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Décisions

CA Grenoble, 1re ch., 16 novembre 2021, n° 20/00730

GRENOBLE

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Combes

Conseillers :

Mme Blatry, M. Grava

TJ Grenoble, du 13 janv. 2020, n° 17/037…

13 janvier 2020

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

En décembre 2016, Monsieur Félix Tran Van S. a vendu à Monsieur Mohamed B. un véhicule d'occasion de marque Renault Type Clio immatriculé AV 398 AJ à un prix non justifié.

Monsieur B. a revendu l'automobile le 11 février 2017 à Monsieur Antoine R. moyennant le prix de 7.890,00 €.

Ayant immédiatement constaté divers dysfonctionnements, Monsieur R. a confié, le 17 février 2017, le véhicule automobile à un garagiste qui l'a informé de la dangerosité de celui-ci et de la nécessité de l'immobiliser.

Après organisation d'une expertise amiable, Monsieur R. a, suivant exploits d'huissier des 28 août, 31 août et 1er septembre 2017, fait citer Monsieur Tran Van S., Monsieur B. et la SARL Contrôle Technique Auto Comboire, qui a effectué le contrôle technique préalable à la vente, en résolution du contrat de vente et en dommages-intérêts.

Par jugement réputé contradictoire du 13 janvier 2020 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Grenoble a:

•             prononcé la résolution de la vente du véhicule automobile Renault Clio passée entre Monsieur B. et Monsieur R. le 11 février 2017,

•             condamné Monsieur B. à restituer à Monsieur R. le prix de vente de 7.890,00' avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

•             dit que la restitution du véhicule automobile se fera aux frais de Monsieur B.,

•             condamné in solidum Monsieur Tran Van S. et la SARL Contrôle Technique Auto Comboire à payer Monsieur R. la somme de 6.364,76 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement en réparation de ses préjudices,

•             débouté Monsieur B. de sa demande en résolution de la vente intervenue avec Monsieur Tran Van S. en décembre 2016,

•             rejeté le surplus des demandes,

•             condamné in solidum Monsieur Tran Van S., Monsieur B. et la SARL Contrôle Technique Auto Comboire à payer à Monsieur R. une indemnité de procédure de 1.500,00 € et à supporter les dépens comprenant les frais d'expertise amiable.

Selon déclaration du 12 février 2020, Monsieur Tran Van S. a relevé appel de cette décision.

Par uniques conclusions du 11 mai 2020, Monsieur Tran Van S. demande de confirmer le jugement déféré sur le rejet de la demande en résolution de Monsieur B., d'infirmer pour le surplus et de:

1) à titre principal :

•             dire que le rapport d'expertise amiable lui est inopposable,

•             dire que les vices dont se prévaut Monsieur R. étaient apparents et constatés avant l'achat et que sa connaissance de ceux-ci n'est pas démontrée,

•             débouter Monsieur R. de l'ensemble de ses demandes,

2) subsidiairement, condamner la SARL Contrôle Technique Auto Comboire à le relever et garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre,

3) en tout état de cause, condamner in solidum Monsieur B., Monsieur R. et la SARL Contrôle Technique Auto Comboire à lui payer une indemnité de procédure de 2.000,00 €.

Il fait valoir que :

•             Monsieur R. fonde ses demandes sur un seul rapport d'expertise qui n'est pas contradictoire,

•             les vices que déplore Monsieur R. sont tous apparents et un simple contrôle visuel pouvait les révéler,

•             Monsieur R. ne rapporte pas la preuve de l'existence des vices lors de la vente intervenue au bénéfice de Monsieur B.,

•             il n'est pas davantage démontré qu'il avait connaissance des vices,

•             à défaut, la responsabilité du contrôleur technique est engagée et justifie sa condamnation à le garantir d'une éventuelle condamnation.

Par conclusions du 30 juillet 2020, Monsieur R. demande de :

1) à titre principal, confirmer le jugement déféré,

2) subsidiairement :

•             dire que le véhicule litigieux est atteint d'un défaut de conformité et que la SARL Contrôle Technique Auto Comboire engage sa responsabilité,

•             ordonner la résolution de la vente avec Monsieur B.,

•             condamner Monsieur B. à lui restituer le prix de vente,

•             condamner solidairement Monsieur B., Monsieur Tran Van S. et la SARL Contrôle Technique Auto Comboire à lui payer les sommes de :

•             6.000,00 € en réparation de son préjudice de jouissance,

•             364,76 € au titre des préjudices annexes,

3) en tout état de cause, condamner Monsieur B. et Monsieur Tran Van S. à lui payer solidairement la somme de 3.000,00 € d'indemnité de procédure.

Il explique que :

•             le véhicule a fait l'objet de deux classements en état de perte totale après avoir subi deux accidents particulièrement graves,

•             il a été réparé à moindre coût et toute la structure du véhicule est défaillante,

•             en outre, le véhicule a été vendu avec un contrôle technique qui ne correspond pas à son état réel,

•             à défaut de garantie des vices cachés, il sera retenu un défaut de conformité,

•             il est parfaitement fondé à poursuivre Monsieur Tran Van S. puisque le sous-acquéreur dispose d'une action contractuelle directe contre le précédent acquéreur,

•             la preuve des désordres est parfaitement rapportée par un rapport d'expertise corroborée par divers autres éléments,

•             les deux accidents sont survenus alors que Monsieur Tran Van S. était propriétaire,

•             Monsieur Tran Van S. ne justifie pas des conditions de réparation du véhicule après ces accidents,

•             la connaissance des vices par Monsieur Tran Van S. ne fait aucun doute compte tenu de la datation des deux accidents,

•             la mauvaise foi de Monsieur B. ressort de ce qu'il a immédiatement revendu le véhicule acquis auprès de Monsieur Tran Van S.,

•             la responsabilité du contrôleur technique est engagée compte tenu de ce qu'il n'a pas détecté plusieurs défauts graves qu'il lui appartenait de vérifier,

•             il a subi un préjudice de jouissance incontestable.

En dernier lieu, le 7 août 2020, Monsieur B. demande d'infirmer le jugement déféré et de :

1) à titre liminaire, lui donner acte qu'il ne s'oppose pas à une mesure d'expertise,

2) à titre principal, débouter Monsieur R. de sa demande en résolution de la vente et en condamnation à dommages-intérêts,

3) subsidiairement,

•             prononcer la résolution de la vente avec Monsieur Tran Van S. et le condamner à lui payer la somme de 8.000,00' au titre de la restitution du prix de vente,

•             condamner Monsieur Tran Van S. et la SARL Contrôle Technique Auto Comboire à le relever et garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre,

4) en tout état de cause, condamner Monsieur R. ou qui mieux le devra à lui payer une indemnité de procédure de 2.000,00 €.

Il explique que :

•             compte tenu de problèmes de santé incompatibles avec la conduite, il a dû revendre rapidement le véhicule automobile litigieux,

•             ni le contrôleur technique ni l'expert dans les procédures Véhicule Gravement Endommagé (VGE) et Véhicule Economiquement Irréparables (VEI) n'ont été convoqués alors que leur responsabilité est susceptible d'être engagée,

•             l'expert amiable s'est contenté de rechercher sa responsabilité alors qu'il n'a gardé le véhicule litigieux que quelques mois,

•             le rapport d'expertise amiable est insuffisant et une expertise judiciaire s'impose,

•             de nombreux défauts étaient apparents et Monsieur R. est réputé les avoir acceptés,

•             Monsieur R. ne démontre pas que les défauts qu'il allègue étaient antérieurs à la vente,

•             Monsieur R. ne démontre pas davantage un défaut de délivrance conforme,

•             à défaut, la vente qu'il a conclue avec Monsieur Tran Van S. sera résolue, les deux graves accidents s'étant produits alors que celui-ci était propriétaire,

•             le contrôleur technique engage également sa responsabilité en n'ayant pas relevé divers graves défauts.

La SARL Contrôle Technique Auto Comboire, citée le 19 août 2020 à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

La décision sera réputée contradictoire.

La clôture de la procédure est intervenue le 21 septembre 2021.

SUR CE

1/ sur les demandes de Monsieur R.

sur la résolution de la vente conclue avec Monsieur B.

Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui en diminuent tellement l'usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.

Au soutien de sa demande en résolution de la vente passée avec Monsieur B., Monsieur R. verse aux débats une recherche des antécédents sinistres avec l'historique constructeur, un rapport d'information du 27 mars 2017 et un rapport d'expertise amiable du 2 mai 2017.

Ces éléments, soumis à la discussion contradictoire des parties, sont suffisants pour administrer la preuve des faits qu'allègue Monsieur R..

Monsieur B. critique l'expert amiable de ne pas voir appelé aux opérations d'expertise le contrôleur technique et l'expert dans les procédures VEI et VGE.

Il appartenait à Monsieur B. de les attraire à la procédure s'il le souhaitait et il ne peut faire peser sa défaillance sur l'expert amiable.

Il ressort des éléments produit que, principalement :

•             le véhicule litigieux a subi deux accidents, le premier, le 1er septembre 2012 et, le second, le 12 janvier 2015, ayant entraîné son classement en VGE et VEI,

•             il a été réparé à moindre coût et hors des règles de l'art, engendrant notamment des désordres non apparents tenant à des déformations du berceau moteur et de la jante avant gauche laquelle est lestée de plomb,

•             ces problèmes de structure du véhicule le rendent dangereux à la circulation.

Dès lors, c'est à tort que Monsieur Tran Van S. et Monsieur B. s'en tiennent à d'autres désordres qui étaient apparents, notamment sur la carrosserie.

Ainsi, Monsieur R., qui démontre l'existence de vices cachés, antérieurs à la vente et qui rendent le véhicule impropre à son usage, est bien fondé en sa demande de résolution de la vente conclue avec Monsieur B..

Le jugement déféré qui condamne Monsieur B. à restituer le prix de vente à Monsieur R. après reprise à ses frais du véhicule sera confirmé sur ces points.

Monsieur B. sera, en outre, condamné à payer à Monsieur R. la somme de 364,76 €

au titre des frais de carte grise qui sont directement liés à la résolution de la vente.

sur la demande de dommages-intérêts à l'encontre de Monsieur Tran Van S. et de Monsieur B.

Selon l'article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous dommages et intérêts envers l'acheteur.

Le premier juge a justement relevé que la seule concomitance de l'achat du véhicule litigieux à Monsieur Tran Van S. et de sa revente à Monsieur R. était insuffisante à caractériser la mauvaise foi de Monsieur B..

Le sous-acquéreur disposant d'une action contractuelle directe contre le précédent acquéreur,

Monsieur R. est recevable à poursuivre Monsieur Tran Van S. en paiement de dommages-intérêts.

Les deux accidents ayant gravement endommagé la structure du véhicule litigieux étant survenus alors que Monsieur Tran Van S. était propriétaire et celui-ci ne justifiant aucunement des travaux de réfections réalisés, sa mauvaise foi est établie.

Dès lors, c'est à juste titre que le tribunal a condamné Monsieur Tran Van S. à payer à Monsieur R. la somme, justifiée par une facture de location, de 6.000,00' en réparation de son préjudice de jouissance.

2/ sur la demande de Monsieur B. en résolution de la vente conclue avec Monsieur Tran Van S.

Le tribunal a débouté Monsieur B. de cette demande au motif que les conditions de cette vente étaient inconnues, notamment sur le prix de vente, et que Monsieur B. échouait à rapporter la preuve de l'existence de vices cachés.

Monsieur B. ne produit pas le moindre élément au soutien de la défense de ses intérêts.

Si aucun élément n'est communiqué sur les conditions de la vente, tant Monsieur Tran Van S. que Monsieur B. s'accordent sur la réalité de celle-ci et Monsieur Tran Van S. reconnaît un prix de vente de 3.800,00' alors que Monsieur B. avance, sans aucune démonstration, un prix de 8.000,00 €.

Au regard de ces éléments, le prix de la vente Tran Van S. / B. sera retenu à la somme de 3.800,00 €.

En outre, il est certain que les désordres affectant la structure du véhicule et le rendant dangereux résultent des deux accidents subis par Monsieur Tran Van S. qui n'a pas fait réparer le véhicule selon les règles de l'article.

Dès lors, Monsieur B., établissant l'existence de vices cachés, antérieurs à la vente de décembre 2016 et rendant le véhicule impropre, est bien fondé en sa demande de résolution qui sera prononcée.

Monsieur Tran Van S. sera dès lors condamné à payer à Monsieur B. la somme de 3.800,00 € en restitution du prix et à reprendre possession du véhicule à ses frais.

3/ sur les demandes à l'encontre de la SARL Contrôle Technique Auto Comboire

Il est établi que le procès-verbal du 2 janvier 2017 ne vise aucun défaut à corriger avec contre-visite et 4 défauts à corriger sans contre-visite, soit déséquilibre frein de service, réglage trop bas d'un feu de croisement, anomalie de fonctionnement d'un feu anti-brouillard et pneumatiques usés.

Le procès-verbal ne mentionnant pas les défauts les plus graves, notamment l'usure prématurée des disques de frein, le défaut d'étanchéité de la distribution et le défaut de fonctionnement des airbags, il est ainsi établi la faute du contrôleur technique.

Il s'ensuit que ce document fautif a concouru à la décision d'acquisition de Monsieur R. et lui a causé un préjudice, faute d'une information correcte.

Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a condamné la SARL Contrôle Technique Auto Comboire in solidum avec Monsieur Tran Van S. à payer à Monsieur R. des dommages-intérêts de 6.000,00 € en réparation de son préjudice de jouissance.

Concernant la demande de garantie de Monsieur B., la restitution du prix à Monsieur R. étant la contrepartie de la restitution du véhicule automobile, aucune demande de garantie ne peut prospérer à l'encontre du contrôleur technique ainsi que l'a justement retenu le tribunal.

Enfin, c'est également à bon droit que la demande de garantie de Monsieur Tran Van S. a été rejetée, celui-ci n'ayant aucune lien contractuel avec la SARL Contrôle Technique Auto Comboire et ne pouvant s'exonérer de sa propre turpitude, d'autant plus par une faute commise bien après sa vente du véhicule litigieux à Monsieur B..

4/ sur les mesures accessoires

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice de Monsieur R..

Enfin, Monsieur Tran Van S., Monsieur B. et la SARL Contrôle Technique Auto Comboire supporteront in solidum les dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

•             prononcé la résolution de la vente du véhicule automobile Renault Clio passée entre Monsieur B. et Monsieur R. le 11 février 2017,

•             condamné Monsieur B. à restituer à Monsieur R. le prix de vente de 7.890,00' avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

•             dit que la restitution du véhicule automobile se fera aux frais de Monsieur B.,

•             condamné in solidum la SARL Contrôle Technique Auto Comboire et Monsieur Tran Van S. à payer Monsieur R. des dommages-intérêts,

•             débouté Monsieur Tran Van S. et Monsieur B. de leur demande en garantie à l'encontre de la SARL Contrôle Technique Auto Comboire,

•             condamné in solidum Monsieur Tran Van S., Monsieur B. et la SARL Contrôle Technique Auto Comboire à payer à Monsieur R. une indemnité de procédure de 1.500,00 € et à supporter les dépens comprenant les frais d'expertise amiable,

L'infirme sur le quantum des condamnations et sur le rejet de la demande en résolution de Monsieur Mohamed B.,

Statuant à nouveau,

Condamne Monsieur Mohamed B. à payer à Monsieur Antoine R. la somme de 364,76 € au titre des frais de carte grise,

Condamne in solidum Monsieur Felix Tran Van S. et la SARL Contrôle Technique Auto Comboire à payer Monsieur Antoine R. la somme de 6.000,00 € au titre de son préjudice de jouissance,

Prononce la résolution de la vente de décembre 2016 conclue entre Monsieur Felix Tran Van S. et Monsieur Mohamed B.,

Condamne Monsieur Felix Tran Van S. à payer à Monsieur Mohamed B. la somme de 3.800,00 € au titre de la restitution du prix,

Condamne Monsieur Felix Tran Van S. à venir récupérer à ses frais le véhicule Renault Clio immatriculé AV 398 AJ,

Y ajoutant,

Condamne in solidum Monsieur Mohamed B. et Monsieur Felix Tran Van S. à payer à Monsieur Antoine R. la somme de 3.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Monsieur Mohamed B., Monsieur Felix Tran Van S. et la SARL Contrôle Technique Auto Comboire aux dépens de la procédure d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame COMBES, président, et par Madame BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Décision(s) antérieure(s)

•             Tribunal judiciaire GRENOBLE 13 Janvier 2020 17/03768