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Décisions

Cass. com., 3 avril 2007, n° 06-15.035

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

M. Sémériva

Avocat :

SCP Thomas-Raquin et Bénabent

Amiens, du 27 févr. 2006

27 février 2006

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 28 avril 2004, pourvoi n° 02-20.972), que, titulaire des marques "Morris Sportswear présente Street Games" et "Street Games by Sporazur", enregistrées pour désigner des vêtements, la société Sporazur Morris Sportswear (la société Sporazur) a poursuivi la société Sadas en contrefaçon de ces marques, pour avoir offert à la vente sur catalogue des vêtements marqués "Street Games" ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour rejeter ces demandes, l'arrêt retient que le groupe de mots "Street Games" peut difficilement être regardé comme un signe distinctif, que, quoique écrit en langue anglaise, il est parfaitement compréhensible par le public français en l'état de la pénétration en France de la langue anglaise et en raison de l'utilisation courante de ces mots, qu'en outre, loin d'être arbitraire, il peut être regardé comme la destination de ces vêtements, que par opposition aux vêtements de ville, aux vêtements de campagne, aux vêtements de sports, il vise des vêtements de jeux urbains, que c'est en tout cas un terme banal, qu'en dehors de l'utilisation d'un groupe de mots phonétiquement similaires mais non distinctifs (Street Game), tout différencie les marques "Street Game", "Morris Sportswear présente Street Games" et "Street Games by Sporazur", et que lorsqu'une marque est composée d'une combinaison de termes banals et de termes originaux, seule la reproduction des termes originaux est susceptible d'être poursuivie en contrefaçon, la reproduction des termes banals étant en revanche licite et libre pour les concurrents ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que sont dépourvus de caractère distinctif les signes qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service figurant dans l'enregistrement de marque, et sans constater que l'expression "Street Games" correspondrait à une telle désignation pour des vêtements, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le moyen, pris en sa dernière branche :

Vu l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu qu'est interdite, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion, l'imitation d'une marque pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement, et que, si le risque de confusion s'apprécie en fonction de tous les facteurs pertinents, l'examen de l'identité des produits ou services respectivement mis sur le marché par les parties au litige de contrefaçon doit être mené au regard de ceux qui sont désignés dans l'enregistrement de la marque dont la protection est demandée ;

Attendu que pour rejeter l'action en contrefaçon, l'arrêt relève encore que, si les produits distribués par la société Sadas sous la dénomination "Street Game" appartiennent à la même classe que les produits pour lesquels les deux marques de référence ont été enregistrées par la société Sporazur (classe 25 - vêtements), les produits des deux sociétés n'en sont pas, pour autant, identiques, que les produits incriminés sont des sweats et combinaisons en polaire pour bambins (1 à 3 ans) de bonne facture, de bon goût et d'un prix relativement élevé (sweat à 119 francs), que les produits distribués par la société Sporazur sont des vêtements de détente de bas de gamme, pour enfants et adolescents (8 à 16 ans) en acrylique et coton, de facture moyenne, de prix peu élevés (sweat à 60 francs), distribués en grande surface, que les produits distribués par la société Sadas le sont dans un catalogue de vente par correspondance de bonne facture, connu et bien référencé, alors que les produits de la société Sporazur sont distribués en grandes surfaces et font l'objet de publicité par dépliants, de mauvaise facture, déposés dans les boîtes aux lettres ; qu'il s'agit de produits de bas de gamme, marqués de manière fantaisiste, et que les produits des deux sociétés ne sont donc pas identiques ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que les produits désignés dans l'enregistrement des marques de la société Sporazur étaient les "vêtements", et non point certaines variétés de tels produits, ce dont il résultait que le signe utilisé par la société Sadas pour commercialiser des vêtements servait à désigner des produits identiques, le précédent arrêt de cassation indiquant seulement que le juge ne peut se borner à constater sur ce point la simple appartenance des produits ou services concurrents à une même classe d'enregistrement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 février 2006, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.