CA Reims, 1re ch. sect. instance, 13 septembre 2019, n° 19/00620
REIMS
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Brunel
Conseillers :
Mme Lefevre, Mme Magnard
Vu le jugement rendu le 25 septembre 2018 par le juge du tribunal d'instance de Reims qui, saisi par M. Gilles B. d'une demande d'annulation de la vente d'un véhicule acquis par lui auprès de M. Sassi B, a :
- débouté M. Gilles B. de ses prétentions à l'encontre de M. Sassi B,
- condamné M. Gilles B, aux dépens ;
Vu la décision d'attribution de l'aide juridictionnelle totale en date du 18 janvier 2019 ;
Vu la déclaration d'appel de M. Gilles B, en date du 11 mars 2019, appel relatif aux chefs du jugement ayant rejeté ses prétentions à l'encontre de M. Sassi B, et l'ayant condamné aux entiers dépens ;
Vu les conclusions de M. Gilles B, en date du 12 avril 2019 demandant à la cour :
- d'infirmer le jugement susvisé,
- de constater que M. Sassi B, exerçant sous l'enseigne SB AUTO 51 a manqué à son obligation précontractuelle d'information à l'égard de M. Gilles B, en ce qui concerne l'état du véhicule vendu, les accidents antérieurs l'ayant affecté ainsi que l'origine de celui-ci,
- prononcer en conséquence l'annulation de la vente sur le fondement de l'article 1112-1 du code civil,
Subsidiairement :
- de constater que le véhicule vendu à M. Gilles B, par M. Sassi B, exerçant sous l'enseigne SB AUTO 51, est affecté de vices cachés le rendant impropre à l'usage auquel il est destiné ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus,
- ordonner en conséquence la résolution de la vente sur le fondement des dispositions des articles 1641 et 1217 du code civil,
- dire et juger en tout état de cause que M. Sassi B. a engagé sa responsabilité à l'égard de M. Gilles B, et commis des manquements contractuels pour lesquels M. Gilles B, est en droit d'obtenir réparation,
- En conséquence et en tout état de cause :
- condamner M. Sassi B à payer à M. Gilles B les sommes suivantes :
* 2 800 euros en remboursement du prix de vente du véhicule majorée des intérêts au taux légal a compter du 9 décembre 2017, date de paiement, jusqu’au parfait remboursement de celle-ci,
* 1 400,80 euros en remboursement de la facture de la Sarl Garage Sainte Anne (réparation défaut d'embrayage),
* 217,74 euros correspondant au coût de la facture garage Klata (remplacement faisceau injection)
* 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices matériels et immatériels subis par M. Gilles B. du fait des manquements de M. Sassi B,
- ordonner la reprise par M. Sassi B, du véhicule vendu immatriculé n° AP 998 NK sous astreinte de 150 euros par jour de retard a compté de la signification de la décision à intervenir,
- condamner M. Sassi B. à payer à M. Gilles B, la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter M. Sassi B. de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions plus amples ou contraires,
- condamner M. Sassi B, en tous les dépens ;
Vu la signification de la déclaration d'appel, des conclusions et des pièces faites à la requête de M. Gilles B en date du 16 avril 2019, signification faite à l'étude ;
Vu l'ordonnance de clôture intervenue le 21 juin 2019 ;
Il est renvoyé aux conclusions pour un exposé détaillé des demandes et des moyens.
RAPPEL DES ÉLÉMENTS DE FAIT ET DE PROCEDURE
Il est renvoyé à la décision déférée à la cour pour un rappel des éléments de fait. Il sera seulement indiqué que le 9 décembre 2017, M. Gilles B. a acquis auprès de M. Sassi B, exerçant sous l'enseigne SB AUTO 51, un véhicule de type Peugeot 206 immatriculé AP988NK, moyennant la somme de 2 800 euros.
Suite à la découverte de problèmes d'embrayage, M. Gilles B, a, par lettre commandée avec avis de réception du 17 janvier 2018 informé M. Sassi B. de la présence d'un vice caché rendant impropre l'usage du véhicule et l'a mis en demeure de prendre en charge les réparations ou à défaut de lui rembourser le prix de vente. M Sassi B. lui a indiqué par courrier vouloir prendre en charge la réparation.
En définitive, Monsieur B, a fait procéder à la réparation par un autre garagiste le 26 janvier 2018 pour un coût de 1400,80 €.
Par déclaration au greffe du 14 février 2018, M. Gilles B, a demandé la convocation de M. Sassi B, aux fins d'obtenir, à titre principal, la somme de 1 400 euros correspondant au prix des réparations effectuées outre 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Une tentative de conciliation a été menée le 12 avril 2018 par un conciliateur de justice, laquelle est demeurée infructueuse.
À l'audience à laquelle l'affaire a été renvoyée, Monsieur B, a demandé l'annulation de la vente et la condamnation du vendeur à lui payer les frais exposés par lui.
C'est dans ce contexte qu'a été rendue la décision déférée à la cour.
MOTIFS
Le premier juge a rejeté la demande d'annulation de la vente présentée par Monsieur B, en retenant que Monsieur B, s'était proposé de réparer l'embrayage défectueux comme celui-ci l'avait demandé dans sa lettre du 17 janvier 2018, qu'il avait ainsi satisfait à sa demande, Monsieur B, qui avait toutefois préféré faire effectuer la réparation dans un autre garage.
Aux termes de l'article 1112-1 du Code civil : Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.
L'article 1137 de ce même code dispose par ailleurs : « Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. »
En l'espèce, il ressort des éléments produits devant la cour que le véhicule vendu le 9 décembre 2017 par Monsieur B, professionnel de l'automobile exerçant sous l'enseigne SB auto 51, à Monsieur B, avait fait l'objet de nombreux sinistres et qu'en dernier lieu, en juin 2017, les dommages subis par le véhicule avaient été considérés comme aboutissant à une perte totale de celui-ci. Il apparaît également que le vendeur avait lui-même acquis le véhicule le 5 octobre 2017 soit quelques semaines avant sa vente à Monsieur B, auprès de la société SEVP 2A dont l'objet consiste à recycler les véhicules hors d'usage provenant du parc automobile français. Il n'apparaît pas que ces informations aient été données par le vendeur à Monsieur B, à l'acheteur Monsieur B, alors même qu'il ne peut être contesté qu'elles présentaient un caractère déterminant pour le consentement de celui-ci.
Un tel défaut d'information présente, de la part d'un professionnel de la vente et de la réparation de l'automobile, un caractère nécessairement dolosif dès lors que, si de telles informations avaient été communiquées, le vendeur aurait été confronté à un risque très élevé de ce que l'acheteur refuse la vente.
Dans ces conditions, l'appelant est fondé à demander la résolution de la vente sans que le vendeur puisse utilement lui opposer la proposition de réparation de l'embrayage qu'il lui avait faite.
Le vendeur est tenu, en réparation de son comportement dolosif non seulement de restituer à Monsieur B, le montant du prix de vente soit 2800 € somme qui portera intérêt à compter du 14 février 2018 jour de la demande en justice par application de l'article 1231-6 du Code civil mais également les dépenses effectuées sur le véhicule soit la somme de 1400,80 € et celle de 217,74 €. Le surplus des demandes ne sont pas justifiées par les pièces produites.
Le jugement sera dans ces conditions infirmé en toutes ses dispositions et il sera fait droit aux demandes de l'appelant dans les conditions décrites au dispositif du présent arrêt.
Il serait inéquitable que l'appelant conserve à sa charge le montant des frais irrépétibles engagés pour les besoins de l'instance suivie devant la cour comme devant le premier juge. Monsieur B, sera condamné à lui payer la somme de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
Prononce l'annulation de la vente du véhicule Peugeot 206 immatriculé AP 998 NK survenue le 9 décembre 2017 entre Monsieur B, vendeur professionnel, et Monsieur B, acheteur, condamne Monsieur B, à payer à Monsieur B, 2800 € en remboursement du prix de vente outre intérêts au taux légal à compter du 14 février 2018 et 1618,54 € à titre de dommages-intérêts correspondant au coût des travaux sur le véhicule, ordonne la reprise par Monsieur B, du véhicule sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt, rejette toute autre demande, condamne Monsieur B, à payer à Monsieur B, la somme de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur B, aux dépens de l'instance suivie devant le premier juge ainsi que de ceux exposés devant la cour qui pourront être recouvrés directement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.