Cass. 3e civ., 13 octobre 2021, n° 20-12.901
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme TEILLER
Avocats :
SARL Cabinet Munier-Apaire, SCP Gadiou et Chevallier
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon,11 septembre 2019), Mme [I] [H] et MM. [J] et [S] [H] (les consorts [H]) ont accepté, à compter du 1er novembre 2011, le renouvellement du bail commercial dont la société Lauman, exploitant un commerce de restaurant-bar-brasserie, était bénéficiaire, moyennant la fixation d'un loyer déplafonné. Ils ont, ensuite, assigné la locataire en fixation, selon la valeur locative, du loyer du bail renouvelé.
Examen du moyen sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. Les consorts [H] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à la fixation d'un loyer déplafonné, alors : « que l'extension des lieux loués à usage de brasserie, par l'agrandissement d'une terrasse extérieure, exploitée sur une autorisation d'occupation du domaine public, accordée et renouvelée depuis des dizaines d'années, constitue une modification notable des conditions d'exploitation et un motif de déplafonnement du loyer ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ayant constaté que la brasserie bénéficiait d'une terrasse agrandie dont l'expert judiciaire a considéré qu'elle constitue un avantage exceptionnel pour les preneurs, par sa surface, le faible montant de la redevance d'occupation du domaine public payée en comparaison avec le chiffre d'affaires élevé généré et la meilleure visibilité donnée au bar-brasserie exploité dans les lieux, avantage justifiant, selon lui, une majoration de 10 à 15 % de la valeur locative, la cour d'appel ne pouvait refuser de considérer qu'il y avait une modification notable des caractéristiques des lieux loués dans leurs conditions d'exploitation permettant aux bailleurs d'obtenir le déplafonnement du loyer, aux motifs inopérants que la terrasse ne fait pas partie des locaux loués, n'appartient pas aux preneurs et se trouve sur le domaine public dont le caractère précaire résulte de ce que l'autorisation municipale est révocable à tout moment, sans violer les articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145-3 du code de commerce, dans leur rédaction applicable au litige. »
3. La cour d'appel a exactement retenu que l'extension, au cours du bail expiré, de la terrasse de plein air devant l'établissement, installée sur le domaine public et exploitée en vertu d'une autorisation administrative, ne pouvait être retenue comme une modification des caractéristiques des locaux loués, dès lors qu'elle ne faisait pas partie de ceux-ci.
4. Le grief n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. Les consorts [H] font le même grief à l'arrêt, alors « que la modification notable des facteurs locaux de commercialité qui a une incidence favorable sur le commerce exploité par le preneur constitue un motif de déplafonnement ; que les facteurs locaux de commercialité dépendent notamment de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance du lieu de son implantation, de l'attrait particulier que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire ; qu'en se bornant à énoncer, pour débouter les bailleurs de leur demande en déplafonnement du loyer, que l'extension de la terrasse de plein air qui se trouve devant l'établissement ne pouvait être regardée comme une modification notable des caractéristiques des locaux loués, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, conformément aux constatations effectuées par l'expert judiciaire, elle pouvait être regardée comme une modification notable des facteurs locaux de commercialité qui avait nécessairement une incidence favorable sur le commerce de bar-brasserie exploité par la preneuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145-6 du code de commerce, dans leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145- 6 du code de commerce :
6. Selon ces textes, la valeur locative est déterminée notamment au regard des facteurs locaux de commercialité dont l'évolution notable au cours du bail expiré permet, si elle a une incidence favorable sur l'activité exercée dans les locaux loués, d'écarter la règle du plafonnement du loyer du bail renouvelé et de le fixer selon la valeur locative.
7. Pour rejeter la demande des bailleurs, l'arrêt retient que, parmi les quatre critères d'évaluation utiles, les bailleurs invoquent seulement la modification des caractéristiques du local loué.
8. En se déterminant ainsi, alors que l'autorisation municipale accordée, en permettant d'étendre l'exploitation d'une terrasse sur le domaine public, contribue au développement de l'activité commerciale, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y était pourtant invitée, si cette situation modifiait les facteurs locaux de commercialité et constituait par là-même un motif de déplafonnement, n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.