CA Versailles, 12e ch., 25 novembre 2021, n° 20/03852
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Mercedes-Benz France (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Thomas
Conseillers :
Mme Muller, M. Nut
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 7 novembre 2013 la société Grand Garage de l'Essonne (ci-après société GGE) a vendu à Monsieur Mehrad M. N., pour son activité de taxi, un véhicule de marque Mercedes, modèle classe E, assorti d'une extension de garantie 46 mois et 300 000 km.
Une première panne est survenue sur le véhicule fin mars 2014 alors que le véhicule avait parcouru 34.542 kilomètres. D'autres pannes sont ensuite survenues affectant la boîte de vitesse et le moteur, dont une nécessitant un remplacement du moteur en novembre 2015.
A la suite de ces diverses pannes et réparations effectuées par le garage Port Marly, filiale du constructeur Mercedes, M. Motamedi N. a fait appel en 2016 au cabinet d'expertise Ceriser aux fins de constater les désordres et d'obtenir de la société Mercedes un remplacement sans frais du véhicule.
Par actes en date du 10 avril 2017, M. Motamedi N. a fait assigner les sociétés GGE et Mercedes devant le tribunal de commerce de Versailles, en résolution de la vente sur le fondement d'une inexécution contractuelle.
Par jugement avant dire droit du 25 octobre 2017 le tribunal de Versailles a nommé Monsieur Louis B. en qualité d'expert. Ce dernier a remis son rapport le 6 novembre 2018, concluant à la nécessité d'un nouveau remplacement complet du moteur.
Par jugement du 3 juillet 2019, le tribunal de Versailles a débouté la société Mercedes de sa demande de contre-expertise.
Par jugement du 1er juillet 2020, le tribunal de commerce de Versailles a :
- Prononcé Ia résolution du contrat de vente et d'extension de garantie du véhicule Mercedes classe E immatriculé DA-516-FT et condamné solidairement les sociétés Mercedes et GGE au remboursement à M. Mehrad M. N. de Ia somme de 55 822,50 € ;
- Condamné solidairement les sociétés Mercedes et GGE à payer à Monsieur Mehrad M. N. la somme de13.118,84 € au titre des demandes complémentaires ;
- Condamné la société Mercedes à garantir la société GGE des condamnations à intervenir,
- Débouté la société GGE de ses demandes à titre de procédure abusive ;
- Condamné les sociétés Mercedes et GGE à payer à Monsieur Mehrad M. N. la somme de 1 000 € chacune en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- Condamné la société Mercedes aux dépens.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l'appel interjeté le 6 août 2020 par la société Mercedes Benz France.
Vu les dernières conclusions notifiées le 27 avril 2021 par lesquelles la société Mercedes Benz demande à la cour de :
À titre principal,
- Constater que la société Mercedes a livré une chose conforme au contrat et a respecté ce dernier ;
- Infirmer le jugement du 1er juillet 2020 en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de vente et d'extension de garantie du véhicule et en ce qu'il a condamné la société Mercedes, solidairement avec la société GGE, à rembourser à M. Motamedi N. la somme de 55 822,50 € ;
A titre subsidiaire,
- Constater que l'expertise amiable du 17 mai 2016 établie par le cabinet C. n'est pas établie de façon contradictoire ;
- Constater, dire et juger que l'expertise amiable du 17 mai 2016 est insuffisante pour fonder la décision du juge ;
- Constater que l'expertise judiciaire ayant conduit au rapport final du 6 novembre 2018 est lacunaire et incohérente entre ses constatations et ses conclusions ;
En conséquence,
- Ordonner la désignation de tel expert qu'il lui plaira, et le charger de la mission suivante :
- Se faire communiquer par les parties l'ensemble des pièces relatives au véhicule litigieux, notamment l'historique d'entretien et l'ensemble des factures y afférents ;
- Examiner le véhicule litigieux appartenant à Monsieur Mehrad M. N. ;
- Faire l'historique du véhicule à partir de sa date de première mise en circulation ;
- Rechercher si le véhicule a été normalement entretenu, dans le réseau Mercedes ou non, et si les préconisations du constructeur ont bien été respectées ;
- Rechercher s'il a subi un ou des accidents, des avaries ou pannes importantes, dire le cas échéant les réparations effectuées en conséquence ;
- Déterminer le kilométrage réel du véhicule ;
- Rechercher si les griefs invoqués par le demandeur en première instance existent, notamment mais non exclusivement en ce qui concerne les pannes du moteur et de la boîte de vitesses, les décrire et en déterminer les causes (vice de conception, vice de fabrication, défaut d'entretien, erreur dans l'utilisation, intervention extérieure');
- Préciser la date d'apparition des désordres et leur incidence sur l'utilisation du véhicule ;
- Décrire les réparations nécessaires pour y remédier et en évaluer le coût ;
- Établir un pré-rapport, recueillir les dires éventuels des parties et y répondre dans le rapport final,
À titre très subsidiaire,
- Constater que le moteur du véhicule est réparable et que l'expert ne se prononce pas sur la boite de vitesse ;
- Prononcer un arrêt mixte en ce qu'il ne se prononce que sur la question du moteur et ordonner une mesure d'expertise complémentaire pour les troubles afférents à la boite de vitesse ;
- Dire et juger que M. Motamedi N. doit remplacer le moteur à ses frais dans la limite des 15.237 euros nécessaires selon le rapport d'expertise judiciaire pour changer le moteur et le filtre à particules ;
- Attendre la fin de cette expertise complémentaire pour statuer sur la résolution éventuelle du contrat,
À titre infiniment subsidiaire,
- Constater que le moteur est réparable, que l'expert ne se prononce pas sur la boite de vitesse ;
- Prononcer un arrêt mixte en ce qu'il ne se prononce que sur la question du moteur et ordonner une mesure d'expertise complémentaire pour les troubles afférents à la boite de vitesse ;
- Constater que Mercedes Benz doit remplacer le moteur à ses frais ;
- Surseoir à statuer jusqu'à la fin de cette expertise complémentaire pour statuer sur le reste des demandes,
Sur la garantie de la société GGE :
- Réformer le jugement du 1er juillet 2020 en ce qu'il a condamné la société Mercedes à garantir la société GGE des condamnations prononcées à son encontre ;
- En conséquence, prononcer le partage de responsabilité des sociétés Mercedes et GGE,
En tout état de cause,
- Confirmer le jugement du 1er juillet 2020 en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- Réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Mercedes à payer 5 942,84 € au titre des frais d'emprunt pour l'achat du véhicule à M. Mehrad M. N. ;
- Confirmer le jugement du 1er juillet 2020 en ce qu'il a limité l'indemnisation des frais d'immobilisation du véhicule à la somme de 7 176 € ;
- Confirmer le jugement du 1er juillet 2020 en ce qu'il a rejeté les autres demandes indemnitaires de M. Motamedi N. ;
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Mercedes et la société GGE à payer à M. Motamedi N. la somme de 1 000 € chacune en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner M. Motamedi N. aux frais et dépens lesquels pourront être directement recouvrés par la SELARL Lexavoué Paris-Versailles, avocat au barreau de Versailles, en application de l'article 699 du code procédure civile ;
- Condamner M. Motamedi N. à régler à la société Mercedes la somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions notifiées le 2 juin 2021 par lesquelles M. Motamedi N. demande à la cour de :
- Déclarer la société Mercedes mal fondée en son appel ;
- Déclarer la société GGE mal fondée en son appel incident ;
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Versailles en date du 1er juillet 2020 en ce qu'il a :
- prononcé la résolution du contrat de vente et d'extension de garantie du 7 novembre 2013 ;
- Condamné solidairement les sociétés Mercedes et GGE à payer la somme de 55 822,50 euros au titre du prix de vente et 5 942,84 euros au titre des frais d'emprunt contracté pour l'achat ainsi que la somme de 7.176 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation du véhicule pour la période du 7 juin 2017 au 7 septembre 2017 soit 92 jours ;
- Condamné les sociétés Mercedes et GGE à payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau :
- Débouter la société Mercedes de l'intégralité de ses demandes et de sa nouvelle demande d'expertise ;
- Débouter la société GGE de ses demandes, fins et conclusions ;
Y ajoutant
Les condamner solidairement
- à la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
- à la somme de 33 072 euros au titre de l'immobilisation de son véhicule pour la période déterminée par l'expert soit du 8 septembre 2017 à la date du dépôt du rapport le 6 novembre 2018 ;
- à la somme de 78 euros par jour pour la période subséquente soit du 7 novembre 2018 au jour du prononcé de l'arrêt à intervenir ;
- Les condamner sous la même solidarité à la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'en tous les dépens ; dont distraction au profit de Maître Oriane D., JRF & ASSOCIES, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions notifiées le 4 février 2021 au terme desquelles la société GGE demande à la cour de :
- Infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a qu'il a condamné la société Mercedes à garantir et relever indemne la société GGE en cas de confirmation de la résolution de la vente,
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu la responsabilité du GGE,
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société GGE, notamment sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Subsidiairement,
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Mercedes à garantir et relever indemne le GGE en cas de confirmation de la résolution de la vente,
Statuant à nouveau et en tout état de cause,
- Constater, dire et juger que M. Motamedi N. est infondé à l'encontre du GGE,
- Débouter M. Motamedi N. ,
- Condamner M. Motamedi N. à payer à la société GGE la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la société M. T. agissant par Maître Stéphanie T. et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 juin 2021.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement dont appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la demande de résolution de la vente
M. Motamedi N. sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente, au motif d'un défaut de conformité dont il considère qu'il était présent dès la livraison de son véhicule, rappelant que les retours en ateliers ont été constants par suite de réparations incomplètes. Il admet que les prestations de garantie ont été accomplies par le garage Mercedes Benz à Port Marly, mais soutient que « l'exécution correcte du contrat de vente ne paraît plus possible » dès lors qu'il ne peut plus espérer que le véhicule fonctionne normalement, rappelant que ce dernier a connu 18 pannes immobilisantes entre l'acquisition du véhicule en novembre 2013 et la dernière panne de juin 2017 (nécessitant un second remplacement du moteur). Il soutient que la société Mercedes n'a pu « livrer un véhicule conforme à la commande d'une part fonctionnant normalement, d'autre part adapté à l'activité professionnelle de taxi, donc fiable ». Il fait en outre valoir que le véhicule n'est pas économiquement réparable dès lors que sa valeur (12 416 euros) est inférieure au montant de la réparation (remplacement du moteur pour 15 237 euros) auquel il faudrait ajouter des travaux supplémentaires non prévus par l'expertise (freins, pneumatiques...). Il fait dès lors valoir que la résolution de la vente est la seule solution adéquate.
La société GGE fait valoir qu'elle n'est jamais intervenue pour les réparations du véhicule qui ont toutes été confiées au garage Mercedes Port Marly. Elle soutient que les désordres sont, soit antérieurs à la vente et imputables à la société Mercedes, soit imputables au garage de Port Marly, de sorte qu'en tout état de cause sa responsabilité ne peut être engagée. Elle ajoute que M. Motamedi N. ne rapporte pas la preuve des défectuosités qu'il invoque notamment quant à la boîte de vitesse, le désordre ayant été réparé de sorte qu'il est aujourd'hui inexistant. Elle soutient que sa responsabilité ne peut être engagée pour les éventuelles défectuosités du second moteur dès lors qu'elle ne l'a pas remplacé, cet élément ressortant de l'unique responsabilité du garage Port Marly qui en est le vendeur. Elle fait également valoir que le second moteur n'est pas affecté d'un défaut de conformité, l'expert n'ayant relevé qu'une intervention incomplète lors d'une intervention mécanique précédente. Elle conteste dès lors tout éventuel manquement à son obligation de livraison conforme. Elle sollicite, à titre subsidiaire, la garantie de la société Mercedes, constructeur, dont elle considère qu'il est également responsable des agissements de son établissement de Port Marly.
La société Mercedes soutient qu'elle a parfaitement respecté ses obligations de délivrance conforme et de garantie. Elle fait notamment valoir qu'elle a toujours pris en charge les demandes de M. Motamedi N. au titre de la garantie constructeur. Elle note que le rapport d'expertise met en lumière certaines incohérences, soutenant que la détérioration du coussinet et du vilebrequin implique, soit une accélération forte, soit un temps de roulage important alors que le moteur émet des bruits anormaux, ce qui est en contradiction avec les déclarations de M. Motamedi N. qui soutient que le bris du moteur s'est produit alors qu'il roulait à faible allure. Elle soutient dès lors que le comportement de M. Motamedi N. est la cause de la casse moteur, soutenant que cela caractérise un cas de force majeure.
En tout état de cause, la société Mercedes fait valoir que la résolution prononcée par le premier juge est infondée en ce que l'inexécution alléguée ne revêt pas un caractère de gravité tel qu'il doive entraîner une résolution de la vente, le remplacement du moteur étant un remède suffisant. La société Mercedes sollicite, à titre principal, une mesure de contre-expertise du véhicule. Elle sollicite, à titre subsidiaire, le prononcé d'un arrêt mixte avec une expertise complémentaire sur la boîte de vitesse, la cour devant également juger que M. Motamedi N. doit remplacer le moteur à ses frais, admettant toutefois à titre infiniment subsidiaire ce remplacement à ses frais.
M. Motamedi N. fonde sa demande en résolution de la vente sur les articles 1217 et 1231-1 du code civil dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016. Force est toutefois de constater que le contrat de vente du véhicule est antérieur à cette ordonnance, puisqu'il est daté du 7 novembre 2013, de sorte que les dispositions alléguées sont inapplicables. Les seules dispositions applicables sont donc les articles correspondant, soit 1184 et 1147 anciens du code civil.
Il résulte de l'article 1147 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Il résulte de l'article 1184 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
Les contrats en cause sont d'une part le contrat de vente du véhicule conclu entre la société GGE et M. Motamedi N., d'autre part le contrat de garantie dont la société Mercedes Benz admet être redevable à l'égard de l'acheteur, étant observé qu'elle ne discute pas ses qualités de constructeur ni de réparateur (par l'intermédiaire de sa filiale, le garage Mercedes Port Marly qui a pris en charge les réparations au titre de la garantie).
Il résulte de l'article 1603 du code civil que le vendeur est tenu de deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend. L'obligation de délivrance porte sur la livraison d'un bien conforme à la stipulation de l'acte de vente, ce qui signifie que l'acquéreur n'est pas tenu d'accepter une chose différente de celle qu'il a commandée. L'obligation de garantie porte sur les défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropres à l'usage auquel on la destine ou diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, tels que définis à l'article 1641 du code civil.
En l'espèce, l'expert a relevé que la première panne était survenue 5 mois après la livraison, alors que le véhicule avait parcouru 34.542 kilomètres, de sorte que M. Motamedi N. ne démontre pas que le défaut de conformité était présent dès la livraison de son véhicule. La délivrance conforme s'appréciant en outre au regard des spécificités de la commande, il s'en déduit que le véhicule livré était conforme à celui qui avait été commandé, de sorte que la société GGE a bien respecté son obligation de délivrance conforme au sens notamment de l'article 1604 du code civil.
Le défaut de conformité invoqué par M. Motamedi N. ne porte pas sur la conformité à la commande, mais sur la conformité à la destination normale du véhicule, en ce que le véhicule ne fonctionnerait pas normalement et ne présenterait pas la fiabilité attendue pour l'usage professionnel de taxi. Ce défaut de conformité de la chose à sa destination normale constitue le vice prévu à l'article 1641 précité, ce qui suppose de démontrer l'existence d'un vice, son caractère occulte au moment de la vente, et l'impropriété ou la diminution de l'usage de la chose.
L'expert judiciaire a rappelé les nombreuses interventions sur le véhicule, entre mars 2014 et juin 2017 (dont un premier remplacement du moteur en novembre 2015) sans toutefois analyser les causes des dysfonctionnements, ni préciser si le nombre de pannes du véhicule pouvait être considéré comme anormal. Il s'est uniquement intéressé à la dernière panne survenue en juin 2017 aboutissant à la casse du moteur. Le moteur étant détruit, l'expert n'a pas pu poursuivre sa mission concernant les éventuels désordres de la boite de vitesse.
L'expert conclut son rapport en indiquant : « l'immobilisation définitive du véhicule est relative à des désordres au niveau du moteur nécessitant son remplacement complet. Lesquels désordres sont liés à une réparation incomplète intervenue en date du 14 février 2017, à 111.428 kms, soit 4.764 kms avant l'avarie actuelle. Réparation réalisée en date du 14 février 2017 par la société Mercedes Benz Le Port Marly qui aurait nécessité, pour atteindre le résultat requis, de remplacer le filtre à particules, ce qui n'a pas été réalisé ayant pour conséquence de produire un défaut de lubrification. Le moteur actuellement hors d'usage a déjà fait l'objet d'un remplacement et n'a parcouru que 24.868 kms, ce qui est anormalement faible. Un moteur normalement conçu et fabriqué doit pouvoir parcourir une distance beaucoup plus importante. (...) L'entretien et l'utilisation du véhicule sont sans rapport aucun avec les désordres constatés (...). Le véhicule est techniquement et économiquement réparable. Nous estimons le coût de remise en état de ce véhicule à 15.237 euros. Remise en état par remplacement du moteur et du filtre à particules. »
Dans le corps du rapport, l'expert explique de manière plus détaillée que l'avarie constatée résulte "d'un incident de lubrification, lié à un emballement de la fréquence de régénération du filtre à particules ayant pour conséquence anormale de diluer l'huile de lubrification du moteur avec du gasoil."
La cour observe ainsi que l'expert n'invoque aucun vice inhérent au moteur ni même au véhicule, qui serait antérieur à la vente, mais une réparation incomplète, de sorte que les dispositions de l'article 1641 du code civil, au demeurant non visées par M. Motamedi N., ne sont pas applicables.
Le seul désordre invoqué par l'expert - qui ne s'est pas prononcé sur les multiples pannes constatées entre 2014 et 2017 - est ainsi une réparation incomplète réalisée en février 2017. Ainsi que le fait observer la société GGE, la responsabilité de la casse du moteur est à imputer au garage qui a effectué la réparation incomplète en février 2017, c'est-à-dire au garage Mercedes de Port Marly et à la société Mercedes Benz qui est intervenue sur cet événement au titre de sa garantie constructeur.
Les allégations de la société Mercedes selon lesquelles le comportement de M. Motamedi N. est la cause de la casse moteur, en ce qu'il aurait fortement accéléré, ou continué de rouler sans tenir compte des bruits anormaux du moteur, sont réfutées par l'expert judiciaire qui indique que cette idée n'est démontrée par aucun élément de fait, et ajoute : « dès que le moteur voit des anomalies de lubrification et que la destruction de l'attelage mobile prend naissance, la casse moteur se produit de façon brutale, dans un très bref délai. »
L'expert a en outre répondu de manière argumentée sur 6 pages du rapport (pages 66 à 71) aux dires de la société Mercedes, notamment au regard des traces d'huile sur les carénages sous moteur et projections autour du moteur, en indiquant que - contrairement à la thèse de la société Mercedes - diverses photos montraient bien la présence d'huile.
Les autres critiques émises par la société Mercedes à l'encontre du rapport d'expertise ne reposent que sur ses propres affirmations, qui sont d'une part techniquement rejetées par l'expert, d'autre part dépourvues de tout élément de preuve émanant de techniciens extérieurs à la société Mercedes, de sorte qu'elles ne sont pas suffisamment étayées pour justifier le recours à une mesure de contre-expertise.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'unique désordre constaté par l'expert est celui relatif à la casse du moteur, imputable à une réparation incomplète réalisée par le garage Mercedes Port Marly, filiale de la société Mercedes Benz, et nécessitant un remplacement complet du moteur.
La cour observe dès lors, d'une part que le véhicule est conforme à la commande passée par M. Motamedi N., d'autre part qu'il n'est pas démontré que le véhicule soit affecté d'un défaut caché empêchant son fonctionnement normal, étant au surplus rappelé qu'un tel vice caché n'est pas même allégué par M. Motamedi N.. Il s'en déduit qu'aucune inexécution contractuelle n'est avérée dans le contrat de vente, de sorte que la demande de résolution de la vente n'apparaît pas fondée. Les demandes accessoires en restitution du prix de vente, et en paiement de diverses indemnités ne peuvent dès lors être accueillies. Le jugement sera dès lors infirmé en toutes ses dispositions, la cour observant au surplus qu'aucune demande subsidiaire n'est formée au titre des réparations réalisées sur le véhicule et de leur mauvaise exécution.
La cour observe également qu'aucun manquement de la société Mercedes Benz n'est allégué dans l'exécution du contrat de garantie et de son extension, de sorte que la demande de résolution de ce contrat est également infondée. Le jugement sera également infirmé de ce chef.
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
Au regard de la mauvaise exécution de la réparation de février 2017 imputable à la société Mercedes Benz, celle-ci sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Il n'est pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge des frais irrépétibles qu'elle a dû avancer pour faire valoir son droit.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 1er juillet 2020,
Et statuant à nouveau,
Déboute M. Mehrad M. N. de l'ensemble de ses demandes,
Condamne la société Mercedes Benz France aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés directement par les avocats qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.