CA Angers, ch. com. A, 28 septembre 2021, n° 20/01883
ANGERS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Bretonn (SCI)
Défendeur :
Accessoires Mode Diffusion (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Corbel
Conseillers :
Mme Robveille, M. Benmimoune
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 9 août 1994, la société SJ aux droits de laquelle vient désormais la société (SCI) Bretonn depuis le 22 décembre 2009, a donné à bail commercial à la société AMD Accessoires Mode Diffusion un bien comprenant des locaux à usage industriel situés [...], d'une superficie de 3 400 m² environ, pour une durée de neuf ans entiers commençant à courir à compter du 1er août 1994, moyennant un loyer annuel de 660.000 francs (100.616,35 euros) hors taxes et hors charges, payable par trimestre et d'avance.
Le bail s'est poursuivi par tacite prolongation à compter du 1er août 2003.
Le 25 avril 2006, la société AMD Accessoires Mode Diffusion a signifié à la SCI SJ une demande de renouvellement à compter du 1er juillet 2006 aux clauses et conditions du bail expiré, moyennant un loyer annuel de 129 566,72 euros hors charges et hors taxes. La bailleresse n'ayant pas répondu à cette demande de renouvellement, le bail s'est trouvé renouvelé pour une durée de neuf ans prenant effet le 1er juillet 2006 et se terminant le 30 juin 2015, moyennant un loyer annuel de 129 566,72 euros hors taxes et hors charges.
Le bail s'est poursuivi par tacite prolongation au-delà du 30 juin 2015.
Par acte d'huissier du 22 novembre 2016, la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion a formé une demande de renouvellement, auprès de la SCI Bretonn, pour une durée de 9 ans à compter du 1er janvier 2017 aux charges et conditions initiales, sauf à estimer que la valeur locative des locaux était inférieure au montant du dernier loyer contractuel, et à fixer le loyer annuel à la somme de 50.000 euros hors charges et hors taxes.
Le 5 janvier 2017, la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion, aux termes de son mémoire préalable, a demandé la fixation du loyer du bail renouvelé à la somme de 53.000 euros hors charges et hors taxes.
Par acte d'huissier du 12 janvier 2017, la SCI Bretonn a accepté le principe de renouvellement mais a contesté le montant du nouveau loyer proposé, offrant la fixation du loyer de renouvellement au montant du dernier loyer expiré, soit à la somme de 160.918 euros.
Par acte d'huissier du 10 février 2017, aucun accord n'étant intervenu entre les parties sur les modalités de renouvellement du bail, la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion a fait assigner la SCI Bretonn devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire d'Angers, aux fins de fixation du loyer annuel du bail renouvelé à hauteur de 53.000 euros hors charges et hors taxes.
Par jugement avant dire droit du 29 août 2017, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire d'Angers a ordonné une expertise aux fins de déterminer la valeur locative, a désigné Mme Sophie P. En qualité d'expert judiciaire et a dit que la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion supportera la provision à valoir sur la rémunération de l'expert.
Mme P. a déposé son rapport définitif le 13 septembre 2019, aux termes de son rapport, en considération des éléments exposés (positionnement du bien évalué sur le marché des locaux d'activités mixtes ; bien atypique du fait de sa surface utile importante, de la proportion moyenne et bonne qualité de bureaux, de l'ancienneté de la construction, de la hauteur sous plafond très limitée, de l'isolation ancienne et partielle, de la couverture fibrociment ; obligations réciproques des parties prévues au bail (taxe foncière portée à la charge du preneur...) ; destination actuelle limitée autorisée au bail en adéquation avec les qualités techniques du local ; données de marché établissant une valeur moyenne pour la métropole angevine située entre 40 et 60 euros / m²/ an HT HC pour des locaux d'activités mixtes, tous usages confondus ; segmentation du marché observée avec des valeurs locatives de l'ordre de 40 euros / m²/ an HT HC pour des locaux anciens de surfaces inférieures à 800 m² ; points de référence en prise à bail, à proximité du local établissant des valeurs locatives de l'ordre de 40 euros/m² pour des biens anciens présentant un bon voire très bon état général mais eux proportions nettement inférieures), l'expert judiciaire a indiqué qu'il lui semblait 'raisonnable' de retenir une valeur locative de renouvellement autour de 35 euros/m²/ an HT et HC, soit une valeur locative de renouvellement de 114 100 euros par an, hors taxes et hors charges.
La SAS AMD Accessoires Mode Diffusion a notifié son mémoire récapitulatif le 18 décembre 2019.
Par jugement du 26 février 2020, le tribunal de commerce d'Angers a prononcé la résolution du plan de sauvegarde qu'il avait arrêté le 9 juillet 2014 et a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion, ouvert une période d'observation de 6 mois, et désigné la société (SELARL) 2M & Associés prise en la personne de Maître François M. en qualité d'administrateur judiciaire et la société (SELARL) Franklin B., prise en la personne de Maître Franklin B. en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 27 mai 2020, le tribunal de commerce d'Angers a ordonné la cession totale de la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion et la reprise par la société (SARLU) Amsted Co et, selon jugement du même jour, le redressement a été converti en liquidation judiciaire, la SELARL Franklin B., prise en la personne de Maître Franklin B., étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire, Maître Franklin B. ès qualités a, par lettre recommandée du 9 octobre 2020, résilié rétroactivement le contrat de bail au visa de l'article L. 622-14 du code de commerce à compter du 30 septembre 2020.
Par lettre recommandée du 30 octobre 2020, la SCI Bretonn a déclaré, entre les mains de Maître Franklin B., ès qualités, une créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion pour un montant total de 706.892,40 euros TTC au titre de loyers à échoir et de travaux de remise en état.
Parallèlement, Maître Franklin B, ès qualités, est intervenu volontairement à la présente procédure et en l'état de son mémoire notifié le 14 septembre 2020, devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire d'Angers, a demandé, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de :
- fixer le loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2017 à la somme par an en principal de 114 100 euros HT, soit 136 920 euros TTC et hors charges,
- condamner la SCI Bretonn à lui payer, ès qualités, les trop perçus de loyer depuis le 1er janvier 2017,
- dire que les trop perçus par la bailleresse portent intérêts à compter du 1er janvier 2017,
- dire que les intérêts sont capitalisés dès lors qu'ils sont dus depuis une année entière et consécutive,
- condamner la SCI Bretonn à lui payer, ès qualités, la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la SCI Bretonn à lui payer ès qualités la somme de 10.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la SCI Bretonn de toutes ses demandes, fins et prétentions, et notamment de sa demande de compensation avec les créances antérieures d'une part et au titre d'une créance nouvelle (sprinklage) non déclarée au passif et donc irrecevable,
- condamner la SCI Bretonn aux entiers dépens,
- juger régulière la procédure en l'état des interventions des organes du redressement judiciaire.
Aux termes de son mémoire en réponse notifié le 10 septembre 2020, la SCI Bretonn a demandé au juge des loyers commerciaux, au visa des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce, L. 622-27 du code de commerce, de :
- dire et juger que le renouvellement du bail commercial conclu avec la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion, portant sur les locaux loués est intervenu pour une durée de 9 ans à compter du 1er janvier 2017,
- dire et juger que la surface des locaux est de 3 255 m²,
- dire et juger que la valeur locative des locaux loués du bail renouvelé s'élève, à la date du 1er janvier 2017, à la somme annuelle de 160.918 euros hors charges et hors taxes,
- à titre principal, fixer le montant du loyer du bail renouvelé à la somme de 160.918 euros hors charges hors taxes par an en principal, à compter du 1er janvier 2017,
- à titre subsidiaire, ordonner, si par extraordinaire, la juridiction venait à fixer le loyer à une somme inférieure au dernier loyer du bail expiré, la compensation entre les sommes dues au titre des sommes à restituer par la SCI Bretonn et la créance dont est redevable à son égard la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion,
- se déclarer incompétent pour faire droit à la demande de la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion d'assortir la restitution d'un éventuel trop-perçu d'un intérêt et de la condamner à lui verser des dommages et intérêts,
- à titre subsidiaire, nommer l'expert qui lui plaira et lui assigner la mission qu'elle détaille comportant la recherche de la valeur locative des locaux loués au 1er janvier 2017,
- en tout état de cause, débouter la SELARL Franklin B. ès qualités de liquidateur de la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion et la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion de l'intégralité de leurs demandes notamment celle au titre de la demande de dommages et intérêts pour une prétendue résistance abusive qui est mal fondée,
- dire et juger qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire,
- condamner la SELARL Franklin B. ès qualités de liquidateur de la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion et la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion, demanderesse à l'instance, à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise.
Par jugement du 17 novembre 2020, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire d'Angers a :
- constaté et déclaré recevable l'intervention volontaire de la SELARL Franklin B., prise en la personne de Maître Franklin B., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion,
- fixé à la somme de 114 100 euros hors taxes et hors charges à compter du 1er janvier 2017, le loyer annuel du bail renouvelé entre la SCI Bretonn et la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion portant sur des locaux à usage industriel situés [...],
- déclaré irrecevable la demande formée par la SELARL Franklin B., prise en la personne de Maître Franklin B, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion, tendant à condamner la SCI Bretonn à lui payer, ès qualités, les trop-perçus de loyer depuis le 1er janvier 2017,
- dit que les intérêts au taux légal sur le trop-perçu de loyer par la SCI Bretonn seront dus à la SELARL Franklin B, prise en la personne de Maître Franklin B, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS AMD, à compter du 10 février 2017, pour le trop-perçu à cette date et à compter de la date des règlements opérés par la SAS AMD pour le surplus, avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil,
- déclaré irrecevable la demande formée à titre subsidiaire par la SCI Bretonn, tendant à opérer une compensation entre les trop-perçus de loyer et les sommes qui seraient dues par la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion,
- débouté la SELARL Franklin B, prise en la personne de Maître Franklin B, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion, de sa demande indemnitaire pour résistance abusive formée à l'encontre de la SCI Bretonn,
- condamné la SCI Bretonn à payer à la SELARL Franklin B., prise en la personne de Maître Franklin B, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion, la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la SCI Bretonn de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SCI Bretonn aux entiers dépens comprenant les frais de l'expertise judiciaire,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
Par déclaration du 28 décembre 2020, la SCI Bretonn a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a fixé à la somme de 114 100 euros hors taxes et hors charges à compter du 1er janvier 2017, le loyer annuel du bail renouvelé ; dit que les intérêts au taux légal sur le trop-perçu de loyer par la SCI Bretonn seront dus à la SELARL Franklin B, prise en la personne de Maître Franklin B, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS AMD, à compter du 10 février 2017, pour le trop-perçu à cette date et à compter de la date des règlements opérés par la SAS AMD pour le surplus, avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil ; déclaré irrecevable la demande formée à titre subsidiaire par la SCI Bretonn, tendant à opérer une compensation entre les trop-perçus de loyer et les sommes qui seraient dues par la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion ; condamné la SCI Bretonn à payer à la SELARL Franklin B, prise en la personne de Maître Franklin B, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion, la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; débouté la SCI Bretonn de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné la SCI Bretonn aux entiers dépens comprenant les frais de l'expertise judiciaire ; ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ; intimant la SAS AMD Accessoires Modes Diffusion et la SELARL Franklin B. ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS AMD Accessoires Modes Diffusion.
La SELARL Franklin B., ès qualités, a formé appel incident.
La SCI Bretonn et la SELARL Franklin B., ès qualités, ont conclu.
Par ordonnance du 12 mai 2021, la présidente de la chambre a constaté la caducité partielle de la déclaration d'appel à l'égard de la SAS AMD Accessoires Modes Diffusion.
Une ordonnance du 7 juin 2021 a clôturé l'instruction de l'affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe
- le 26 février 2021 pour la SCI Bretonn,
- le 25 mars 2021 pour la SELARL Franklin B. prise en la personne de Maître Franklin B, ès qualités,
La SCI Bretonn sollicite de la cour, au vu des articles L. 145-1 et suivants et R. 145-1 et suivants du code de commerce, notamment les articles L. 145-33 et R. 145-3 à R. 145-8 et R. 145-23 et suivants, qu'elle :
- infirme le jugement en ce qu'il a :
* fixé à la somme de 114 100 euros hors taxes et hors charges à compter du 1er janvier 2017, le loyer annuel du bail renouvelé entre la SCI Bretonn et la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion portant sur des locaux à usage industriel situés [...] ;
* dit que les intérêts au taux légal sur le trop-perçu de loyer par la SCI Bretonn seront dus à la SELARL Franklin B, prise en la personne de Maître Franklin B, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS AMD, à compter du 10 février 2017, pour le trop-perçu à cette date et à compter de la date des règlements opérés par la SAS AMD pour le surplus, avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil ;
* condamné la SCI Bretonn à payer à la SELARL Franklin B, prise en la personne de Maître Franklin B, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion, la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* débouté la SCI Bretonn de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamné la SCI Bretonn aux entiers dépens comprenant les frais de l'expertise judiciaire ;
* ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;
et statuant à nouveau :
- déclarer que la valeur locative des locaux loués du bail renouvelé s'élève, à la date du 1er janvier 2017, à la somme annuelle de 160.918 euros hors charges et hors taxes,
- fixer le montant du loyer du bail renouvelé à la somme de 160.918 euros hors charges hors taxes par an en principal, à compter du 1er janvier 2017,
- déclarer que le juge des loyers commerciaux et qu'ainsi la cour d'appel ne sont pas compétents pour faire droit à la demande de la SELARL Franklin B., prise en la personne de Maître Franklin B., en qualité de liquidateur judiciaire de la société AMD, et de la société AMD d'assortir la restitution d'un éventuel trop-perçu d'un intérêt au taux légal avec capitalisation,
- déclarer que la demande de la SELARL Franklin B, prise en la personne de Maître Franklin B, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société AMD et de la société AMD visant à ce que le trop-perçu de loyer ne soit pas assorti d'un intérêt au taux légal avec capitalisation des intérêts est irrecevable et à tout le moins mal fondée,
- débouter la SELARL Franklin B., prise en la personne de Maître Franklin B., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société AMD, et la société AMD de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions et notamment celle au titre des intérêts sur le trop-perçu,
- condamner in solidum la SELARL Franklin B., prise en la personne de Maître Franklin B., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société AMD et la société AMD, à payer à la société Bretonn la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la SELARL Franklin B., prise en la personne de Maître Franklin B, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société AMD et la société AMD aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise, dont distraction pour ceux-là concernant, au profit de Maître Jean-Philippe H. et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La SELARL Franklin B., prise en la personne de Maître Franklin B., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société AMD Accessoires Mode Diffusion demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 17 novembre 2020 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire d'Angers en ce qu'il a :
* constaté et déclaré recevable l'intervention volontaire de la SELARL Franklin B., prise en la personne de Maître Franklin B., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion,
* fixé à la somme de 114.100 euros hors taxes et hors charges à compter du 1er janvier 2017, le loyer annuel du bail renouvelé entre la SCI Bretonn et la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion portant sur des locaux à usage industriel situés [...],
* dit que les intérêts au taux légal sur le trop-perçu de loyer par la SCI Bretonn seront dus à la SELARL Franklin B, prise en la personne de Maître Franklin B, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS AMD, à compter du 10 février 2017, pour le trop-perçu à cette date et à compter de la date des règlements opérés par la SAS AMD pour le surplus, avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil,
* déclaré irrecevable la demande formée à titre subsidiaire par la SCI Bretonn, tendant à opérer une compensation entre les trop-perçus de loyer et les sommes qui seraient dues par la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion,
* débouté la SCI Bretonn de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné la SCI Bretonn aux entiers dépens comprenant les frais de l'expertise judiciaire ;
- infirmer le jugement rendu le 17 novembre 2020 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire d'Angers en ce qu'il a :
* débouté la SELARL Franklin B, prise en la personne de Maître Franklin B., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion, de sa demande indemnitaire pour résistance abusive formée à l'encontre de la SCI Bretonn,
* condamné la SCI Bretonn à payer à la SELARL Franklin B., prise en la personne de Maître Franklin B., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion, la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
et statuant à nouveau :
- condamner la SCI Bretonn à payer à la SELARL Franklin B. ès qualités la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts,
- condamner la SCI Bretonn à payer à la SELARL Franklin B. ès qualités la somme de 15.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la SCI Bretonn de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la SCI Bretonn aux entiers dépens.
Par ordonnance du 12 mai 2021, la présidente de la chambre a constaté la caducité de la déclaration d'appel à l'égard de la société AMD Accessoires Mode Diffusion.
MOTIFS DE LA DECISION
L'article L. 145-33 du code de commerce fixe la valeur locative en considération de divers éléments qu'il convient d'analyser.
Sur les facteurs locaux de commercialité l'expert a constaté que le bien loué est situé [...], face à l'usine Cointreau ; que la zone, créée au début des années 60, accueille une grande diversité d'entreprises et que, conformément à l'évolution général du marché, elle connaît depuis plusieurs années une mutation de certains grands sites anciens (réhabilitation, démolition-reconstruction...).
Il n'a relevé aucune évolution notable des facteurs locaux de commercialité.
La bailleresse fait valoir que, contrairement à ce qu'a affirmé la société AMD durant l'expertise, il s'agit d'une zone recherchée, dont le taux d'occupation est de plus de 95 % et reconnu comme l'une des plus dynamiques du département du Maine et Loire, ce qu'a reconnu l'expert.
Pour autant, elle ne caractérise pas plus que devant le premier juge une modification notable sur ce point.
Sur les caractéristiques des locaux le bâtiment a été édifié en mitoyenneté d'un côté, vers 1960/1970, de plain-pied. Le terrain est aménagé en zone de desserte et de stationnement et bénéficie d'un nombre important de places de stationnement. Le bâtiment construit en parpaings pleins a fait l'objet d'importants travaux entre 1985 et 1990 afin de l'adapter à l'activité exercée et aménager des bureaux.
La bailleresse déduit de ces caractéristiques et de ce que les locaux sont chauffés, carrelés, que les bureaux sont climatisés, desservis en fluides, que le bien loué est de grande qualité malgré le manque d'entretien de la part de la société AMD dont elle ne craint pas de se plaindre.
Toutefois, si les bureaux présentent un bon état général et le sol de l'atelier est carrelé, l'expert a noté que la construction est ancienne, l'aspect extérieur est d'époque et peu soigné, la partie atelier bénéficie d'une isolation de la couverture ancienne et recouverte de plaques de fibrociment, les murs extérieurs ne sont pas isolés et le bâtiment ne comporte pas de quai de déchargement. En outre, si les locaux sont adaptés à l'activité conforme à la destination du bail, l'expert constate qu'ils sont peu évolutifs.
S'agissant de sa configuration, il résulte des constatations de l'expert que le bâtiment est d'une surface arrondie à 3 260 m². Il se décompose en une partie bureaux, d'une surface de 563 m², représentant 17 % de l'ensemble et une partie grand atelier qui comprend également des bureaux (135 m²) et des salles (86 m²). Ainsi, tous les espaces dédiés aux bureaux représentent 24 % de la surface totale. Toutefois l'expert souligne que les bureaux et les salles de l'atelier sont faits de structures démontables et ne correspondent pas aux caractéristiques exigés pour être intégrés dans la catégorie de bureaux (en dure, chauffés, isolés, bénéficiant d'ouvertures directes sur l'extérieur).
Du fait de sa consistance tenant à l'importance de l'espace dédié aux bureaux, l'expert a retenu, avec raison, que les locaux entrent dans un marché spécifique de locaux dit mixtes, tout en relevant que la hauteur sous plafond, relativement basse, comprise entre 2,65 m et 3,67 m pour la partie atelier, est inférieure à celle qu'offre généralement ce type de locaux.
S'agissant de locaux qui présentent cette configuration, c'est à juste titre que le premier juge a écarté la prétention de la bailleresse de valoriser séparément la surface réservée aux bureaux notamment ceux situés en façade, en retenant que ce bien serait valorisé sur le marché sans faire de distinction entre la part réservée aux bureaux et celle consacrée à l'atelier.
Sur la destination du bien la destination des lieux loués telle que prévue au bail était la fabrication, la transformation, le montage, la réparation, la commercialisation d'articles de Paris, accessoires mode, bijoux, cadeaux, parfumerie, maroquinerie, articles vestimentaires, et tout article de grande diffusion.
Les locaux sont donc à usage d'activité et non d'entrepôt même si la locataire les a utilisés comme tels.
Ainsi, la bailleresse est bien fondée à demander la valorisation des locaux comme locaux à usage d'activité de production ou de distribution, ce qu'a admis l'expert.
Sur les obligations respectives des parties il n'y a pas de discussion sur ce point.
La bailleresse demande à juste titre la confirmation du jugement sur l'absence d'abattement à apporter à la valeur locative du fait que la taxe foncière est à la charge du preneur dès lors que les éléments de référence retenus sur la base desquels le nouveau loyer est fixé comporte ce même transfert.
La circonstance que la société AMD n'aurait pas exécuté ses obligations tenant à l'entretien du sprinklage et au paiement des loyers n'entre pas en considération dans l'évaluation de la valeur locative.
La bailleresse reproche à la société AMD d'avoir sous-loué sans autorisation une partie des locaux à des sociétés in bonis faisant partie du même groupe qu'elle, faisant ainsi supporter à la société AMD économiquement fragile le poids des loyers, sans critiquer le motif du premier juge qui a retenu que le moyen invoqué n'avait pas d'incidence sur la détermination de la valeur locative.
Sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage la bailleresse reprend sur ce point son argumentation développée devant le premier juge et qu'elle avait soumise à l'expert judiciaire. Elle s'appuie sur une étude de l'observatoire de l'immobilier d'entreprises en Maine et Loire selon laquelle les locaux d'activité se louent à 47 par an et par m² (voire 50 -55 si des bureaux sont accolés), à 109 pour des bureaux en périphérie d'Angers, Loire métropole, un rapport d'expertise unilatéral établi par M. C. qui fixe la valeur locative à 192 450 (sas et bureaux : 562 m² X 100 ; bureaux de l'atelier : 221 m² X 75 ; atelier proprement dit : 2 315 m² X 50 ; locaux annexes : 157 m² X 25), sur des valeurs communiquées par des professionnels d'Angers et de sa région, sur divers baux de référence ainsi que la cote annuelle des valeurs immobilières et foncières au 1er janvier 2017 des éditions Callon indiquant une valeur locative moyenne des locaux industriels à Angers de 60 euros / m² pour en déduire que le prix de location des locaux comparables à ceux en cause se situe entre 40 et 60 / m². Elle demande, en considération de ces éléments et des références de prix qu'elle invoque, de fixer la valeur locative à 160 918 HT et HC, soit 49,44 par m² et par an HT et HC.
L'expert a examiné toutes les références de prix données par les parties et a étudié d'autres références qu'il a pu obtenir. Ainsi, il a tenu compte des trois références dont se prévaut la bailleresse mais a expliqué, de façon pertinente, les raisons qui la conduisaient à appliquer une décote.
Il en va ainsi :
- de la référence tenant au prix de location des locaux situés [...] (69 / m² HC/HT), à proximité, s'agissant de locaux ayant fait l'objet d'une rénovation totale, même s'ils ont été livrés brut.
- de la référence tenant au prix de location des locaux situés [...] (67,50 / m² HC/HT), qui disposent d'une situation meilleure grâce à une belle visibilité de la rocade Est, dans les deux sens de circulation.
- des références tenant aux prix de location des locaux situés [...] (55 / m² HC / HT- 62 '/m² HC / HT), issus de nouveaux baux signés postérieurement à la date de renouvellement du bail de la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion fixée au 1er janvier 2017, ne courant qu'à compter du 15 avril 2018 pour l'un et du 1er novembre 2018 pour l'autre, et portant sur des locaux ayant fait l'objet de nombreux travaux, notamment une reconstruction partielle à neuf.
L'expert, se fondant sur l'ensemble des éléments de comparaison retenus faisant ressortir des valeurs locatives à proximité du local de la société Bretonn de l'ordre de 40, a très justement considéré qu'il fallait tenir compte du caractère atypique des locaux en ce qu'ils offrent une surface utile très supérieure à celle du coeur du marché, ce qui conduit à ne pas multiplier au nombre de m² une valeur unitaire qui se pratique sur des surfaces inférieures à 800 m² comme celles qui correspondent aux références retenues. Il est donc justifié d'opérer une modération de la valeur unitaire d'autant qu'il s'agit de locaux d'activité de seconde main et qu'il faut tenir compte de leurs caractéristiques telles que vues ci-avant.
Par suite, le premier juge, en adoptant l'évaluation de l'expert de 35 / m² HC/HT, a fait une juste appréciation des éléments fournis pour déterminer la valeur locative.
Sur l'incompétence du juge des loyers pour assortir la restitution des trop-perçus d'un intérêt la SCI Bretonn soutient que le premier juge était incompétent pour dire que les intérêts au taux légal sur le trop-perçu de loyer par la SCI Bretonn seront dus à la SELARL Franklin B, prise en la personne de Maître Franklin B, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS AMD, à compter du 10 février 2017, pour le trop-perçu à cette date et à compter de la date des règlements opérés par la SAS AMD pour le surplus, avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil, en soutenant que l'article R. 145-23 du code de commerce limite la compétence du juge des loyers à la fixation du nouveau loyer, ce qui ne lui permettait pas d'assortir d'intérêts la restitution des éventuels trop perçus.
Mais la cour d'appel a une plénitude de juridiction pour examiner une telle demande qu'elle soit ou non de la compétence du juge des loyers commerciaux, étant juridiction d'appel tant de ce juge que du tribunal judiciaire.
Le moyen est donc inopérant.
Les intérêts dus sur la différence entre le loyer du bail renouvelé et le loyer payé depuis le renouvellement, courent, en l'absence de convention contraire, à compter de la date de la demande en fixation d'un nouveau prix, que le loyer soit déplafonné ou non.
Le jugement qui fait application de cette règle et qui n'est d'ailleurs critiqué par aucun moyen de droit sur ce point, doit être confirmé y compris en ce qu'il ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 ancien du code civil.
Sur la demande de la SELARL Franklin B, ès qualités, de dommages et intérêts pour résistance abusive la SELARL Franklin B, ès qualités, fait valoir que la bailleresse a adopté un comportement fautif en sollicitant un loyer surévalué de près de 50 % du prix de sa valeur réelle alors que la locataire rencontrait des difficultés de paiement, en la menaçant d'une saisie conservatoire pendant la période d'observation de la procédure de redressement judiciaire, en s'opposant pendant la période de la crise sanitaire à la procédure sans audience et en demandant l'intervention du mandataire judiciaire alors que l'entreprise n'était pas alors en liquidation judiciaire, cherchant ainsi, en réalité, à gagner du temps pour contraindre sa locataire à payer un loyer surévalué, et en se prétendant à tort créancière. Elle considère que ce comportement fautif a causé à la SAS AMD Accessoires Mode Diffusion un préjudice au regard de l'aggravation de sa situation financière qui en a résulté du fait que, depuis plus de trois ans et demi, cette société a dû payer un loyer excessif sans pouvoir céder le bail.
Mais, la défense à une action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à dommages et intérêts que si son titulaire a agi avec intention de nuire, a commis une erreur équivalente au dol ou une légèreté blâmable.
La SELARL Franklin B, ès qualités, ne démontre pas que la SCI Bretonn a commis une telle faute en s'opposant à la fixation d'un loyer à la baisse, ni même en formant appel d'un jugement relatif à la sous-location des locaux, sans qu'aucune précision ne soit donnée sur la suite qui a été réservée à ce recours, ni encore en conduisant la procédure de première instance comme elle l'a fait, ni en déclarant une créance au titre de loyers à échoir du fait de la résiliation du bail avant son terme, taxes foncières et travaux de remise en état sur la base du loyer ancien dès lors que cette déclaration de créance a été faite le 30 octobre 2020, soit avant que le jugement ne fixe le montant du loyer à la baisse.
Le jugement qui rejette cette demande sera confirmé également de ce chef.
Sur les demandes accessoires la SCI Bretonn sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à la SELARL Franklin B., ès qualités, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris ;
Y ajoutant, condamne la SCI Bretonn à payer à la SELARL Franklin B., ès qualités, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SCI Bretonn aux dépens d'appel.