que cette assignation indique clairement que la responsabilité des sociétés qui sont attraites devant le tribunal de commerce d'Epinal est recherchée sur le fondement de l'article 1240 du code civil, lequel figure à son dispositif ;

Que les actes de dénigrement allégués par les intimées portent exclusivement sur les surgelés qu'elles produisent et commercialisent ; qu'ils ne sont pas présentés, comme le soutiennent à tort les appelantes, comme des atteintes à l'honneur ou à la réputation des personnes morales concernées ; que l'atteinte à « la réputation commerciale » de la marque « T. » n'est en effet évoquée dans l'assignation que pour justifier l'existence d'un préjudice résultant du dénigrement des produits visés, et non directement en tant qu'acte diffamatoire ;

Qu'il n'est imputé en effet par les intimées dans l'acte introductif d'instance aucun fait relevant de la diffamation publique des sociétés composant le groupe T. ; qu'il est seulement fait état du discrédit par les sociétés appelantes de leurs produits par la diffusion du reportage litigieux ; qu' il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par des sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock, parties appelantes ;

Qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la prescription des demandes d'indemnisation formées par les sociétés appelantes n'est pas fondé ;

Attendu que les sociétés Métropole Television, M6 Digital Services et Bedrock soutiennent par ailleurs, qu'en requalifiant les fautes intentionnelles reprochées par les intimées aux appelantes sur le fondement de l'article 1240 du code civil, en faute de négligence et d'imprudence, au sens de l'article 1241 du même code, sans rouvrir les débats afin de permettre aux parties de présenter les observations sur cette négligence qu'il a retenue, le tribunal de commerce a violé le principe du contradictoire ;

Que force de constater qu'aux termes de leurs conclusions d'appel, les sociétés Métropole Television, M6 Digital Services et Bedrock n'ont pas conclu à la nullité du jugement déféré, au motif allégué que les premiers juges n'auraient pas respecté le principe du contradictoire ; que ce moyen est par conséquent inopérant ;

Attendu que sur le fond même en l'absence d'une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernée, la divulgation par l'une d'une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l'autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l'information en cause ne se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure ;

Qu'il est constant en l'espèce que la chaîne de télévision M6 a diffusé le 3 octobre 2018 dans son journal télévisé, intitulé « le 19.45 », un reportage présentant les résultats d'une étude dirigée par «60 millions de consommateurs» portant sur la présence de résidus de pesticides et de perturbateurs endocriniens retrouvés dans les fruits et légumes surgelés ou en conserves ;

Que sous couvert d'un compte-rendu objectif des résultats de cette enquête, ce reportage présente indirectement une critique négative des produits fabriqués et commercialisés par les intimées, lesquels sont en effet les seuls qui soient aisément identifiables par le téléspectateur, au moyen du logo de la marque « T. » qui est particulièrement visible sur les images illustrant le commentaires et ce à la différence notable des produits des autres marques ;

Que ces images, notamment celles présentant un sachet de petits poids et d'haricots verts surgelés déversé dans une assiette sont accompagnées du commentaire suivant : « 14 produits présentent des traces de 4 molécules interdites en France et en Europe », dont 'un fongicide, l'Iprodiome, un perturbateur endocrinien avéré , ou encore que 'si les résultats sont satisfaisant pour plus de la moitié (les produits testés) le reste contient des pesticides parfois à des taux supérieurs à la normale (...)' ;

Que l'association des commentaires susvisés aux images présentant les produits de la marque T. qui sont les seuls identifiables dans le reportage est de nature à jeter le discrédit sur ces derniers, étant en effet présentés au public comme contenant des pesticides et des perturbateurs endocriniens à des doses supérieures à la normale, pouvant ainsi être nuisibles à la santé ;

Attendu qu'au soutien de leur appel, les sociétés Métropole Télévision, M6 Digital Services et Bedrock font valoir que les conditions du dénigrement de produits posées ci-dessus ne sont pas réunies, notamment en l'absence de l'existence d'un lien de concurrence, comme un détournement de clientèle, unissant les parties œuvrant chacune respectivement dans des secteurs économiques différents (les appelantes dans l'exploitation d'un service de media audiovisuel et les intimées dans la fabrication et la distribution de produits surgelés) ;

Que les sociétés appelantes relèvent que la présence de résidus de pesticides dans les aliments constitue un sujet d'intérêt général ; que le sujet traité dans le reportage repose par ailleurs sur une base factuelle suffisante, puisqu'il rend compte des résultats d'une étude sérieuse et approfondie, menée par «60 millions de consommateurs», dont l'exactitude et la sincérité ne sont pas discutées par les intimées ; qu'elles observent enfin que les propos, les « inserts rédactionnels », ainsi que les images illustrant le reportage, sont mesurés et se bornent à rapporter de manière neutre et objective le contenu de cette étude ;

Attendu que le reportage litigieux diffusé sur la chaîne M6 traite indiscutablement d'un sujet d'intérêt général, puisqu'il rend compte d'une étude menée par «60 millions de consommateurs », un organisme indépendant, sur la nocivité potentielle des produits surgelés et en conserve par une possible contamination aux pesticides et aux perturbateurs endocriniens ;

Que cette étude révèle les résultats des tests réalisés sur un panel de 134 produits de toutes les marques confondues présentes sur le marché ; qu'il en ressort que les cinq produits de la marque T. ainsi testés sont tous notés 'bon' ou 'très bon' sur une échelle allant de « très bon » à « très insuffisant » ; qu'en outre, une répartition des produits selon le nombre de résidus détectés portant sur 19 références testées classe les champignons de Paris émincés surgelés, ainsi que les framboises entières surgelées de la marque « T. bio », parmi « les bons élèves » ;

Qu'ainsi, au constat de ces résultats, les sociétés Métropole Television, M6 Digital Services et Bedrock ne peuvent soutenir que le reportage diffusé repose sur une base factuelle suffisante ; que ce dernier se bornerait à dévoiler objectivement à ses téléspectateurs les résultats de l'enquête diligentée par «60 millions de consommateurs» ; que l'examen des commentaires associés aux images laissent penser en effet que les produits surgelés de la marque T. sont contaminés par des pesticides et des perturbateurs endocriniens à des taux anormalement élevés, alors qu'au contraire, l'étude en question révèle que les cinq produits de la marque T., testés par son centre d'essai parmi 134 autres références, recueillent tous une bonne appréciation (en l'espèce « très bon ») ;

Que la restitution des résultats de l'enquête dirigée par « 60 millions de consommateurs » dans le reportage litigieux constitue un dénigrement des produits surgelés commercialisés par les intimés, dans la mesure où ces derniers sont présentés à l'écran de manière à ce qu'ils soient identifiés par le public, notamment parmi les autres références également testées, comme étant spécialement porteurs de résidus de pesticides et de perturbateurs endocriniens à des doses élevées pouvant être nocives pour la santé des consommateurs ;

Attendu que même en l'absence d'une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation par l'une d'une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l'autre est de nature à constituer un acte de dénigrement ; que les appelantes ne peuvent en conséquence s'exonérer de leur responsabilité, en arguant du fait qu'elles ne sont pas en situation de concurrence au regard de leurs activités économiques respectives ;

Que les appelantes ne peuvent également soutenir que la diffusion du reportage ne saurait être regardée comme fautive puisqu'elle relève fondamentalement de la liberté d'expression et de son droit d'informer de son public sur un sujet de santé publique présentant un intérêt général ; qu'il résulte en effet de ce qui précède que ce reportage caractérise un acte de dénigrement des produits de la marque T. de nature à engager leur responsabilité, et ce par exception au principe de la liberté d'expression réaffirmé par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Qu'il importe peu également que les sociétés appelantes n'auraient en tout état de cause été animées d'aucune intention malveillante à l'égard des sociétés intimées ; qu'ainsi, le seul fait qu'elle soit 'annonceur officiel' de la société Picard, une société concurrente au groupe T., ne serait pas susceptible selon elles de nature à rapporter la preuve de sa mauvaise foi ; qu'il est constant en effet que l'acte de dénigrement de produits est caractérisé indépendamment de la constatation d'un élément intentionnel ;

Qu'il convient en conclusion de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a déclaré les sociétés Métropole Télévision, M6 Digital Services et Bedrock responsables in solidum des conséquences dommageables résultant pour les sociétés intimées du dénigrement de leurs produits surgelés, s'agissant à la fois de sa diffusion sur la chaîne M6 dans le journal intitulé 19.45, puis de sa mise à disposition au public sur son site de « télévision de rattrapage » (« 6Play ») ;

- Sur les préjudices des intimées :

Attendu que les intimées font valoir que la diffusion du reportage litigieux dans son journal télévisé, puis sur son site « M6Play », ont entraîné une baisse de fréquentation par la clientèle de ses magasins et d'activités de son service de livraison à domicile, en particulier au cours des semaines n° 41 à 48 de l'année 2018 ;

Qu'à l'appui d'un document intitulé « annexe éléments chiffrés et détermination de la perte de chiffre d'affaires pour le groupe T. » (cf. pièce n°19), auquel sont jointes deux attestations de leur commissaire aux comptes, elles relèvent que cette baisse globale de fréquentation s'est traduite par celle de son chiffre d'affaires à hauteur de 2 935 200 € se répartissant comme suit :

- réseau magasins (T. Magasins) : 1 250 800 € TTC

- réseau livraison à domicile (T. distribution) : 1 684 400 € TTC

Qu'il en résulte selon ce document une perte totale de marge pour le groupe T. d'un montant 1 496 700 €, se répartissant de la manière suivante entre les trois sociétés :

- T. Magasins : 493 200 €

- T. Distribution : 649 800 €

- Glaces T. : 353 700 €

Que les intimées versent par ailleurs aux débats une étude sur l'impact réalisée courant janvier 2019 par le cabinet Adok Conseil, au moyen d'un sondage effectué sur un panel choisi de 25 consommateurs, duquel il ressort que le reportage litigieux a eu pour conséquence de dégrader l'image de la marque T., lorsque ces derniers ont visionné le reportage (cf. pièce n°18) ;

Attendu que les intimées ne rapportent pas cependant la preuve en l'espèce d'un lien de causalité direct et certain entre la perte de marge constatée par l'étude comptable susvisée avec la diffusion du reportage incriminé, comme le soulignent les appelantes ;

Que la baisse du chiffre d'affaires alléguée n'est en effet corroborée d'aucun autre élément qui permettrait de déterminer si celle-ci est effectivement, en totalité ou même en partie, la conséquence directe de la diffusion du reportage litigieux, s'agissant en particulier de la baisse alléguée des ventes des produits surgelés dans les magasins, laquelle n'est pas justifiée ; qu'il en va de même de celle des livraisons à domicile, dont il n'est pas établi qu'elles auraient baissé sur la période considérée ;

Que par ailleurs, les appelantes observent à juste titre que l'activité des entreprises du groupe T. fait l'objet d'une baisse habituelle chaque année, de septembre à décembre, pour reprendre avec les fêtes de fin d'année, puis celles de Pâques, ce qui n'est pas contesté par les intimées qui reconnaissent un 'décrochage de performance' durant cette période jugée creuse en termes de vente ;

Attendu que par ailleurs, il est justifié par une information diffusée le 21 août 2018, également par « 60 millions de consommateurs », soit deux mois avant la diffusion du reportage, que de nombreux produits surgelés, dont deux de la marque T., ont été retirés du marché pour un risque de contamination des légumes surgelés à la Listéria ; qu'enfin, il est justifié que l'étude dirigée par «60 millions de consommateurs» faisant état d'un risque potentiel de contamination de l'ensemble des fruits et légumes surgelés aux pesticides et perturbateurs endocriniens a été relayée par de nombreux autres média ; que l'ensemble de ces informations ont incité les consommateurs à davantage de méfiance sur les fruits et légumes surgelés susceptibles de contenir des résidus dangereux pour la santé ;

Que pour ces motifs, il convient de débouter les sociétés Glaces T., T. Distribution et T. Magasins de leurs demandes d'indemnisation de leur perte respective de marge, en l'absence de démonstration d'un lien de causalité avec le dénigrement constitué par la diffusion du reportage ;

Attendu qu'il a été précédemment démontré que la diffusion du reportage intitulé « Les pesticides se mettent au frais, des résidus retrouvés dans les fruits et légumes surgelés », puis ensuite sa mise à disposition au public sur le site internet de la chaîne de télévision M6 ont jeté le discrédit sur l'ensemble des produits commercialisés par les sociétés du groupe T., lesquels sont en effet présentés comme pouvant comporter des risques pour la santé des consommateurs, en raison de la présence de résidus de pesticides et de perturbateurs endocriniens ; que contrairement à ce que soutiennent les appelantes, cette atteinte porte non seulement sur les fruits et légumes surgelés exposés mais également sur tous les produits distribués par les sociétés intimés ;

Qu'en effet, il est établi que l'exposition des produits surgelés de la marque T., qui sont en l'espèce les seuls identifiables par les téléspectateurs à l'écran a eu pour effet de nuire généralement à la réputation des sociétés qui en assurent la production et la distribution ; que le reportage litigieux a directement porté atteinte à la réputation des sociétés concernées alors que l'étude réalisée par «60 millions de consommateurs», censée être restituée de manière objective et impartiale, présente justement les produits testés de la marque T. comme étant les mieux classés parmi les autres marques ;

Que la gravité du préjudice moral ainsi subi respectivement par les sociétés Glaces T., T. Distribution et T. Magasins doit s'apprécier au regard du fait que le reportage incriminé a été diffusé sur une chaîne de télévision ayant une audience nationale, dans un journal télévisé et à une heure de grande écoute ; que celui-ci a ensuite été disponible en « replay » sur le site de la chaîne pendant une semaine consécutive ;

Qu'au vu de ces motifs, les sociétés Metropole Télévision, M6 Digital Services et Bedrock seront condamnées in solidum à payer respectivement aux sociétés susvisées la somme de 100 000 €, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral résultant de l'atteinte à leur image née du dénigrement de leurs produits ;

Attendu que la société Industrielle et Financière de Lorraine ne rapporte pas cependant la preuve qu'elle aurait subi un préjudice moral du fait de la diffusion du reportage litigieux ; que les appelantes font en effet valoir à juste titre qu'à la différence des autres sociétés du groupe T., il n'est pas démontré que cette société aurait pour activité principale ou même secondaire la fabrication et la distribution de produits alimentaires surgelés, ayant déclaré au répertoire «Sirene» une 'activité des sièges sociaux ;

Que la société Industrielle et Financière de Lorraine sera dans ces conditions déboutée de sa demande de dommages et intérêts, dès lors qu'elle ne justifie pas d'un préjudice moral résultant d'une atteinte à son image ou à sa réputation, compte tenu de la nature de ses activités dont le lien avec la commercialisation de produits alimentaires n'est pas démontré ;

Attendu que sur la base d'un document intitulé 'récapitulatif budget production campagne qualité produits (print produits + films digitaux)' établi par l'agence de communication BETC, la société T. Magasins sollicite la condamnation des sociétés Metropole Television, M6 Digital Services et Bedrock au paiement d'une somme de 2 646 308 € correspondant, aux frais de campagne qu'elle prétend avoir exposés pour restaurer son image de marque auprès de ses clients suite à la diffusion du reportage incriminant ses produits surgelés ; que la société Industrielle et Financière de Lorraine (SIFL) demande également que les sociétés appelantes soient condamnées au paiement d'une somme de 796 620 € au titre de ces mêmes frais ;

Qu'il n'est pas démontré cependant que les dépenses de communication ainsi justifiées auraient été engagées par les sociétés T. Magasins et Industrielle et Financière de Lorraine (SIFL) dans le but d'informer les consommateurs sur l'absence de toxicité de ses produits surgelés, dont l'image a été ternie par la diffusion du reportage litigieux ; que celles-ci versent aux débats les supports publicitaires diffusés au cours du premier semestre de l'année 2020 en vue de la promotion de l'ensemble de ses produits, lesquels n'ont en l'occurrence aucun rapport avec ce dernier ;

Que les sociétés T. Magasins et Industrielle et Financière de Lorraine (SIFL) ne justifient pas en l'espèce qu'elles auraient exposé des dépenses afin de rétablir la confiance de sa clientèle, spécifiquement sur l'absence de pesticides et de perturbateurs endocriniens contenus dans les fruits et légumes surgelés vendus dans ses différents magasins ; que celles-ci seront donc déboutées de leurs demandes formées de ce chef ;

Attendu que les sociétés intimées font valoir qu'elles ont été contraintes d'exposer des frais afin d'évaluer l'impact du reportage diffusé par M6 sur les consommateurs et appréhender au mieux les mesures à prendre pour en corriger les effets néfastes ; qu'elles précisent avoir eu recours aux services du professeurs Didier C., ainsi que d'un cabinet indépendant spécialisé en étude de marché, la société Adok ; qu'elles sollicitent en conséquence la condamnation des appelantes au paiement de la somme de 46 699 € correspondant à l'intervention de ces deux experts ;

Que la quittance de paiement établie le 31 mai 2019 par M. Didier C. (24 750 €) ainsi que la facture de la société Adok Conseil en date du 24 janvier 2019 (21 949 €) ne comportent aucun détail des prestations facturées à la société Glaces T. ; que les sociétés intimés ne justifient pas par ailleurs du coût des mesures d'information et de publicité qu'elles prétendent avoir prises afin de restaurer l'image de marque auprès des consommateurs, consécutivement à la diffusion du reportage litigieux ; que la demande présentée de ce chef par les intimées sera par conséquent rejetée ;

Attendu qu'il convient enfin en complément des mesures financières de réparation d'ordonner la publication limité toutefois au site internet de la chaîne M6 (https://www.6play.fr) du dispositif de la présente décision, dans un délai d'un mois courant à compter de sa notification, et passé ce délai sous astreinte de 200 € par jour de retard ; que pour s'opposer à cette publication, les appelantes ne peuvent soutenir que celle-ci serait dépourvue d'intérêt, compte tenu notamment du temps écoulé depuis la diffusion du reportage incriminé ;

Que cette mesure apparaît en effet nécessaire à la réparation du préjudice subi par les sociétés du groupe T., étant observé que ces dernières, parties intimées, ne peuvent être tenues responsables de la durée de la procédure devant la cour ;

Attendu que les sociétés Metropole Télévision, Digital Services et Bedrock ne démontrent enfin aucune atteinte au principe de la liberté d'expression protégé par l'article 10 paragraphe 2 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que le droit d'information qui en constitue le corollaire ne s'oppose pas au principe d'une réparation intégrale par les juridictions nationales des préjudices subis par des entreprises commerciales victimes d'actes de dénigrement de leurs produits ou de leurs services ;

Que les sanctions pécuniaires prononcées à l'encontre des appelantes, ainsi que la mesure de publicité du dispositif de la présente décision qui a été précédemment ordonnée apparaissent en tout état de cause proportionnées à la gravité des actes de dénigrement reprochés et à la notoriété des sociétés du groupe T. qui sont présentes sur l'ensemble du territoire national ; que l'atteinte à l'image de marque des sociétés du groupe T., résultant des actes de dénigrement, dont elles sont victimes, justifient en l'espèce une réparation intégrale de leur préjudice sous la forme d'une condamnation à des dommages et intérêts de leurs auteurs ;

Que le quantum des dommages et intérêts présentement alloués est en l'occurrence strictement motivé par la nécessité d'une juste indemnisation des sociétés victimes, dont l'activité commerciale est importante, comme en atteste son chiffre d'affaires, ainsi que ses résultats financiers ; que le montant des dommages et intérêts ainsi alloué aux intimées n'est pas motivé par le caractère dissuasif attaché à toute sanction pécuniaire, comme le prétendent les appelantes, mais est fondé sur le principe d'une réparation intégrale de leur préjudice ;

- Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure :

Attendu que les sociétés Metropole Télévision, Digital Services et Bedrock, succombant dans leurs prétentions, seront condamnées in solidum aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel ; qu'elles seront déboutées de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en première instance et en cause d'appel ;

Que les sociétés Metropole Télévision, Digital Services et Bedrock seront condamnées in solidum à payer aux sociétés Glaces T., T. Distribution, T. Magasins la somme de 25 000 €, au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en première instance et en cause d'appel ;

Qu'enfin, la Société Industrielle et Financière de Lorraine sera déboutée de ses demandes formées aux titres des frais irrépétibles de procédure exposés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,

Confirme le jugement entrepris, en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés Metropole Télévision, M6 Digital Services et Bedrock, déclaré les sociétés M6 Digital Services et Bedrock mal fondées en leur demande de mise hors de cause et la société M6 Distribution Digital en son intervention volontaire, débouté la Société Industrielle et Financière de Lorraine de sa demande de remboursement des frais d'études engagés, condamné in solidum les sociétés Metropole Télévision, M6 Digital Services et Bedrock aux dépens de l'instance ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

-Déboute la S.A.S Société Industrielle et Financière de Lorraine de toutes ses demandes,

-Condamne in solidum les sociétés S.A Metropole Télévision, S.A.S M 6 Digital Services et S.A.S.U Bedrock à payer à la S.A.S Glaces T. la somme 100 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

-Condamne in solidum les sociétés S.A Metropole Télévision, S.A.S M 6 Digital Services et S.A.S.U Bedrock à payer à la S.A.S T. Distribution la somme 100 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

-Condamne in solidum les sociétés S.A Metropole Télévision, S.A.S M 6 Digital Services et S.A.S.U Bedrock à payer à la S.A.S T. Magasins la somme 100 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

-Déboute les sociétés S.A.S Glaces T., T. Distribution et T. Magasins de leurs autres demandes d'indemnisation ;

-Ordonne la publication sur le site internet de la chaîne M6 (https://www.6play.fr) du dispositif de la présente décision, sous quelque forme que se soit, sous astreinte de 200 € par jour de retard dans un délai d'un mois courant à compter de sa notification du présent arrêt, passé ce délai sous astreinte de 200 € par jour de retard pendant trois mois ;

-Déboute les sociétés Metropole Télévision, Digital Services et Bedrock et Société Industrielle et Financière de Lorraine (SIFL) de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en première instance et en cause d'appel ;

-Condamne in solidum les sociétés S.A Metropole Télévision, S.A.S M 6 Digital Services et S.A.S.U Bedrock à payer aux sociétés S.A.S Glaces T., T. Distribution et T. Magasins la somme de 25 000 € au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en première instance et en cause d'appel ;

-Condamne in solidum les sociétés S.A Metropole Télévision, S.A.S M 6 Digital Services et S.A.S.U Bedrock aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel,

-Rejette toute autre demande.

Le présent arrêt a été signé par Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame Emilie ABAD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

Minute en quatorze pages.

Décision(s) antérieure(s)

•             Tribunal de Commerce Nancy 12 Avril 2021 19/006864 20/004914