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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 23 novembre 2021, n° 20/08095

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Goyard St-Honore (SAS)

Défendeur :

Faure Le Page Maroquinier (SAS), Faure Le Page Paris (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Barutel

Conseillers :

Mme Bohée, Mme Cochet-Marcade

Avocat :

Selarl 2H Avocats

TGI Paris, 3e ch. 3e sect., du 30 janv. …

30 janvier 2015

Vu le jugement du 30 janvier 2015 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 4 octobre 2016, rendu suite à l'appel interjeté par la société Goyard Saint Honoré,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation (chambre commerciale) du 27 juin 2018, rectifié par arrêt du 10 octobre 2018,

Vu la déclaration de saisine du 26 juin 2020 de la société Goyard Saint Honoré (Goyard),

Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique, le 14 mai 2021, de la société Goyard, appelante,

Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique, le 18 juin 2021, des sociétés Fauré Le Page Paris et Fauré Le Page Maroquinier (ensemble Fauré Le Page), intimées,

Vu l'ordonnance de clôture du 22 juin 2021,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise, aux décisions subséquentes et aux écritures précédemment visées.

Il sera simplement rappelé que la société Goyard St-Honoré se présente comme l'un des plus anciens malletiers français qui conçoit, fabrique et commercialise des malles, des articles de voyage, des articles de maroquinerie et des créations dédiées aux animaux de compagnie, réalisant le plupart de ses modèles dans une toile, ornée d'un motif à chevrons, qu'elle appelle « Goyardine ». Elle dispose de 24 boutiques, en France, situées à [...], ainsi qu'à l'étranger (Etats-Unis, Royaume Uni, Chine, Japon ...).

Cette société est titulaire des marques suivantes :

- marque française figurative n° 1 633 326 (326) reproduisant sur fond noir, des chevrons blancs et jaunes traversés de lignes verticales grises et jaunes, déposée le 20 janvier 1981 pour désigner des produits et services des classes 3, 14, 16, 18, 24, 25 et 34, telle que reproduite ci-dessous :

- marque française semi-figurative n° 3 365 528 (528) reproduisant sur fond noir, des chevrons beige et marron avec "E. GOYARD" en beige et "HONORE PARIS" en marron, déposée le 16 juin 2005 pour désigner des produits et services des classes 3, 14, 16, 18, 24, 25 et 34, telle que reproduite ci-dessous':

- marque communautaire semi-figurative n° 004 748 729 (729) reproduisant sur fond noir, des chevrons beige et marron avec « E. GOYARD » en beige et « HONORE PARIS » en marron, déposée le 28 novembre 2005 pour désigner des produits des classes 3 et 18, telle que reproduite ci-dessous :

La société Fauré Le Page Paris, immatriculée au RCS depuis le 20 octobre 2009, a pour activité « l'acquisition et l'exploitation d'une ou plusieurs marques ainsi que la recherche et le développement d'articles de mode et de luxe ».

Cette société a acquis le 28 octobre 2009 la marque française semi-figurative « Fauré LE PAGE » n° 1 534 660, désignant des produits et services des classes 8, 13, 18 et 25, telle que reproduite ci-dessous :

Elle a également déposé le 17 juin 2011 :

- la marque française semi-figurative n° 3 839 811 (811) 'FAURÉ LE PAGE PARIS 1717" pour désigner des produits des classes 3, 9, 14, 16, 18, 24 et 25, telle que reproduite ci-dessous :

- la marque française semi-figurative 'FAURÉ LE PAGE PARIS 1717" n° 3 839 809 (809) pour désigner des produits des classes 3, 9, 14, 16, 18, 24 et 25, telle que reproduite ci-dessous :

Cette société a également procédé le 5 décembre 2011, sous priorité de ses marques françaises, au dépôt des marques internationales semi-figurative 'FAURÉ LE PAGE PARIS 1717" n° 1 105 847 et figurative 1 105 848 pour désigner des produits et services des classes 3, 9, 14, 16, 18, 24 et 25.

La société Fauré Le Page Maroquinier, immatriculée au RCS depuis le 20 juin 2011, qui a pour activité 'le commerce de détail de maroquinerie et d'articles de voyage', bénéficie depuis le 24 avril 2012 d'une concession de licence de la marque n° 3 839 811.

Elle a ouvert le 15 septembre 2012 une boutique située [...] et en juillet 2013 un corner aux Galeries Lafayette de Paris.

Estimant que ces dépôts de marques et leur exploitation sur des produits fabriqués en toile 'FAURÉ LE PAGE PARIS 1717" portaient atteinte à ses droits antérieurs, la société Goyard St-Honoré, après avoir vainement adressé le 21 mars 2012 une mise en demeure aux sociétés Fauré Le Page, puis avoir fait procéder, le 5 octobre 2012, à une saisie-contrefaçon dans le magasin de la société Fauré Le Page Maroquinerie ainsi qu'au siège de cette société, a fait assigner ces deux sociétés le 26 octobre 2012 devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marques, de droits d'auteur sur des sacs, ainsi qu'en concurrence déloyale et parasitisme. Les sociétés Fauré Le Page ont présenté des demandes d'annulation des marques opposées.

Selon jugement du 30 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire, a :

- rejeté la demande d'annulation de la marque n° 1 633 326,

-'dit les sociétés Fauré Le Page irrecevables à agir en déchéance des droits de la SA Goyard St-Honoré sur les marques n° 1 633 326 et 3 365 528 pour les articles pour fumeurs (marque n° 1 633 326) et articles pour fumeurs non en métaux précieux à savoir cendriers, briquets, porte-cigares, porte-cigarettes (marque n° 3 365 528),

- prononcé la déchéance des droits de la société Goyard St-Honoré sur la marque n° 1 633 326 déposée le 20 janvier 1981, pour l'ensemble des produits et services désignés à l'enregistrement, à l'exception des articles pour fumeurs, à compter du 28 février 1996,

- prononcé la déchéance des droits de la société Goyard St-Honoré sur la marque n° 3 365 528 à compter du 18 novembre 2010 pour les produits suivants : 'Savons de toilette ; parfums ; eaux de toilette et de Cologne ; huiles essentielles à usage personnel ; cosmétiques ; laits, lotions, émulsions et crèmes à usage cosmétique pour le visage et pour le corps ; crèmes ; gels, huiles pour le bain à usage non médical ; déodorants à usage personnel ; préparations pour les cheveux à usage non médical nommément laques, gels, crémes,crèmes baumes, mousses et shampooings. Métaux précieux et leurs alliages (autres qu'à usage dentaire) et produits en ces matières ou en plaqué à savoir bagues (bijouterie), boucles d'oreilles (bijouterie), bracelets (bijouterie), breloques (bijouterie), broches (bijouterie), chaînes (bijouterie), chaînes de montres, colliers (bijouterie), épingles (bijouterie), parures (bijouterie), épingles de parures (bijouterie), anneaux (bijouterie), boucles en métaux précieux, ornements de chapeaux en métaux précieux, écrins en métaux précieux, coffrets à bijoux en métaux précieux ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses, pierres fines, perles (bijouterie) ; bijouterie fantaisie ; horlogerie et instruments chronométriques ; montres, bracelets de montres, montres-bracelets. Papier ; carton ; articles en papier et articles en carton à savoir : cartonnages, sacs, sachets, enveloppes, pochettes, pour l'emballage, en papier ; produits de l'imprimerie, à savoir livres, imprimés, journaux, revues, périodiques, magazines, manuels d'orientation, affiches, photographies, matériel d'instruction ou d'enseignement (à l'exception des appareils) ; articles de bureau (à l'exception des meubles) ; instruments à écrire à savoir stylos, stylos bille, stylos mine. Sacs-housses de voyage pour vêtements sacs à dos, sacs de plage, sacs d'écoliers, cartables, étuis pour clés (maroquinerie), parapluies, parasols, ombrelles, cannes. Tissus à usage textile et produits textiles à savoir linge de bain [à l'exception de l'habillement], linge de maison, linge de lit, linge de table (en matières textiles), linge de toilette, mouchoirs de poche (en matières textiles). Vêtements (habillement) pour femmes, hommes et enfants à savoir robes, jupes, jupons, jupes-culotte, costumes, pantalons, shorts, bermudas, caleçons, chemises, chemisiers, corsages, tee-shirts, sweatshirts, gilets, vestes, cardigans, pullovers, chandails, parkas, anoraks, manteaux, gabardines, imperméables, fourrures, écharpes, chàles, foulards, gants, cravates, ceintures (habillement), chaussettes, bas, collants, sous-vêtements, pyjamas, robes de chambre, maillots de bain, peignoirs de bain ; chaussures (à l'exception des chaussures orthopédiques), à savoir souliers, sandales, bottes, bottines, chaussons, pantoufles ; chapeaux, bérets, casquettes',

- débouté la société Goyard St-Honoré de ses demandes en contrefaçon de marque, et des demandes subséquentes,

- rejeté les demandes d'annulation des marques de la société Fauré Le Page Paris pour déceptivité,

- dit la société Goyard St-Honoré recevable à agir sur le fondement du droit d'auteur,

- débouté la société Goyard St-Honoré de ses demandes en contrefaçon de droits d'auteur,

- débouté la société Goyard St-Honoré de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale et le parasitisme,

- débouté les sociétés Fauré Le Page Paris et Fauré Le Page Maroquinier de leurs demandes reconventionnelles en dommages et intérêts pour procédure abusive,

- dit que sa décision une fois définitive sera transmise à l'INPI à l'initiative du greffe ou de la partie la plus diligente, pour transcription sur le Registre national des marques,

- condamné la société Goyard St-Honoré à payer aux sociétés Fauré Le Page Paris et Fauré Le Page Maroquinier la somme globale de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon arrêt contradictoire du 19 mars 2014, la cour d'appel de Paris a statué en ces termes :

-Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a limité l'irrecevabilité à agir en déchéance des droits de la société Goyard St-Honoré sur ses marques n° 1 633 326 et 3 365 528 pour les articles pour fumeurs (marque n° 1 633 326) et les articles pour fumeurs non en métaux précieux à savoir cendriers, briquets, porte-cigares, porte-cigarettes (marque n° 3 365 528) et, statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant :

-Déclare les sociétés Fauré Le Page irrecevables à agir en déchéance des droits de la société Goyard St-Honoré pour les produits suivants :

- Pour la marque 1 633 326 : « objets en métaux précieux et leurs alliages ou en plaqué, articles en carton, articles en cuir et imitations du cuir non compris dans d'autres classes que la 18, peaux, laisses, articles textiles non compris dans d'autres classes que la 24 »,

- Pour la marque 3 365 528 : « crèmes, gels, huiles pour le bain à usage non médical ; déodorants à usage personnel ; laits, lotions, émulsions et crémes à usage cosmétique pour le visage et pour le corps ; préparations pour les cheveux à usage non médical nommément laques, gels, crèmes, baumes, mousses et shampoings ; eaux de toilette et de Cologne ; Métaux précieux et leurs alliages (autres qu'à usage dentaire) et produits en ces matiéres ou en plaqué à savoir bagues (bijouterie), boucles d'oreilles (bijouterie), bracelets (bijouterie), breloques (bijouterie), broches (bijouterie), chaînes (bijouterie), chaînes de montres, colliers (bijouterie), épingles (bijouterie), parures (bijouterie), épingles de parures (bijouterie), anneaux (bijouterie), boucles en métaux précieux, ornements de chapeaux en métaux précieux ; bijouterie fantaisie ;pierres fines, perles (bijouterie); articles en papier et articles en carton à savoir:cartonnages,sacs,sachets, enveloppes, pochettes, pour l'emballage, en papier ; matériel d'instruction ou d'enseignement (à l'exception des appareils) ; photographies, revues, stylos, stylos bille, stylos mine ; manuels d'orientation, articles de bureau (à l'exception des meubles) ; sacs-housses de voyage pour vêtements ; coffrets destinés à contenir des articles de toilette dits ' vanity-cases ', sacs à dos, sacs d'écoliers, pochettes, ombrelles, mouchoirs de poche (en matières textiles), linge de toilette ; robes, jupes, jupons, jupes-culotte, costumes, pantalons, shorts, bermudas, caleçons, chemises, chemisiers, corsages, tee-shirts, sweatshirts, gilets, vestes, cardigans, pullovers, chandails, parkas, anoraks, manteaux, gabardines, imperméables, écharpes, châles, bas, collants, pyjamas, robes de chambre, maillots de bain, peignoirs de bain ;souliers, sandales, bottes, bottines, pantoufles ; chapeaux, bérets, casquettes »,

- Pour la marque 004 748 729 : « eaux de toilette et de Cologne; laits, lotions, émulsions et crémes à usage cosmétique pour le visage et pour le corps; crémes, gels, huiles pour le bain à usage non médical; déodorants à usage personnel; préparations pour les cheveux à usage non médical nommément laques, gels, crèmes, baumes, mousses et shampooings ; sacs-housses de voyage pour vêtements, malles, valises, coffrets destinés à contenir des articles de toilette dits ''vanity-cases'', sacs à dos, sacs d'écoliers, pochettes, articles de maroquinerie notamment portefeuilles, porte-monnaie non en métaux précieux, ombrelles »;

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la déchéance des droits de la société Goyard St-Honoré sur la marque n° 1 633 326 sur l'ensemble des produits et services désignés à l'enregistrement à l'exception des articles pour fumeurs et, statuant à nouveau de ce chef :

Prononce la déchéance des droits de la société Goyard St-Honoré sur la marque n° 1 633 326 à compter du 28 décembre 1996 pour les produits suivants : « Savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices. Métaux précieux et leurs alliages. Papier et articles en papier, carton, articles de bureau. Cuir et imitations du cuir ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes. Sellerie. Tissus ; couvertures de lit et de table. Vêtements, chaussures, chapellerie. Colliers pour animaux » ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la déchéance des droits de la société Goyard St-Honoré sur la marque n° 3 365 528 sur un ensemble de produits désignés à son enregistrement

Et, statuant à nouveau de ce chef :

Prononce la déchéance des droits de la société Goyard St-Honoré sur la marque n° 3 365 528 à compter du 18 novembre 2010 pour les produits suivants : « sacs de plage, cartables, étuis pour clés (maroquinerie), parapluies, parasols, cannes, papier ; carton ; produits de l'imprimerie, à savoir livres, imprimés, journaux, périodiques, magazines, affiches, photographies ; instruments à écrire, savons de toilette ; parfums ; huiles essentielles à usage personnel ; cosmétiques, métaux précieux et leurs alliages, chaînes de montres, écrins en métaux précieux, coffrets à bijoux en métaux précieux ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques ; montres, bracelets de montres, montres-bracelets, Vêtements (habillement) pour femmes, hommes et enfants à savoir chemises, fourrures, foulards, gants, cravates, ceintures (habillement), chaussettes, sous-vêtements ; chaussures (à l'exception des chaussures orthopédiques), chaussons, Tissus à usage textile et produits textiles à savoir linge de bain [à l'exception de l'habillement], linge de maison, linge de lit, linge de table (en matières textiles) »;

Y ajoutant :

Prononce la déchéance des droits de la société Goyard St-Honoré sur la marque n° 004 748 729 à compter du 11 juin 2014 pour les produits suivants : « sacs de plage, cartables, étuis pour clés (maroquinerie), parapluies, parasols, cannes, savons de toilette ; parfums ; huiles essentielles à usage personnel ; cosmétiques » ;

Dit que le présent arrêt sera transmis par le greffe, à la requête de la partie la plus diligente, au directeur général de l'INPI pour transcription au Registre national des marques ;

Confirme pour le surplus le jugement entrepris ;

Y ajoutant :

Déboute les sociétés Fauré Le Page de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour appel abusif ;

Déboute les sociétés Fauré Le Page de leur demande de publication judiciaire du présent arrêt.

Le 27 juin 2018, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu le 4 octobre 2016 par la cour d'appel de Paris mais seulement en ce qu'il a :

- prononcé la déchéance des droits de la société Goyard St-Honoré sur la marque n° 1 633 326, à compter du 28 décembre 1996, pour les savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices : métaux précieux et leurs alliages : papier et articles en papier, carton, articles de bureau ; cuir et imitations du cuir ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; sellerie ; tissus ; couvertures de lit et de table; vêtements, chaussures, chapellerie ; colliers pour animaux,

- prononcé la déchéance des droits de la société Goyard St-Honoré sur la marque n° 3 365 528, à compter du 18 novembre 2010, pour les sacs de plage, cartables, étuis pour clés (maroquinerie), parapluies, parasols, cannes, papier ; carton ; produits de l'imprimerie, à savoir livres, imprimés, journaux, périodiques, magazines, affiches, photographies ; instruments à écrire, savons de toilette ; parfums ; huiles essentielles à usage personnel ; cosmétiques, métaux précieux et leurs alliages, chaînes de montres, écrins en métaux précieux, coffrets à bijoux en métaux précieux ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques ; montres, bracelets de montres, montres-bracelets ; vêtements (habillement) pour femmes, hommes et enfants à savoir chemises, fourrures, foulards, gants, cravates, ceintures (habillement), chaussettes, sous-vêtements ; chaussures (à l'exception des chaussures orthopédiques), chaussons, ; tissus à usage textile et produits textiles à savoir linge de bain (à l'exception de l'habillement), linge de maison, linge de lit, linge de table (en matières textiles),

- prononcé la déchéance des droits de la société Goyard St-Honoré sur la marque n° 004 748 729 à compter du 11 juin 2014, pour les sacs de plage, cartables, étuis pour clés (maroquinerie), parapluies, parasols, cannes, savons de toilette ; parfums ; huiles essentielles à usage personnel ; cosmétiques,

- rejeté les demandes de la société Goyard St-Honoré tendant à l'annulation des marques de la société Fauré Le Page Paris, pour déceptivité,

- rejeté les demandes de la société Goyard St-Honoré, en tant que fondées sur la concurrence déloyale et le parasitisme,

- statué sur les dépens et fait application de l'article 700 du code de procédure civile,

Et a remis en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Par arrêt du 10 octobre 2018 la Cour de cassation, statuant sur une requête en rectification d'erreur matérielle, a dit que dans le dispositif de l'arrêt du 27 juin 2018, au lieu de : « en ce qu'il rejette les demandes de la société Goyard St-Honoré, en tant que fondées sur la concurrence déloyale et le parasitisme », il faut lire : « en ce qu'il rejette les demandes de la société Goyard St-Honoré, en tant que fondées sur la concurrence déloyale ».

Sur le périmètre de saisine de la cour

Selon les dispositions de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la décision cassée, sur les seuls points atteints par la cassation.

Il s'ensuit que la cour d'appel saisie sur renvoi après cassation, ne peut statuer que sur les chefs tels que cassés par l'arrêt du 27 juin 2018 rectifié par l'arrêt du 10 octobre 2018.

Ainsi, c'est en méconnaissance des limites de sa saisine qu'il est demandé à la cour de renvoi, de statuer sur des demandes en déchéance des droits de la société Goyard St-Honoré :

- sur la marque française n° 1 633 326 pour des produits autres que des « savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices : métaux précieux et leurs alliages : papier et articles en papier, carton, articles de bureau ; cuir et imitations du cuir ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; sellerie ; tissus ; couvertures de lit et de table ; vêtements, chaussures, chapellerie ; colliers pour animaux,

- sur la marque française n° 3 365 528 pour des produits autres que des 'sacs de plage, cartables, étuis pour clés (maroquinerie), parapluies, parasols, cannes, papier ; carton ; produits de l'imprimerie, à savoir livres, imprimés, journaux, périodiques, magazines, affiches, photographies ; instruments à écrire, savons de toilette ; parfums ; huiles essentielles à usage personnel ; cosmétiques, métaux précieux et leurs alliages, chaînes de montres, écrins en métaux précieux, coffrets à bijoux en métaux précieux ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques ; montres, bracelets de montres, montres-bracelets ; vêtements (habillement) pour femmes, hommes et enfants à savoir chemises, fourrures, foulards, gants, cravates, ceintures (habillement), chaussettes, sous-vêtements ; chaussures (à l'exception des chaussures orthopédiques), chaussons, ; tissus à usage textile et produits textiles à savoir linge de bain (à l'exception de l'habillement), linge de maison, linge de lit, linge de table (en matières textiles) »,

- sur la marque de l'Union européenne n° 004 748 729 pour des produits autres que des « sacs de plage, cartables, étuis pour clés (maroquinerie), parapluies, parasols, cannes, savons de toilette ; parfums ; huiles essentielles à usage personnel ; cosmétiques ».

Sur la déchéance des droits de la société Goyard sur la marque n°326

La cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel selon le motif suivant :

'Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour prononcer la déchéance partielle des droits de la société Goyard St-Honoré sur la marque n° 1 633 326 pour désigner des savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices ; métaux précieux et leurs alliages ; papier et articlesen papier, carton, articles de bureau, cuir et imitations du cuir ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; sellerie ; tissus ; couvertures de lit et de table ; vêtements, chaussures, chapellerie ; colliers pour animaux, l'arrêt retient qu'il est constant que la marque représentant le motif de toile « goyardine » n'est pas exploitée en tant que telle pour les produits concernés ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Goyard St-Honoré qui, se prévalant de la règle dégagée par la Cour de justice de l'Union européenne, (CJUE, 11 mars 2003, C-40/01, Ansul), soutenait qu'elle avait fourni à sa clientèle des services de réparation des malles et sacs vendus sous la marque n° 1 633 326 dans les conditions retenues par cet arrêt, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé. »

En conséquence, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel en ce qu'il a prononcé la déchéance des droits de la société Goyard St-Honoré sur la marque n° 1 633 326, à compter du 28 décembre 1996, pour les savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices : métaux précieux et leurs alliages : papier et articles en papier, carton, articles de bureau ; cuir et imitations du cuir ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; sellerie ; tissus ; couvertures de lit et de table; vêtements, chaussures, chapellerie ; colliers pour animaux.

Pour les valises et malles

Pour justifier de l'usage de la marque 326 pour des valises et malles, la société Goyard qui se prévaut de la jurisprudence de l'arrêt Ansul de la CJUE communique les éléments suivants :

- une photographie du rouleau de Goyardine tissé à partir duquel sont effectuées les réparations,

- un listing des réparations effectuées de mars 2008 à octobre 2012 sur 21 valises en toile tissée portant la marque 'goyardine' n°326 et 3 malles en toile tissée portant la marque « goyardine » n°326, chaque réparation étant datée et portant un numéro.

- une attestation du Président de la société Goyard, répondant aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile, confirmant que la société Goyard 'tient à la disposition de sa clientèle une main d'oeuvre qualifiée, un savoir-faire spécifique ainsi que des matériaux et pièces détachées lui permettant de répondre à toute demande de remise en état dans le cadre d'une commande spéciale de produits portant les marques de la Maison Goyard' et qu'à ce titre elle « a approvisionné dans son atelier parisien des rouleaux de toile tissée jacquard reproduisant le motif Goyardine déposé à titre de marque et effectué dans la période comprise entre le 1er mars 2008 et le 1er décembre 2012 24 réparations concernant 21 valises et 3 malles toutes distinguées par ledit motif distinctif ».

- une reproduction du site internet de la maison Goyard comprenant une page intitulée « commandes spéciales » de pièces uniques expliquant : « chaque commande spéciale est le fruit d'une rencontre entre le savoir-faire d'un malletier et le désir d'un client. (...) La Maison Goyard assure la pérennité d'un artisanat d'excellence en concevant et réalisant dans ses ateliers des malles d'exception. Ces pièces uniques sont le summum de l'exclusivité ... ».

Les sociétés Fauré Le Page soutiennent que la société Goyard ne justifie d'aucun usage de sa marque n°326. Elles prétendent que la jurisprudence Ansul de la CJUE ne dispense pas le titulaire de la marque pour bénéficier de cette exception stricte de justifier d'un usage de sa marque dans le cadre de la fourniture de prestations de services d'entretien ou de réparation ; que l'énumération des ordres de réparation produite par la société Goyard ne mentionne aucunement l'usage de la marque n°326. Elles en concluent que la marque n°326 n'est plus exploitée, et demandent d'en prononcer la déchéance à compter du 28 décembre 1996, le délai de cinq ans s'étant écoulé avant le 28 décembre 1991, date d'entrée en vigueur de la loi du 4 janvier 1991.

La cour rappelle qu'aux termes de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle :

'Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.

(...)

L'usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n'y fait pas obstacle s'il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité de cette demande.

La preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.

La déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu.

La cour rappelle en outre que l'arrêt Ansul (CJUE, 11 mars 2003 C-40/01), a dit pour droit que la circonstance selon laquelle l'usage de la marque ne concerne pas des produits nouvellement offerts sur le marché mais des produits déjà commercialisés n'est pas de nature à priver cet usage de son caractère sérieux, si la même marque est effectivement utilisée par son titulaire pour des pièces détachées entrant dans la composition ou la structure de ces produits ou pour des produits ou des services qui se rapportent directement aux produits déjà commercialisés et qui visent à satisfaire les besoins de la clientèle de ceux-ci.

Il est enfin acquis que pour être considéré comme sérieux, l'usage du signe doit être fait, conformément à sa fonction essentielle, à titre de marque pour identifier ou promouvoir dans la vie des affaires aux yeux du public pertinent les produits et services visés au dépôt et opposés aux défenderesses : il doit être tourné vers l'extérieur et non interne à l'entreprise. Le caractère sérieux de l'usage, qui à la différence du défaut d'exploitation n'a pas à être ininterrompu, implique qu'il permette de créer ou de maintenir des parts de marché du titulaire de la marque pour les produits et services concernés au regard du secteur économique en cause et qu'il ne soit ni sporadique ni symbolique car destiné au seul maintien des droits sur la marque.

En l'espèce, s'agissant de la période de référence, sera prise en compte la période du 1er décembre 2007 au 1er décembre 2012, date précédant de 3 mois la présentation de la demande reconventionnelle en déchéance le 1er mars 2013.

Il est justifié durant cette période de référence que les services de réparations proposés relatifs à diverses prestations de restauration de doublures, de fermetures éclair, de changement de passepoil, de recollage et de nettoyage se rapportent directement aux valises et malles déjà commercialisées sous la marque n°326 afin de répondre aux demandes de remise en état de la clientèle de commandes spéciales. Ces usages constituent bien des usages à titre de marque, conformément à la fonction essentielle, pour identifier ou promouvoir dans la vie des affaires aux yeux du public pertinent les produits et services visés au dépôt.

En outre, il convient de rappeler que l'usage de la marque peut être minime, à condition qu'il ne soit ni sporadique ni symbolique car destiné au seul maintien des droits sur la marque, et que le caractère sérieux doit être apprécié au regard du secteur économique en cause.

En l'espèce compte tenu du caractère très exclusif du marché des ventes de valises et de malles à un prix très élevé, sur commandes spéciales de pièces uniques confectionnées en fonction des désirs du client, les services de réparations de 21 valises et de 3 malles suffisent à établir un usage sérieux de la marque n°326 sur la période de référence.

Il s'ensuit que la demande de déchéance des sociétés Fauré Le Page de la marque n°326 pour les 'malles et valises ' sera rejetée.

Pour les savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices : métaux précieux et leurs alliages : papier et articles en papier, carton, articles de bureau ; cuir et imitations du cuir ; parapluies, parasols et cannes ; sellerie ; tissus ; couvertures de lit et de table ; vêtements, chaussures, chapellerie ; colliers pour animaux.

La société Goyard soutient, en se prévalant de l'arrêt Rintisch C-533/11 du 25 octobre 2012 de la CJUE, que les produits revêtus des marques n°528 et n°729 constituent des actes d'usage de la marque n°326 en ce que le graphisme de la marque a légèrement évolué pour l'adapter aux exigences de commercialisation sans en altérer le caractère distinctif.

Elle prétend en conséquence que l'exploitation par la promotion et la commercialisation des produits revêtus des marques n°528 et n°729 constituent des actes d'usage de la marque n°326.

Les sociétés Fauré Le Page prétendent que les marques n°528 et n°729 ne sont pas une simple variation du graphisme de la marque antérieure n°326, les modifications apportées étant substantielles, en modifiant le caractère distinctif, de sorte que l'exploitation des marques française n°528 et européenne n°729 et de la toile La Goyardine ne vaut pas exploitation de la marque n°326.

La cour rappelle qu'en application de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle dans sa version applicable au litige, 'encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Est assimilé à un tel usage :

(...)

b) L'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif ;

(...).'

L'article 15 du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire dispose qu'est considéré comme un usage sérieux pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, 'l'usage de la marque communautaire sous une forme qui diffère par des éléments n'altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée'.

La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit dans son arrêt Rintisch du 25 octobre 2012 que cet article doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce que le titulaire d'une marque enregistrée puisse, aux fins d'établir l'usage de celle- ci au sens de cette disposition, se prévaloir de son utilisation dans une forme qui diffère de celle sous laquelle cette marque a été enregistrée sans que les différences entre ces deux formes altèrent le caractère distinctif de cette marque, et ce nonobstant le fait que cette forme différente est elle-même enregistrée en tant que marque.

Il s'ensuit que l'article 15 du règlement susvisé et l'article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle exigent pour justifier d'un usage sérieux que la marque exploitée ne diffère de la marque enregistrée que par des éléments n'en altérant pas le caractère distinctif, peu important que la marque modifiée ait été elle-même enregistrée.

En l'espèce, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, la marque n° 326 qui est exclusivement figurative, reproduisant sur fond noir, des chevrons blancs et jaunes formant des lignes continues, traversés de lignes verticales grises et jaunes, se distingue nettement des marques n° 528 et n°729 qui sont semi-figuratives, comportant des chevrons beige et marron formant des lignes en pointillé, traversés de lignes verticales marron, les textes 'E. GOYARD' et 'HONORE PARIS' étant apposés à intervalles réguliers à la place des lignes verticales ou des chevrons.

Il apparaît en conséquence que les marques ainsi exploitées diffèrent de la marque n° 326 telle qu'enregistrée, par des éléments, en particulier les éléments verbaux, qui en altèrent le caractère distinctif exclusivement lié au motif de toile dit « Goyardine ».

La société Goyard St-Honoré, qui ne justifie donc d'aucun usage de sa marque n° 326 pour les produits suivants : « Savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices. Métaux précieux et leurs alliages. Papier et articles en papier, carton, articles de bureau. Cuir et imitations du cuir ; parapluies, parasols et cannes. Sellerie. Tissus ; couvertures de lit et de table. Vêtements, chaussures, chapellerie. Colliers pour animaux » sera dès lors déchue de ses droits sur la marque n° 1 633 326 pour les dits produits à compter du 28 décembre 1996, le délai de cinq ans s'étant entièrement écoulé avant le 28 décembre 1991, date d'entrée en vigueur de la loi du 4 janvier 1991.

Le jugement du 30 janvier 2015 sera donc infirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance des droits de la société Goyard Saint Honoré sur la marque n° 1 633 326 pour l'ensemble des produits, à l'exception des articles pour fumeurs, à compter du 28 février 1996.

Sur la demande en déchéance des droits de la société Goyard sur la marque n°528

La cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel selon le motif suivant :

« Vu l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour prononcer la déchéance partielle des droits de la société Goyard St-Honoré sur la marque française n° 3 365 528, à compter du 18 novembre 2010, pour désigner des parapluies, parasols et cannes, l'arrêt retient qu'il n'est produit que neuf tickets d'achat dont six datent de 2012 et 2013, postérieurement à la genèse du présent litige, la première mise en demeure datant du 21 mars 2012, à une période où le propriétaire de la marque a pu avoir connaissance de l'éventualité d'une demande de déchéance, et que les preuves d'achat de trois parapluies sur la seule année 2011 sont insuffisantes, même pour des produits de luxe, à rapporter la preuve d'un usage sérieux pour ces produits ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que la déchéance des droits de marque n'est pas encourue si son usage sérieux a commencé ou a repris plus de trois mois avant la demande en déchéance, à moins que son titulaire ait eu connaissance de l'éventualité de cette demande, la cour d'appel, qui a écarté, non seulement les preuves d'usage postérieures à la « genèse » du litige, mais également celles remontant à plus de trois mois auparavant, sans expliciter les motifs de sa décision sur ce point ni préciser la date de formation de la demande en déchéance, n'a pas donné de base légale à sa décision ; »

En conséquence, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel en ce qu'il a prononcé la déchéance des droits de la société Goyard St-Honoré sur la marque no 3 365 528, à compter du 18 novembre 2010, pour les « sacs de plage, cartables, étuis pour clés (maroquinerie), parapluies, parasols, cannes, papier ; carton ; produits de l'imprimerie, à savoir livres, imprimés, journaux, périodiques, magazines, affiches, photographies ; instruments à écrire, savons de toilette ; parfums ; huiles essentielles à usage personnel ; cosmétiques, métaux précieux et leurs alliages, chaînes de montres, écrins en métaux précieux, coffrets à bijoux en métaux précieux ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques ; montres, bracelets de montres, montres-bracelets ; vêtements (habillement) pour femmes, hommes et enfants à savoir chemises, fourrures, foulards, gants, cravates, ceintures (habillement), chaussettes, sous-vêtements ; chaussures (à l'exception des chaussures orthopédiques), chaussons, ; tissus à usage textile et produits textiles à savoir linge de bain (à l'exception de l'habillement), linge de maison, linge de lit, linge de table (en matières textiles) ».

Il doit être rappelé que l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle énonce qu''Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.

(...)

L'usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n'y fait pas obstacle s'il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité de cette demande.

La preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.

La déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu.

En l'espèce, la société Goyard ne justifie pas de l'usage de la marque n° 528 sur la première période de 5 ans postérieure à la publication de son enregistrement, mais verse au débat des preuves d'usage de la marque n°528 pour les années 2008 à 2012. Ce commencement ou cette reprise d'usage justifie dès lors, en application de l'article L. 714-5 susvisé, que la période de référence à prendre en compte pour l'appréciation de l'usage sérieux, coure à rebours de la date précédant de trois mois la demande reconventionnelle en déchéance, dont il n'est pas contesté qu'elle a été formée le 1er mars 2013, soit une période comprise entre le 1er décembre 2007 et le 1er décembre 2012.

Sur les parapluies

La société Goyard verse au débat une photographie d'un parapluie sur lequel est apposée la marque 528, le fichier d'extraction des chiffres de vente comprenant les dates d'achat, la description de l'article et les codes des produits, ainsi que des factures de vente justifiant sur la période de référence de la vente de plus de 90 parapluies.

Les sociétés Fauré Le Page contestent le caractère probant de ces éléments en arguant de ce que la marque ne figure pas sur les factures et qu'une grande partie des produits est exportée à l'étranger. Cependant peu important que la marque n'apparaisse pas sur le fichier d'extraction et les factures, les produits étant identifiés par leur code article, outre que la méthodologie d'extraction et la fiabilité des chiffres sont certifiées pour chacun des produits invoqués par trois attestations de la responsable administrative et financière, du responsable de la coordination produits et retail et du commissaire aux comptes, attestations respectant les prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile qui viennent corroborer les éléments produits pour justifier de l'usage. Peu important que certaines factures soient adressées à des clients résidant à l'étranger, la commercialisation des parapluies et l'usage de la marque ayant eu lieu en France.

Ces éléments caractérisent un usage sérieux pour des parapluies. La demande de déchéance sera rejetée.

Sur les ceintures

La société Goyard verse au débat une photographie de la ceinture sur laquelle est apposée la marque 528, le fichier d'extraction des chiffres de vente comprenant les dates d'achat, la description de l'article et les codes des produits, ainsi que des factures de vente justifiant sur la période de référence de la vente de près de 300 ceintures, peu important, que la marque n'apparaisse pas sur le fichier d'extraction et les factures, les produits étant identifiés par leur code article, et que certaines factures soient adressées à des clients résidant à l'étranger, la commercialisation des ceintures et l'usage de la marque ayant eu lieu en France. Ces éléments caractérisent un usage sérieux pour des ceintures. La demande de déchéance sera rejetée.

Sur les étuis pour clés

La société Goyard verse au débat une photographie d'un étui pour clés sur lequel est apposée la marque 528, le fichier d'extraction des chiffres de vente comprenant les dates d'achat, la description de l'article et les codes des produits, et des factures de vente justifiant sur la période de référence de la vente de plus de 700 étuis pour clés, ces éléments caractérisant un usage sérieux pour des étuis pour clés. La demande de déchéance sera rejetée.

Sur les gants

La société Goyard verse au débat une photographie des gants sur lesquels est apposée la marque 528, le fichier d'extraction des chiffres de vente comprenant les dates d'achat, la description de l'article et les codes des produits, ainsi que des factures de vente justifiant sur la période de référence de la vente de 21 paires de gants. S'agissant de produits de luxe, chaque paire de gants étant vendue à un prix de 495 euros, cet usage de la marque pour des gants, même minime sur la période de référence, doit être qualifié de sérieux.

La demande de déchéance pour les gants sera rejetée.

Sur les cartables

La société Goyard verse au débat des photographies des cartables « Ambassade », « Chypre » et « Diplomate » sur lesquels est apposée la marque 528, des parutions presse de 2008 à 2012 reproduisant les cartables revêtus de la marque 528, le fichier d'extraction des chiffres de vente comprenant les dates d'achat, la description de l'article et les codes des produits, ainsi que des factures de vente justifiant sur la période de référence de la vente de plus de 900 cartables, peu important, que la marque n'apparaisse pas sur le fichier d'extraction et les factures, les produits étant identifiés par leur code article, et que certaines factures soient adressées à des clients résidant à l'étranger, la commercialisation des cartables et l'usage de la marque ayant eu lieu en France.

La demande de déchéance pour les cartables sera rejetée.

Sur les coffrets à bijoux en métaux précieux

La société Goyard verse au débat des photographies des coffrets à bijoux « Paris », « Vendôme » et '352' sur lesquels est apposée la marque 528, une parution presse de juin 2008 reproduisant le coffret à bijoux revêtu de la marque 528, ainsi que des factures de vente justifiant sur la période de référence de la vente de plus de 60 coffrets à bijoux, peu important, que la marque n'apparaisse pas sur le fichier d'extraction et les factures, les produits étant identifiés par leur code article, et que certaines factures soient adressées à des clients résidant à l'étranger, la commercialisation des coffrets à bijoux et l'usage de la marque ayant eu lieu en France.

La demande de déchéance pour les coffrets à bijoux sera rejetée.

Sur les sacs de plage

La société Goyard verse au débat une photographie du sac de plage sur lequel est apposée la marque 528, des parutions presse reproduisant le sac sur la période de référence ainsi que des factures de vente justifiant sur ladite période de la vente de plus de 80 000 sacs de plage, peu important, que la marque n'apparaisse pas sur le fichier d'extraction et les factures, les produits étant identifiés par leur code article, et que certaines factures soient adressées à des clients résidant à étranger, la commercialisation des sacs de plage et l'usage de la marque ayant eu lieu en France.

La demande de déchéance sera rejetée pour les sacs de plage.

La société Goyard ne produit pas en revanche de preuves d'usage de la marque n°528 sur la période de référence pour les autres produits en cause visés à l'enregistrement. Elle sera en conséquence déchue de ses droits sur la marque n° 528 à compter du 18 novembre 2010, le délai de 5 ans courant à compter de la publication de l'enregistrement, pour les produits suivants : parasols, cannes, papier ; carton ; produits de l'imprimerie, à savoir livres, imprimés, journaux, périodiques, magazines, affiches, photographies ; instruments à écrire, savons de toilette ; parfums ; huiles essentielles à usage personnel ; cosmétiques, métaux précieux et leurs alliages, chaînes de montres, écrins en métaux précieux ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques ; montres, bracelets de montres, montres-bracelets ; vêtements (habillement) pour femmes, hommes et enfants à savoir chemises, fourrures, foulards, cravates, chaussettes, sous-vêtements ; chaussures (à l'exception des chaussures orthopédiques), chaussons, ; tissus à usage textile et produits textiles à savoir linge de bain (à l'exception de l'habillement), linge de maison, linge de lit, linge de table (en matières textiles).

Le jugement entrepris sera infirmé en ses dispositions sur la déchéance des droits de la société Goyard Saint Honoré sur la marque n° 3 365 528.

Sur la demande en déchéance des droits de la société Goyard sur la marque n° 729

La cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel sur ce point selon le motif suivant :

Vu l'article 51 du règlement (CE) n 207/2009 du 26 février 2009 sur la marque de l'Union européenne ;

Attendu que pour prononcer la déchéance des droits de la société Goyard St-Honoré sur la marque de l'Union européenne n° 004 748 729 à compter du 11 juin 2014 pour les produits parapluies, parasols et cannes, l'arrêt se prononce par les motifs identiques à ceux cités au deuxième moyen ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que la déchéance des droits de marque n'est pas encourue si son usage sérieux a commencé ou a repris plus de trois mois avant la demande en déchéance, à moins que son titulaire ait eu connaissance de l'éventualité de cette demande, la cour d'appel, qui a écarté, non seulement les preuves d'usage postérieures à la « genèse » du litige, mais également celles remontant à plus de trois mois auparavant, sans expliciter les motifs de sa décision sur ce point ni préciser la date de formation de la demande en déchéance, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

En conséquence, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel en ce qu'il a prononcé la déchéance des droits de la société Goyard St-Honoré sur la marque no 004 748 729 à compter du 11 juin 2014, pour les sacs de plage, cartables, étuis pour clés (maroquinerie), parapluies, parasols, cannes, savons de toilette ; parfums ; huiles essentielles à usage personnel ; cosmétiques.

La cour rappelle que l'article 51 du règlement (CE) 207/2009 sur les marques communautaires dispose que « Le titulaire de la marque communautaire est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l'Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon :

a) si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu'il n'existe pas de justes motifs pour le non-usage ; toutefois, nul ne peut faire valoir que le titulaire est déchu de ses droits, si, entre l'expiration de cette période et la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, la marque a fait l'objet d'un commencement ou d'une reprise d'usage sérieux ; cependant, le commencement ou la reprise d'usage fait dans un délai de trois mois avant la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, ce délai commençant à courir au plus tôt à l'expiration de la période ininterrompue de cinq ans de non-usage, n'est pas pris en considération lorsque des préparatifs pour le commencement ou la reprise de l'usage interviennent seulement après que le titulaire a appris que la demande ou la demande reconventionnelle pourrait être présentée ».

En l'espèce, la société Goyard ne justifie pas de l'usage de la marque n° 729 sur la première période de 5 ans postérieure à la publication de son enregistrement, mais verse au débat des preuves d'usage de la marque n°729 pour les années 2010 à 2015. Ce commencement ou cette reprise d'usage justifie dès lors, en application de l'article 51 susvisé du règlement, que la période de référence à prendre en compte pour l'appréciation de l'usage sérieux, coure à rebours de la date précédant de trois mois la demande reconventionnelle en déchéance, dont il n'est pas contesté qu'elle a été formée le15 juillet 2015, soit une période comprise entre le 15 avril 2010 et le 15 avril 2015.

Sur les parapluies

La société Goyard verse au débat une photographie des parapluies 'Ascot' et 'Automatique' sur lesquels est apposée la marque 729, le fichier d'extraction des chiffres de vente comprenant les dates d'achat, la description de l'article et les codes des produits, ainsi que des factures de vente justifiant sur la période de référence de la vente de plus de 120 parapluies.

Les sociétés Fauré Le Page contestent le caractère probant de ces éléments en arguant de ce que la marque ne figure pas sur les factures et qu'une grande partie des produits est exportée à l'étranger. Cependant, peu important que la marque n'apparaisse pas sur le fichier d'extraction et les factures, les produits étant identifiés par leur code article, outre que la méthodologie d'extraction et la fiabilité des chiffres sont certifiées pour chacun des produits invoqués par trois attestations de la responsable administrative et financière, du responsable de la coordination produits et retail et du commissaire aux comptes, attestations respectant les prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile qui viennent corroborer les éléments produits pour justifier de l'usage. Peu importe également que certaines factures soient adressées à des clients résidant hors du territoire de l'Union, la commercialisation des produits et l'usage de la marque ayant eu lieu sur le territoire européen.

Ces éléments caractérisent un usage sérieux pour des parapluies. La demande de déchéance sera rejetée.

Sur les étuis pour clés

La société Goyard verse au débat le fichier d'extraction des chiffres de vente comprenant les dates d'achat, la description de l'article et les codes des produits, et des factures de vente justifiant sur la période de référence de la vente de plus de 1 000 étuis pour clés, ces éléments caractérisant un usage sérieux pour des étuis pour clés. La demande de déchéance sera dès lors rejetée.

Sur les cartables

La société Goyard verse au débat le fichier d'extraction des chiffres de vente comprenant les dates d'achat, la description de l'article et les codes des cartables « Ambassade », « Chypre » et « Diplomate » sur lesquels est apposée la marque 729, ainsi que des factures de vente justifiant sur la période de référence de la vente de plus de 1 500 cartables, peu important, que la marque n'apparaisse pas sur le fichier d'extraction et les factures, les produits étant identifiés par leur code article, et que certaines factures soient adressées à des clients résidant hors du territoire de l'Union, la commercialisation des cartables et l'usage de la marque ayant eu lieu sur le territoire européen.

La demande de déchéance pour les cartables sera rejetée.

Sur les sacs de plage

La société Goyard verse au débat le fichier d'extraction des chiffres de vente ainsi que des factures de vente justifiant sur la période de référence de la vente de plus de 80 000 sacs de plage, peu important, que la marque n'apparaisse pas sur le fichier d'extraction et les factures, les produits étant identifiés par leur code article, et que certaines factures soient adressées à des clients résidant hors du territoire de l'Union, la commercialisation des sacs de plage et l'usage de la marque ayant eu lieu sur le territoire européen.

La demande de déchéance pour les sacs de plage sera rejetée.

La société Goyard ne produit pas en revanche de preuves d'usage de la marque n°729 sur la période de référence pour les autres produits en cause visés à l'enregistrement. Elle sera en conséquence déchue de ses droits sur la marque n° 729 pour les produits suivants : « Savons de toilette ; parfums ; huiles essentielles à usage personnel ; cosmétiques ; parasols, cannes » à compter du 11 juin 2014 le délai de 5 ans courant à compter de la publication de l'enregistrement au bulletin des marques européennes.

Sur la nullité des marques de la société Fauré Le Page Paris pour déceptivité

La cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel sur ce point selon le motif suivant :

Vu l'article L. 711-3 c) du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour rejeter les demandes d'annulation des marques des sociétés Fauré Le Page, pour déceptivité, l'arrêt constate que la Maison Fauré Le Page a été créée en 1716 et dissoute le 27 novembre 1992, son patrimoine ayant alors fait l'objet d'un transfert universel à son associé unique, la société S., qui a déposé le 5 juin 1989 la marque « Fauré Le Page » n° 1 534 660, puis, mettant fin à ses activités, l'a cédée, le 28 octobre 2009, à la société Fauré Le Page Paris, créée le 20 octobre de cette même année ; qu'il en déduit que la société Fauré Le Page peut légitimement apparaître comme le successeur de la Maison Fauré Le Page, que la mention « 1717 » ne sera pas nécessairement interprétée par le public pertinent comme une référence à la date de création de la société Fauré Le Page, mais plus certainement comme se référant à l'époque de la création de la maison éponyme dont elle est le successeur, et qu'il n'est donc démontré aucune tromperie effective du consommateur, ni même un risque suffisamment grave de tromperie ;

Qu'en se déterminant ainsi, en retenant que la société Fauré Le Page Paris était le «successeur» de la Maison Fauré Le Page, sans préciser la signification de cette qualification, ni constater que cette société aurait continué ou repris les activités de la société S. ou qu'elle serait aux droits de cette dernière, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé en quoi cette société était en droit, du seul fait de la cession de la marque « Fauré Le Page », de se prévaloir, auprès du public concerné, de l'ancienneté de la Maison Fauré Le Page, n'a pas donné de base légale à sa décision.

En conséquence, la Cour de cassation a cassé l'arrêt en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Goyard St-Honoré tendant à l'annulation des marques de la société Fauré Le Page Paris, pour déceptivité.

Il résulte tant du 'par ces motifs' que du corps des écritures de la société Goyard que sa demande d'annulation pour déceptivité concerne les marques françaises n° 3 839 811 et n° 3 839 809 détenues par la société Fauré Le Page Paris, et non ses marques internationales, de sorte que la demande des sociétés Fauré Le Page de dire irrecevable la société Goyard à solliciter la nullité desdites marques internationales est sans objet.

La Maison Goyard soutient que les marques françaises n°809 et n°811 déposées par la société Fauré Le Page Paris « Fauré Le Page Paris 1717 » sont déceptives en ce qu'elles laissent croire au consommateur des produits visés qu'elles désignent l'ancienneté de cette entreprise et de la marque éponyme sur le marché pour les produits concernés, alors que les sociétés Fauré Le Page qui proposent aujourd'hui des produits de maroquinerie sont deux entités récemment créées en 2009 et 2011 qui ne sont pas les ayant-droit de la Maison Fauré Le Page créée en 1716, et n'en sont donc pas les successeurs.

Elle soutient que dans les deux marques le reproche repose sur une caractéristique qui leur est commune : la mention de la date 1717 qui ne correspond pas à la date de création de la déposante, créée en 2009 ni de celle qui les utilise, créée en 2011, et que ni l'une ni l'autre n'est en mesure de démontrer qu'elle dispose d'une quelconque légitimité à se prévaloir d'une telle ancienneté, et elle considère que la référence totalement inexacte à une ancienneté inexistante présente un effet déceptif et trompeur quel que soit le produit concerné.

Les sociétés Fauré Le Page reprochent à la société Goyard de présenter une demande de nullité pour déceptivité dans laquelle elle vise les deux marques et ne procède pas à une analyse de la déceptivité au regard de chaque produit concerné par ses marques. Pour contester le grief de déceptivité des deux signes comportant en leur sein la date de 1717, elles font valoir que les origines de la Maison Fauré Le Page sont particulièrement anciennes puisqu'elles remontent au 18ème siècle, que son activité s'est poursuivie jusqu'à la fin du 20ème siècle avant la transmission de son patrimoine à la société S. Paris, et que la marque Fauré Le Page, à l'époque non déposée, a ainsi traversé les siècles. Elles contestent toute tromperie liée à l'immatriculation récente de la société Fauré Le Page en expliquant que l'insertion '1717" au sein de la marque laisse penser que les origines de la marque remontent au début du 18ème siècle ce qui est exact et n'est donc pas trompeur, que le consommateur moyen ignore et ne cherche pas même à connaître la date effective de création des personnes morales exerçant le commerce comme le souligne le Professeur Jérôme P. dans sa consultation, et qu'il est acquis qu'une marque patronymique ne devient pas déceptive après le départ de l'entreprise de la personne qui porte ce nom. Elle prétend que contrairement à ce qu'a décidé la Cour de cassation il est totalement indifférent pour juger de la déceptivité de savoir si la société Fauré Le Page est en droit le successeur de la Maison Fauré Le Page, que seul le point de vue du consommateur doit être pris en compte et qu'il ne se préoccupe pas de cette chaîne de droits, ce qui compte pour lui étant que la société Fauré Le Page apparaisse comme le continuateur légitime de l'activité Fauré Le Page sur ce marché et de la marque éponyme.

Elle ajoute à titre surabondant que ni l'effectivité de la tromperie ni le risque grave ne sont démontrés en l'espèce, le consommateur moyen d'articles de maroquinerie n'ayant aucune attente particulière au regard de la date de 1717.

La cour rappelle que l'article L.711-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que : « ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe : (...) c) de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service ».

En application de l'article L. 711-3 susvisé une marque est nulle lorsqu'elle est en elle-même susceptible de tromper le public sur l'une des caractéristiques des produits désignés dans son enregistrement.

Dans son arrêt du 30 mars 2006 (Elisabeth Emmanuel C-259/04) rendu en interprétation de l'article 3, paragraphe 1 g) de la directive 89/104 dont l'article L. 711-3c du code de la propriété intellectuelle est la transposition, la CJUE a précisé que le caractère trompeur suppose que la marque crée un risque de confusion dans l'esprit d'un consommateur moyen, l'existence d'une tromperie effective ou d'un risque suffisamment grave de tromperie du consommateur devant être établi.

En l'espèce, les deux marques en cause sont deux marques semi-figuratives « Fauré LE PAGE PARIS 1717 »:

- la marque n° 3 839 811, qui désigne divers produits des classes 3, 9, 14, 16, 18, 24 et 25, comporte un motif triangulaire répétitif au sein duquel sont placées de manière équidistante et répétée les mentions séparées « Fauré LE PAGE » et « PARIS 1717 »

- la marque n°3 839 809, déposée pour divers produits des classes 3, 9, 14, 16, 18, 24 et 25, comporte la mention verbale « Fauré LE PAGE PARIS 1717 » dans une typographie et une disposition particulières « Fauré LE PAGE » sur une première ligne en caractères gras de grande taille et en dessous, en plus petits caractères, de façon centrée, la mention « PARIS 1717 ».

Ces mentions verbales apparaissent comme une carte d'identité de la marque apposée sur lesdits produits à savoir d'une part la reprise de la dénomination sociale du titulaire de la marque 'FAURÉ LE PAGE', d'autre part la mention « PARIS 1717 » évoquant pour le consommateur moyen des produits visés, le lieu historique et la date de création de l'entreprise au XVIIIème siècle, cette perception étant renforcée par les typographies anciennes utilisées dans les deux marques.

Or en l'espèce, s'il n'est pas contesté qu'une société Fauré Le Page a été créée en 1716, il est cependant démontré que son activité, qui était une activité d'achat et de vente d'armes, de munitions, et d'accessoires tels que des étuis ou des gibecières, s'est arrêtée en 1992, la société ayant été dissoute et transférée à titre universel à la société S. dont il n'est pas justifié qu'elle ait continué l'activité, seule ayant été cédée le 28 octobre 2009 la marque « Fauré Le Page » n° 1 534 660 déposée le 5 juin 1989 à la société Fauré Le Page Paris créée à cette fin le 20 octobre 2009, laquelle n'a en conséquence pas repris ni continué l'activité de la société Maison Fauré Le Page ni celle de la société S., peu important le fait que le contrat de cession de marque mentionne que 'le cédant s'engage à cesser toute exploitation de la dénomination Fauré Le Page ».

Ainsi les marques « FAURÉ LE PAGE PARIS 1717 », qui contiennent la date 1717 faisant référence à la date de création de la société Fauré Le Page au XVIIIème siècle sont de nature à tromper le public en créant un risque de confusion sur l'origine des produits visés à l'enregistrement, en lui laissant croire qu'ils proviennent d'une société Fauré Le Page ancienne de plusieurs siècles, ce qui est un gage de savoir-faire, de qualité et de sérieux pour le consommateur desdits produits, le risque de tromperie étant ainsi suffisamment établi.

Il convient de dire en conséquence que les marques « FAURE LE PAGE PARIS 1717 » n° 3 839 811 et n° n° 3 839 809 sont déceptives pour les produits visés à leur enregistrement et de les annuler pour l'ensemble desdits produits. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la concurrence déloyale

La cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel selon le motif suivant :

'Vu les articles L. 120-1 et L. 121-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;

Attendu que pour rejeter l'action en concurrence déloyale de la société Goyard St-Honoré, l'arrêt énonce que le fait pour les sociétés Fauré Le Page de communiquer sur l'ancienneté de la maison éponyme dont elles ont repris la marque, même en l'absence de cession de fonds, n'est pas en soi illégitime et ne saurait caractériser une pratique trompeuse ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le seul fait d'acquérir la propriété d'une marque n'autorise pas le cessionnaire à se prévaloir de l'ancienneté de l'entreprise dont cette marque reprend la dénomination, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

En conséquence, la Cour de cassation a cassé l'arrêt en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Goyard St-Honoré, en tant que fondées sur la concurrence déloyale.

Sur la concurrence déloyale pour pratiques commerciales trompeuses

La société Goyard soutient que les sociétés Fauré Le Page qui proposent aujourd'hui des produits de maroquinerie sont deux entités récemment créées en 2009 et 2011 qui ne sont pas les ayant-droit de la maison Fauré Le Page créée en 1716 ; que le seul actif dont la société Fauré Le Page Paris est devenue propriétaire est la marque française dénominative n°660 déposée au nom de la SA maison Fauré Le Page et transférée à la société S. lors de sa dissolution le 27 novembre 1992 ; que cette seule cession ne permet pas à son acquéreur de se présenter comme le successeur d'une entreprise née en 1716, ni de se prévaloir d'une tradition liée à un savoir-faire alors même que l'activité actuelle de maroquinerie de luxe est différente de l'entreprise dont elle se présente faussement comme l'ayant-droit laquelle avait une activité d'achat et de vente d'armes, de munitions et d'accessoires ; que les quelques produits liés à l'activité d'un armurier tels que des étuis pour armes, des bretelles ou des gibecières ne légitiment pas une communication axée autour de l'ancienneté tri-centenaire, le savoir-faire et la réputation d'une entreprise dont l'activité est différente et qui n'a aucun lien direct avec les sociétés en cause.

Elle en conclut qu'en générant ainsi cette croyance d'une ancienneté et d'une succession inexistante, et alors qu'il résulte d'un sondage de l'institut CSA que 66% de la clientèle concernée attache de l'importance à l'ancienneté de la marque lors de l'achat d'un sac de luxe, les sociétés Fauré Le Page ont trompé le consommateur sur un élément susceptible d'altérer de manière substantielle son comportement au sens de l'article L. 121-1 du code de la consommation, et généré ainsi une rupture d'égalité entre les concurrents, sa communication étant constitutive de pratique commerciale déloyale. Elle demande en conséquence l'infirmation du jugement sur ce point.

Les sociétés Fauré Le Page font valoir que ce n'est que le 27 novembre 1992 que l'universalité du patrimoine de de la Maison Fauré Le Page a été transmise au profit de la société S. Paris laquelle a poursuivi ces activités sous la marque Fauré Le Page, son objet social s'étendant aux « opérations de vente et d'achat d'armes, et d'accessoires s'y rattachant » ; que l'accord conclu le 28 octobre 2009 entre la société S. et la société Fauré Le Page Paris a pris la forme d'un contrat de cession de marque, seul actif résiduel de l'ancien fonds de commerce de la Maison Fauré Le Page ; que le contrat doit être compris plus généralement comme la cession du nom « Fauré Le Page » comme signe distinctif dans la vie économique, et qu'en renonçant à toute utilisation de ce signe, la société S. a fait de la société Fauré Le Page Paris le seul successeur de la Maison Fauré Le Page.

Elles font valoir que le consommateur en cause n'ignore pas que dans le secteur du luxe les marques sont souvent cédées ; que pour un investisseur acheter une « belle endormie » c'est acheter le droit d'utiliser une marque qui a une histoire dans l'objectif de la transformer en marque-héritage, que les exemples sont innombrables ; que le fait de relancer une marque acquise dans le but d'exploiter son image et son histoire est courante; que le consommateur n'a pas été trompé sur l'identité des sociétés Fauré Le Page, tous les articles de communication faisant référence à la renaissance d'une vieille maison depuis la reprise par des investisseurs ; qu'il prend en compte le fait qu'une enseigne de luxe est ancienne et dotée d'une histoire, indépendamment du statut de l'exploitant ; que Fauré Le Page est une enseigne ancienne dont les origines remontent à 1716 ; que s'agissant de produits de maroquinerie de luxe, les principales caractéristiques attendues par le consommateur sont le niveau exceptionnel de qualité de créativité, la personnalisation et l'engagement éthique et écologique. Elles concluent en conséquence au débouté.

La cour rappelle que l'article L.120-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, devenu depuis l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 l'article L. 121-1 du même code, dispose que : « Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service. »

L'article L.121-1 devenu l'article L. 121-2 du même code précise quant à lui que : « Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :

(') 2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :

(...)

b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine (...) ;

(...)

f) l'identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ;

(...) ».

La CJCE dans son arrêt du 23 avril 2009 VTB-VAB et Galatea (C-261/07 et C-299/07) a défini l'altération substantielle du comportement économique des consommateurs comme le résultat d'une pratique commerciale qui compromet « sensiblement l'aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l'amenant par conséquent à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ».

Il résulte de ces textes qu'une pratique commerciale ne peut donc être considérée comme déloyale, qu'à la double condition :

- qu'elle soit contraire aux exigences de la diligence professionnelle et,

- qu'elle altère ou soit susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen par rapport au produit.

En l'espèce, il résulte du constat dressé par huissier de justice le 17 octobre 2013 que le 'brand book' de la société Fauré le Page Paris mentionne : « Fondée lors des premières années du règne de Louis XV, la Maison Fauré Le Page s'est dès l'origine illustrée comme arquebusier des rois et des princes. Sept générations d'une même famille se sont succédé pour forger une légende détonante. (...)

Aujourd'hui Fauré Le Page reprend les armes. La collection de maroquinerie ornée du motif Écailles, porte la marque de son glorieux passé et de son éternelle modernité ».

Il résulte également du procès-verbal dressé par huissier de justice le 19 juin 2020 sur le site internet de la société Fauré Le Page Paris qu'en cliquant sur l'onglet « Maison » est proposé un onglet intitulé « L'épopée » comprenant des illustrations d'un Paris du XVIIIème siècle retraçant depuis 1717 l'histoire de la Maison Fauré Le Page, relatant ce qui « a fait entrer définitivement Fauré Le Page dans la légende » se concluant par la mention suivante : « Poursuivant son épopée, en 2012, la Maison tricentenaire prend ses quartiers au [...] (...). »

Il ressort aussi des photographies non contestées (pièce 6.1 et 6.2) que la boutique Fauré Le Page gérée par la société Fauré Le Page Maroquinier mentionne en lettres dorées sur sa devanture « Fauré LE PAGE PARIS 1717 » et qu'est apposé sur la porte d'entrée un texte indiquant « Fondée en 1717, Fauré Le Page est l'une des plus anciennes maisons de luxe parisienne. A l'origine arquebusier et fourbisseur, cette famille a su pendant 7 générations créer des pièces exceptionnelles pour les Cours royales et impériales. (...) Aujourd'hui la collection de maroquinerie, ornée du motif écaille, porte la marque de son glorieux passé. »

Or en l'espèce, ainsi qu'il a été dit, s'il n'est pas contesté qu'une société Fauré Le Page a été créée en 1716, il est cependant démontré que son activité, qui était une activité d'achat et de vente d'armes, ainsi que quelques accessoires en cuir se rattachant aux armes tels que des étuis ou des gibecières, s'est arrêtée en 1992, seule la marque « Fauré Le Page » n° 1 534 660 déposée le 5 juin 1989, ayant été cédée le 28 octobre 2009 à la société Fauré Le Page Paris, créée à cette fin le 20 octobre 2009, laquelle n'a en conséquence pas repris le fonds de commerce ni continué l'activité de la société Maison Fauré Le Page ni celle de la société S. lesquelles n'avaient pas en tout état de cause une activité de maroquinerie de luxe, mais une activité d'armurier.

La seule cession de la marque « FAURE LE PAGE » ne permet pas à son acquéreur de se présenter comme le successeur, l'héritier direct d'une entreprise créée en 1716 ni de se prévaloir d'une tradition liée à un savoir-faire alors que l'activité actuelle de maroquinerie de luxe est très éloignée de celle de vente d'armes qu'exerçait la Maison Fauré Le Page, ces mentions trompeuses relatives tant à l'existence d'une continuité d'exploitation depuis 1717 qu'à la transmission de savoir-faire qui en serait résultée notamment dans la maroquinerie étant contraires aux exigences de la diligence professionnelle.

Il résulte des pièces versées au débat que les éléments trompeurs de cette communication ont été repris dans des parutions sur internet. Ainsi, un article du blog The new reporter mentionne le 20 novembre 2012 : « Fauré le Page raconte une histoire artistique'Maison reconnue, prisée des collectionneurs, elle doit son prestige et son exceptionnelle longévité au luxe de ses réalisations » (Pièce Fauré Le Page n° 122) ; ou encore le 3 octobre 2012 sur le site dailyElle est écrit : « La Maison Fauré Le Page (...) date du 18 ème siècle, de 1717 pour être exact. Elle appartient à une famille d'arquebusiers reconvertis dans la maroquinerie. » (Pièce Fauré Le Page n° 163) ; sur le blog NellyRodiLab le 5 novembre 2012) il est écrit : 'Plus qu'une marque, une légende : Intimement liée à l'histoire de France, la Maison Fauré Le Page, fondée à Paris en 1717, est l'héritière d'une dynastie d'arquebusiers ayant servi rois et princes de France pendant près de 3 siècles. (...) Ses maîtres artisans qui excellent dans de très nombreux métiers d'art, notamment la maroquinerie, créent des pièces d'exception pour les grandes Cours d'Europe (...)'(pièce Fauré le Page n° 123).

En se prévalant ainsi de manière trompeuse de l'ancienneté, de l'héritage et du savoir-faire d'une maison tricentenaire, les sociétés Fauré Le Page ont trompé le consommateur sur un élément susceptible d'altérer de manière substantielle son comportement économique en l'amenant à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement, ainsi qu'il résulte du sondage CSA versé aux débats, réalisé sur un échantillon national représentatif de 1 028 personnes, établissant que 66 % déclarent attacher de l'importance à l'histoire et à l'ancienneté de l'enseigne lors de l'achat d'un sac de luxe, et que 64 % achèteraient un sac de luxe dans une enseigne de luxe historique, contre 15 % dans une enseigne de luxe récente.

Les faits de concurrence déloyale résultant de ces pratiques commerciales trompeuses sont dès lors caractérisés. Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.

Sur les actes additionnels de concurrence déloyale

La société Goyard reproche aux sociétés Fauré Le Page sur le fondement d'actes additionnels de concurrence déloyale, d'offrir à la clientèle une même déclinaison de produits à la présentation voisine, la reproduction de ses modèles de sacs phares créant un effet de gamme fautif, d'imiter les aménagements commerciaux du comptoir historique de la maison Goyard'constitutif de son identité, d'installer sa boutique à 262 mètres de son comptoir historique, de reprendre la couleur jaune et d'user d'un discours marketing inexact fondé sur l'histoire, la tradition, l'innovation et le savoir-faire de la Maison Fauré Le Page.

La cour rappelle que la concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.

L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée.

En l'espèce, la société Goyard reproche aux sociétés Fauré Le Page une même déclinaison de produits présentés d'une manière voisine. Cependant, il n'est pas démontré que les quatre modèles de sacs invoqués par la société Goyard soient des modèles phares et le fait pour les sociétés Fauré Le Page de commercialiser, parmi d'autres, quatre modèles de sacs qui appartiennent au fonds commun de la maroquinerie, n'est pas susceptible de créer un effet de gamme fautif constitutif d'un acte de concurrence déloyale.

La société Goyard échoue également à démontrer le caractère fautif de l'aménagement des boutiques des sociétés Fauré Le Page, alors que les éléments listés comme constituant prétendument son code identitaire (nom de l'enseigne en lettres dorées sur fond noir en partie haute, utilisation de couleurs chaudes, de chêne ciré foncé et de moulures, présentation des modèles dans des vitrines centrales à hauteur de hanches cerclées de métal dans une couleur chaude, de faible hauteur et surmontant des meubles pleins en chêne ciré) ne sont en réalité pas repris dans les différents magasins de la société Goyard, outre qu'ils ne sont pas spécifiques à la société Goyard mais se retrouvent dans les boutiques cherchant à donner une image de tradition, de raffinement et d'authenticité.

La société Goyard St-Honoré ne peut davantage reprocher aux sociétés Fauré Le Page l'utilisation de la couleur jaune pour distinguer ces produits, cette couleur étant largement utilisée dans l'univers des produits de luxe, renvoyant notamment à la couleur de l'or, ainsi qu'en justifient les sociétés Fauré Le Page par de nombreuses photographies émanant d'autres maisons de luxe, aucun risque de confusion fautif n'étant ainsi caractérisé.

Le seul fait d'avoir ouvert une boutique à proximité du « comptoir de vente historique » de la Maison Goyard ne constitue pas davantage un acte fautif de concurrence déloyale, le quartier Saint-Honoré de Paris dans lequel sont implantées les boutiques en cause étant reconnu comme celui des boutiques et des hôtels de luxe de la capitale.

Enfin, l'usage d'un discours marketing fondé sur la tradition et le savoir-faire des Maisons anciennes a déjà été pris en compte au titre de la concurrence déloyale par pratiques commerciales trompeuses, aucune faute distincte dont il résulterait un risque de confusion n'étant démontrée.

Les demandes de la société Goyard au titre d'actes additionnels de concurrence déloyale créant un risque de confusion seront dès lors rejetées.

Sur la réparation du préjudice

La société Goyard soutient que les actes commis par les sociétés Fauré Le Page lui ont causé un préjudice d'autant plus important qu'il s'est perpétué depuis plus de cinq ans. Elle sollicite leur condamnation à lui payer une somme de 625 000 euros.

Elle sollicite en outre une mesure d'interdiction.

Les sociétés Fauré Le Page opposent que le préjudice n'est pas démontré, les résultats de la société Goyard étant en constante progression.

Il convient de faire droit à la demande d'interdiction sous astreinte dans les conditions du dispositif ci-après.

Les pratiques commerciales trompeuses des sociétés Fauré Le Page constitutives d'actes de concurrence déloyale ont en outre nécessairement porté atteinte à l'image de la société Goyard de « plus ancien malletier de Paris ». Compte tenu de ce que seule la concurrence déloyale par pratiques commerciales trompeuses a été retenue, de la durée des actes et de ce que seul un préjudice moral est établi, il y a lieu de dire que le préjudice sera justement et intégralement réparé par l'allocation de la somme de 30 000 euros sans qu'il y ait lieu d'y ajouter une mesure complémentaire de publication judiciaire.

Sur la demande au titre de la procédure abusive

Les sociétés Fauré Le Page forment une demande sur le fondement de la procédure abusive.

Le sens de la présente décision commande de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté leur demande tant indemnitaire que de publication judiciaire de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant dans les limites de la cassation partielle,

Infirme le jugement du 30 janvier 2015 sauf en ce qu'il a débouté les sociétés Fauré le Page de leur demande pour procédure abusive ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Prononce la déchéance des droits de la société Goyard Saint Honoré sur la marque n° 1 633 326 à compter du 28 décembre 1996 pour les produits suivants « Savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices. Métaux précieux et leurs alliages. Papier et articles en papier, carton, articles de bureau. Cuir et imitations du cuir ; parapluies, parasols et cannes. Sellerie. Tissus ; couvertures de lit et de table. Vêtements, chaussures, chapellerie. Colliers pour animaux » ;

Prononce la déchéance des droits de la société Goyard Saint Honoré sur la marque n° 3 365 528 à compter du 18 novembre 2010 pour les produits suivants : « parasols, cannes, papier ; carton ; produits de l'imprimerie, à savoir livres, imprimés, journaux, périodiques, magazines, affiches, photographies ; instruments à écrire, savons de toilette ; parfums ; huiles essentielles à usage personnel ; cosmétiques, métaux précieux et leurs alliages, chaînes de montres, écrins en métaux précieux ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques ; montres, bracelets de montres, montres-bracelets ; vêtements (habillement) pour femmes, hommes et enfants à savoir chemises, fourrures, foulards, cravates, chaussettes, sous-vêtements ; chaussures (à l'exception des chaussures orthopédiques), chaussons, ; tissus à usage textile et produits textiles à savoir linge de bain (à l'exception de l'habillement), linge de maison, linge de lit, linge de table (en matières textiles) »;

Prononce la déchéance des droits de la société Goyard St-Honoré sur la marque n° 004 748 729 à compter du 11 juin 2014 pour les produits suivants : « Savons de toilette ; parfums ; huiles essentielles à usage personnel ; cosmétiques ; parasols, canne » ;

Prononce la nullité pour déceptivité des marques françaises « FAURE LE PAGE PARIS 1717 » n° 3839809 et n° 3839811 détenues par la société Fauré Le Page Paris ;

Ordonne la transcription du présent arrêt, une fois celui-ci devenu définitif, au Registre National des Marques, à la requête de la partie la plus diligente ;

Dit qu'en utilisant de manière trompeuse la référence à l'année 1717, en se présentant comme le successeur de la société Maison Fauré Le Page et en faisant référence à la transmission de savoir-faire dans la maroquinerie, les sociétés Fauré Le Page Paris et Fauré Le Page Maroquinier ont commis des pratiques commerciales trompeuses constitutives de concurrence déloyale ;

Faire interdiction aux sociétés Fauré Le Page Paris et Fauré Le Page Maroquinier de poursuivre ces agissements, sous astreinte de 2 000 euros par infraction constatée, passé un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, pendant une période de six mois,

Condamne les sociétés Fauré Le Page Paris et Fauré Le Page Maroquinier à payer à la société Goyard Saint Honoré la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale ;

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;

Condamne les sociétés Fauré Le Page Paris et Fauré Le Page Maroquinier aux dépens de première instance et d'appel, et vu l'article 700 du code de procédure civile les condamne à verser à ce titre à la société Goyard Saint Honoré pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel, la somme globale de 100 000 euros.