Cass. com., 20 octobre 2021, n° 20-17.765
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Caisse de crédit mutuel Montpellier Antigone (Sté)
Défendeur :
Belmonte (Sté), Annau (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Rapporteur :
Mme Vaissette
Avocat général :
Mme Guinamant
Avocats :
Me Le Prado, SCP Richard
Faits et procédure :
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 21 janvier 2020), la société Belmonte a été mise en redressement judiciaire le 7 février 2011, puis en liquidation judiciaire le 6 avril 2012, Mme [R] étant désignée liquidateur.
2. Le 3 avril 2015, Mme [R], ès qualités, a assigné la SCI Annau (la SCI) pour lui voir étendre la liquidation judiciaire de la société Belmonte. Le tribunal a rejeté la demande mais, par un arrêt du 28 février 2017, la cour d'appel de Montpellier a infirmé le jugement et a prononcé l'extension sollicitée. Le 5 mai 2017, la société Caisse de crédit mutuel Montpellier Antigone (la banque), créancier hypothécaire, a formé tierce opposition à cet arrêt.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.
Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa tierce opposition, alors « que les créanciers et autres ayants cause d'une partie peuvent former tierce opposition au jugement rendu en fraude à leurs droits s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres ; que le créancier hypothécaire inscrit en premier rang sur le seul bien immobilier appartenant à la débitrice dont la liquidation judiciaire a été prononcée par extension de la procédure ouverte contre une autre société, et dont la créance hypothécaire est supérieure à la valeur du bien immobilier dont le prix, en cas de vente, permettrait exclusivement de désintéresser un créancier de rang préférable de la première société mise en liquidation judiciaire invoque bien un moyen propre, que lui seul peut soulever ; que pour juger le contraire, la cour d'appel a retenu que le montant de la créance hypothécaire du tiers opposant est un élément de fait qui ne fait que compléter un moyen déjà opposé par la SCI lors des précédents débats devant la cour d'appel, alors même que la dévaluation de l'immeuble à la considérer avérée aujourd'hui ne pouvait être connue ; qu'en se déterminant ainsi, au lieu de rechercher, comme elle y était invitée si le prix de vente de l'actif de la SCI – même réalisé aux meilleures conditions – serait intégralement absorbé par la créance privilégiée de 1 443 790,35 euros détenue par l'AGS sur la société Belmonte, au préjudice de la banque, titulaire d'une créance hypothécaire de 1er rang à concurrence de 1 325 285,30 euros, de sorte que le tiers opposant se prévalait d'un moyen propre rendant son recours recevable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 583, alinéa 2, du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 661-2 du code de commerce et 583, alinéa 2, du code de procédure civile :
5. Il résulte de ces textes qu'un créancier, qui n'y était pas partie, peut former tierce opposition à un jugement statuant sur l'extension d'une procédure de liquidation judiciaire à son débiteur, à la condition que ce jugement ait été rendu en fraude de ses droits ou qu'il invoque des moyens qui lui sont propres.
6. Pour déclarer irrecevable la tierce opposition de la banque à l'arrêt prononçant l'extension de la liquidation judiciaire de la société Belmonte à la SCI, l'arrêt, après avoir énoncé que la banque doit présenter des moyens qui lui sont propres, retient que le moyen tenant à l'intérêt des créanciers a déjà été soulevé et débattu au cours de l'instance ayant abouti à l'arrêt du 28 février 2017 et qu'il est inopérant de se prévaloir d'un élément de fait relatif au montant de la créance hypothécaire qui ne fait que compléter un moyen déjà opposé par la SCI, tandis que que la dévaluation de l'immeuble, à la supposer désormais avérée, ne pouvait être connue. Il en déduit que la banque ne soulève aucun moyen qui lui soit propre.
7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la banque, qui se prévalait d'une créance sur la SCI d'un montant de1 330 306, 60 euros, garantie par une hypothèque de premier rang inscrite sur l'immeuble appartenant à sa débitrice et qui faisait valoir qu'à la suite de l'extension de la liquidation judiciaire de la société Belmonte à la SCI, le prix de vente de l'immeuble de cette dernière serait intégralement absorbé par la créance privilégiée de 1 443 790,35 euros détenue par l'AGS sur la société Belmonte, n'invoquait pas un moyen qui lui était propre, peu important le débat soulevé par la SCI au cours de l'instance d'appel ayant abouti à l'arrêt du 28 février 2017 quant à l'intérêt de l'extension pour l'ensemble des créanciers, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.