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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 25 novembre 2021, n° 18/03979

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Rad (SAS)

Défendeur :

Colis Privé (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Lignières

T. com. Paris, du 24 janv. 2018, n° 16/4…

24 janvier 2018

Faits et procédure :

La société Colis Privé a une activité de livraison de colis au domicile des particuliers pour la vente à distance et le e-commerce.

La société RAD a une activité de vente en ligne de vêtements. Le 14 mars 2014, les sociétés RAD et Colis Privé ont conclu un contrat de livraison de colis, pour une durée d'un an, du 1er avril 2014 au 31 mars 2013, comportant des tarifs négociés sur la base d'un flux minimal de 150 000 colis par année contractuelle et selon un profil de flux déterminé. Ce contrat était renouvelable par tacite reconduction par périodes successives d'un an en l'absence de notification d'un préavis par l'une des parties au moins trois mois avant la date anniversaire.

A compter du 26 juin 2015, la société Colis Privé s'est plainte à la société RAD de divers impayés de factures.

Au mois de septembre 2015, la société Colis Privé a bloqué la livraison de colis dans l'attente du paiement de ses factures.

Pour débloquer des palettes de commandes, la société RAD a donné son accord pour le règlement d'une partie de ses factures, soit un montant de 22 817,09 euros.

Le 18 septembre 2015, la société RAD a changé de prestataire au profit de la société Colissimo.

Le 15 octobre 2015, deux palettes de colis représentant environ 800 commandes de la société RAD ont été livrées par erreur à l'entrepôt de Colis Privé au lieu de l'entrepôt de la société Colissimo.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 octobre 2015, la société Colis Privé a mis en demeure la société RAD de lui payer une somme de 93 864,53 euros TTC correspondant au montant de factures impayées émises entre le 24 mai 2015 et le 11 octobre 2015.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 16 novembre 2015, la société Colis Privé a, par l'intermédiaire de son conseil, mis en demeure la société RAD de régler les factures émises pour un montant de 93 864,53 euros TTC et de reprendre, dans les 8 jours, un flux d'activité permettant d'atteindre le seuil de 150 000 colis pour l'année contractuelle.

Le 6 décembre 2015, la société Colis Privé a émis deux factures d'ajustement tarifaire, l'une de 117 486,47 euros TTC, au titre du rattrapage tarifaire sur le profil de flux prévu au contrat, et l'autre de 268 496,27 euros TTC au titre du différentiel de prix entre le tarif préférentiel et le tarif de base, conséquence du non-respect du volume annuel minimum de colis.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 18 décembre 2015, la société RAD a contesté être redevable des sommes réclamées et a invoqué de nombreuses défaillances contractuelles de la part de la société Colis Privé.

Par acte du 17 juin 2016, la société Colis Privé a assigné la société RAD devant le tribunal de commerce de Paris en paiement des factures restées impayées et en réparation du préjudice subi en raison de la rupture brutale des relations commerciales.

Par jugement du 24 janvier 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

- Condamné la SAS RAD à payer à la SAS Colis Privé la somme de 93 864,53 euros au titre des factures émises, assorti des intérêts de droit, à compter du 16 novembre 2015 ;

- Débouté la SAS Colis Privé de sa demande de règlement de sa facture de 117 486,47 euros TTC ;

- Condamné la SAS RAD à payer à la SAS Colis Privé la somme de 200.769,79 euros TTC au titre du non respect du volume minimum de colis durant la seconde année d'exécution du contrat ;

- Débouté la SAS Colis Privé de sa demande d'indemnisation de son préjudice, à hauteur de 95.000 euros ;

- Condamné la SAS RAD à récupérer, chez la SAS Colis Privé, ses 800 colis sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 16ème jour de la signification du jugement, pendant un délai de un mois, à l'issue duquel il sera à nouveau fait droit ;

- Débouté la SAS RAD de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamné la SAS RAD à payer à la SAS Colis Privé la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

- Condamné la SAS RAD aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 115,41 euros dont 19,02 euros de TVA.

Par déclaration du 21 février 2018, la société RAD a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- Condamné la SAS RAD à payer à la SAS Colis Privé la somme de 93.864,53 euros au titre des factures émises, assorti des intérêts de droit, à compter du 16 novembre 2015 ;

- Condamné la SAS RAD à payer à la SAS Colis Privé la somme de 200.769,79 euros TTC au titre du non respect du volume minimum de colis durant la seconde année d'exécution du contrat ;

- Condamné la SAS RAD à payer à la SAS Colis Privé la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens ;

- Condamné la SAS RAD à récupérer, chez la SAS Colis Privé, ses 800 colis sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 16ème jour de la signification du jugement, pendant un délai de un mois, à l'issue duquel il sera à nouveau fait droit ;

- Débouté la SAS RAD de ses demandes tendant à voir condamner la SAS Colis Privé à régler à la SAS RAD la somme de 519 219 euros de dommages et intérêts du fait du préjudice que la SAS RAD a subi en raison des défaillances de son prestataire de livraison;

- Débouté la SAS RAD de ses demandes tendant à voir condamner la SAS Colis Privé à payer à la SAS RAD la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

Par jugement du 31 juillet 2018, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société RAD et a désigné la SELARL M. Z en qualité de liquidateur.

Par exploit du 5 septembre 2018, la société Colis privé a mis en cause la SELARL M. Z en qualité de liquidateur de la société RAD.

Dans ses conclusions du 24 mai 2018, la société RAD demande à la cour de :

Vu les articles 1219 et 1220 du code civil

- Recevoir la société RAD en toutes ses demandes, fins et conclusions, la dire bien fondée ;

- Infirmer la décision du Tribunal en ce qu'elle :

- a fait droit aux demandes de la société COLIS PRIVE au titre du paiement des factures émises par la société COLIS PRIVE, au titre du non respect par la société RAD du volume minimum de colis durant la seconde année d'exécution du contrat, au titre de l'incident concernant les 800 colis livrés par erreur à la société COLIS PRIVE et au titre de sa demande relative au paiement de l'article 700 du code de procédure civile, et en conséquence de ses prétentions,

- a condamné la société RAD à payer à la société COLIS PRIVE :

- la somme de 93 864,53 euros au titre des factures émises, assorti des intérêts de droit à compter du 16 novembre 2015,

- la somme de 200 769,79 euros TTC au titre du non respect du volume minimum de colis durant la seconde année d'exécution du contrat,

- la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens ;

- a condamné la SAS RAD à récupérer, chez la société COLIS PRIVE, ses 800 colis sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 16e jour de la signification du jugement, pendant un délai de un mois, à l'issue duquel il sera à nouveau fait droit.

Statuant à nouveau,

- Condamner la société COLIS PRIVE à payer à la société RAD la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens,

- Constater que la société COLIS PRIVÉ a commis de graves manquements à l'encontre de la société RAD.

En conséquence,

- Débouter la société COLIS PRIVÉ de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

Reconventionnellement,

- Condamner la société COLIS PRIVE à régler à la société RAD la somme de 519 219 euros de dommages et intérêts du fait du préjudice que la société RAD a subi en raison des défaillances de son prestataire de livraison,

- Condamner la société COLIS PRIVE à payer à la société RAD la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société COLIS PRIVE aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ceux le concernant au profit de Me X, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions du 19 juillet 2018, la société Colis Privé demande à la cour de :

Vu notamment les articles 1134 et 1147 du code civil,

Vu les articles L. 442-6, I, 5°, L. 132-2, et L. 133-7 du code de commerce

- Déclarer la société COLIS PRIVE recevable en son appel et l'y déclarant bien fondée ;

- Donner acte à la société COLIS PRIVE que la société RAD a pu récupérer ses 800 colis, en exécution du jugement intervenu ;

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Condamné SAS RAD à payer à la SAS COLIS PRIVE la somme de 93 864,53 euros au titre des factures émises, assorti des intérêts de droit à compter du 16 novembre 2015,

- Condamné la SAS RAD à indemniser la SAS COLIS PRIVE en raison du non-respect du volume minimum de colis durant la seconde année d'exécution du contrat,

- Débouté la SAS RAD de l'ensemble de ses demandes,

- Condamné la SAS RAD à payer à la SAS COLIS PRIVE la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que la rupture des relations par la société RAD ne revêtait pas les caractères d'une rupture abusive et brutale, et n'a pas respecté les volumes de flux de colis auxquels elle s'était engagée.

Et, statuant à nouveau, y ajoutant,

- Dire et juger abusive la fin des relations commerciales en date du 18 septembre 2015 par la société RAD,

- Constater que la société RAD a manqué à ses obligations contractuelles de profil de flux à l'égard de COLIS PRIVE, ce qui induisait ipso jure un rattrapage de prix.

En conséquence,

- Condamner la société RAD à payer à la société COLIS PRIVE la somme de 117 486,47 euros TTC correspondant au préjudice de manque à gagner enduré par la société COLIS PRIVE, du fait de l'absence de respect du profil de flux, par la société RAD,

- Condamner la société RAD à payer à la société COLIS PRIVE la somme de 268 496,27 euros TTC à titre principal et 200 769,79 euros TTC à titre subsidiaire au titre du non-respect du volume minimum de colis durant la seconde année d'exécution du contrat,

- Condamner la société RAD à payer à la société COLIS PRIVE la somme de 95 000 euros en indemnisation du préjudice subi en raison de la rupture brutale des relations commerciales établies des parties,

- Condamner la société RAD à payer à la société COLIS PRIVE la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

La SELARL M. Z en qualité de liquidateur de la société RAD n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 avril 2021.

La société Colis Privé a déposé et notifié des écritures le 18 mai 2021 par lesquelles elle demande à la cour de :

Vu notamment les articles 1134 et 1147 du code civil ;

Vu les articles L. 442-6, I, 5°, L. 132-2, et L. 133-7 du code de commerce

- Déclarer la société Colis Privé recevable en son appel et l'y déclarant bien fondée ;

- Donner acte à la société Colis Privé que la société Rad a pu récupérer ses 800 colis, en exécution du jugement intervenu ;

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Condamné la SAS RAD à payer à la SAS Colis Privé la somme de 93.864,53 euros au titre des factures émises, assorti des intérêts de droit à compter du 16 novembre 2015 ;

- Condamné la SAS RAD à indemniser la SAS Colis Privé en raison du non-respect du volume minimum de colis durant la seconde année d'exécution du contrat ;

- Débouté la SAS RAD de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamné la SAS RAD à payer à la SAS Colis Privé la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- Et les inscrire comme telles au passif de la société RAD ;

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que la rupture des relations par la société RAD ne revêtait pas les caractères d'une rupture abusive et brutale, et n'a pas respecté les volumes de flux de colis auxquels elle s'était engagée ;

Et, statuant à nouveau, y ajoutant,

- Dire et juger abusive la fin des relations commerciales en date du 18 septembre 2015 par la société RAD ;

- Constater que la société RAD a manqué à ses obligations contractuelles de profil de flux à l'égard de Colis Privé, ce qui induisait ipso jure un rattrapage de prix ;

En conséquence,

- Fixer au passif de la société RAD les sommes suivantes déjà déclarées auprès de Maître Z le 20 août 2018, soit :

- 95 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture abusive des relations commerciales ;

- 117 488,47 euros TTC, correspondant au montant de la facture 90018002 impayée, correspondant au rattrapage de prix en raison du non-respect du profil de flux ;

- 15 000 euros au titre des frais irrépétibles au titre de la présente instance d'appel.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 20 mai 2021 et mise en délibéré au 16 septembre 2021 prorogé au 25 novembre 2021.

Par message RPVA du 13 septembre 2021, les parties ont été invitées à présenter leurs observations quant à :

- L'irrecevabilité de la demande de la société RAD tendant à la condamnation de la société Colis privé à une somme de 519 219 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des défaillances de son prestataire de livraison en l'absence de reprise de cette demande par le liquidateur ;

- L'irrecevabilité de la demande de la société Colis privé tendant à la condamnation de la société RAD au paiement d'une somme de 268 496,27 euros à titre principal et de 200 769,79 euros à titre subsidiaire, au titre du non-respect du volume minimum de colis durant la seconde année d'exécution du contrat alors que cette créance n'a pas été déclarée à la procédure collective de la société RAD.

Par message RPVA du 21 septembre 2021, la société Colis privé a soutenu que:

- la demande de la société RAD tendant à sa condamnation à une somme de 519.219 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des défaillances de son prestataire de livraison était irrevable faute d'avoir été reprise par le liquidateur,

- sa demande tendant au paiement d'une somme de 268 496,27 euros à titre principal et de 200 769,79 euros à titre subsidiaire, au titre du non-respect du volume minimum de colis durant la seconde année d'exécution du contrat était recevable dans la mesure où elle avait déclaré sa créance au liquidateur dans les délais impartis.

Par message RPVA du 4 octobre 2021, le conseil de la société RAD a indiqué ne pas avoir reçu d'instructions de la part du liquidateur pour conclure ou présenter des observations en son nom.

Par ailleurs, par message RPVA du 13 septembre 2021, la société RAD a été invitée à déposer, avant le 14 octobre 2021, les pièces venant au soutien de ses conclusions en défense à l'encontre de l'appel incident formé par la société Colis Privé.

MOTIFS

Sur les pièces de la société RAD

Malgré la demande qui lui en a été faite, la société RAD n'a pas déposé à la cour les pièces numérotées 1 à 22 figurant sur le bordereau annexé à ses conclusions du 24 mai 2018. La cour ne pourra en conséquence tenir compte que des pièces n° 1 à 21 figurant dans le dossier de son contradicteur à l'exclusion de la pièce n° 22.

Sur la recevabilité des conclusions de la société Colis privé du 18 mai 2021 postérieures à l'ordonnance de clôture

Selon l'article 802 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture.

Sont également recevables les conclusions qui tendent à la reprise de l'instance en l'état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption.

Les conclusions de la société Colis privé déposées le 18 mai 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue le 8 avril 2021, seront déclarées irrecevables.

Sur la recevabilité des demandes de la société RAD en liquidation judiciaire

L'article L. 641-9 du code de commerce dispose que :

I.- Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

Toutefois, le débiteur peut se constituer partie civile dans le but d'établir la culpabilité de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il serait victime.

Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné.

II. - Lorsque le débiteur est une personne morale, un mandataire peut être désigné, en cas de nécessité, au lieu et place des dirigeants sociaux par ordonnance du président du tribunal sur requête de tout intéressé, du liquidateur ou du ministère public.

III.- Lorsque le débiteur est une personne physique, il ne peut exercer, au cours de la liquidation judiciaire, aucune des activités mentionnées au premier alinéa de l'article L. 640-2. Toutefois, le débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée peut poursuivre l'exercice d'une ou de plusieurs de ces activités, si celles-ci engagent un patrimoine autre que celui visé par la procédure.

IV. - Le liquidateur ne peut, sauf accord du débiteur, réaliser les biens ou droits acquis au titre d'une succession ouverte après l'ouverture ou le prononcé de la liquidation judiciaire, ni provoquer le partage de l'indivision pouvant en résulter ;

En raison de son dessaisissement édicté par l'article susvisé, le débiteur ne peut plus exercer seul ou poursuivre seul des actions en justice relativement à son patrimoine; le liquidateur étant seul habilité à agir à ce titre. La méconnaissance de ce dessaisissement est sanctionnée par une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir. En vertu de l'article 125 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge peut relever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée.

Néanmoins échappent à la règle du dessaisissement édictée par l'article susvisé, les recours dans le domaine des droits propres du débiteur et notamment les recours contre une décision fixant les droits d'un créancier à l'encontre du débiteur. En outre, le débiteur peut encore continuer à défendre à une action introduite contre lui par un créancier avant l'ouverture de la procédure collective et continuée après pour obtenir la fixation de la créance au passif.

En l'espèce, il ressort de l'extrait du registre du commerce et des sociétés concernant la société RAD qu'une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à son égard en vertu d'un jugement du tribunal de commerce de Paris du 31 juillet 2018 et que la SELARL M. Z en la personne de Me Z a été désignée comme liquidateur judiciaire.

Si la société Colis Privé a déclaré une créance à la procédure collective et appelé en la cause la SELARL M. Z en la personne de Me Yohann Z en sa qualité de liquidateur de la société RAD et qu'ainsi l'instance, interrompue en vertu des dispositions de l'article L. 622-22 du code de commerce, s'est valablement poursuivie, il n'en demeure pas moins que les seules conclusions déposées pour le compte de la société RAD dans le cadre de la présente instance l'ont été au nom de la société RAD elle-même et n'ont pas été reprises par son liquidateur.

Il convient de distinguer dans ces conclusions d'une part, la demande tendant à la condamnation de la société Colis Privé au paiement d'une somme de 519 219 euros à titre de dommages et intérêts en raison de défaillances contractuelles, demande qui touche au patrimoine du débiteur et qui n'entre pas dans les droits propres de ce dernier de sorte que seul le liquidateur judiciaire est habilité à exercer l'action en justice, et d'autre part, les demandes tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il a condamné le débiteur au paiement d'une somme de 93 864,53 euros au titre des factures émises assorti des intérêts de droit à compter du 16 novembre 2015, d'une somme de 200 769,79 euros TTC au titre du non-respect du volume minimum de colis, demandes qui relèvent des pouvoirs propres du débiteur, ainsi que les moyens de défense relatifs à l'action en responsabilité contractuelle introduite par la société Colis privé avant l'ouverture de la procédure collective et continuée postérieurement.

Dès lors, au vu des dispositions précitées, la société RAD est irrecevable, en raison d'un défaut de qualité à agir résultant de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, en sa demande de condamnation de la société Colis Privé à l'indemniser à concurrence de la somme de 519 219 euros à la suite de défaillances contractuelles.

Sur les demandes excédant la déclaration de créance

L'article L. 622-22 alinéa 1er du code de commerce prévoit que :

« Sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. »

Il résulte de ces dispositions que l'instance ne peut reprendre qu'après déclaration de sa créance par le créancier dont il doit justifier. En outre, l'instance reprise ne peut tendre qu'à la constatation et à la fixation de la créance dans la limite du montant déclaré.

En l'espèce, la société Colis Privé justifie avoir déclaré une créance de 533 128,48 euros décomposée comme suit:

- 303 590,07 euros au titre des sommes allouées en première instance, soit la somme de 93 864,53 euros au titre des factures impayées, 200.769,79 euros au titre du non-respect du volume de colis, 367,74 euros au titre des intérêts et 1.588,01 euros au titre des dépens,

- 227 486,47 euros au titre des sommes réclamées en appel, soit la somme de 17 486,47 euros au titre du non respect du profil de flux, 95 000 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales, 15 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

- 2 051,94 euros (compte d'huissier).

Or la société Colis privé ne peut réclamer une somme supérieure à celle figurant sur sa déclaration de créance, soit 200 769,79 euros, au titre du non-respect du volume de colis et il convient de constater que le surplus de sa demande excède sa déclaration de créance.

Sur le paiement des factures émises par la société Colis Privé

La société Colis Privé réclame le paiement de 23 factures émises entre le 24 mai 2015 et le 11 octobre 2015 pour un montant de 93 864,53 euros. Elle dénie les manquements invoqués par la société RAD pour justifier son défaut de paiement. Elle fait valoir qu'en donnant l'ordre de virement à son profit d'une somme de 22 817,09 euros, la société RAD a reconnu être redevable a minima de ce montant.

La société RAD prétend justifier l'absence de paiement des factures émises par la société Colis Privé en invoquant l'inexécution par cette dernière de ses obligations. Elle affirme qu'elle ne respectait pas son obligation de présenter les colis au domicile de ses clients et les déposait directement en point relais. Elle ajoute que de nombreux colis ont été perdus la contraignant à réexpédier les commandes afférentes. Elle se plaint encore des difficultés rencontrées pour localiser les colis pris en charge par la société Colis Privé lors des réclamations qu'elle recevait. Elle reproche par ailleurs à la société Colis Privé d'avoir bloqué ses colis entre le 14 et le 18 septembre 2015 sans préavis et de manière fautive. Enfin elle lui fait grief d'avoir fait obstacle à la restitution des 800 colis reçus par erreur le 15 octobre 2015.

L'exception d'inexécution est le droit qu'a chaque partie à un contrat synallagmatique de refuser d'exécuter son obligation tant qu'elle n'a pas reçu la prestation qui lui est due.

Toutefois cette exception ne peut être soulevée par le créancier que si l'inexécution présente un caractère suffisamment grave, et ne peut donc être opposée comme moyen de pression sur le débiteur que de façon proportionnée.

En outre, elle suppose que le rapport contractuel perdure.

Or, en l'espèce, il est constant que le contrat liant la société Colis Privé à la société RAD a été rompu le 18 septembre 2015 à l'initiative de cette dernière.

Dans ces conditions, c'est à tort que la société RAD se prévaut d'une exception d'inexécution pour se soustraire à son obligation de paiement. Il lui appartient en revanche de prouver, en vertu de l'article 1353 du code civil, que pour chaque facture dont le paiement lui est réclamé, les prestations mises à la charge de la société Colis Privé n'ont pas été exécutées ou ont été mal exécutées.

En l'espèce, la société RAD se plaint de retards, de pertes de colis ou de livraisons directement en point relais.

Or pour justifier des manquements reprochés à la société Colis Privé, la société RAD se contente de produire un échantillon de quelques dizaines de réclamations sur les 66 741 colis livrés entre le 1er mai 2015 et le 18 septembre 2015. En outre, il n'est aucunement démontré que les réclamations ainsi reçues portent sur des prestations dont le paiement lui est réclamé au titre des factures litigieuses. Par ailleurs, les listings qu'elle a elle-même établis ne permettent pas de prouver des manquements imputables à la société Relais Colis.

En conséquence, la société RAD succombe à la charge de la preuve et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Colis Privé la somme de 93 864,53 euros au titre des factures émises, assortie des intérêts de droit, à compter du 16 novembre 2015.

Sur la rupture brutale des relations commerciales

La société Colis Privé reproche à la société RAD d'avoir rompu brutalement leurs relations le 18 septembre 2015. Elle prétend qu'elle aurait dû respecter un préavis de six mois et réclame une indemnisation de 95 000 euros de ce chef.

La société RAD affirme avoir été contrainte de mettre fin aux relations contractuelles en raison des graves manquements qu'elle reproche à la société Colis Privé. Outre les retards, pertes de colis et inexécutions contractuelles qu'elle lui impute, la société RAD reproche à la société Colis Privé d'avoir bloqué ses colis entre le 14 et le 18 septembre 2015 sans préavis et de manière fautive.

L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. (...) Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.

En l'espèce, il résulte de courriels produits aux débats par la société RAD que la société Colis Privé a pris la décision de retenir des colis envoyés par la société RAD entre le 14 et le 18 septembre 2015 en raison du non-paiement de ses factures.

Contrairement à ce que soutient la société Relais Colis, cette décision ne saurait être justifiée par l'exercice du droit de rétention instauré au profit du transporteur par l'article L. 133-7 du code de commerce.

En vertu de l'article L. 133-7 du code de commerce, le transporteur dispose, en garantie des créances dont il est titulaire, d'un droit de rétention sur l'ensemble des marchandises qui lui ont été confiées.

Toutefois pour pouvoir exercer ce droit, le transporteur doit rapporter la preuve que son débiteur est propriétaire des marchandises retenues ou encore de l'implication du propriétaire de la marchandise retenue dans les transports précédemment impayés.

Or il résulte des débats que la société Colis Privé a exercé son droit de rétention sur des colis dont son débiteur n'était pas propriétaire.

En retenant, sans préavis et de manière abusive plusieurs centaines de colis entre le 14 et 18 septembre 2015 dont son débiteur n'était pas propriétaire, la société Colis Privé a commis une faute justifiant la résiliation du contrat à ses torts exclusifs par la société RAD le 18 septembre 2015.

Dès lors, aucune indemnisation ne saurait lui être accordée au titre de la rupture par la société RAD de leurs relations commerciales. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la demande en paiement au titre du non-respect du profil de flux

La société Colis Privé reproche à la société RAD de ne pas avoir respecté le profil de flux pour l'année 2014 - 2015, selon lequel 80% des commandes confiées à la société Colis privé devaient peser moins de 500 grammes. Elle explique en effet que seuls 13% des colis confiés par la société RAD pesaient moins de 500 grammes. Dans ces conditions, elle prétend être fondée à appliquer un rattrapage de prix calculés à partir du profil de flux constaté.

La société RAD conteste être redevable d'une quelconque somme à ce titre. Elle dénie la valeur probante des documents versés aux débats par la société Colis Privé pour établir le non-respect du profil de flux. Elle ajoute qu'aucune disposition contractuelle ne permettait un tel rattrapage de prix.

Le contrat conclu le 14 mars 2014 entre la société Colis Privé et la société RAD prévoit un tarif de 3,22 euros HT par colis sans collecte. Il mentionne que l'offre correspond à un volume annuel de 150 000 colis et à un profil de flux rapide dans lequel 80% des 150 000 colis ont un poids inférieur ou égal à 500 grammes.

Il est précisé que: « Si un de ces éléments venait à évoluer au cours de l'exécution du contrat nous serions amenés à rediscuter du tarif de la présente offre dès le constat de la modification. »

Ainsi le contrat ne prévoit aucune possibilité pour la société Colis Privé de modifier le tarif accepté sauf à rediscuter de ce tarif en cas de profil de flux constaté distinct de celui prévu au contrat.

Or il sera relevé que le contrat a été renouvelé tacitement le 1er avril 2015 sans que la société Colis Privé ne se plaigne du non-respect du profil des flux au cours de l'année écoulée ni ne demande une re discussion du tarif proposée tenant compte de la différence alléguée.

Dans ces conditions, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement sur ce point.

Sur la demande en paiement au titre du non-respect du volume de colis

La société Colis Privé prétend que la société RAD n'a pas respecté le volume annoncé de 150 000 colis pour l'année contractuelle 2015-2016 puisqu'elle ne lui a confié que 84 928 colis de sorte que le tarif remisé n'est pas applicable et qu'il convient d'appliquer la grille tarifaire tarifs de livraison.

La société RAD soutient avoir été contrainte de mettre fin au contrat prématurément du fait des manquements de la société Colis Privé. Elle ajoute avoir respecté sur les 5 mois et demi de la période contractuelle les volumes sur lesquels elle s'était engagée. Elle fait encore valoir qu'aucune disposition contractuelle ne prévoit la possibilité pour la société Colis Privé de facturer un complément de prix en cas de non-respect du volume de colis.

Le contrat conclu le 14 mars 2014 entre la société Colis Privé et la société RAD prévoit un tarif de 3,22 euros HT par colis sans collecte. Il mentionne que l'offre correspond à un volume annuel de 150.000 colis et à un profil de flux rapide dans lequel 80% des 150.000 colis ont un poids inférieur ou égal à 500 grammes. Il précise que: « Les volumes annuels constituent un engagement ferme. Nb: Dans la mesure où 100% des colis postaux sont confiés à Colis Privé si les volumes d'engagement ne sont pas atteints dans la première année de collaboration il n'y a pas de complément de facturation ».

Il prévoit encore que: « Si un de ces éléments venait à évoluer au cours de l'exécution du contrat nous serions amenés à rediscuter du tarif de la présente offre dès le constat de la modification. »

Il en résulte que la société Colis privé était susceptible de revendiquer un complément de prix en cas de non-respect des volumes d'engagement au-delà de la première année.

Toutefois dès lors que la société Colis Privé est à l'origine de la rupture anticipée du contrat, elle ne saurait se plaindre du non-respect de l'engagement de volume souscrit par la société RAD sur une année.

La demande en paiement de ce chef sera rejetée et le jugement entrepris infirmé sur ce point.

Sur la reprise des colis sous astreinte

La société RAD sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à récupérer, chez la société Colis Privé, ses 800 colis sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 16ème jour de la signification du jugement, pendant un délai d'un mois.

Toutefois la société Colis Privé justifie de la reprise desdits colis par la société RAD le 16 février 2018 de sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société RAD succombe partiellement en ses prétentions. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et à l'article 700 seront confirmées. La société RAD supportera les dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés par Me X, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Eu égard à la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de la société RAD, il apparaît inéquitable de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les demandes de ce chef seront écartées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

DÉCLARE irrecevables les conclusions de la société Colis Privé du 18 mai 2021 postérieures à l'ordonnance de clôture ;

DIT que la demande de la société Colis Privé au titre du non-respect du volume minimum de colis durant la seconde année d'exécution du contrat ne peut excéder la somme de 200 769,79 euros TTC correspondant au montant de sa déclaration de créance à la procédure collective dont fait l'objet la société RAD ;

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société RAD à payer à la société Colis Privé la somme de 200 769,79 euros TTC au titre du non-respect du volume minimum de colis durant la seconde année d'exécution du contrat et débouté la société RAD de ses demandes tendant à voir condamner la société Colis Privé à régler à la société RAD la somme de 519 219 euros de dommages et intérêts du fait du préjudice que la société RAD a subi en raison des défaillances de son prestataire de livraison ;

Statuant à nouveau,

DÉCLARE la société RAD irrecevable en sa demande de condamnation de la société Colis Privé à l'indemniser à concurrence de la somme de 519.219 euros à la suite de défaillances contractuelles ;

REJETTE la demande de la société Colis Privé tendant à la condamnation de la société RAD au titre du non-respect du volume minimum de colis durant la seconde année d'exécution du contrat ;

Y ajoutant,

REJETTE les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société RAD aux dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés par Me X, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.