Livv
Décisions

Cass. soc., 24 novembre 2021, n° 18-26.745

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Della Posta, Dirickx, Gasparoux, Heidmann, Masson, Ollivier, Schneider

Défendeur :

Solocal (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mariette

Rapporteur :

Mme Marguerite

Avocats :

SCP Thouvenin, Coudray et Gévy, SCP Célice, Texidor, Périer

Versailles, 5e ch., du 8 nov. 2018

8 novembre 2018

Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° T 18-26.745, U 19-26.746, V 18-26.747, W 18-26.748, X 18-26.749, Y 18-26.750 et Z 18-26.751 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Versailles, 8 novembre 2018), Mme Della Posta et d’autres salariés de la société Pages jaunes, devenue la société Solocal, ont été licenciés pour motif économique dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi contenu dans un accord collectif majoritaire signé le 20 novembre 2013 et validé par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France le 2 janvier 2014. Par arrêt du 22 octobre 2014, statuant sur le recours d'un autre salarié, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé cette décision de validation, au motif que l'accord du 20 novembre 2013 ne revêtait pas le caractère majoritaire requis par les dispositions de l'article L. 1233-24-1 du code du travail et le Conseil d'Etat a, le 22 juillet 2015, rejeté les pourvois formés contre cet arrêt.

3. Mme Della Posta et six autres salariés ont saisi, le 8 février 2016, la juridiction prud'homale pour contester la validité et le caractère réel et sérieux de leur licenciement et obtenir, en outre, le paiement de sommes à titre de complément d’indemnité conventionnelle de licenciement et de
rappel de salaire sur congé de reclassement. Examen des moyens sur le premier moyen, ci-après annexé.

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen.

5. Les salariés font grief aux arrêts de déclarer irrecevables les demandes de rappels de salaire afférents à la période de congé de reclassement et de complément d’indemnité conventionnelle de licenciement, alors « que le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen de droit qu’il a relevé d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leur observations ; que l’appel contre les jugements du conseil de prud’hommes est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire ; qu’en l’espèce, il ne résulte pas des conclusions écrites des parties que celles-ci ont débattu de l’effet libératoire de la signature du reçu pour solde de tout compte ; qu’en conséquence en déclarant irrecevables les demandes sans avoir mis les parties en mesure d’en discuter, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile, ensemble l’article R. 1461-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour 

Vu l’article 16 du code de procédure civile :

6. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

7. Pour déclarer irrecevables les demandes de rappels de salaire afférents à la période de congé de reclassement et de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, les arrêts retiennent que les salariés ont saisi la juridiction prud’homale plus de six mois après avoir reçu leur solde de tout compte, sans avoir dénoncé, auprès de l’employeur, les sommes qui leur avaient été remises.

8. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office et tiré de l’effet libératoire du reçu pour solde de tout compte, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

9. Les salariés font grief aux arrêts de dire que la relation de travail est soumise aux dispositions de la convention collective des voyageurs, représentants ou placiers (VRP), alors « qu’en vertu de l’article L. 7313-17 du code du travail, lorsque l’employeur est assujetti à une convention collective  applicable à l’entreprise, le VRP peut prétendre en tout état de cause à une indemnité qui sera égale à celle à laquelle il aurait eu droit si, bénéficiant de la convention, il avait été licencié ; qu’en retenant, pour dire que le salarié ne peut revendiquer l’application de la convention collective de la publicité, d’une part que la convention collective des VRP s’impose aux rapports nés des contrats de travail conclus entre les employeurs et les représentants de commerce, sauf dispositions conventionnelles plus favorables expressément applicables aux représentants de commerce, d’autre part au visa de son article 2 que la convention de la publicité ne prévoit pas son applicabilité aux représentants ayant le statut de VRP alors que cette convention ne vise aucunement l’exclusion expresse des VRP, la cour d’appel a violé les articles L. 7313-17 et L. 2251-1 et du code du travail, les articles 2, 31, 50 et 69 de la convention collective nationale de travail des cadres, techniciens et employés de la publicité française du 22 avril 1955, ensemble le principe de faveur. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 7313-17 du code du travail et l’article 2 de la convention collective nationale de travail des cadres, techniciens et employés de la publicité française du 22 avril 1975 :

10. Il résulte de l’article L. 7313-17 du code du travail que, lorsque l'employeur est assujetti à une convention collective applicable à l'entreprise, le voyageur, représentant ou placier (VRP) peut, dans les cas de rupture du contrat de travail mentionnés aux articles L. 7313-13 et L. 7313-14, prétendre à une indemnité qui sera égale à celle à laquelle il aurait eu droit si, bénéficiant de la convention, il  avait été licencié, dès lors que la convention collective applicable n'exclut pas les VRP de son champ d'application.

11. Pour décider que la relation de travail est soumise aux dispositions de la convention collective  des VRP et dire que les salariés ne peuvent revendiquer un solde d'indemnité conventionnelle de  licenciement sur le fondement de la convention collective de la publicité, les arrêts retiennent que les stipulations de l’article 2 de cette convention ne prévoient pas son application aux VRP.

12. En statuant ainsi, alors que la convention collective nationale de travail des cadres, techniciens et employés de la publicité française du 22 avril 1975 n’exclut pas les VRP de son champ d’application, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’ils déclarent irrecevables les demandes de rappels de salaire afférents à la période du congé de reclassement et de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement et décident que la relation de travail est soumise aux dispositions de la convention collective des VRP, les arrêts rendus le 8 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles.