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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 25 novembre 2021, n° 19/14640

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Eco Environnement (Sasu)

Défendeur :

Franfinance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Grandjean

Conseillers :

M. Devignot, Mme Arbellot

TI Pantin, du 25 juin 2019

25 juin 2019

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. Thibaud D. a fait l'acquisition le 29 septembre 2016 auprès de la société Eco Environnement d'une installation de production d'électricité photovoltaïque au prix de 22 500 euros. Le même jour, M. et Mme D. ont conclu avec la société Franfinance un contrat de crédit affecté à cette acquisition, d'un montant de 22 500 euros, remboursable en 130 mensualités, au taux d'intérêt de 4,79 % l'an.

Saisi par M. et Mme D. d'une demande tendant principalement à l'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté du 29 septembre 2016, le tribunal d'instance de Pantin, par un jugement contradictoire rendu le 25 juin 2019 auquel il convient de se reporter, a :

- prononcé la nullité des deux contrats litigieux ;

- condamné la société Franfinance à payer à M. et Mme D. la somme de 6 600 euros à titre de remboursement des échéances du prêt ;

- dit que M. et Mme D. sont exonérés de leur obligation de rembourser le capital prêté ;

- condamné la société Eco Environnement à procéder à la dépose, à ses frais, des panneaux photovoltaïques installés au domicile de M. et Mme D. ;

- condamné la société Eco Environnement à payer à la société Franfinance la somme de 22 500 euros en remboursement du capital prêté.

Le tribunal a principalement retenu au visa des articles L. 121-24 et L. 111-1 du code de la consommation que le bordereau de rétractation attaché au bon de commande était irrégulier et par conséquent que le contrat de vente était nul.

Le tribunal a également retenu au visa de l'article L. 311-32 du code de la consommation une faute de l'organisme de crédit dans la mesure où il n'a pas vérifié la régularité du contrat principal avant de verser les fonds sur la base d'une attestation qui ne reflétait pas l'exécution complète des prestations attendues.

Par une déclaration d'appel en date du 16 juillet 2019, la société Eco Environnement a relevé appel de la décision.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 14 avril 2020, elle demande notamment à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en toute ses dispositions et de débouter M. et Mme D. de l'ensemble de leurs demandes à son encontre,

- de débouter à titre subsidiaire la société Franfinance de toutes les demandes formulées à son encontre,

- de condamner solidairement M. et Mme D. à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

L'appelante expose qu'elle a accompli toutes les diligences à sa charge afin que l'équipement installé chez M. et Mme D. soit raccordé au réseau public et qu'elle a pris en charge les frais de raccordement pour la somme de 1 121,52 euros.

Elle soutient au visa de l'article L. 111-1 du code de la consommation auquel renvoie l'article L. 221-5 (anciennement L. 121-17 du même code) que le bon de commande contient les caractéristiques essentielles des biens livrés et que M. et Mme D. ont confirmé en avoir eu connaissance et ont confirmé par deux fois que les travaux réalisés étaient conformes au bon de commande.

Elle conteste l'irrégularité du bordereau de rétractation retenu par le premier juge et relève, au visa de l'article L. 221-18 du code de la consommation que la sanction d'une éventuelle irrégularité est la prolongation du délai de rétractation et non pas la nullité du contrat.

Se prévalant de l'article 1338 du code civil, elle soutient que les acquéreurs qui ont pu prendre connaissance des dispositions légales applicables, ont couvert les irrégularités dénoncées en renonçant à exercer leur droit de rétractation, en laissant l'accès à leur domicile aux techniciens, en réceptionnant sans réserve les travaux, en ordonnant le déblocage des fonds et en procédant au paiement régulier des échéances du prêt souscrit.

Elle se défend d'avoir utilisé des manœuvres dolosives et notamment d'avoir caché aux acquéreurs certaines informations relatives aux délais de raccordement, au coût de l'assurance, aux modalités de raccordement ou à la durée de vie des matériels. Elle relève que les acquéreurs succombent dans la preuve qui leur incombe et conteste notamment avoir annoncé un autofinancement de l'investissement.

Subsidiairement, elle se défend au visa de l'article L. 312-56 du code de la consommation d'avoir commis une faute justifiant qu'elle garantisse au bénéfice du prêteur un éventuel remboursement du capital emprunté.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises le 16 mars 2020, M. D. et Mme D. demandent à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- de condamner la société Franfinance à leur payer la somme de 7 128 euros à titre de remboursement des échéances du prêt payées jusqu'en juillet 2019,

- subsidiairement, d'ordonner la compensation entre les créances réciproques,

- de condamner la société Franfinance à leur payer la somme de 22 500 euros à titre de dommage et intérêts,

- de débouter les sociétés Eco environnement et Franfinance de toutes leurs demandes.

Les intimés se défendent d'avoir couvert la nullité relative du contrat de vente et insistent sur le fait que l'appelante ne démontre pas qu'ils avaient eu connaissance du vice ou qu'ils aient entendu renoncer à s'en prévaloir en réceptionnant les travaux.

Les intimés exposent que l'installation de l'équipement n'a fait l'objet d'aucune étude de faisabilité et que les panneaux ont été posés sur la partie ombragée de la toiture, qu'ils ont réalisé après signature de l'attestation de fin de travaux que l'onduleur n'était pas de la marque annoncée, qu'ils ont souhaité dénoncer le contrat par un courrier du 2 décembre 2016 puis ont demandé la résolution des deux contrats le 13 février 2017 et qu'en raison de ce litige, leur installation n'a pas été raccordée au réseau public.

Au visa des articles L. 111-1, L. 112-1, L. 221-5, L. 221-9 du code de la consommation, ils soutiennent que le contrat principal est nul pour ne pas mentionner notamment le prix détaillé des différents éléments, la description précise du produit et des prestations, les conditions et délais d'exécution des prestations ; ils indiquent que le formulaire de rétractation n'est pas conforme aux exigences réglementaires.

Ils contestent avoir renoncé à se prévaloir des causes de nullité du contrat de vente, indiquant n'avoir pas eu connaissance des irrégularités affectant l'acte.

Ils dénoncent des abstentions malicieuses et des informations mensongères qui ont affecté la validité de leur consentement au sens de l'article 1130 du code civil.

Ils rappellent que l'annulation du contrat de vente emporte de plein droit la nullité du contrat de crédit en application de l'article L. 312-55 du code de la consommation qui impose la restitution par la banque des sommes perçues par elle.

Ils soutiennent au visa de l'article L. 312-48 du même code que la société Franfinance a commis des fautes en ne vérifiant pas la régularité du bon de commande et en libérant les fonds sur la base d'une attestation de livraison qui ne rendait pas compte de l'exécution intégrale de prestations complexes.

Ils font valoir que le préjudice causé par ces fautes consiste dans le capital emprunté qu'ils doivent rembourser par l'effet de l'annulation des contrats. Ils rappellent que l'installation n'est pas raccordée au réseau public.

Subsidiairement, ils indiquent que le prêteur doit être déchu de son droit de percevoir les intérêts contractuels pour avoir manqué à l'obligation posée par l'article L. 312-17 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 4 octobre 2017 relative à l'obligation de vérifier la solvabilité de l'emprunteur.

Ils contestent avoir fait preuve de légèreté en signant l'attestation de fin de travaux et toute intention malicieuse dan l'introduction de l'instance.

Aux termes de conclusions remises le 15 janvier 2020, la société Franfinance demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société Eco environnement à lui payer la somme de 22 500 euros,

- de déclarer M. et Mme D. irrecevables en leur demande d'annulation des contrats litigieux et de les en débouter,

- de les débouter de leur demande tendant à la déchéance du droit aux intérêts contractuels,

- subsidiairement, de condamner in solidum M. D. et Mme D. à lui payer la somme de 22 500 euros en restitution du capital versé, de leur enjoindre de restituer le matériel installé et le prix de revente de l'électricité produite ; de limiter toute indemnisation à la mesure du préjudice effectivement subi,

- de priver les intimés de leur créance en restitution des mensualités réglées du fait de leur légèreté blâmable,

- de condamner la société Eco environnement à garantir la restitution du capital et donc à lui verser la somme de 22 500 euros,

- subsidiairement de condamner la société Eco environnement à lui verser la somme de 22 500 euros sur le fondement de la répétition de l'indu et à défaut sur le fondement de la responsabilité,

- de condamner la société Eco environnement à lui payer des dommages et intérêts à hauteur de 6 697,30 euros au titre des intérêts perdus du fait de l'annulation des contrats,

- d'ordonner le cas échéant la compensations des créances réciproques à du concurrence.

Soulignant le caractère exceptionnel de l'annulation d'un contrat, la société Franfinance relève que M. et Mme D. n'étayent pas le fait que l'installation qu'ils ont acquise serait non fonctionnelle ou défaillante et qu'ils tendent en réalité et de mauvaise foi de remettre en cause le contrat après l'expiration du délai de rétractation.

Elle conteste les griefs émis à l'encontre du libellé du bon de commande, rappelle le caractère strict de l'interprétation des articles L. 111-1, L. 221-5, L. 221-8 du code de la consommation et souligne que le premier juge est allé au-delà des exigences prévues par les textes. Elle indique s'agissant du grief élevé sur le bordereau de rétractation que les acquéreurs invoquent des textes qui n'étaient plus applicables à la date du contrat.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que les acquéreurs qui ont pu prendre connaissance des textes applicables, ont confirmé le contrat et renoncé à se prévaloir d'une nullité du bon de commande en attestant de l'exécution conforme des travaux sans aucune réserve et en ordonnant le paiement du prix.

Elle note que les allégations de dol et d'absence de cause au sens des anciens articles 1109, 1116 du code civil ne sont aucunement étayées et relève qu'aucun élément n'est fourni sur la réalité d'une promesse d'autofinancement ou sur la rentabilité de l'installation.

Elle rappelle que l'annulation d'un contrat de crédit emporte obligation de restituer le capital emprunté et relève que les acquéreurs n'allèguent aucun préjudice pouvant résulter d'une éventuelle irrégularité formelle du bon de commande, de nature à limiter cette obligation de restitution.

Visant notamment l'article L. 311-51 du code de la consommation, elle conteste toute obligation de contrôler la validité du bon de commande, toute faute dans la vérification du bon de commande, de l'exécution de la prestation qui ne lui incombe pas ou dans la délivrance des fonds sur la base d'un mandat de payer donné par les clients, renvoyant aux articles 1779 et 17991 du code civil ; elle souligne que toutes les demandes des intimés à son encontre sont vaines dès lors qu'ils ne justifient pas du moindre préjudice ni d'un lien causal entre celui-ci et un fait imputable à la banque.

Elle fait valoir que les emprunteurs ont manifesté une légèreté blâmable en signant l'attestation de fin de travaux si celle-ci ne correspondait pas à la réalité et qu'ils lui ont ainsi causé un préjudice à la mesure du capital prêté dont elle serait privée.

Au visa de l'artcle L. 312-56 du code de la consommation elle se prévaut de la garantie du vendeur.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 juin 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il est constant que le contrat de vente et de prestation de services conclu entre M. Thibaud D. et la société Eco environnement est soumis aux dispositions des articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation.

En application de l'article L. 221-5 du code précité, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2.

L'article L. 221-9 dispose que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.

Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.

Selon l'article L. 111-1, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;

5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence de toute restriction d'installation de logiciel, à l'existence et aux modalités de mise en œuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;

6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.

La copie de l'exemplaire original du contrat que M. et Mme D. versent aux débats mentionne qu'il porte sur un équipement photovoltaïque d'une puissance totale de « 3 000 » destiné à la revente totale de l'énergie produite, comprenant 12 capteurs certifiés CE de marque Soluxtec et d'une puissance unitaire de « 250 », un onduleur de marque Schneider, un kit d'injection - coffret de protection - disjoncteur - parafoudre, la « prise en charge + Installation complète + accessoires et fournitures », les démarches administratives, l'obtention de l'attestation de conformité photovoltaïque du consuel, l'obtention du contrat d'obligation d'achat ERDF pendant 20 ans.

Il indique le prix total (22 500 euros), l'intégralité des mentions nécessaires relatives au mode de règlement par crédit, le nom du conseiller et le délai de livraison (29 octobre 2016).

Les conditions générales de vente ajoutent que les frais de livraison sont à la charge de la société Eco environnement et font référence à une plaquette de présentation mise à la disposition du client qui « confirme en avoir pris pleinement connaissance avant toute commande ».

Ces éléments satisfont pleinement l'article L. 111-1 précité et permettaient assurément aux acquéreurs de comparer utilement le matériel et les prestations proposées à des offres concurrentes notamment dans le délai de rétractation et de vérifier leur exécution complète avant de signer l'attestation de fin de travaux.

Il faut observer que les dispositions légales précitées n'imposent pas la mention du prix de chaque composant de l'équipement, ni le développement détaillé des modalités techniques de pose des matériels.

Il n'est pas justifié, au-delà de considérations générales, que la dimension ou le poids des panneaux proposés étaient des éléments essentiels du produit au regard de la configuration des lieux ou que cette configuration permettait d'installer les panneaux à plusieurs endroits de la toiture ; à cet égard, M. et Mme D. ne proposent aucun commencement de preuve de l'affirmation selon laquelle les panneaux auraient été installés sur une partie ombragée de la toiture, nonobstant l'article 9 du code de procédure civile qui leur impose de rapporter cette preuve.

Partant, le bon de commande n'encourt pas l'annulation au regard des textes précités.

Il convient de relever que les textes précités ne sanctionnent pas par la nullité du contrat une éventuelle irrégularité du bordereau de rétractation.

L'article L. 221-20 du code de la consommation en vigueur depuis le 1er juillet 2016 dispose que « lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur dans les conditions prévues au 2° de l'article L. 221-5, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, déterminé conformément à l'article L. 221-18.

Toutefois, lorsque la fourniture de ces informations intervient pendant cette prolongation, le délai de rétractation expire au terme d'une période de quatorze jours à compter du jour où le consommateur a reçu ces informations ».

En l'espèce, la copie du contrat produite par les acquéreurs contient effectivement à son pied un bordereau de rétractation qui comporte l'intégralité des mentions d'information exigées par l'article L. 221-5 du même code et le texte qui fait la teneur de l'annexe à l'article R. 221-1 dont la reproduction servile n'est pas imposée.

Ce bordereau est séparé du corps du contrat par une ligne discontinue suffisamment explicite de la possibilité de le détacher et si le fait de le détacher aurait pu altérer un contrat portant sur une pompe à chaleur compte tenu de son emplacement, il n'aurait pu altérer aucune des clauses du contrat conclu par M. D..

En conséquence, le contrat principal litigieux n'encourt pas l'annulation aux termes des textes précités.

Selon l'article 1130 du code civil, « l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes ».

S'ils imputent un dol à la société Eco environnement, M. et Mme D. n'allèguent aucun autre fait que le caractère insuffisamment précis du bon de commande.

Les motifs qui précèdent suffisent donc à les dire mal fondés.

En conséquence, le contrat principal litigieux n'encourt pas l'annulation et le contrat de crédit affecté n'est pas nul de plein droit.

Le jugement dont appel est infirmé en toutes ses dispositions.

Il faut observer que si M. et Mme D. font valoir que la société Eco environnement n'a pas accompli toutes les diligences attendues, ils ne sollicitent pas pour autant la résolution du contrat principal.

Sur l'action en responsabilité contre le prêteur

L'absence de critique pertinente sur la forme du bon de commande prive de tout objet la discussion sur l'obligation de contrôle du bon de commande qui pèse sur le prêteur.

En application de l'article L. 312-48 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er juillet 2016, « les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation.

En cas de contrat de vente ou de prestation de services à exécution successive, les obligations prennent effet à compter du début de la livraison ou de la fourniture et cessent en cas d'interruption de celle-ci ».

Il incombe donc au prêteur de vérifier que l'attestation de fin de travaux suffit à déterminer que la prestation promise a été entièrement achevée.

La demande de libération des fonds exprimée par le client ne saurait exonérer la banque de cette obligation. Il s'induit que la référence faite par l'appelante au mandat est inopérante.

En revanche, il n'appartient pas au prêteur de s'assurer par lui-même de l'exécution des prestations et l'appelante fait valoir à juste titre que l'obligation de plein droit à l'égard de l'emprunteur mise à sa charge par l'article L. 311-51 du code de la consommation ne concerne que le contrat de crédit et ne saurait la rendre garante de l'exécution du contrat principal.

M. et Mme D. soutiennent que le prêteur a commis une faute en libérant les fonds entre les mains de la société Eco Environnement alors que l'installation n'était pas achevée.

En l'espèce, dès lors que le contrat de crédit mentionne que le bien financé est « Photovoltaïque » sans autre précision ni restriction, il est retenu que le contrat de crédit portait sur l'ensemble de la prestation promise par la société Eco environnement.

Le document destiné à la société Franfinance signé le 27 octobre 2016 par M. D. est ainsi libellé :

« Attestation de livraison - demande de financement

Totale

L'acheteur, M. D.

- a accepté en date du 24 octobre 2016 le contrat de crédit enregistré par Franfinance sous le numéro [...]

- a réceptionné sans restriction ni réserve le bien ou la prestation objet du financement, conforme au bon de commande,

- a demandé conformément aux modalités légales (art L. 311-35 du code de la consommation) la livraison ou la fourniture immédiate du bien ou de la prestation de service,

- et autorise ainsi Franfinance à régler le vendeur en une seule fois ».

Suivent la mention du montant à payer, la référence au délai de rétractation, la date (27 octobre 2016) et la signature de M. D. précédée de la mention « bon pour accord ».

M. D. a signé simultanément un mandat de prélèvement.

Le libellé de ces documents n'était pas de nature à susciter la moindre interrogation de la part de la banque sur l'exécution complète de la prestation commandée que le client confirmait.

Le 27 octobre 2016, M. D. a également signé un document intitulé « attestation de fin de travaux » qui mentionnait :

« Votre appréciation de la réalisation du chantier est également importante pour notre entreprise, nous vous remercions de nous indiquer en quelques mots vote impression générale en répondant aux question suivantes :

- Le chantier a-t-il été laissé propre après votre installation Oui

- Etes-vous satisfait de l'équipe de pose Oui

- Etes-vous satisfait de votre installation Oui

Observations : pose des panneaux - raccordement non effectué - production nulle.

Il est manifeste que ce document n'était pas destiné au prêteur mais constituait un élément de contrôle-qualité interne à la société Eco environnement et aucun élément de fait ne permet d'envisager que la banque en ait été destinataire.

En revanche, ce document tempère la dénonciation ultérieure par M. D. de la précipitation avec laquelle les ouvriers auraient procédé et de leur défaut de professionnalisme.

En outre, les observations émises sont en cohérence avec les termes du bon de commande qui ne mettaient pas à la charge de la société Eco environnement le raccordement au réseau public ; elles ne peuvent être lues comme des réserves sur les prestations servies.

Il est donc patent qu'à deux reprises, M. D. a attesté de la complète exécution des diligences attendues de son cocontractant étant observé que la société Eco environnement justifie par ailleurs des diligences effectuées en vue du raccordement de l'installation au réseau public et du paiement des frais y afférents, M. et Mme D. expliquant en substance dans leurs écritures que c'est le litige avec la société Eco environnement qui les a convaincus de ne pas donner suite à cette demande de raccordement.

Il ressort en outre d'un courrier adressé par la société Franfinance à M. D. le 4 novembre 2016 que le prêteur n'avait pas encore à cette date, reçu l'attestation de fin de travaux, qu'il restait dans l'attente de la transmission du dossier par la société Eco environnement, l'emprunteur étant expressément informé que les fonds seraient débloqués à réception de l'attestation de livraison/demande de financement.

Il n'apparaît pas que M. et Mme D. aient réagi à ce courrier avant d'être informés le 8 novembre 2016 de la prise d'effet de l'obligation de rembourser le crédit.

Il s'induit de l'ensemble de ces éléments qu'aucune faute ne peut être reprochée à la société Franfinance.

En conséquence, M. et Mme D. sont déboutés de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre du prêteur.

Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels

Selon l'article L. 312-17 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur à la date du contrat de crédit, "lorsque les opérations de crédit sont conclues sur le lieu de vente ou au moyen d'une technique de communication à distance, une fiche d'informations distincte de la fiche mentionnée à l'article L. 312-12 est remise par le prêteur ou par l'intermédiaire de crédit à l'emprunteur.

Cette fiche, établie par écrit ou sur un autre support durable, comporte notamment les éléments relatifs aux ressources et charges de l'emprunteur ainsi que, le cas échéant, aux prêts en cours contractés par ce dernier.

La fiche est signée ou son contenu confirmé par voie électronique par l'emprunteur et contribue à l'évaluation de sa solvabilité par le prêteur. Les informations figurant dans la fiche font l'objet d'une déclaration certifiant sur l'honneur leur exactitude.

Cette fiche est conservée par le prêteur pendant toute la durée du prêt.

Si le montant du crédit accordé est supérieur à un seuil défini par décret [3 000 €], la fiche est corroborée par des pièces justificatives dont la liste est définie par décret.

Selon l'article D. 312-8, « les pièces justificatives mentionnées à l'article L. 312-17 sont les suivantes :

1° Tout justificatif du domicile de l'emprunteur ; et

2° Tout justificatif du revenu de l'emprunteur ; et

3° Tout justificatif de l'identité de l'emprunteur.

Les pièces justificatives doivent être à jour au moment de l'établissement de la fiche d'information mentionnée à l'article L. 312-17 ».

En application de l'article L. 341-3, « le prêteur qui accorde un crédit sans remettre et faire signer ou valider par voie électronique la fiche mentionnée à l'article L. 312-17 est déchu du droit aux intérêts ».

En l'espèce, outre la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées prévue par l'article L. 312-12, la société Franfinance verse aux débats la fiche de dialogue signée par les emprunteurs qui mentionnent leurs revenus et charges.

Mais elle ne communique aucune des pièces justificatives devant corroborer cette fiche ; elle n'établit donc pas avoir satisfait ses obligations d'ordre public.

En conséquence, la société Franfinance est déchue du droit de percevoir les intérêts au taux contractuel.

En application de l'article L.341-8, M. et Mme D. ne sont donc tenus qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêt au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

Il s'induit que la demande de M. et Mme D. tendant au remboursement des sommes acquittées jusqu'au mois de juillet 2019 est bien fondée dans la limite des intérêts inclus dans ces sommes.

L'erreur commise par une partie sur l'étendue de ses droits ne suffit pas à caractériser une intention malicieuse ; en conséquence, la société Eco environnement est déboutée de sa demande indemnitaire pour procédure abusive.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

- Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

- Déboute M. et Mme D. de leur demande d'annulation des contrats litigieux et leur demande indemnitaire dirigée à l'encontre de la société Franfinance ;

- Dit que la société Franfinance est déchue de son droit de percevoir les intérêts au taux contractuel prévu par le crédit ;

- Dit que M. et Mme D. sont solidairement tenus au remboursement du seul capital suivant l'échéancier prévu ;

- Condamne la société Franfinance à rembourser à M. et Mme D. le montant des intérêts perçus jusqu'au mois de juillet 2019 outre intérêt au taux légal à compter du jour de chaque versement, sauf à imputer la somme correspondante sur le capital restant dû par M. et Mme D. ;

- Déboute les parties de toutes prétentions plus amples ou contraires ;

- Condamne in solidum M. Thibaud D. et Mme Martine P. épouse D. aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés directement par la SELARL C. & M.-G., avocats conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

- Condamne in solidum M. Thibaud D. et Mme Martine P. épouse D. à payer à la société Eco environnement la somme de 1 500 euros et à la société Franfinance la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.