Cass. 1re civ., 24 novembre 2021, n° 19-24.299
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Clavis (SARL)
Défendeur :
Santé formation (Association), Santé formation 2 (Association), Orion (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Rapporteur :
M. Avel
Avocat général :
M. Lavigne
Avocats :
SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 11 septembre 2019), à compter de septembre 2002, l’association Santé formation a été mandatée par les caisses d'assurance maladie pour mettre en oeuvre et financer les actions de formation continue des infirmiers libéraux et, à partir de 2007, la commission paritaire nationale de formation continue des infirmiers a arrêté chaque année les thèmes de formation, rédigé les cahiers des charges, défini les critères d’agrément des organismes de formation et agréé les actions de formation.
2. A la suite d’un appel d’offres émis par l’association Santé formation, la société Clavis, institut de formation professionnelle continue des infirmiers créé en 1998, a été agréée pour trois-cent-quarante-neuf actions de formation. Le 21 août 2007, l’association Santé formation l’a informée de l’annulation de quatre-vingts actions.
3. Contestant cette annulation et invoquant l'existence d’actes de concurrence déloyale au bénéfice de la société Orion santé, constituant un autre institut de formation professionnelle continue, créé en 2003, la société Clavis a, les 13 et 28 juin 2012 assigné l’association Santé formation, l’association Santé formation 2 lui ayant succédé en septembre 2008, ainsi que la société Orion santé en paiement de dommages-intérêts.
Enoncé des moyens sur le premier moyen.
4. La société Clavis fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes, alors :
« 1°) que la société Clavis faisait expressément valoir dans ses conclusions d’appel que, depuis le début de leurs relations contractuelles en 2002, elle avait toujours adressé à l’association Santé formation, à la fin du premier semestre de chaque année civile, un état récapitulatif des actions réalisées au cours du semestre, faisant également état de celles qui avaient été annulées et de celles qui devaient être reportées, sans que sa cocontractante ait jamais réagi à cet état récapitulatif et alors que toutes les actions non réalisées avaient toujours pu être ensuite reportées au second semestre, et donner lieu à paiement par l’association Santé formation, laquelle n’avait jamais contesté ce mode de fonctionnement ; que la société exposante soutenait ainsi que « décider brutalement d’une interprétation différente de la règle sans en informer préalablement les organismes de formation est contraire à l’application des conventions qui doivent s’exécuter de bonne foi conformément à l’article 1134 du code civil ; qu’en se bornant à énoncer que l’existence d’une « certaine tolérance antérieure » n’était pas de nature à exonérer la société Clavis de son obligation contractuelle d’informer l’association Santé formation de tout changement de date des actions en formation huit jours avant la date prévue pour leur réalisation, sans répondre au moyen déterminant des conclusions d’appel de la société exposante qui faisait valoir que la remise en cause brutale et sans préavis des modalités d’exécution des actions de formation qui avaient été appliquées par les parties depuis le début de leurs relations contractuelles était contraire à une exécution de bonne foi de la convention, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
2°) que, subsidiairement, comme la société Clavis le faisait expressément valoir dans ses conclusions d’appel, depuis le début de leurs relations contractuelles en 2002, elle avait toujours adressé à l’association Santé formation, à la fin du premier semestre de chaque année civile, un état récapitulatif des actions réalisées au cours du semestre, faisant également état de celles qui avaient été annulées et de celles qui devaient être reportées, sans que sa cocontractante ait jamais réagi à cet état récapitulatif et alors que toutes les actions non réalisées avaient toujours pu être ensuite reportées au second semestre, et donner lieu à paiement par l’association santé formation, laquelle n’avait jamais contesté ce mode de fonctionnement ; qu’une exécution loyale de la convention par l’association santé formation supposait en conséquence, en cas de volonté de celle-ci de modifier les modalités d’exécution du contrat qui avaient présidé entre les parties jusqu’alors, d’en informer expressément et spécifiquement la société Clavis, en attirant son attention, en temps utile, sur le fait que les modalités d’exécution ayant eu cours depuis le début de la relation contractuelle ne seraient désormais plus admises pour les actions de formations effectuées au cours de l’année 2007 que le courrier du 6 mars 2007 adressé par l’association Santé formation à la société Clavis, non seulement était un courrier portant à titre principal notification de l’état des formations agréées, et rappelant de façon générale la règle posée par l’article 26 du cahier des charges, mais a en outre été envoyé en mars 2007, soit alors que le semestre était déjà entamé et qu’il était trop tard pour permettre à la société Clavis de modifier son organisation de manière à se conformer à la nouvelle lecture des modalités d’exécution du contrat que l’association Santé formation avait décidé subitement d’imposer ; qu’en énonçant cependant que l’obligation prévue par l’article 26 du cahier des charges avait été expressément rappelée à la société Clavis par courrier du 6 mars 2007, cependant que ni les termes généraux de ce courrier, ni sa date ne permettaient d’écarter une exécution de mauvaise foi du contrat par l’association Santé formation, la cour d’appel a en tout état de cause statué par un motif impropre à justifier son arrêt et privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134, alinéa 3, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
5. La cour d’appel a retenu qu’en application des articles 26 du cahier des charges de l'appel d'offres 2007 et 3 de la convention simplifiée du 26 mars 2007 établie entre l’association Santé formation et la société Clavis, celle-ci était tenue d’informer l'association des modifications affectant une formation initialement prévue antérieurement à la date à laquelle elle devait se dérouler, que, si l'association avait fait antérieurement preuve d'une certaine tolérance à cet égard, la société Clavis ne démontrait pas qu'elle avait été érigée en un usage contraignant et que cette obligation avait été expressément rappelée par l’association Santé formation, le 6 mai 2017, lors de la notification de l'état des formations agréées.
6. Elle en a déduit que l'association était fondée à dresser la liste des actions qui devaient se dérouler durant le premier semestre 2007 et qui, en l'absence de respect des modalités d'information contractuelles, n’avaient pas été reportées et à les considérer, en conséquence, comme définitivement annulées et qu’aucun abus de droit n’avait été commis par celle-ci dans l’application de ces dispositions.
7. De ces constatations et appréciations souveraines, exclusives d’une exécution de mauvaise foi de la convention conclue, la cour d'appel, répondant aux conclusions prétendument délaissées, a légalement justifié sa décision de ce chef.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. La société Clavis fait le même grief à l’arrêt, alors :
« 1°) que constitue un acte de concurrence déloyale tout comportement qui s'écarte de la conduite normale du professionnel avisé et qui, faussant l'équilibre dans les relations concurrentielles, rompt l'égalité des chances qui doit exister entre les concurrents dans un système d'économie libre ; que le fait, pour les membres d’un syndicat participant à la fois à la commission paritaire nationale chargée d’agréer des formations médicales et à l’association gestionnaire de celles-ci, mettant en oeuvre et finançant les actions de formations agréées, de créer une société ayant pour activité l’organisation de formations médicales et de soumissionner par son intermédiaire, au prix d’un conflit d’intérêts manifeste, aux appels d’offres organisés par la commission paritaire nationale et ensuite gérés par l’association gestionnaire dont ils sont membres, constitue un acte positif de concurrence déloyale ayant pour effet de perturber le marché en plaçant l’opérateur économique concerné dans une situation anormalement favorable par rapport à ses concurrents ; que la cour d’appel a elle-même constaté en l’espèce que “ la SARL Clavis dénonce le fait que plusieurs des membres de la Commission paritaire nationale CPN-FCC des infirmiers sont également membres et parfois dirigeants des associations Santé formation et Santé formation 2 et de la SARL Orion et (…) ce constat non discuté peut constituer un avantage pour la SARL Orion dont nul ne discute qu’elle est un organisme concurrent, nourrir le conflit d’intérêt qu’elle dénonce et alimenterle cas échéant une contestation du résultat de la procédure d’appel d’offres en ouvrant les recours offerts en pareil cas ” ; qu’en retenant néanmoins que “ l’appelante n’établit aucun acte positif et caractérisé de concurrence déloyale de la part des parties citées qui aurait faussé à son détriment le processus de réception, d’analyse et d’agrément des offres de formation”, cependant que la création de la société Orion santé et sa participation aux appels d’offres litigieux constituait un acte positif de concurrence déloyale ayant pour effet de perturber le marché en la plaçant dans une situation anormalement favorable par rapport à ses concurrents, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;
2°) que constitue un acte de concurrence déloyale tout comportement qui s'écarte de la conduite normale du professionnel avisé et qui, faussant l'équilibre dans les relations concurrentielles, rompt l'égalité des chances qui doit exister entre les concurrents dans un système d'économie libre ; que le fait, pour les membres d’un syndicat participant à la fois à la commission paritaire nationale chargée d’agréer des formations médicales et à l’association gestionnaire de celles-ci, mettant en oeuvre et finançant les actions de formations agréées, de créer une société ayant pour activité l’organisation de formations médicales et de soumissionner par son intermédiaire, au prix d’un conflit d’intérêts manifeste, aux appels d’offres organisés par la commission paritaire nationale et ensuite gérés par l’association gestionnaire dont ils sont membres, constitue un acte positif de concurrence déloyale ayant pour effet de perturber le marché en plaçant l’opérateur économique concerné dans une situation anormalement favorable par rapport à ses concurrents ; que la cour d’appel a elle-même constaté en l’espèce qu’il n’était pas contesté que certains membres de la CPN-FCC, laquelle octroie les agréments des formations, étaient également membres de l’association Santé formation, puis de l’association Santé formation 2 lui ayant succédé, qui gèrent et financent les actions de formation agréées, et aussi dirigeants et associés de la société Orion santé, organisme de formation concurrent de la société Clavis ; qu’en retenant néanmoins, par motifs adoptés des premiers juges, que “ le fait que certains membres de la CPN-FCC également membres de la SARL Orion santé soient informés des thèmes retenus avant les autres organismes de formation est une conséquence de leur statut qui n’implique aucun acte positif déloyal de leur part ” cependant que la participation des dirigeants de la société Orion santé à la CPN-FCC agréant les formations constituait un acte positif de concurrence déloyale ayant pour effet de perturber le marché en plaçant la société Orion santé dans une situation anormalement favorable par rapport à ses concurrents, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;
3°) que constitue un acte de concurrence déloyale tout comportement qui s'écarte de la conduite normale du professionnel avisé et qui, faussant l'équilibre dans les relations concurrentielles, rompt l'égalité des chances qui doit exister entre les concurrents dans un système d'économie libre ; que le fait, pour les membres d’un syndicat participant à la fois à la commission paritaire nationale chargée d’agréer des formations médicales et à l’association gestionnaire de celles-ci, mettant en oeuvre et finançant les actions de formations agréées, de créer une société ayant pour activité l’organisation de formations médicales et de soumissionner par son intermédiaire, au prix d’un conflit d’intérêts manifeste, aux appels d’offres organisés par la commission paritaire nationale et ensuite gérés par l’association gestionnaire dont ils sont membres, constitue un acte positif de concurrence déloyale ayant pour effet de perturber le marché en plaçant l’opérateur économique concerné dans une situation anormalement favorable par rapport à ses concurrents ; que la cour d’appel a elle-même constaté en l’espèce qu’il n’était pas contesté que certains membres de la CPN-FCC, qui octroie les agréments des formations, étaient également membres de l’association Santé formation, puis de l’association Santé formation 2 lui ayant succédé, qui gèrent et financent les actions de formation agrées, et aussi dirigeants et associés de la société Orion santé, organisme de formation concurrent de la société Clavis ; qu’en énonçant par motifs adoptés des premiers juges, pour décider que la création de la société Orion santé et sa participation aux appels d’offres litigieux, au prix du double conflit d’intérêts dénoncé par la société Clavis, étaient “ insuffisant(es) à établir les actes de concurrence déloyale allégués ”, que “ l’association Santé formation 2 n’agit qu’en tant qu’organisme gestionnaire de l’appel d’offres " et ne constitue qu’un intermédiaire entre la CPN-FCC et les organismes candidats, la cour d’appel, qui a statué par un motif impropre à écarter l’existence d’une situation anormalement favorable à la société Orion santé par rapport à ses concurrents, a violé l’article 1382, devenu 1240, du code civil;
4°) que constitue un acte de concurrence déloyale tout comportement qui s'écarte de la conduite normale du professionnel avisé et qui, faussant l'équilibre dans les relations concurrentielles, rompt l'égalité des chances qui doit exister entre les concurrents dans un système d'économie libre ; que le fait, pour les membres d’un syndicat participant à la fois à la commission paritaire nationale chargée d’agréer des formations médicales et à l’association gestionnaire de celles-ci, mettant en oeuvre et finançant les actions de formations agréées, de créer une société ayant pour activité l’organisation de formations médicales et de soumissionner par son intermédiaire, au prix d’un conflit d’intérêts manifeste, aux appels d’offres organisés par la commission paritaire nationale et ensuite gérés par l’association gestionnaire dont ils sont membres, constitue un acte positif de concurrence déloyale ayant pour effet de perturber le marché en plaçant l’opérateur économique concerné dans une situation anormalement favorable par rapport à ses concurrents ; que la cour d’appel a elle-même constaté en l’espèce qu’il n’était pas contesté que certains membres de la CPN-FCC, qui octroie les agréments des formations, étaient également membres de l’association Santé formation, puis de l’association Santé formation 2 lui ayant succédé, qui gèrent et financent les actions de formation agrées, et aussi dirigeants et associés de la société Orion santé, organisme de formation concurrent de la société Clavis ; qu’en se fondant, pour décider que la création de la société Orion santé et sa participation aux appels d’offres litigieux, au prix du double conflit d’intérêts dénoncé par la société Clavis, ne caractérisaient aucun acte positif de concurrence déloyale, sur l’existence d’un système d’anonymisation des offres examinées par la CPN-FCC et sur le fait que les membres du syndicat Convergence infirmière, également associés de la société Orion santé, ne disposaient que d’un huitième des voix, la cour d’appel, qui a statué par des motifs impropres à écarter l’existence d’une situation anormalement favorable à la société Orion santé par rapport à ses concurrents, a violé l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;
5°) que les conclusions d’appel de la société Clavis faisaient expressément valoir, pièces à l’appui, que pour la période 2002-2007, la CPN-FCC avait été composée pour moitié par les représentants de l’UNCAM et pour l’autre par les seuls représentants du syndicat Convergence Infirmière, dont étaient membres les dirigeants et associés de la société Orion santé, dans la mesure où il s’agissait du seul syndicat signataire de la convention nationale des infirmiers du 21 février 2002, ce dont il résultait que ce syndicat disposait de la moitié des voix et non d’un huitième de celles-ci, comme cela a ensuite été le cas, mais seulement à partir de l’année 2008 (conclusions, p. 20) ; qu’en retenant “ qu’il est (…) acquis que sous le régime de chacune des conventions de 2002 et de 2007 la composition de la commission nationale puis de la CPN-FCC est paritaire, composée pour moitié par les représentants de l’UNCAM et pour l’autre par les représentants des organisations syndicales et que leurs délibérations sont collégiales excluant en conséquence que la décision puisse être imposée par les représentants de l’un des syndicats qui s’agissant de celui concerné ne dispose que d’un 8 745 huitième des voix”, sans répondre à ce moyen déterminant des conclusions d’appel de la société exposante, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
6°) que l’article o 1er de l’arrêté du 1er mars 2002 dispose qu’ “ est approuvée la convention nationale des infirmiers, ses annexes ainsi que son avenant n°1 pour un plan pluriannuel de valorisation de l'exercice libéral de la profession d'infirmière, annexés au présent arrêté, conclus le 21 février 2002 entre, d'une part, la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la Caisse centrale de mutualité sociale agricole et la Caisse nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles et, d'autre part, Convergence infirmière ” ; que l’article 15.1 de la convention nationale des infirmiers précise que la CPN-FCC est composée de quatre représentants des caisses nationales d’assurances maladie et de quatre représentants “ de la ou des organisation(s) syndicale(s) nationale(s) signataire(s) représentative(s) des infirmières qui constituent la section professionnelle ” ; qu’en affirmant en l’espèce “qu’il est (…) acquis que sous le régime de chacune des conventions de 2002 et de 2007 la composition de la commission nationale puis de la CPN-FCC est paritaire, composée pour moitié par les représentants de l’UNCAM et pour l’autre par les représentants des organisations syndicales et que leurs délibérations sont collégiales excluant en conséquence que la décision puisse être imposée par les représentants de l’un des syndicats qui s’agissant de celui concerné ne dispose que d’un huitième des voix”, cependant que la convention nationale des infirmiers du 21 février 2002, approuvée par l’article 1er de l’arrêté du 1er mars 2002, n’avait été signée que par le syndicat Convergence infirmière, ce dont il résultait que celui-ci disposait de la moitié des voix au sein de la CPN-FCC, la cour d’appel a violé lesdits textes ;
7°) que les conclusions d’appel de la société Clavis faisaient valoir que l’association Santé formation disposait du pouvoir d’autoriser ou non la soumission par les organismes de formation aux appels d’offres en appréciant si les documents transmis étaient en conformité administrative avec les obligations du cahier des charges et qu’en conséquence, “de par l’identité des dirigeants d’Orion santé et de Santé formation, Orion santé est ainsi protégée de toute exclusion de l’appel d’offre puisqu’étant à la fois contrôleur et gestionnaire” ; qu’elle indiquait que la société Orion santé avait bénéficié concrètement de cet avantage concurrentiel indu lors de l’appel d’offres 2009, ayant été autorisée par l’association Santé formation, après la date limite fixée pour le dépôt des offres, à modifier ses statuts pour être en conformité avec les exigences du cahier des charges (conclusions, p. 22-23) ; qu’en décidant que la société Clavis n’établissait pas l’existence d’actes positifs de concurrence déloyale, sans répondre à ce moyen déterminant de ses écritures d’appel, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
8°) que les conclusions d’appel de la société Clavis faisaient valoir qu’en 2004, par le biais de l’association Santé formation, la société Orion santé avait pu récupérer la totalité des documents constituant le projet de soumission de la société Clavis, les reprographier avec son logo pour les utiliser à l’appui de son propre projet de soumission ainsi que pour dispenser ses formations, ce qui a été confirmé par le rapport d’expertise judiciaire déposé en juillet 2007 ayant conclu que la société Clavis avait bien la propriété de l’ensemble des documents en cause (conclusions, p. 24-25) ; qu’en décidant que la société Clavis n’établissait pas l’existence d’actes positifs de concurrence déloyale, sans répondre à ce moyen déterminant de ses écritures d’appel, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
9°) qu’il s’infère nécessairement un trouble commercial ou un préjudice, fût-il seulement moral, d’un acte de concurrence déloyale ; qu’en retenant en l’espèce que l’existence des préjudices invoqués par la société Clavis serait purement hypothétique, cependant que le comportement déloyal de la société Orion santé avait nécessairement causé un trouble commercial à la société Clavis qu’il lui appartenait d’évaluer, la cour d’appel a violé l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;
10°) que lorsque le gain manqué subi à la suite d’actes de concurrence déloyale consiste en une perte de marge liée à la réalisation d’opérations économiques précises dont la victime a été privée, ce préjudice peut être établi nonobstant l’existence d’une progression ou d’une simple légère baisse du chiffre d’affaires global de cette dernière, dès lors qu’il est démontré que celui-ci aurait dû être plus important en l’absence des comportement déloyaux ; qu’en retenant, pour juger hypothétique le préjudice invoqué par la société exposante, que « les rapports de gestion au 30 juin 2008, 30 juin 2009 et 25 juin 2010 qui font état d’un chiffre d’affaires en constante progression sur les deux premiers exercices considérés et d’une “légère baisse” pour le dernier exercice permettent d’écarter l’existence même d’un préjudice », cependant que la société Clavis alléguait avoir été privée de l’attribution d’un certain nombre d’actions de formations en raison de la concurrence déloyale de la société Orion santé et de ses complices, en l’absence de laquelle il lui aurait été permis de réaliser un chiffre d’affaires supérieur à celui qui avait été le sien pour les années en question, peu important que celui-ci ait par ailleurs été en progression ou seulement en légère baisse sur les trois années indiquées, la cour d’appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et violé l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;
11°) que la société Clavis faisait en tout état de cause valoir dans ses conclusions d’appel qu’elle éprouvait un préjudice consistant dans le gain manqué lié aux actions de formation qui auraient dû lui être attribuées sur la période 2004-2010, si la société Orion santé n’avait pas bénéficié à partir de l’année 2004 d’un avantage concurrentiel indu ; qu’en se bornant à énoncer, pour juger hypothétique le préjudice invoqué par la société exposante, que 10 745 « les rapports de gestion au 30 juin 2008, 30 juin 2009 et 25 juin 2010 qui font état d’un chiffre d’affaires en constante progression sur les deux premiers exercices considérés et d’une “légère baisse” pour le dernier exercice permettent d’écarter l’existence même d’un préjudice », cependant que ces rapports ne concernaient que trois des sept années considérées, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
9. La cour d’appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que le fait que certains membres de la commission paritaire nationale CPN-FCC soient également associés ou dirigeants de la société Orion santé et soient informés des thèmes retenus avant les autres organismes de formation était une conséquence de leur statut qui n’impliquait aucun acte positif déloyal de leur part, que le traitement des réponses à l’appel d’offres s’effectuait sur la base de projets anonymisés, à partir d’une plate-forme informatique gérée, de la réception au jugement des offres, en application d’une convention de sous-traitance, par l’OGC, organisme indépendant, distinct des associations Santé formation et Santé formation 2, celle-ci n’agissant qu’en qualité d’intermédiaire entre la commission paritaire nationale et les candidats, de sorte que les décisions étaient prises à la suite d’informations ne permettant aucune identification de l’auteur des offres.
10. Elle a relevé que, sous le régime de chacune des conventions de 2002 et de 2007, la composition de la commission nationale, puis de la CPN-FCC était paritaire, composée pour moitié par les représentants de l’UNCAM et pour l’autre par les représentants des organisations syndicales, que leurs délibérations étaient collégiales, ce qui excluait que la décision puisse être imposée par les représentants d’une organisation syndicale, et en a déduit que la société Clavis n'établissait l'existence d'aucun acte positif et caractérisé qui aurait faussé à son détriment le processus de réception, d'analyse et d'agrément des offres de formation.
11. En l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, et qui a, implicitement mais nécessairement, répondu en les écartant aux conclusions prétendument délaissées, a pu écarter l’existence d’une concurrence déloyale imputable à la société Orion et aux associations Santé formation et Santé formation.
12. Le moyen, inopérant en ses neuvième à onzième branches, qui, en l’absence de concurrence déloyale, critiquent des motifs surabondants relatifs au préjudice invoqué par la société Clavis, n’est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.