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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 25 novembre 2021, n° 18/07488

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Informatic Consulting Group (SARL)

Défendeur :

Aiptek International GMBH (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

Me Bouzidi-Fabre, Me Breuil, Me Millot

T. com. Paris, du 8 mars 2018, n° 201506…

8 mars 2018

La société Aiptek International (la société Aiptek), qui distribue du matériel électronique, a confié en 2006 à la société Informatic Consulting Group (la société ICG) un mandat pour promouvoir et vendre ses produits.

Considérant que la société ICG était défaillante dans l'exécution du contrat, la société Aiptek a, le 27 octobre 2009, notifié la résiliation du contrat.

La société ICG a, par acte du 13 mai 2015, assigné la société Aiptek devant le tribunal de commerce de Paris en paiement de la somme de 682 596,18 euros, avec intérêts, au titre de factures, d'une indemnité de préavis, d'une indemnité de résiliation anticipée, d'une indemnité de remploi, de frais marketing et d'une indemnité de rupture brutale.

Par jugement du 8 mars 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit l'action de la société ICG irrecevable car prescrite ;

- condamné la société ICG à payer à la société Aiptek une indemnité de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- condamné la société ICG aux dépens.

Par déclaration du 10 avril 2018, la société ICG a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- dit l'action de la société ICG irrecevable car prescrite ;

- condamné la société ICG à payer à la société Aiptek une indemnité de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société ICG de sa demande de voir dire et juger que la société ICG était bien l'agent commercial de la société Aiptek ;

- débouté la société ICG de sa demande de voir dire et juger que la société Aiptek a rompu brutalement et abusivement le contrat d'agent commercial la liant avec la société ICG ;

- débouté la société ICG de sa demande de condamnation de la société Aiptek à lui régler la somme de 682 596,18 euros augmentée des intérêts légaux à compter de la mise en demeure délivrée le 15 avril 2010, cette somme se décomposant de la façon suivante :

- Factures dues : 130 407,74 euros ;

- Indemnité de préavis de six mois de commissions (158 614,62 euros : 12 x 6) : 79 307,31 euros ;

- Indemnité de résiliation anticipée de deux ans de commissions (158 614,62 euros x 2) : 317 229,24 euros ;

- Indemnité de remploi (27 % de 317 229,24 euros) : 85 651,89 euros ;

- Frais de marketing : 20 000,00 euros ;

- Indemnité de licenciement : mémoire ;

- Indemnité de rupture brutale : 50 000,00 euros ;

- débouté la société ICG de sa demande de condamnation de la société Aiptek à lui régler la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions du 1er avril 2020, la société ICG demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau de :

- dire et juger que les demandes de la société ICG ne sont pas prescrites,

- condamner la société Aiptek au paiement d'une somme de 682 596,18 euros, augmentée des intérêts légaux à compter du 15 avril 2010, au titre de l'exécution et de la rupture d'un contrat d'agent commercial qui liait les parties, outre une somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Aiptek au paiement de la totalité des frais d'exécution de la décision à intervenir,

- débouter la société Aiptek de toutes ses demandes.

Par ses dernières conclusions du 20 novembre 2018, la société Aiptek demande à la cour de :

I. A titre principal :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré l'action de la société ICG prescrite et par conséquent, irrecevable.

En conséquence,

- déclarer que l'action de la société ICG est irrecevable ;

- débouter la société ICG de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

II. A titre subsidiaire :

- dire et juger que la société Aiptek est bien fondée à résilier le contrat d'agent commercial qui la liait avec la société ICG sans lui verser d'indemnités.

En conséquence,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société ICG.

III. A titre infiniment subsidiaire :

- limiter la condamnation de la société Aiptek au titre de l'indemnité de résiliation anticipée et de l'indemnité de préavis à la somme de 145 762,88 euros ;

- débouter la société ICG du surplus de ses demandes.

IV. En toute hypothèse :

- condamner la société ICG à verser à la société Aiptek la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner la société ICG à verser à la société Aiptek la somme de 15 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société ICG aux entiers dépens ;

- ordonner l'exécution provisoire.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 juin 2021.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

- Sur la prescription :

L'article L. 134-12, alinéa 1 et 2, du code de commerce dispose qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, et que l'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.

Aux termes de l'article L. 110-4 I, issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

L'article L. 134-12 du code de commerce n'institue pas une prescription extinctive de l'action de l'agent commercial mais une déchéance de son droit à réparation.

En l'espèce, la société Aipteck a notifié, le 27 octobre 2009, à la société ICG la résiliation du contrat.

La société ICG a, par lettre recommandée du 28 octobre 2009, dans le délai d'un an de l'article L. 134-12 du code de commerce, réclamé à la société Aipteck le paiement de ses commissions et de diverses indemnités.

Elle a assigné la société Aipteck en paiement par acte du 13 mai 2015, soit à l'expiration du délai de cinq ans de l'article L. 110-4 du code de commerce.

Son action en paiement d'indemnités est prescrite et dès lors irrecevable.

La société ICG réclame le paiement de factures de commissions établies entre le 24 février 2009 et le 6 avril 2010.

Son action en paiement du solde restant dû sur ces factures a été introduite par acte du 13 mai 2015, à l'expiration du délai de cinq ans de l'article L. 110-4 du code de commerce.

La société ICG soutient que la reconnaissance de sa dette par la société Aiptek interrompt la prescription et vaut renonciation à la prescription.

L'article 2240 du code civil dispose que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.

Aux termes de l'article 2250 du code civil, seule une prescription acquise est susceptible de renonciation.

L'article 2251 du même code énonce que la renonciation à la prescription est expresse ou tacite et que la renonciation tacite résulte de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription.

La renonciation à un droit, si elle peut être expresse ou tacite, ne peut résulter que d'actes accomplis en connaissance de cause et manifestant de façon non équivoque la volonté de renoncer.

En l'espèce, il ressort des échanges de correspondance entre la société ICG et la société Aiptek entre août 2009 et mai 2010 que la société Aiptek a contesté les réclamations de la société ICG sans reconnaître l'existence d'une créance de celle-ci.

La société Aiptek a contesté le bien-fondé des factures et n'a proposé le paiement d'aucune somme.

La société ICG n'établit donc aucune reconnaissance, même partielle, de la société Aiptek du droit au paiement des factures émises.

L'action de la société ICG est dès lors prescrite.

Les écritures de la société Aiptek, tant en première instance qu'en appel, ne contiennent aucune manifestation non équivoque de sa volonté de renoncer, en toute connaissance de cause, à se prévaloir de la prescription acquise des créances litigieuses.

L'action de la société ICG est irrecevable.

Le jugement, qui a déclaré l'action de la société ICG irrecevable car prescrite, sera confirmé.

- Sur la demande de la société Aiptek en dommages et intérêts pour procédure abusive :

La société Aiptek ne justifie pas de circonstances particulières caractérisant une faute de la société ICG faisant dégénérer en abus de droit le droit d'agir en justice et l'exercice de la voie de recours.

Sa demande en dommages et intérêts sera donc rejetée.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La société ICG, qui succombe, sera tenue aux dépens de la procédure d'appel.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société ICG à payer à la société Aiptek la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, et aux dépens de première instance.

Il n'apparaît pas inéquitable de rejeter les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

- Sur l'exécution provisoire :

L'arrêt étant exécutoire de droit, il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- CONFIRME le jugement du 8 mars 2018 du tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

- REJETTE la demande de la société Aiptek en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- REJETTE les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

- CONDAMNE la société Informatic Consulting Group aux dépens de la procédure d'appel.