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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch., 23 novembre 2021, n° 19/01997

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Etablissement public SNCF réseau inscrite au RCS de Bobigny

Défendeur :

Société locale d'équipement et d'aménagement de l'aire marseillaise (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Brue

Conseillers :

Mme Dampfhoffer, Mme Demont

TGI Marseille, du 11 déc. 2019

11 décembre 2019

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Vu l'assignation du 24 octobre 2016, par laquelle la SA Société Locale d'Équipement et d'Aménagement de l'Aire Marseillaise dite SOLEAM a fait citer la société SNCF Réseau, devant le tribunal de grande instance de Marseille.

Vu le jugement rendu le 11 décembre 2018, par cette juridiction, ayant :

déclaré recevable l'action engagée par la SA Société Locale d'Équipement et d'Aménagement de l'Aire Marseillaise

déclaré que L'EPIC Réseau Ferré de France aux droits desquels vient L'EPIC SNCF Réseau a manqué à son obligation de délivrance à l'égard de la SA Société Locale d'Équipement et d'Aménagement de l'Aire Marseillaise.

condamné L'EPIC SNCF Réseau à verser à la SOLEAM les sommes de:

- 1.400.816,20 € HT, à titre de dommages-intérêts, en réparation des préjudices subis par cette dernière en raison d'un défaut de conformité affectant les parcelles sises à Marseille, constituant le Lot D, qui lui ont été cédées par SNCF Reseau,

- 341.492,51 €, au titre de la TVA sur la somme de 1.400.816,20 €, sous réserve de justification de l'absence de récupération de la TVA,

- 100.000 €, au titre du retard subi par le chantier,

- 5.000 €, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu la déclaration d'appel du 4 février 2019, par la société SNCF Réseau.

Vu les conclusions transmises le 10 février 2020, par l'appelante, réclamant l'infirmation du jugement déféré, soulevant l'irrecevabilité de l'action, sollicitant le débouté des demandes et subsidiairement la réduction du montant des réparations, ainsi que la condamnation de la SA Société Locale d'Équipement et d'Aménagement de l'Aire Marseillaise à lui payer la somme de 10'000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société SNCF Réseau invoque une clause de non-recours incluse dans la promesse synallagmatique de vente, maintenue malgré la novation mentionnée dans l'acte notarié, ainsi qu'une clause de non garantie, stipulée dans l'acte authentique, en ce qui concerne l'état du sol et les troubles, dommages, servitudes de toute nature qui pourraient résulter de l'existence, de l'exploitation et de l'entretien du chemin de fer.

Elle considère que l'action est, en réalité, une demande de garantie des vices cachés, dès lors qu'il est reproché d'avoir dissimulé l'ampleur de la pollution et non pas son existence et ajoute que l'assignation n'a pas été délivrée dans le délai légal de deux ans. Elle rappelle sur ce point l'existence d'une clause de non garantie, notamment ce qui concerne les remblais qui étaient signalés dans l'acte est bien visible lors de la visite des lieux dont l'ancienne affectation industrielle était connue de l'acquéreur.

La société SNCF Réseau estime que l'obligation de délivrance ne peut pas être utilement invoquée lorsque l'état de pollution du terrain ne peut être regardé comme constitutif des caractéristiques contractuellement convenues du terrain vendu. Tel est, selon elle, le cas en l'espèce, dès lors qu'il est indiqué dans l'acte de vente que les diagnostics aux fins de rechercher une éventuelle pollution n'ont pas été réalisés. Elle insiste sur le fait que la destination du bien acquis par la ville de Marseille n'était pas clairement définie dans l'acte de vente. Elle ajoute que le prix exceptionnellement bas justifie le fait que l'acquéreur ait accepté de prendre le bien en l'état, notamment en ce qui concerne le sol et le sous-sol.

Elle affirme que l'acquéreur professionnel a commis une faute et contribué à son préjudice par ses choix d'aménagement d'une zone d'habitation qui a conduit l'expert judiciaire à envisager d'importants travaux de dépollution.

La société appelante ajoute que les remblais n'entrent pas dans le champ d'application de l'obligation d'information de l'article L. 514-20 du code de l'environnement qui ne concerne que les dangers et inconvénients liés à une installation classée exploitée sur le bien vendu, alors que le rapport d'expertise précise que la pollution par métaux lourds qui caractérise les terrains du site, est liée à la présence de remblais provenant de zones d'activités industrielles extérieures au site même des parcelles R 66 et R 67.

Vu les conclusions transmises le 8 avril 2021, par la SA Société Locale d'Équipement et d'Aménagement de l'Aire Marseillaise, sollicitant la confirmation du jugement, sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité pour frais irrépétibles et réclame la condamnation de la société SNCF Réseau à lui payer la somme de 10 000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle rappelle que le lot D litigieux est exclusivement issu de la division de la parcelle R 67 et non de la parcelle R 66, ayant fait l'objet de procédures judiciaires distinctes et précise que par jugement du 10 avril 2015, le tribunal de grande instance de Marseille a fait droit à ses demandes concernant la pollution du lot A, également issu de la parcelle R 67, sur lequel un appel partiel a été formé.

La SOLEAM invoque un manquement à l'obligation de délivrance, dès lors que l'acte de vente précisait que le terrain ne devait pas faire l'objet d'une pollution importante et que le fait que les remblais aient été réalisés postérieurement à l'acquisition n'a pas d'incidence sur la garantie de délivrance conforme. Elle précise ne pas avoir engagé son action sur le fondement de la garantie des vices cachés.

L'intimée expose que la pollution, notamment par des métaux lourds, est attestée par le rapport d'expertise et que la destination des terrains acquis était connue du vendeur, pour avoir été clairement indiquée dans la promesse synallagmatique de vente et d'achat signée en 1999, ce dernier ne pouvant ignorer que la construction d'immeubles d'habitation implique l'obligation de prévoir des parkings souterrains.

Elle souligne que ses demandes ne portent que sur les frais supplémentaires liés à la dépollution, élevés, en raison de la nature des produits concernés évoqués par l'expert judiciaire, tels que les hydrocarbures, le plomb, l'arsenic, le mercure et les métaux lourds et sur l'ensemble des travaux d'excavation et estime que le moyen tiré du prix très bas n'est pas pertinent, alors que la SNCF avait reconnu dû retirer les terrains d'une vente aux enchères faute d'acheteurs et qu'il convient de tenir compte de leur grande superficie et de leur mauvais état, rendant nécessaire d'importants frais de réhabilitation, ce qui n'a pas été fait par l'expert évaluateur mandaté par l'appelante.

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 21 septembre 2021.

SUR CE

Par compromis du 4 mai 1999, L'EPIC Réseau Ferré de France a vendu à la ville de Marseille différents terrains.

Par acte authentique des 23 et 24 juillet 2001, la société Marseille Aménagement, qui s'est substituée à la ville de Marseille, devenue la SA Société Locale d'Équipement et d'Aménagement de l'Aire Marseillaise, a acquis de L'EPIC Réseau Ferré de France le lot D du plan, constitué de terrains destinés, après aménagement, à recevoir, un ensemble immobilier comprenant une maison de retraite, des logements réservés aux primo accédants, des commerces en pied d'immeuble, ainsi qu'un lot non dénommé destiné à la création d'une future voie à créer.

Par compromis du 16 décembre 2004, la société Marseille Aménagement à vendu une parcelle de 2636 m² à Monsieur Alain T.

Par avenant du 20 décembre 2007, la société Marseille Aménagement a déclaré à l'acquéreur Monsieur T. que la parcelle avait fait l'objet par le passé d'exploitation au titre de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement et qu'elle avait fait effectuer un diagnostic initial au mois de janvier 2004. Il était précisé que les travaux de dépollution de la parcelle vendue seront réalisés par Marseille Aménagement, à ses frais avancés, dans l'attente de la procédure en cours à l'encontre de l'ancien propriétaire Réseau Ferré de France.

Par ordonnance du 20 juillet 2009, Monsieur T. expert a été désigné, notamment aux fins de chiffrer le coût des travaux de remise en état aux fins de dépollution du site.

Il a rendu son rapport le 8 janvier 2014 celui-ci concluant que le terrain en cause est sérieusement pollué.

La SOLEAM réclame la condamnation de la société SNCF Réseau, venant aux droits de L'EPIC Réseau Ferré de France à lui payer le montant des frais de dépollution, ainsi que des dommages-intérêts au titre du retard subi par le chantier.

Sur la recevabilité de l'action fondée sur l'obligation de délivrance :

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, défaut d'intérêt, la prescription le délai préfixe ou la chose jugée.

L'existence d'une clause selon laquelle l'acquéreur s'engage à souffrir les troubles, dommages et servitudes résultant de l'existence de l'exploitation et de l'entretien du chemin de fer n'entre pas dans ces cas et relève du fond de l'affaire.

Il en est de même pour l'exception de recevabilité, liée au fondement juridique de l'action.

Dès lors que l'acte authentique de vente mentionne l'absence de pollution pour la parcelle concernée et qu'il est établi par le rapport d'expertise que le terrain vendu est affecté d'une pollution aux métaux lourds et que le vendeur connaissait la destination à usage d'équipements publics de celui-ci, il peut être invoqué à l'appui d'une action fondée sur l'obligation de délivrance qu'il existe une différence substantielle entre la chose livrée et ce qui avait été contractuellement prévu, sans qu'il y ait lieu de requalifier l'action fondée sur le défaut de délivrance en action en garantie des défauts cachés.

L'action fondée sur l'obligation de délivrance doit donc être déclarée recevable.

Il en résulte que la question de la prescription biennale d'une action fondée sur le défaut caché de la chose vendue qui n'est pas invoqué par le demandeur se trouve sans objet.

Sur le fond :

Il convient de rappeler que le présent litige porte sur le lot D, inclus dans la parcelle cadastrée R67.

La clause d'exclusion de garantie insérée dans le compromis de vente du 4 mai 1999, visant notamment les remblais qui auraient pu être pratiqués ne peut plus être invoquée par le vendeur, dès lors que l'acte authentique de vente des 23 et 24 juillets 2001 comporte une clause explicite aux termes de laquelle les parties déclarent que 'les clauses contenues au présent acte font novation avec celles qui auraient pu être insérées dans tout avant-contrat établi en vue des présentes'.

Contrairement à ce qu'affirme la société SNCF Réseau, les stipulations relatives à l'état environnemental du site ne sont pas seulement le reflet des connaissances du vendeur pouvant se rattacher à l'obligation d'information, mais constituent des engagements entrant dans le champ contractuel, dès lors qu'elles sont insérées dans la rubrique 'déclarations du vendeur' portant sur la consistance et les caractéristiques du bien vendu.

Si l'acte de vente des 23-24 juillet 2001, relatif notamment à la parcelle R 67, stipule en sa page 15 que l'acquéreur prend le bien vendu dans l'état où il se trouve actuellement, sans aucune garantie de la part du vendeur pour raison soit de l'état du sol ou du sous-sol, à raison de fouilles ou excavations qui auraient pu être pratiquées sous le bien et qu'il souffrira les troubles, dommages, servitudes de toute nature qui pourraient résulter de l'existence, de l'exploitation et de l'entretien du chemin de fer, il comporte, compte tenu de son ancien usage industriel par la SNCF des dispositions spéciales relatives à la pollution, dérogeant à cette observation générale.

Il énonce à ce titre en sa page 19 que le bien vendu n'est frappé d'aucune pollution susceptible de résulter notamment de l'exploitation actuelle ou passée ou de la proximité d'une installation soumise à autorisation (loi numéro 92-646 du 13 juillet 1992 relative à l'élimination des déchets ainsi qu'aux installations classées pour la protection de l'environnement).

S'il expose en sa page 20 que la parcelle cadastrée section R numéro 67 at fait l'objet par le passé d'exploitation au titre de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement, concernant l'entretien et la réparation de wagons par nettoyage chimique des réservoirs à la soude, atelier de charge d'accumulateurs, atelier de mécanique et chaudronnerie, atelier de peinture, il précise en sa page 21 que ces activités ne sont pas susceptibles d'avoir engendré des pollutions significatives.

Il en résulte que l'absence de pollution importante était entrée dans le champ contractuel et que pour remplir l'obligation de délivrance conforme, le terrain vendu devait être exempt de pollution aux métaux lourds.

Monsieur T. expert judiciaire a précisé dans son rapport du 8 janvier 2014 que « la pollution affectant les sols du Lot D d'une surface de 5 000 m² est une pollution par des remblais de surface issus de sites industriels et de sites divers non identifiés extérieurs au terrain d'origine. Les remblais qui ont été mis en place sur le terrain d'origine constitué par des limons plus ou moins argileux non pollués, ont atteint des hauteurs maximales de l'ordre de 3 à 3,50 mètres. Les remblais ont permis la création de plateformes et les aménagements des surfaces d'allure horizontale qui ont été créées à partir de l'année 1912. Il est certain que les utilisateurs des remblais remblayés à partir des années 1912 et suivantes ont bénéficié, dès cette époque, de surfaces surélevées non inondables par les eaux du cours d'eau à caractère torrentiel situé à proximité (Le Jarret) et directement aménageables avec constructions, aires revêtues et voies ferrées »

L'expert a relevé que le terrain était pollué par des métaux lourds liés à la présence de remblais provenant de zone d'activité industrielle extérieure au site mais utilisés pour remblayer le terrain d'origine.

Il précise que la pollution des terres a été mise en évidence sur l'ensemble du lot concerné par le présent litige et a rendu nécessaire les traitements qui ont du être réalisés dans la mesure où des terrassements importants devaient être réalisés pour permettre la construction.

L'expert a estimé indispensable, notamment pour des raisons de risques sanitaires, l'évacuation des terres polluées sur toute la surface du terrain sauf une partie superficie de 350 m2 destinée à une aire de jeu ou de détente et un boulodrome.

Le fait que le vendeur ignorait ou non la pollution affectant le terrain est inopérant, dans le cadre de l'obligation de délivrance.

Dès lors que la promesse de vente établie le 4 mai 2019 évoque dans son préambule, distinct des clauses strictement contractuelles, ayant fait l'objet d'une novation, la volonté de la commune de Marseille de réaliser un projet urbanistique de 10 ha sur une partie des terrains ferroviaires de l'ancienne gare du Prado l'EPIC Réseau Ferré de France était informé de la destination des parcelles vendues, consistant à la construction d'un secteur d'habitation de bureaux et d'équipements publics.

L'EPIC Réseau Ferré de France, lui-même vendeur professionnel, ne peut ainsi prétendre que l'acquéreur professionnel aurait commis une faute et contribué à son préjudice par son choix d'aménagement, alors qu'est annoncée une pollution insignifiante.

En page 12 de son rapport, l'expert judiciaire, se référant aux conclusions des analyses réalisées par la société Copramex, sur la zone concernée, signale des teneurs en métaux lourds présentant les caractéristiques d'une contamination généralisée et de mâchefers contenus dans les remblais peu lixiviables.

Il précise que les prélèvements effectués le 11 août 2009 dans les terrains issus de remblais de surface située sous le niveau du sol tel qu'il existait avant démarrage des terrassements ont donné lieu aux analyses réalisées par la société SGS Multilame, dont le rapport fait état d'un sol non admissible dans les décharges catégorie inertes.

Il résulte en effet des conclusions de l'expert judiciaire, dont les observations font suite à une étude sérieuse et motivée, tant de l'état des lieux que des travaux y réalisés par l'aménageur, que 'les parcelles étaient affectées d'une pollution par métaux lourds, liée à la présence de remblais provenant des zones d'activités industrielles extérieures au site même des parcelles R 66 et R 67(...), qui ont permis aux terrains d'origine, qui étaient des terrains naturels, d'être surélevés pour permettre les activités ferroviaires, puis utilisés pour les nouvelles activités ;

Il précise que ces remblais d'une hauteur moyenne de 3m sont constitués par ' des déchets industriels de type scories, mélangés à des produits de démolition de bâtiments et d'ouvrages divers, et à des remblais provenant de chantier et de terrassement... (page 12 de ses conclusions).

Il apparaît ainsi que la pollution concernait le terrain lui-même, tel qu'il a été délivré, alors même que certains de ses éléments provenaient de remblais de parcelles extérieures antérieurement déposés.

L'ensemble de ces éléments révélant l'existence d'une pollution généralisée aux métaux lourds permet d'établir que l'engagement contractuel de délivrance d'un terrain non affecté par une pollution importante n'a pas été rempli par le vendeur, constituant une obligation substantielle, compte tenu de la destination des lieux, dont il avait connaissance.

Le fait que le vendeur ait connu ou non la pollution aux métaux lourds affectant le terrain vendu n'a pas d'incidence sur le respect de l'obligation de délivrance, étant précisé qu'il appartenait à celui-ci de vérifier en sa qualité de professionnel les informations qu'il donnait dans le cadre du contrat de vente.

Le prix pratiqué ne peut être invoqué pour justifier l'admission d'une pollution par métaux lourds, dès lors que celle-ci n'a pas été signalée dans les actes de vente.

La SOLEAM est donc fondée à réclamer, en application des dispositions de l'article 1611 du Code civil, la prise en charge des frais engagés pour dépolluer les terrains qui n'étaient sur ce point pas conformes à ce qui avait été convenu.

Sur les conséquences indemnitaires de cette situation, que l'expert explique que les travaux et différentes études réalisés pour parvenir à la dépollution l'ont été dans les règles de l'art et répondaient aux exigences techniques compte tenu de la nature et du siège de la pollution dans les remblais et aux différentes profondeurs où elle a été constatée; qu'il n'y a pas eu de 'surdimensionnement des volumes de terres amenées en décharge'; qu'il résulte de ces diverses diligences que c'est la situation de pollution qui a nécessité les études réalisées ainsi que l'évacuation des terres et leur tri, y compris par rapport aux terres non polluées dans les conditions où elles ont eu lieu.

Il ne saurait, par ailleurs, être opposé à la SOLEAM que les travaux de dépollution seraient imputables à la nature de ses projets dont le vendeur n'aurait pas connu l'exacte teneur, dès lors que SNCF réseau a cédé ses terrains pour une opération de ré-aménagement global du quartier, expressément mentionnée aux actes, laquelle comprenait, par son ampleur et son caractère d'ensemble, toutes opérations de construction ( habitations, et tous éléments d'équipement divers nécessitant couramment en milieu urbain des installations souterraines avec notamment des parkings et des fondations correspondant à l'importance des bâtiments).

L'indemnisation exigible ne peut porter que sur les frais de dépollution et notamment sur le surcoût des frais d'admission au centre de stockage des déchets, compte tenu de leur catégorie, ainsi que le surcoût des frais de transport.

Ces préjudices certains sont en lien de causalité direct, avec le manquement à l'obligation de délivrance imputable à la société SNCF Réseau.

Le vendeur ne peut invoquer l'existence d'un changement d'usage d'aménagement urbain par l'acquéreur dès lors que celui-ci a toujours été précisé dans les actes, ni prétendre au vu des conclusions précises de l'expert que l'excavation des remblais sur plusieurs mètres de profondeur n'était pas nécessaire pour la protection de l'environnement et de la santé des personnes.

Il convient par ailleurs de constater que le demandeur a lui-même déduit le montant des travaux de terrassement réalisés dans le cadre des chantiers eux-mêmes, aux frais des promoteurs.

La société appelante ne formule aucune observation, ni critiques pertinentes sur les montants réclamés lesquels sont justifiés par des pièces versées aux débats. Ces frais de dépollution correspondent bien à un surcoût pour l'ensemble de l'opération.

En effet, la SA Société Locale d'Équipement et d'Aménagement de l'Aire Marseillaise justifie du versement de l'ensemble des sommes facturées y compris celle de 1674,40 €, à la société Copramex qui indique dans sa dernière facture que le marché a été soldé.

La société SNCF Réseau ne démontre pas en quoi une partie des travaux de confortement réalisés par la société Ortec, pourtant retenus par l'expert judiciaire, compte rendu de la nature du projet de construction envisagé depuis l'origine, ne devraient pas être pris en charge.

Il convient d'observer d'une manière générale que l'expert a évalué le préjudice en fonction du projet initial.

Il a ainsi retenu la nécessité d'évacuer les remblais pollués.

Au vu des indications données par le rapport d'expertise judiciaire sur les surcoûts directement liés à la présence de pollution dans le sol sur le lot D et des pièces produites, le montant de l'indemnisation doit être fixé à la somme de 2 064 323,58 €, au titre des marchés Copramex, Ortec, Qualiconsult et GRS Valtech, dont il y a lieu de déduire le coût des travaux relevant des terrassements nécessaires à l'opération immobilière pour la somme de 322'014,87,€ soit la somme de 1'742'308,71 € TTC;

L'expert précise bien en page 44 de son rapport que les frais mentionnés ci-dessus correspondent aux travaux de réhabilitation et dépollution des terrains situés sur l'emprise de la voie 02 et de l'îlot 01, correspondant au lot D qui ont été conçus et réalisés conformément aux marchés de prestations intellectuelles et de travaux signés en 2009 par Marseille Aménagement et ses différents contractants.

Les frais d'évacuation après tri sur une aire de stockage des terres, confiée à la société GRS Valtech doivent également être pris en compte.

Il appartenait à la société SNCF Réseau de formuler toutes observations pendant le cours de l'expertise judiciaire contradictoire réalisée de 2009 à 2014, sur les justificatifs devant être fournis par l'acquéreur, notamment en ce qui concerne les montants perçus de la part des promoteurs et sur le détail de l'indemnisation des travaux relatifs au lot D.

À ce titre, il y a lieu d'écarter l'éventualité d'une expertise complémentaire, évoquée 'à titre principal ' en page 86 des conclusions d'appel de la société SNCF Réseau, non reprise dans leur dispositif.

Ses observations formulées dans le cadre de ses dernières conclusions devant la cour sur le montant de l'indemnisation ne sauraient dans ces conditions être retenues.

Dès lors que la SA Société Locale d'Équipement et d'Aménagement de l'Aire Marseillaise indique avoir pu récupérer la TVA sur cette somme, la société SNCF Réseau doit être condamnée à lui payer la somme de 1'400'816,20 € HT, au titre des frais de dépollution.

La nécessité de réaliser des études longues et complexes en matière de pollution et de dépollution, et de mettre en oeuvre des travaux importants à ce titre, a nécessairement engendré un retard significatif sur l'exécution du projet qui doit être justement indemnisé par le vendeur à concurrence de la somme de 100'000 €.

Il n'y a pas lieu de modifier le montant alloué par le tribunal au titre des frais irrépétibles.

Le jugement est confirmé, sauf en ce qui concerne la TVA sur les frais de dépollution.

Il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

La partie perdante est condamnée aux dépens, ce compris les frais d'expertise judiciaire conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qui concerne la TVA sur les frais de dépollution,

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit n'y avoir lieu à la condamnation de la société SNCF Réseau au paiement de la TVA sur les frais de dépollution.

Y ajoutant,

Condamne la société SNCF Réseau à payer à la SA Société Locale d'Équipement et d'Aménagement de l'Aire Marseillaise, la somme de 3 000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la société SNCF Réseau aux dépens, de première instance, ce compris les frais d'expertise judiciaire et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.