CA Chambéry, ch. civ. sect. 1, 23 novembre 2021, n° 19/00653
CHAMBÉRY
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Entreprise Bronnaz (SAS), MAAF (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ficagna
Conseillers :
Mme Fouchard, Mme Real Del Sarte
Avocats :
SCP Cabinet Denarie Buttin Perrier Gaudin, Selarl Otec Reseaux Et Industries, Selurl Cochet Francois
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon acte d'engagement en date du 8 novembre 2010, la commune de Jacob Bellecombette (Savoie) a confié à la société Entreprise Bronnaz, exerçant à l'enseigne Citéos, les travaux de remplacement de 200 points lumineux par des luminaires à diodes électroluminescentes ou « LED », sous la maîtrise d'oeuvre de la société Viatec Cardo.
La société Bronnaz s'est fournie auprès de la société Office Technique d'Equipements (OTEC), qui a intégré dans ses propres lampadaires des modules d'éclairage fabriqués par la société HMI Innovation.
Ces travaux se sont déroulés en trois tranches réalisées entre 2010 et 2012. La réception des travaux est intervenue en mai 2011 pour la première tranche, et en avril 2012 pour les deux autres tranches.
Dans les mois qui ont suivi la mise en service des nouveaux luminaires, la commune s'est plainte de nombreux dysfonctionnements, ayant conduit à des remplacements de nombreuses ampoules sous garantie par la société OTEC, sans qu'il y soit remédié de façon durable. Jusqu'à la moitié des points lumineux changés ont été atteints.
C'est dans ces conditions que la commune de Jacob Bellecombette a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble aux fins d'expertise, laquelle a été ordonnée, au contradictoire de la société Bronnaz, par décision du 20 octobre 2015 qui a désigné M. Dominique E. en qualité d'expert. La requête de la commune a été rejetée en ce qu'elle était dirigée à l'encontre de la société OTEC, fournisseur, et de la société HMI, fabricant, celles-ci n'ayant pas la qualité de locateurs d'ouvrage à l'égard de la commune, laquelle ne dispose pas d'action à leur encontre.
En considération de cette décision, la société Bronnaz a alors fait assigner la société OTEC, son assureur la MAAF SA, ainsi que la compagnie MMA IARD SA, assureur de la société HMI Innovation (placée en liquidation judiciaire le 22 avril 2015) devant le juge des référés du tribunal de commerce de Chambéry, lequel, par ordonnance du 11 décembre 2015, a également désigné M. E. en qualité d'expert.
Après dépôt du rapport d'expertise, la commune de Jacob Bellecombette a de nouveau saisi le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble à l'encontre de la société Bronnaz, laquelle, selon ordonnance du 11 mai 2017, a été condamnée à payer à la commune une provision de 177 600 € TTC à valoir sur les travaux de remplacement des 200 luminaires défectueux, et celle de 1 200 € au titre des frais de procédure. L'appel en garantie formé par la société Bronnaz à l'encontre de la société OTEC a été rejeté comme porté devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
La société Bronnaz a déposé une requête en annulation de cette décision devant la cour administrative d'appel de Lyon, laquelle, par ordonnance du 12 février 2018, a rejeté cette requête.
C'est dans ces conditions que, estimant que la défectuosité des luminaires est exclusivement imputable au fournisseur et au fabricant, par actes délivrés les 8, 9 et 22 août 2017, la société Bronnaz a fait assigner la société OTEC, son assureur la MAAF, et la compagnie MMA IARD, ès qualités d'assureur de la société HMI (désormais en liquidation judiciaire), pour obtenir leur condamnation à lui payer la somme de 178 800 €, correspondant à la somme versée à la commune de Jacob Bellecombette.
La société OTEC s'est opposée à toute condamnation, sollicitant notamment le sursis à statuer dans l'attente de la mise en cause de la société HMI, la compagnie MAAF a dénié sa garantie à la société OTEC, et la MMA a admis la responsabilité de son assurée HMI à hauteur de 60 % du dommage, sa garantie étant limitée aux seules opérations de démontage et remontage évaluées à 38 000 € HT.
Par jugement contradictoire rendu le 27 mars 2019, le tribunal de commerce de Chambéry a :
- dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer,
- rejeté la demande de la société OTEC s'agissant d'une contre-expertise judiciaire,
- homologué le rapport de l'expert judiciaire, sauf en ce qu'il a conclu à une non-conformité des lampadaires fournis par la société OTEC à la société Bronnaz,
- condamné in solidum la société OTEC et la MAAF à payer, en deniers ou quittances valables, à la société Bronnaz la somme de 71.520 €, montant principal de la cause sus-énoncée,
- condamné la MMA à payer, en deniers ou quittances valables à la société Bronnaz la somme de 38 000 €, au titre du contrat d'assurance conclu avec la société HMI,
- renvoyé la société Bronnaz à mieux se pourvoir, s'agissant du reliquat de sa demande principale, soit la somme de 69 280 €,
- condamné la société OTEC, la MAAF et la MMA à payer à la société Bronnaz la somme de 8.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et ce à raison de 40 % de cette somme à la charge in solidum de la société OTEC et de la MAAF et de 60 % de cette somme à la charge de la MMA,
- condamné les mêmes aux dépens y compris les frais d'expertise, dans les mêmes proportions.
Par déclaration du 17 avril 2019, la société Bronnaz a interjeté appel de ce jugement.
La société OTEC a été absorbée par la société mère OTEC Réseaux et Industries, ci-après désignée OTEC.
Par ordonnance rendue le 7 juillet 2020, le conseiller de la mise en état, saisi sur incident par la société OTEC, a débouté celle-ci de sa demande d'annulation et de caducité de l'appel.
L'affaire a été clôturée à la date du 31 août 2021 et renvoyée à l'audience du 28 septembre 2021, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 16 novembre 2021, prorogé à ce jour.
Par conclusions n° 3 notifiées le 26 juillet 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Bronnaz demande en dernier lieu à la cour de :
Vu les articles 1217 et suivants (anciennement 1147 et suivants) du code civil,
Vu les articles 1599 et suivants du code civil,
Vu les articles L. 124-3 et suivants du code des assurances,
- réformer le jugement déféré en ce qu'il n'a pas fait droit intégralement aux demandes de la société Bronnaz,
Sur la responsabilité de la société OTEC au titre du contrat de vente,
A titre principal,
- dire et juger que conformément à son marché, la société Bronnaz a commandé à la société OTEC des luminaires annoncés comme respectant la protection IP67,
- constater que la fiche technique des lampadaires Ysee établie par la société OTEC mentionne au titre de l'appareillage un « module HMI IP67, câblé RNF 2X1.5»,
- dire et juger que l'expertise établit que les modules intégrés aux lampadaires livrés par la société OTEC n'ont pas la qualification IP67, mais IP66,
- dire et juger que les produits livrés par la société OTEC ne sont pas conformes aux produits commandés par la société Bronnaz,
- en conséquence, dire et juger que la société OTEC engage sa responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article 1604 du code civil,
A titre subsidiaire,
- dire et juger les lampadaires livrés par la société OTEC défectueux en raison de défauts de soudure des Leds et d'une étanchéité insuffisante,
- dire et juger encore que la seule solution à ces défauts est à dire d'expert le remplacement intégral des lampadaires,
- dire et juger que ces défauts constituent des vices cachés indécelables par l'acquéreur lors de la livraison,
- dire et juger que la venderesse professionnelle OTEC est réputée connaître les vices des choses vendues,
- dire et juger en conséquence que la société OTEC engage sa responsabilité sur le fondement des dispositions des articles 1641 et suivants du code civil,
- dire et juger que la société OTEC est tenue, outre la restitution du prix de la vente, de tous les dommages et intérêts envers la société Bronnaz,
Sur la garantie de MAAF Assurances,
- dire et juger la garantie de la compagnie MAAF Assurances, assureur d'OTEC, mobilisable,
Sur la prise en compte de la condamnation prononcée contre MMA IARD, non frappée d'appel,
- prendre acte que la compagnie MMA IARD a été condamnée à l'égard de la société Bronnaz à hauteur de 38 000 €,
- dire et juger que les condamnation prononcées pour le tout contre la société OTEC et MAAF Assurances le seront par conséquent en deniers ou quittances,
En conséquence,
- condamner in solidum la société OTEC et la société MAAF Assurances à verser à la société Bronnaz, en deniers ou quittances, la somme de 183.708,79 €,
En toute hypothèse,
- condamner in solidum la société OTEC et la compagnie MAAF Assurances à verser à la société Bronnaz la somme de 5 000 € au visa de l'article 700 du code de procédure civile relatif à la présente procédure d'appel,
- condamner les mêmes aux entiers dépens incluant le coût des deux expertises judiciaire de M. E., dont distraction au profit de la SELARL D. Avocats Grenoble, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 23 août 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société OTEC Réseaux et Industries demande en dernier lieu à la cour de :
- déclarer recevable l'intervention volontaire de la SARL OTEC Réseaux et Industries,
Vu le rapport d'expertise judiciaire de M. E. du 28 avril 2017,
Vu l'absence de test opéré sur les luminaires en cause permettant de déterminer précisément les responsabilités et de chiffrer le coût de remise en état,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il n'a pas homologué le rapport d'expertise judiciaire de M. E. en ce qu'il concluait à une non-conformité non démontrée des lampadaires fournis par la société OTEC à la société Bronnaz,
- débouter en conséquence en l'état la société Bronnaz de l'ensemble de ses demandes et la renvoyer à mieux se pourvoir, notamment en appelant en cause la société HMI en la personne de son liquidateur,
- déclarer inopposable à la société OTEC l'accord intervenu entre la société Bronnaz devenue Citéos et la commune de Jacob Bellecombette en vertu de l'effet relatif des conventions en application de l'article 1199 du code civil,
A titre subsidiaire,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé que la société OTEC sera intégralement relevée indemne par la compagnie MMA assureur de la société HMI de toute condamnation au titre de la part de responsabilité pouvant lui incomber,
- dire et juger que la compagnie MMA IARD assureur d'HMI devra en tout état de cause garantir l'intégralité des frais de dépose et repose, tel que chiffré par l'expert judiciaire à 38 000 € HT soit 45 600 € TTC,
- dire et juger que la compagnie MAAF garantira la société OTEC intégralement au titre des conséquences pécuniaires de ce sinistre, au regard de l'article L. 113-1 du code des assurances,
- condamner solidairement les sociétés MMA et MAAF aux entiers dépens de première instance et d'appel y compris les frais d'expertise judiciaire,
- condamner la société Bronnaz et/ou les sociétés MAAF et MMA solidairement à payer à la société OTEC la somme de 18 614 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions notifiées le 12 septembre 2019, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société MAAF Assurances demande en dernier lieu à la cour de :
Vu les articles 1604 et suivants du code civil,
Vu l'article 1231-1 du code civil,
- réformer le jugement déféré,
En conséquence,
- constater qu'il n'existe aucun dommage au sens de toute détérioration ou destruction d'une chose ou substance et toute atteinte physique à des animaux,
- constater que la garantie MAAF n'a vocation à intervenir que dans l'hypothèse d'un sinistre pour les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l'assuré encourt, en raison des dommages corporels, matériels ou immatériels consécutifs causés à des clients ou des tiers par un produit défectueux fabriqué, livré ou commercialisé par l'assuré,
- constater que les éléments défectueux sont simplement à remplacer,
- dire et juger, en conséquence, que la MAAF ne sera pas tenue à garantir la société OTEC au titre des conséquences pécuniaires de ce sinistre,
- dire et juger recevable le refus de garantie de la MAAF,
- débouter la société OTEC et la société Bronnaz de leurs demandes à l'encontre de la MAAF,
- la mettre hors de cause,
En tout état de cause,
- condamner la société Bronnaz ou qui mieux le devra, à payer à la MAAF, la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- les mêmes et dans les mêmes conditions se verront condamnés aux dépens.
MOTIFS ET DÉCISION
1°) Sur la recevabilité de l'action et la demande de sursis à statuer
La société OTEC Réseaux et Industries, qui vient aux droits de la société Office Technique d'Equipements, déclare intervenir volontairement à l'instance. Il convient de recevoir cette intervention volontaire.
La société OTEC conclut toujours en appel qu'il conviendrait, avant de statuer au fond, de mettre en cause la société HMI en la personne de son liquidateur. Elle semble sous-entendre, sans invoquer de moyen de droit, que l'action engagée par la société Bronnaz à son égard serait irrecevable.
Toutefois, il résulte des pièces produites aux débats et des explications des parties que la société Bronnaz a conclu le contrat de vente des luminaires litigieux avec la seule société OTEC. Elle n'a aucun lien contractuel avec la société HMI. L'émission par la société Bronnaz de factures à l'attention de la société HMI en septembre 2012 (pièce n° 22 de la société OTEC), dans le cadre du remplacement des luminaires défectueux sous garantie, n'a pas pour effet de modifier les relations contractuelles initiales.
En outre, la société OTEC, qui s'est fournie auprès de la société HMI, avait elle-même la possibilité de procéder à l'appel en cause du fabricant, ce qu'elle s'est bien gardée de faire.
L'action engagée par la société Bronnaz est donc parfaitement recevable et aucun sursis à statuer n'est justifié.
2°) Sur le défaut de conformité
La société Bronnaz fait grief au jugement déféré d'avoir écarté l'existence d'une non-conformité des luminaires vendus par la société OTEC, alors que celle-ci est établie par le rapport d'expertise.
La société OTEC soutient pour sa part que l'expert n'a pas démontré la non-conformité des produits livrés à la commande, notamment en ce qui concerne l'indice de protection, spécifié IP67 à la commande et que l'expert dit n'avoir été que IP66 à la livraison.
L'article 1604 du code civil dispose que la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.
Le vendeur est tenu de délivrer à l'acquéreur une chose conforme à ce qui a été convenu, et en état de fonctionner.
Il appartient à l'acquéreur qui l'invoque de prouver la non-conformité de la chose vendue.
En l'espèce, il est constant et non contesté que la société Bronnaz a commandé à la société OTEC des modules d'éclairage LED fabriqués par HMI dont l'indice de protection est IP67, et ce conformément aux spécifications du marché consenti par la commune de Jacob Bellecombette.
Cet indice IP67 a pour effet de garantir une étanchéité du module à l'eau.
La société OTEC prétend avoir commandé à la société HMI les modules correspondant. Si les bons de commande ne sont pas produits aux débats, il semble toutefois que ce point ne fasse pas l'objet de discussions, puisque l'expert judiciaire note lui-même que OTEC a bien commandé les modules IP67 à la société HMI (page 11 du rapport).
L'expert judiciaire indique que les ampoules livrées par la société HMI à la société OTEC ne présentent en réalité qu'un indice IP66, et que cette dernière n'a pas procédé aux vérifications des produits.
La société OTEC conteste fermement ce point et reproche à l'expert de n'avoir pas procédé à des tests sur les luminaires effectivement installés à Jacob Bellecombette faute d'accord de la commune.
Toutefois, ce débat sur les conditions des tests sur lesquels l'expert s'est appuyé est vain dès lors qu'il explique que les produits livrés par la société HMI ne sont pas couverts par un certificat de test valide, ce que la société OTEC aurait dû vérifier, et qu'en outre il a été matériellement constaté, sur les luminaires installés, que ceux-ci ne sont pas étanches, et que ce défaut d'étanchéité est à l'origine des dysfonctionnements constatés.
En réponse à un dire de la MMA, M. E. précise (page 10): «le défaut d'étanchéité est à partager entre ampoule et lampadaire, mais il faut bien comprendre que si l'ampoule n'est pas livrée avec l'IP commandé, il n'y a aucune chance que le lampadaire tel qu'il est conçu (par OTEC ndr) améliore la situation. La question est entière, un IP67 tel qu'il est monté dans le lampadaire fuirait-il' Ce qui semble acquis est que le produit monté dans ce type de lampadaire fuit ». Il conclut ensuite à la non-conformité des produits livrés par HMI à OTEC.
Un peu plus loin, en réponse à un dire de la société OTEC, l'expert indique encore : « le problème d'étanchéité est avéré, par la présence d'humidité dans les ampoules et par les évolutions y compris sur le lampadaire pour essayer d'y remédier. D'autre part aucun certificat n'a été produit pour démontrer l'étanchéité type IP67. Les faits sont cruels, mais les lampadaires ne sont pas étanches ».
Dans ses réponses aux questions du tribunal, après avoir rappelé tous les dysfonctionnements constatés, M. E. conclut :
« Le produit livré par HMI à OTEC n'a pas un niveau de qualité et de fiabilité suffisant. Un défaut de soudure manuel et des qualités de substrat sur les cartes électroniques sont à l'origine d'une partie des pannes. Ces désordres trouvent leur origine chez les sous-traitants de HMI. Mais ces désordres sont le résultat de la mauvaise maîtrise du produit, de sa conception et de son industrialisation par HMI, y compris dans le choix des sous-traitants et de leur suivi.
Des défauts d'étanchéité existent sur les produits, des modifications ont été faites par HMI et OTEC et aucun certificat ne nous a été fourni pour valider le produit et les modifications en termes d'étanchéité. HMI a livré OTEC avec des produits labellisés IP66 réputés moins étanches que ceux spécifiés du marché qui étaient demandés en IP67 et qu'OTEC a commandés suivant ce standard(...)
OTEC a reçu des IP66 au mieux et les a livrés à BRONNAZ sans les vérifier, l'intégration du produit HMI dans l'ensemble OTEC n'a pas été totalement maîtrisée en termes d'étanchéité. C'est un défaut de contrôle et de maîtrise du produit global ».
Le défaut d'étanchéité des produits mis en oeuvre est encore confirmé par le rapport d'expertise amiable EUREXO-PJ (pièce n° 8 in fine de la société Bronnaz) du 3 octobre 2014, auquel la société OTEC et la société HMI ont participé, lequel a également identifié un défaut d'étanchéité imputable à un problème de soudure en résine lors de la fabrication par HMI, ce sinistre industriel ayant donné lieu à d'autres contentieux.
La société OTEC admet elle-même que les modules HMI ne sont pas étanches alors qu'ils devraient l'être (pages 12-13 de ses conclusions). Elle ne justifie d'aucun test de conformité IP67 des produits livrés par la société HMI.
Il est donc indifférent à la solution du litige de savoir si les produits livrés par la société HMI à la société OTEC étaient labellisés IP66 ou IP67, la non-conformité résultant de l'absence d'étanchéité des produits, quel que soit le label figurant sur les modules d'éclairage. Il s'agissait en effet d'une spécification expresse du marché, dont la société OTEC avait une parfaite connaissance puisqu'elle a bien commandé des modules IP67 à la société HMI, donc des modules devant présenter une étanchéité à l'eau.
La société OTEC soutient que des surtensions sur le réseau électrique seraient également la cause des dysfonctionnements.
Toutefois, ce point a été dûment écarté par l'expert, la société ERDF (aujourd'hui ENEDIS) ayant été interrogée et n'ayant pas enregistré sur le réseau, durant la période pour laquelle elle a été interrogée (année 2013), d'incident de nature à entraîner une sur-tension (pièce n° 8-13 de la société Bronnaz).
M. E. indique sur ce point (pages 10 et 11) que « les hypothèses d'une fragilité aux orages sont possibles, mais l'éclairage public d'une manière générale y est exposé (...) Il y a des parafoudres dans les armoires de protection », puis que « les seuls événements du réseau public qui peuvent générer des surtensions (rupture de neutre, phase sur neutre et ilotage d'un producteur autonome) auraient affecté l'ensemble des abonnés et équipements situés en aval du point en désordre. Ce qui n'a pas été le cas. Cette piste doit donc être exclue ».
L'existence d'une cause extérieure aux dysfonctionnements constatés est donc exclue.
Il résulte de ce qui précède que les lampadaires livrés par la société OTEC à la société Bronnaz ne sont pas conformes à ce qui a été convenu puisqu'ils ne sont pas étanches alors que la commande spécifiait une étanchéité. Ce seul point suffit à retenir que la société OTEC, qui a vendu les lampadaires défectueux à la société Bronnaz, n'a pas rempli son obligation de délivrance conforme, sans qu'il soit nécessaire d'apprécier si la faute en incombe à la société HMI seule ou si elle est partagée avec la société OTEC.
En effet, comme rappelé ci-dessus, la société OTEC doit répondre de l'ensemble du produit qu'elle a vendu, la société Bronnaz n'ayant pas commandé directement à HMI mais seulement à la société OTEC.
C'est donc à tort que le tribunal a écarté la non-conformité et n'a retenu à la charge de la société OTEC qu'une partie du préjudice subi par la société Bronnaz.
3/ Sur la réparation des préjudices subis
Le défaut d'étanchéité des modules d'éclairage a entraîné les dysfonctionnements constatés et la nécessité de procéder au remplacement de la totalité des modules d'éclairage par un autre modèle.
En effet, il est constant que la société HMI ayant été liquidée, le stock d'ampoules du modèle commandé n'est plus suffisant pour permettre leur remplacement à l'identique, sans compter le risque de voir se reproduire les dysfonctionnements déjà constatés, sans garantie du fabricant.
C'est d'ailleurs ce qu'a retenu le tribunal administratif de Grenoble dans son ordonnance de référé du 11 mai 2017, confirmée par la cour administrative d'appel de Lyon le 12 février 2018.
En outre, aucune faute n'a été retenue par l'expert à l'égard de la société Bronnaz, laquelle a exécuté ses prestations sans qu'aucun défaut ne lui soit imputable. La société OTEC n'établit d'ailleurs aucune faute qui serait imputable à la société Bronnaz et à l'origine du préjudice que celle-ci a subi.
La société OTEC étant tenue pour le tout à l'égard de la société Bronnaz, il n'y a pas lieu de distinguer la part de responsabilité imputable à la société HMI. En effet, il appartient à la société OTEC, si elle l'estime nécessaire, de se retourner contre le fabricant à raison des fautes qui lui seraient imputables, mais la société Bronnaz n'est en rien obligée de poursuivre la société HMI avec laquelle elle n'a pas de lien contractuel.
La société Bronnaz justifie avoir payé à la commune de Jacob Bellecombette la somme de 183 708,79 € correspondant à :
- 177 600 € TTC au titre des travaux de réfection des luminaires,
- 1 200 € au titre des frais de justice devant les juridictions administratives sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative,
- 4 908,79 € au titre des frais d'expertise avancés par la commune pour l'expertise ordonnée par le tribunal administratif.
La société OTEC sera donc condamnée à payer cette somme à la société Bronnaz.
4°) Sur la garantie de la MAAF Assurances
La société MAAF Assurances fait grief au jugement déféré d'avoir retenu qu'elle devait garantir les préjudices subis par la société Bronnaz du fait de la société OTEC.
Le tribunal a considéré que la clause d'exclusion de garantie figurant au contrat souscrit par la société OTEC n'était ni formelle ni limitée et a condamné l'assureur in solidum avec son assurée.
L'article L. 113-1 alinéa 1er du code des assurances dispose que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.
Cette disposition ne s'applique pas aux clauses qui déterminent les conditions d'ouverture de la garantie, ni à celles qui déterminent son étendue.
Le contrat d'assurance Multipro souscrit par la société OTEC, prévoit, dans les conditions générales (pièce n° 3 de la MAAF, page 32) que, «sous réserve des limites et exclusions prévues au contrat, nous vous garantissons lors d'un sinistre les conséquence pécuniaires de la responsabilité civile que vous encourez en raison des réclamations relatives à des dommages corporels, matériels ou immatériels consécutifs subis par un tiers, préposé ou salarié à l'occasion de l'exercice de l'activité professionnelle déclarée aux conditions particulières et ne résultant ni de l'exécution d'une prestation, ni d'une erreur ou faute professionnelle».
L'intercalaire responsabilité civile des agents commerciaux (pièce n° 1 de la MAAF) précise dans un paragraphe « A - Votre garantie responsabilité civile liée à l'exploitation de votre entreprise » que :
« Nous vous garantissons contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que vous encourez, y compris du fait de votre personnel, en raison des dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs, subis par un tiers au cours où à l'occasion de l'exercice de votre activité professionnelle, et ne résultant pas d'une faute professionnelle au sens de la garantie B- 'la responsabilité civile professionnelle ».
Il est ensuite stipulé que, s'agissant de la garantie à l'égard des tiers, lors d'un sinistre, sont garantis les dommages « matériels subis par les biens immobiliers appartenant à des tiers et que vous avez endommagés à l'occasion de l'exercice de vos activités professionnelles déclarées aux conditions particulières », et les dommages « immatériels consécutifs subis par des tiers et seulement s'ils sont la conséquence des dommages visés ci-dessus ».
Ces clauses définissent les conditions de l'ouverture de la garantie et ne constituent pas des exclusions de garantie au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances.
Il appartient à l'assuré ou au tiers lésé qui entend obtenir la garantie de l'assureur de rapporter la preuve que les conditions d'ouverture de la garantie sont remplies.
Or en l'espèce, la défectuosité des luminaires n'a causé aucun préjudice matériel, ni à la commune, ni à la société Bronnaz, au sens du contrat qui précise (page 4 des conditions générales) que le dommage matériel est « toute détérioration, destruction ou disparition d'une chose ou substance, toute atteinte physique à des animaux ».
Aucun dommage de cette nature n'a été ici constaté, mais seulement un dysfonctionnement des luminaires causé par la non-conformité du matériel fourni, rendant nécessaire leur remplacement.
Par ailleurs, la clause «B- Votre garantie responsabilité civile professionnelle» de l'intercalaire (pièce n° 1 de la MAAF, page 3) stipule que «sous réserve des limites et exclusions prévues au contrat, nous vous garantissons lors d'un sinistre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle que vous encourez en raison des fautes, erreurs de fait ou de droit, omissions, négligences, commises dans l'exercice de votre activité d'agent commercial, par vous-même ou par toute personne dont vous êtes civilement responsable».
Les conditions particulières du contrat (pièce n° 2 de la MAAF) précisent que les activités de la société OTEC assurées par le contrat sont :
- activité principale : agent commercial,
- activité secondaire : luminaires (fabrication).
Le paragraphe 4 du B ci-dessus, intitulé « Les dommages causés par un produit défectueux » (page 4 de l'intercalaire, pièce n° 1 de la MAAF), prévoit que sont garanties « les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que vous encourez, en raison de dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs causés à des clients ou des tiers par un produit défectueux fabriqué, livré ou commercialisé par vous :
Après constatation de la conformité du bien livré à la commande
Dans la mesure où le défaut ne pouvait être décelé que par des essais spéciaux ou des contrôles internes approfondis».
Le seul préjudice en l'espèce résulte de l'obligation de remplacement de l'ensemble des luminaires défectueux, aucun préjudice matériel au sens du contrat n'est établi ainsi qu'il a été déjà dit ci-dessus.
Il résulte de ce qui précède que les conditions de la garantie de la société MAAF Assurances ne sont pas réunies, sans qu'il soit besoin d'examiner le caractère formel et limité des exclusions de garanties prévues au contrat.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné l'assureur en paiement et la société Bronnaz et la société OTEC seront déboutées de leurs demandes à son encontre.
5°) Sur les demandes formées par la société OTEC
La société OTEC forme des demandes en garantie à l'encontre de la compagnie MMA Assurances, assureur de la société HMI.
Toutefois, ces demandes sont irrecevables dès lors que la compagnie MMA Assurances n'a pas été intimée par la société Bronnaz et que la société OTEC n'a formé aucun appel provoqué à l'encontre de cet assureur qui n'est donc pas présent dans l'instance d'appel.
Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ces demandes dont la cour n'est pas valablement saisie.
Il convient seulement de rappeler que la compagnie MMA ayant été condamnée à payer à la société Bronnaz la somme de 38 000 € au titre des frais de dépose et repose des luminaires, cette condamnation ne se cumule pas avec celle prononcée ci-dessus à l'encontre de la société OTEC, la somme de 177 600 € comprenant ces frais.
6°) Sur les autres demandes
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Bronnaz la totalité des frais exposés en appel, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner la société OTEC à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur le même fondement, la société OTEC sera condamnée à payer la somme de 2 000 € à la compagnie MAAF Assurances.
La société OTEC supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.
Il n'y a pas lieu d'appliquer les dispositions de l'article 699 au bénéfice de la SELARL D. Avocats, celle-ci n'étant pas inscrite au barreau de Chambéry mais à celui de Grenoble.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Reçoit l'intervention volontaire de la société OTEC Réseaux et Industries, venant aux droits de la société Office Technique d'Equipements,
Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Chambéry le 31 mai 2019, mais seulement en ce qu'il a :
- homologué le rapport de l'expert judiciaire, sauf en ce qu'il a conclu à une non-conformité des lampadaires fournis par la société Office Technique d'Equipements à la société Entreprise Bronnaz,
- condamné in solidum la société Office Technique d'Equipements et la société MAAF Assurances à payer, en deniers ou quittances valables, à la société Entreprise Bronnaz la somme de 71 520 €, montant principal de la cause sus-énoncée,
- renvoyé la société Entreprise Bronnaz à mieux se pourvoir, s'agissant du reliquat de sa demande principale, soit la somme de 69 280 €,
- condamné la société MAAF Assurances au paiement de l'indemnité d'article 700 et les dépens de première instance, in solidum avec d'autres parties,
Confirme le jugement déféré pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées, et y ajoutant,
Condamne la société OTEC Réseaux et Industries (venant aux droits de la société Office Technique d'Equipements) à payer à la société Entreprise Bronnaz la somme de 183 708,79 € en réparation des préjudices subis du fait de la non-conformité des matériels vendus,
Rappelle que le jugement déféré, par dispositions non frappées d'appel, a condamné la compagnie MMA IARD à payer à la société Entreprise Bronnaz la somme de 38 000 €, comprise dans le montant global alloué ci-dessus, de sorte que ces condamnations ne s'additionnent pas,
Déclare irrecevables les demandes formées par la société OTEC Réseaux et Industries à l'encontre de la compagnie MMA IARD qui n'est pas intimée,
Déboute la société Entreprise Bronnaz et la société OTEC Réseaux et Industries de leurs demandes dirigées contre la compagnie MAAF Assurances,
Condamne la société OTEC Réseaux et Industries à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
- la somme de 3 000 € à la société Entreprise Bronnaz,
- la somme de 2 000 € à la compagnie MAAF Assurances,
Condamne la société OTEC aux entiers dépens, de première instance et d'appel.