Cass. 3e civ., 13 octobre 2021, n° 20-18.333
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Défendeur :
Suresnes-Enghien (SCI), Groupe immobilier Europe (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Rapporteur :
Mme Aldigé
Avocat :
SCP Alain Bénabent
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juin 2020), la société civile immobilière Suresnes-Enghien (la SCI), propriétaire de locaux commerciaux situés à [Localité 1] et donnés à bail à M. et Mme [T], leur a délivré un congé avec offre de renouvellement et les a assignés en fixation du prix du loyer du bail renouvelé devant le juge des loyers commerciaux, lequel a constaté le déplafonnement du loyer en raison de la durée du bail supérieure à douze ans.
2. Invoquant un manquement contractuel de la bailleresse à son obligation de loyauté et d'information dans l'exécution du bail commercial, réalisé avec le concours fautif de sa mandataire, la société Groupe immobilier Europe, M. et Mme [T] les ont assignées devant le tribunal de grande instance de Paris en responsabilité contractuelle et délictuelle, afin d'obtenir réparation des préjudices relatifs au déplafonnement du loyer de renouvellement, à la perte de valeur marchande de leur fonds de commerce née de la hausse du loyer de renouvellement et à leur préjudice moral d'anxiété.
3. La SCI et la société Groupe immobilier Europe ont soulevé l'incompétence territoriale du tribunal de grande instance de Paris au profit du tribunal de grande instance du lieu de situation de l'immeuble.
Enoncé du moyen
4. M. et Mme [T] font grief à l'arrêt de déclarer le tribunal de grande instance de Paris territorialement incompétent au profit du tribunal de grande instance de Créteil, alors « que la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur ; que les actions en responsabilité contractuelle et délictuelle suivent le régime de droit commun ; que la compétence dérogatoire du tribunal judiciaire du lieu de situation de l'immeuble posée par l'article R. 145-23 du code de commerce, d'interprétation stricte, se limite aux contestations spécifiquement relatives à l'application du statut des baux commerciaux ; qu'en l'espèce, par exploits des 28 juin et 3 juillet 2018, M. et Mme [T] ont assigné la SCI et la société Groupe immobilier Europe devant le tribunal de grande instance de Paris au visa respectif des articles 1134 alinéa 3 et 1382 anciens du code civil, aux fins de les voir condamner in solidum à leur payer une somme provisoirement fixée à 112 020 euros, en réparation du préjudice subi du fait du déplafonnement du loyer de renouvellement consécutif à leurs fautes, outre une somme provisoirement fixée à 89 616 euros, en réparation de la perte de valeur marchande de leur fonds de commerce née de l'importante hausse du loyer de renouvellement, ainsi que la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral d'anxiété ; que ces demandes tendaient à engager la responsabilité contractuelle de la SCI et la responsabilité délictuelle de la société Groupe immobilier Europe, de sorte le tribunal de grande instance (désormais tribunal judiciaire) territorialement compétent était nécessairement le tribunal du lieu de leurs sièges sociaux, lesquels se situaient à Paris ; qu'en déclarant territorialement compétent le tribunal judiciaire du lieu de situation de l'immeuble situé à [Localité 1], la cour d'appel a violé l'article R. 145-23 du code de commerce, par fausse application, et l'article 42 du code de procédure civile, par refus d'application. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel a relevé qu'au soutien de leur action en responsabilité contractuelle et délictuelle, M. et Mme [T] reprochaient au bailleur et à son mandataire de ne pas les avoir informés de l'irrégularité de leur demande de renouvellement du bail, alors qu'ils auraient eu la possibilité de régulariser cette demande dans les délais conformément aux dispositions de l'article L. 145-10 du code de commerce, de les avoir laissés dans l'ignorance des conséquences de l'absence de renouvellement du bail entraînant le déplafonnement du loyer à l'expiration du délai de douze ans, d'avoir volontairement gardé le silence afin de pouvoir, après que la durée du bail expiré a atteint douze ans par l'effet de la tacite prolongation, délivrer une offre de renouvellement moyennant un loyer déplafonné.
6. Elle a également relevé que M. et Mme [T] sollicitaient l'indemnisation de préjudices économiques résultant du différentiel entre le loyer contractuel et le montant du loyer déplafonné, ainsi que de la perte de valeur de leur fonds.
7. Elle a justement retenu que, les fautes reprochées à la bailleresse et à sa mandataire et les préjudices allégués par les locataires trouvant leur source dans l'application des règles spécifiques au statut des baux commerciaux tenant à la délivrance du congé et au déplafonnement du loyer, la solution du litige requérait une appréciation des règles du statut des baux commerciaux.
8. Elle en a exactement déduit que le tribunal compétent était celui du lieu de situation de l'immeuble loué.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.