Cass. com., 17 mai 2011, n° 10-30.425
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Gatineau et Fattaccini
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 décembre 2009), qu'en 2006 et 2007, la société Atlancim Hirson (la société AH) a financé, durant plusieurs mois, l'activité de sa filiale, la société Askea industries (la société AI), par des apports en compte courant d'associé à concurrence de 5 546 999 euros, qui lui ont été partiellement remboursés les 29 décembre 2006 et 2 février 2007 sous forme de deux cessions de créances à concurrence de 1 375 251 euros et 1 195 468 euros ; que, le 28 février 2007, la société Ai a été mise en redressement judiciaire, la date de cessation des paiements étant provisoirement fixée au 21 février 2007 ; que, le 29 mars 2007, la société AI a été mise en liquidation judiciaire, M. X étant désigné liquidateur ; que, par jugement du 1er décembre 2008, le tribunal a reporté la date de cessation des paiements de la société AI au 1er décembre 2006, a annulé les actes de cession de créances des 29 décembre 2006 et 2 février 2007 et a ordonné la remise des portefeuilles de créances litigieux à M. X, ès qualités ;
Attendu que la société AH fait grief à l'arrêt d'avoir reporté la date de cessation des paiements de la société Ai au 1er décembre 2006, d'avoir, en conséquence, annulé les actes de cession de créances conclus entre elles les 29 décembre 2006 et 2 février 2007 et ordonné la remise des portefeuilles de créances litigieux entre les mains du liquidateur et de l'avoir débouté de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que la cessation des paiements, notion comptable qui se distingue de la notion de situation irrémédiablement compromise, résulte de l'incapacité du débiteur à faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; que les liquidités apportées par un actionnaire par la voie d'avances en compte courant constituent, pour le débiteur, des actifs disponibles tant que le remboursement n'en a pas été demandé et doivent, dès lors, être prises en compte pour l'appréciation de la date de survenance de la cessation des paiements, peu important qu'un tel mode de financement n'ait contribué qu'à maintenir l'entreprise en survie artificielle ; qu'il résulte des constatations mêmes de l'arrêt attaqué que la société Askea industries avait, tout au long de son existence, bénéficié d'apports massifs de liquidités de la part de son actionnaire, la société Atlancim Hirson, sous la forme d'avances en compte courant ; que, pour décider néanmoins de reporter la date de cessation des paiements au 1er décembre 2006, la cour d'appel a énoncé, d'une manière générale, que la cessation des paiements naît au moment où le débiteur a perdu tout crédit auprès des partenaires de l'entreprise, même si cette perte de crédit a été occultée un certain temps par le recours à des moyens de financement anormaux, puis a relevé, qu'en l'espèce, les liquidités apportées au débiteur par son actionnaire n'avaient pu constituer des actifs disponibles dès lors qu'elles caractérisaient un mode de financement anormal ayant eu pour seul effet de maintenir en survie artificielle une exploitation structurellement déficitaire ; qu'en se déterminant par de tels motifs, qui procèdent d'une confusion entre les notions de cessation des paiements et de situation irrémédiablement compromise, quand il lui appartenait seulement de rechercher si les liquidités apportées au débiteur avaient été suffisantes pour lui permettre de faire face à son passif alors exigible, la cour d'appel a violé les articles L. 631-1 et L. 631-8 du code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que la société AH ne contestait pas sérieusement que la société AI ne pouvait plus faire face depuis de nombreux mois à ses besoins en fonds de roulement, celle-ci ne disposant ni de crédit auprès des organismes financiers extérieurs, notamment auprès des banquiers, ni d'un carnet de commandes suffisant pour espérer recouvrer à court ou moyen terme un niveau d'activité compatible avec ses charges d'exploitation; qu'il relève en outre que le maintien de l'activité de la société Ai jusqu'au 21 février 2007, date de la déclaration de cessation des paiements, n'a été possible qu'au moyen d'une trésorerie artificiellement entretenue par les avances en compte courant que lui a versées sa société mère, lesquelles n'ont fait que retarder la constatation de la cessation des paiements dans la mesure où le crédit accordé par la société AH revêtait incontestablement un caractère artificiel et résultait de circonstances anormales ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations qui font apparaître que l'impossibilité dans laquelle se trouvait la société Ai antérieurement au 21 février 2007 de faire face à son passif exigible avec son actif disponible avait été masquée par le financement, anormal en l'espèce, dont elle avait bénéficié de la part de sa société mère, la cour d'appel a pu retenir que la date de la cessation des paiements devait être reportée au 1er décembre 2006 ; que le moyen n'est pas fondé
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.