Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 25 novembre 2021, n° 20/02903

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Cofidis (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Trouiller

Conseillers :

M. Devignot, Mme Arbellot

TI Meaux, du 6 nov. 2019

6 novembre 2019

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 19 juillet 2017, dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. Fabien M. a signé avec la société Vivre Énergie un bon de commande portant sur une installation photovoltaïque de production d'électricité pour un montant de 22 000 euros. Le même jour, M. M. et M. Maxime J. ont signé un contrat de crédit affecté à cette acquisition auprès de la société Cofidis pour la somme de 22 000 euros remboursable en 144 mensualités de 195,23 euros chacune au taux d'intérêt nominal annuel de 3,66 % l'an.

La société Vivre Énergie a été placée en liquidation judiciaire.

Saisi par M. J. et M. M. d'une demande tendant principalement à l'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté, le tribunal d'instance de Meaux par décision réputée contradictoire rendue le 6 novembre 2019 à laquelle il convient de se référer, a :

- déclaré les demandes recevables,

- prononcé la nullité du contrat de vente et constaté la nullité du contrat de crédit affecté,

- déclaré irrecevable la demande M. J. et M. M. tendant à la condamnation de la société Vivre Énergie à leur verser 20 000 euros au titre des frais de désinstallation et de remise de la toiture dans son état initial, outre 2 000 euros pour la remise en état du chauffage, et les a déboutés de leur demande formulée à l'encontre de la société Cofidis,

- déclaré irrecevable la demande de M. J. et M. M. tendant à la fixation des créances au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Vivre Énergie,

- dit que M. Fabien M. tiendra à la disposition de la Selarl B. MJ prise en la personne de Maître Bertrand J. en qualité de liquidateur de la société Vivre Énergie, les panneaux photovoltaïques et leurs accessoires installés en exécution du contrat annulé dans le délai de trois mois à compter de la signification du jugement, passé lequel délai il sera autorisé à disposer de ces panneaux selon son bon vouloir,

- dit que la société Cofidis a commis une faute qui la prive du droit d'obtenir restitution du capital emprunté et a condamné la société Cofidis à restituer à M. J. et M. M. les échéances du prêt affecté déjà remboursées, assorties de l'intérêt au taux légal à compter de la présente décision, et que la société Cofidis devra préciser sa méthode de calcul et joindre à son versement un historique de compte complet et précis,

- débouté M. J. et M. M. de leur demande au titre de dommages et intérêts et le surplus des demandes de la société Cofidis.

Pour prononcer la nullité du contrat de vente, le tribunal a principalement retenu que les mentions figurant au bon de commande en raison de leur caractère sommaire et incomplet ne répondaient pas aux exigences de l'article L. 221-5 du code de la consommation, sans qu'il soit besoin de répondre au moyen invoqué fondé sur la nullité du contrat pour vice du consentement.

Le tribunal a considéré que le fait que l'acquéreur n'ait pas émis de contestation immédiate suite à la conclusion du contrat de vente, qu'il ait signé la livraison valant autorisation de paiement et qu'il ait commencé à rembourser le prêt, ne suffisait pas à établir que ces actes avaient été accomplis en connaissance des vices contenus dans le contrat principal et valaient donc confirmation au sens de l'article 1182 du code civil.

Compte tenu du placement en liquidation judiciaire de la société Vivre Énergie, la juridiction a estimé qu'aucune restitution du matériel ni condamnation de la société à une remise en état n'étaient possibles de sorte qu'elle a imposé aux demandeurs de mettre les installations photovoltaïques à la disposition de la société Vivre Énergie pris en la personne de son liquidateur.

Le tribunal a retenu une faute de la société Cofidis la privant du droit d'obtenir la restitution du capital emprunté. Il a relevé que le prêteur avait procédé au décaissement des fonds sans vérifier la conformité du bon de commande aux dispositions du code de la consommation et sans s'assurer au vu de l'attestation de livraison du 3 août 2017 que l'ensemble des prestations auxquelles s'était engagée la société Vivre Énergie avaient été réalisées dans un délai aussi court relativement au raccordement de l'installation au niveau électrique et à la réalisation des démarches administratives nécessaires, et alors que la livraison ne devait intervenir que le 19 septembre 2017.

Suivant déclaration d'appel remise le 6 février 2020, M. J. et M. M. ont relevé appel de cette décision.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises le 23 novembre 2020, ils demandent à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable leur demande tendant à la condamnation de la société Vivre Énergie à leur verser 20 000 euros au titre des frais de désinstallation et de remise de la toiture en son état initial outre 2 000 euros pour la remise en état du chauffage et les a débouté de cette même demande formulée à l'encontre de la société Cofidis, en ce qu'il les a déclarés irrecevables en leur demande tendant à la fixation des créances au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Vivre Énergie et les a débouté de leur demande de dommages et intérêts,

- de déclarer que le contrat conclu entre M. J. et M. M. et Vivre Énergie contrevient aux dispositions du code de la consommation et que la société Vivre Énergie a commis un dol à l'encontre des acquéreurs et que la société Cofidis a délibérément participé au dol commis par le vendeur,

- en conséquence, de déclarer que les sociétés Vivre Énergie et Cofidis sont solidairement responsables de l'ensemble des conséquences de leurs fautes à l'égard des acquéreurs et de prononcer la nullité ou à défaut la résolution du contrat de vente,

- d'ordonner le remboursement des sommes versées par eux à la société Cofidis au jour du jugement à intervenir, outre celles à venir soit la somme de 28 157,49euros sauf à parfaire,

- de condamner solidairement les sociétés Vivre Energie et Cofidis à leur payer une somme qui ne saurait être inférieure à 22 214,75 euros au titre des frais de désinstallation et de remise de la toiture dans son état initial,

- de condamner la société Cofidis à leur verser la somme de 8 000 euros au titre de leur préjudice financier et du trouble de jouissance et de 3 000 euros au titre de leur préjudice moral,

- de dire qu'à défaut pour la société Vivre Énergie de récupérer le matériel fourni dans un délai de 1 mois à compter de la signification du jugement, celui-ci sera définitivement acquis par eux,

- de condamner la société Vivre Énergie à leur garantir de toute éventuelle condamnation prononcée à leur encontre,

- d'ordonner leur radiation du FICP à la diligence et aux frais de la société Cofidis sous astreinte de 100 euros par jour à compter du jugement à intervenir et se réserver la liquidation de l'astreinte,

- de fixer les créances au passif de la liquidation de la société Vivre Énergie,

- de condamner solidairement les sociétés Vivre Énergie et Cofidis au paiement de 1 500 au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les appelants invoquent la nullité du contrat de vente pour défaut des mentions obligatoires du bon de commande, peu important que l'acquéreur n'ait formulé de protestation ou de réserve qu'après l'installation du produit. Ils estiment notamment qu'aucune des caractéristiques essentielles du produit ne figurent au bon de commande, à savoir la mention du prix unitaire et de la main d'œuvre, le calendrier de travaux, que le nom du démarcheur mentionné est un faux nom, et s'interrogent sur des erreurs sur les données financières, sur le coût de l'assurance et le coût total du financement, sur la mention du médiateur de la consommation et sur l'information précontractuelle.

Ils invoquent également la nullité du contrat de vente pour dol. Ils font valoir que la société Vivre Énergie a usé de manœuvres avérées et a manqué délibérément à ses obligations d'informations les plus élémentaires. Ils évoquent le fait que la société venderesse a sciemment fait état de partenariats mensongers pour pénétrer l'habitation des acquéreurs, qu'elle n'a jamais mandaté la société EDF pour procéder à des relevés ni aucun diagnostic énergétique, et qu'elle a utilisé l'image de la banque Cofidis pour convaincre ses clients de la véracité de son argumentation fallacieuse. Ils estiment que la société Vivre Énergie a faussement présenté l'opération contractuelle comme étant une candidature sans engagement soumise à confirmation de sa parfaite viabilité économique et autofinancement et que ce n'est qu'après écoulement du droit de rétractation que le client a eu l'occasion d'apprendre le caractère définitif du contrat. Ils font valoir que la société a fait état de perspectives de rendement chiffrées dont elle a veillé à ne laisser aucune trace.

Ils invoquent également un dol par réticence sur le fondement de l'article 1137 du code civil en ce que la société a passé sous silence de nombreux éléments déterminants du consentement des clients et notamment la durée de vie des matériels (onduleurs) et la rentabilité des panneaux.

Ils estiment que le contrat de vente et le contrat de prêt étant indivisibles, la nullité du premier doit nécessairement entraîner la nullité du second par application de l'article L. 312-55 du code de la consommation. Sur le fondement de l'article 1138 du code civil, ils soutiennent qu'un contrat de vente est nul lorsque pour obtenir le consentement de l'acheteur, un tiers de connivence dissimule un fait déterminant pour l'autre ayant provoqué son consentement. Ils estiment que la banque Cofidis ne pouvait ignorer les mécanismes douteux de conclusion des nombreux contrats de vente qu'elle a eu à connaître et qu'elle a de manière délibéré participé au dol du souscripteur et a permis la poursuite de ventes en continuant d'apporter son concours au financement d'opérations frauduleuses. Ils sollicitent la nullité de l'ensemble contractuel et la confirmation du jugement en ce sens.

Les appelants soutiennent au visa des articles L. 312-48 et L. 312-55 du code de la consommation que la banque a commis une faute en délivrant les fonds en ne s'assurant par le contrat principal auquel le crédit est affecté était régulier et sans s'assurer que les travaux étaient achevés dans le respect de la réglementation qui prévoit une autorisation de la mairie alors que cette autorisation a été rejetée le 13 décembre 2017 pour défaut de dépôt d'un dossier complet. Ils soulèvent également un manquement de la banque Cofidis à son devoir de mise en garde en ayant octroyé un crédit manifestement disproportionné par rapport à la capacité de remboursement des emprunteurs et ses obligations d'information et de conseil quant à l'opportunité économique du projet et au caractère illusoire des rendements escomptés. Ils estiment que la banque Cofidis doit être condamnée à en assumer l'entière responsabilité.

Sur les préjudices subis, ils rappellent qu'ils sont des consommateurs profanes qui ne pouvaient pas avoir connaissance du vice du bon de commande par la simple lecture des articles du code de la consommation et qu'ils ne tirent aucun profit économique de cette installation dans la mesure où cette dernière n'est ni raccordée ni mise en service. En outre, ils indiquent que l'annulation du contrat les placera dans une situation où ils devront restituer le capital emprunté sans perspective de pouvoir se retourner contre le fournisseur qui fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire.

Aux termes de ses conclusions remises le 29 juin 2020, la société Cofidis, intimée demande à la cour :

- d'infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,

- de déclarer M. J. et M. M. irrecevables en leurs demandes, fins et conclusions, faute d'avoir fait désigner un mandataire ad hoc pour représenter la société venderesse en première instance et en appel, et les en débouter,

- de condamner solidairement M. M. et M. J. à reprendre l'exécution du contrat de crédit, conformément aux stipulations contractuelles telles que retracées dans le tableau d'amortissement,

- de condamner solidairement M. M. et M. J. à lui rembourser, en une seule fois, l'arriéré des échéances impayées depuis le jugement assorti de l'exécution provisoire au jour de la signification de l'arrêt à intervenir,

- à titre subsidiaire si la nullité du contrat était confirmée ou prononcée, de condamner solidairement M. M. et M. J. au remboursement du capital d'un montant de 22 000 euros, au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

- à titre infiniment subsidiaire : de condamner solidairement M. M. et M. J. à lui rembourser le capital emprunté, déduction faite des frais de raccordement, soit la somme de 21 100 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

- de voir condamner solidairement M. M. et M. J. à lui payer la somme de 3 000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Cofidis soutient que la société Vivre Énergie a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 19 juillet 2019 et a donc perdu la personnalité morale de sorte que les appelants auraient du solliciter la désignation d'un mandataire ad hoc pour représenter la société Vivre Énergie en première instance avant l'audience de plaidoirie du 4 septembre 2019 du tribunal d'instance de Meaux et en cause d'appel.

Elle conteste l'existence de manœuvres ou de réticence dolosives et estime que les affirmations émises par les appelants sont inexactes et ne démontrent en rien l'existence d'un dol. Elle précise qu'il n'est pas démontré que le vendeur se soit présenté comme un partenaire de la société EDF, que le vendeur ne s'est pas engagé sur le rendement et que l'argument relatif à l'auto financement est dépourvu de sens. Elle soutient qu'il ne peut non plus être prétendu que les acheteurs n'ont pas bénéficié de droit de rétractation.

Elle fait remarquer que le bon de commande fourni par les appelants au soutien de leurs prétentions est illisible et que malgré sommation d'avoir à communiquer l'original du document, le document ne lui a jamais été communiqué l'empêchant de procéder à toute analyse des causes de nullité au visa des dispositions du code de la consommation. Elle sollicite le rejet de la demande de nullité sur ce fondement. Elle juge que le bon de commande contient toutes les mentions obligatoires prévues par le code de la consommation et notamment s'agissant des caractéristiques essentielles et des marques et que rien n'impose les références des panneaux ou de l'onduleur, ni la désignation du poids et de la surface des panneaux photovoltaïques, éléments nullement déterminants du consentement.

En cas de prononcé de la nullité, elle fait remarquer qu''il s'agit d'une nullité relative qui peut être couverte par une exécution volontaire du contrat. Elle estime que les appelants ont confirmé l'acte litigieux en acceptant la livraison des marchandises suivie des travaux, en signant une attestation sans réserve, et en commençant à régler les premières échéances du contrat de crédit affecté au contrat principal.

Sur la faute, l'intimée rappelle que le vendeur n'est pas le mandataire de la banque et que cette dernière ne peut être déclarée complice du prétendu dol dont le vendeur se serait rendu auteur. Elle conteste toute faute lors de la libération des fonds au 22 septembre 2017 au vu d'une attestation de livraison et d'installation suffisamment précise pour rendre compte de la complexité de l'opération, sans réserve et contenant toutes les informations requises des emprunteurs, rédigée de façon manuscrite et signée le 3 août 2017. Elle ajoute qu'il est de jurisprudence constante qu'à partir du moment où la banque ne s'est pas engagée contractuellement à vérifier la mise en service, il ne saurait lui être reproché une quelconque faute à ce titre.

La société Cofidis indique que si depuis un certain nombre d'années la cour de cassation met à la charge des organismes bancaires l'obligation de contrôler la régularité formelle des bons de commandes, elle s'interroge sur l'étendue d'une telle obligation en ce que le banquier ne fait aucune étude de droit, n'est ni juriste ni avocat ni juge. Sur les caractéristiques essentielles devant figurer au bon de commande, elle fait remarquer qu'il s'agit d'une appréciation in concreto des magistrats différents en fonction du territoire national s'agissant par exemple de la marque de l'installation. Elle soutient qu'elle ne pouvait donc anticiper que la juridiction allait retenir comme cause de nullité du contrat l'absence de mention quant à la taille et le poids des panneaux, les caractéristiques de l'onduleur, l'implantation exacte des panneaux leur orientation et leur inclinaison.

Elle estime que le premier juge aurait dû faire application de la notion de préjudice et condamner les emprunteurs au remboursement du capital quelle que soit la faute dès lors qu'il n'est pas démontré qu'ils subissent de véritable préjudice. Elle soutient qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les fautes qui lui sont reprochées et un prétendu dysfonctionnement du matériel pour défaut de raccordement à ERDF et absence d'autorisation de la mairie.

Elle rappelle que la banque n'est débitrice d'un devoir de mise en garde uniquement lorsqu'il existe un risque d'endettement excessif au moment de la signature du contrat ce qui n'était pas le cas en l'espèce au vu des informations obtenues par la fiche de dialogue relative aux revenus et charges. Elle ajoute que les appelants ne peuvent soutenir qu'elle aurait dû leur faire signer un crédit immobilier et que le crédit était inapproprié faisant valoir qu'il s'agit en réalité d'un crédit commercial dans le but de vendre de l'électricité et d'obtenir un revenu complémentaire.

M. M. et M. J. ainsi que la société Cofidis ont signifié leurs conclusions à Maître Bertrand J., mandataire liquidateur de la société Vivre Énergie suivant actes des 30 juin et 2 décembre 2020 selon les dispositions de l'article 658 du code de procédure civile.

Maître Bertrand J., mandataire liquidateur de la société Vivre Énergie n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 septembre 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la recevabilité des demandes

Il est admis qu'une demande tendant à faire prononcer ou constater la nullité d'un contrat impose que soient attrait à l'instance l'ensemble des parties aux contrats litigieux.

En l'espèce, M. M. et M. J. sollicitent l'annulation du contrat conclu le 19 juillet 2017 avec la société Vivre Énergie et la nullité du contrat de crédit affecté, par une instance initiée par assignations des 7 et 12 novembre 2018, adressées tant à la société Vivre Energie, représentée par la SELARL B. prise en la personne de Maître Bertrand J. en qualité de mandataire liquidateur, qu'à la société Cofidis. Il s'ensuit que la société Vivre Energie était régulièrement représentée dans cette instance par le mandataire liquidateur désigné dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire dont elle faisait l'objet, étant remarqué qu'aucune critique n'a été formulée sur ce point devant le premier juge.

Les appelants ont fait assigner la société Vivre Energie prise en la personne de Maître Bertrand J. en qualité de mandataire liquidateur de la société Vivre Energie suivant acte du 19 mai 2020 remis selon les formes de l'article 658 du code de procédure civile. Ils ont également ainsi que la société Cofidis signifié leurs dernières conclusions à Maître Bertrand J., suivant actes des 30 juin et 2 décembre 2020 selon les dispositions de l'article 658 du code de procédure civile.

Suivant ordonnance du 13 novembre 2020 du président du tribunal de commerce de Bobigny, et au vu de la clôture pour insuffisance d'actif prononcée à l'encontre de la société Vivre Energie le 19 juillet 2019, il est procédé à la désignation de la SELAS MJS PARTNERS en la personne de Maître Bertrand J. en qualité de mandataire ad litem de la société Vivre Energie avec mission de la représenter dans l'action pendante devant la cour d'appel de Paris ou devant toutes autres audiences à laquelle l'affaire pourrait être renvoyée comprenant l'exécution d'une décision définitive assortie de l'autorité de la chose jugée.

Il résulte de ce qui précède, que la désignation de Maître Bertrand J. en qualité de représentant de la société Vivre Energie a été régularisée en cours de procédure de sorte que la société Vivre Energie est régulièrement représentée à cause d'appel. Partant M. M. et M. J. sont recevables en leurs demandes.

Sur la nullité du contrat de vente et du contrat de crédit

Il est rappelé que le 19 juillet 2017, M. M. a signé auprès de la société Vivre Energie un bon de commande portant sur l'installation de panneaux photovoltaïques au nombre de 12 modules de marque Soluxtec ou équivalent ainsi qu'un onduleur de marque Effekta ou équivalent d'une puissance de 3 000 Wc pour un montant de 22 000 euros financé au moyen d'un crédit souscrit le même jour auprès de la société Cofidis par M. M. et M. J..

Le 3 août 2017, M. M. a signé sans réserve une attestation de livraison et d'installation des panneaux photovoltaïques et demandé au prêteur de procéder au déblocage de la somme de 22 000 euros au profit du vendeur, au moment de la délivrance par le comité national pour la sécurité des usagers et l'électricité (Consuel) de l'attestation certifiant que l'installation des panneaux est conforme.

Une attestation de conformité a été établie le 11 août 2017 et les fonds débloqués le 22 septembre 2017 au profit du vendeur.

L'installation n'a jamais fait l'objet de raccordement au réseau ERDF.

En application des articles L. 221-5, L. 221-8 et L. 221-9 du code de la consommation, le contrat conclu hors établissement doit à peine de nullité comporter de manière lisible et compréhensible les mentions suivantes :

1°) nom du fournisseur et du démarcheur ;

2°) adresse et coordonnées du fournisseur ;

3°) adresse du lieu de conclusion du contrat ;

4°) désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des prestations de services proposés ;

5°) conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services ;

6°) prix global à payer et modalités de paiement ;

7°) faculté de rétractation ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et le formulaire type de rétractation.

L'article L. 242-1 du même code précise que les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

En l'espèce, les appelants produisent l'original du bon de commande litigieux à en-tête de la société Vivre Energie signé le 19 juillet 2017 par M. M. dont les mentions sont parfaitement lisibles, de sorte que la critique visant à voir écarter la nullité du contrat faute de pouvoir procéder à toute analyse des causes de nullité d'un bon de commande jugé illisible est écartée.

Il convient de constater que le contrat de vente a été établi au seul nom de M. M. et signé par lui de même que l'attestation de livraison et l'attestation de conformité.

Le bon de commande mentionne que les biens promis consistent en :

« 12 panneaux photovoltaïques de marque Soluxtec ou équivalent, onduleur de marque Effekta ou équivalent, kit d'intégration GSE in-roof top system, des filtres et ventilateurs, une option speed heating, bouches d'insufflation, un coffret de protection, un disjoncteur, un parafoudre. puissance de 3 000 installation complète et accessoires et fournitures et mise en service, la société Vivre Energie s'engage à accomplir toutes les démarches administratives relatives au dossier et à vous accompagner jusqu'à l'obtention du contrat d'achat avec EDF à savoir déclaration préalable à la mairie, demande de raccordement auprès d'ERDF, obtention du contrat d'achat auprès d'EDF, frais de raccordement pris en charge en totalité, obtention de l'attestation Consuel délai de livraison 19 septembre 2017 ».

Cette description de l'équipement promis est suffisamment précise pour permettre à M. M. de vérifier la teneur et la complétude de celui qui sera effectivement installé et, le cas échéant de comparer l'offre de la société Vivre Energie à des offres concurrentes notamment pendant le délai de rétractation. Elle satisfait donc à l'article précité s'agissant des caractéristiques des biens et c'est à tort, qu'ajoutant au texte, le premier juge a considéré que le défaut de mention du poids et de la superficie des panneaux, de leur implantation exacte (inclinaison, orientation) et de précision quant aux caractéristiques de l'onduleur constituaient une violation de cette disposition.

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, le bon de commande mentionne expressément le prix total de la centrale à hauteur de 22 000 euros TTC étant précisé que les frais de raccordement ERDF sont expressément à la charge de Vivre Energie, et les modalités de paiement : financement pour 22 000 euros par organisme Projexio et remboursement en 144 mensualités de 195,23 euros au TEG de 3,96 % ; 6 mois de report et coût total du financement 28 111,70 euros. La faculté de rétractation ainsi que le délai et les modalités d'exercice figurent expressément aux conditions générales de vente ainsi que le bordereau type de rétractation.

Le bon de commande indique que la livraison aura lieu au mois de 19 septembre 2017. Le délai ainsi fixé et aisément contrôlable par les intéressés conduit à retenir que le bon de commande satisfait également à l'article précité, étant observé que les conditions générales de vente incluent des indications sur l'exécution des travaux.

Si les appelants soutiennent que le nom du démarcheur figurant sur le bon de commande est faux, ils n'apportent aux débats aucun élément en attestant.

Les interrogations émises sur les données financières, sur le coût de l'assurance et le coût total du financement, sur la mention du médiateur de la consommation et sur l'information précontractuelle sont formulées en termes d'arguments généraux sans qu'il en soit déduit de demande individualisable. La cour n'est donc pas tenue d'y répondre.

Les appelants invoquent également la nécessité pour le vendeur sur le fondement de l'article L. 111-4 du code de la consommation, d'indiquer à l'acquéreur avant la signature du contrat et lors de la vente, la période durant laquelle ou la date jusqu'à laquelle les pièces détachées indispensables à l'utilisation des biens sont disponibles sur le marché.

Il convient de relever que les dispositions invoquées sont sanctionnées par une amende administrative aux termes de l'article L. 131-2 du même code de sorte qu'aucune nullité du contrat de vente n'est encourue à ce titre.

En conséquence, le bon de commande satisfait donc aux dispositions précitées et le jugement est infirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté à cette vente sur ce fondement.

Selon l'article 1137 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Si les appelants imputent à la société Vivre Energie une tromperie dans la présentation commerciale de son offre de contrat et des manœuvres frauduleuses qui auraient vicié leur consentement, force est de constater qu'au-delà de la production des stipulations contractuelles, du document promotionnel intitulé « revente totale notre cas prévu Vivre Energie » et d'un constat d'huissier dressé le 8 mars 2018 constatant le défaut de raccordement au réseau ERDF, ils ne caractérisent pas de manière circonstanciée les manœuvres et fraudes dénoncées.

En particulier, on ne voit pas en quoi il serait critiquable pour la société venderesse de faire état de partenariat avec la société EDF dès lors que le raccordement de l'installation et la possibilité de vendre l'électricité produite dépendent de cette dernière. Il n'est absolument pas démontré en quoi elle a utilisé l'image de la Banque Cofidis pour convaincre ses « clients » de la véracité de son argumentation fallacieuse.

Il n'est pas non plus démontré en quoi la société Vivre Energie a faussement présenté au client l'opération contractuelle comme étant une candidature « sans engagement », soumise à la confirmation de sa parfaite viabilité économique et de son autofinancement, dès lors que la mention « sous réserve d'acceptation du dossier-nul et caduc en cas de refus » renvoie au fait que le projet impose de recueillir des autorisations administratives et de satisfaire un certain nombre de pré-requis techniques et ne saurait être considérée comme critiquable. A l'inverse, le fait de signer le bon de commande et de signer simultanément le contrat de crédit s'y rapportant suffisait à informer une personne normalement avisée qu'elle s'engageait dans une relation contractuelle ferme, sauf exercice du droit de rétractation.

Enfin, il est soutenu que l'intérêt économique du contrat a été présenté de manière trompeuse par un commercial dont les propos ont été étayés par une simulation de production volontairement erronée gonflant de manière disproportionnée les profits escomptables, et que la société a veillé à ne laisser aucune trace des perspectives de rendement chiffrées. Or, les appelants ne versent aux débats aucun élément susceptible d'étayer cette affirmation. Il en est de même des nombreuses informations qui auraient été passées sous silence par la société Vivre Energie et notamment celle relative à la durée de vie des matériaux, la nécessaire désinstallation des panneaux et remise en état du toit, le prix d'achat de l'électricité et les rendements attendus et qui constitueraient des réticences dolosives.

Les prétentions des appelants relatives à un dol non démontré sont donc rejetées.

Les demandes en remboursement des sommes versées et de condamnation aux frais de désinstallation et de remise en état formées par les appelants sont sans objet, en l'absence d'annulation du contrat de vente et de crédit qui lui est affecté.

Sur l'action en responsabilité à l'encontre de la banque

Si les intimés invoquent une faute personnelle de la banque dans le déblocage des fonds il convient de constater que la société Cofidis a libéré les fonds à réception d'une attestation de livraison et d'installation du 3 août 2017 que M. M. a signé sans réserve et que celui-ci a demandé au prêteur de procéder au déblocage de la somme de 22 000 euros au profit du vendeur, au moment de la délivrance par le comité national pour la sécurité des usagers et l'électricité (Consuel) de l'attestation certifiant que l'installation des panneaux est conforme. Une attestation de conformité a été établie le 11 août 2017 et les fonds débloqués le 22 septembre 2017 au profit du vendeur.

Si le bon de commande prévoit les démarches administratives à effectuer par la société venderesse en vue du raccordement, l'autorisation de ce raccordement ne dépendait ni d'elle ni de la banque, mais uniquement du concessionnaire du réseau, la société ERDF.

L'attestation de livraison est conforme au bon de commande et au contrat de crédit, produits aux débats, contrat de crédit selon lequel les fonds seront mis à disposition à la livraison du bien. Il ne peut donc être reproché à la banque d'avoir délivré les fonds avant les autorisations administratives éventuelles ou sans s'être assurée de leur délivrance et avant le raccordement au réseau, qui n'étaient pas dans le champ contractuel aux termes du contrat de vente, et qui ne pouvaient en faire partie puisque ces prestations incombaient à des tiers. La banque n'était pas tenue d'opérer des vérifications complémentaires sur le caractère opérationnel de l'installation photovoltaïque.

Enfin, aucun élément de fait ne permet de retenir que le délai qui s'est écoulé entre la date de commande, le 19 juillet 2017, et la date de l'attestation de fin de livraison le 3 août 2017 suivant, était manifestement insuffisant pour l'exécution effective de ces travaux. La responsabilité de la banque n'est donc pas davantage engagée de ce chef.

Les appelants reprochent à la banque d'avoir manqué à son devoir de mise en garde à leur encontre en leur accordant un crédit dans des conditions manifestement hors de proportion avec leurs facultés prévisibles de remboursement et sans les mettre en garde sur les éventuelles conséquences préjudiciables du projet photovoltaïque qui n'aboutit en réalité à aucune rentabilité financière.

Il est admis que le banquier est tenu à l'égard de ses clients non avertis d'un devoir de mise en garde en cas de risque d'endettement excessif de l'emprunteur. Ce devoir oblige le banquier, avant d'apporter son concours, à vérifier les capacités financières de son client et à l'alerter des risques encourus. Le devoir de mise en garde n'existe donc qu'à l'égard de l'emprunteur non averti et n'existe qu'en cas de risque d'endettement excessif.

L'ensemble des pièces produites aux débats par la société Cofidis à savoir le contrat de crédit, la fiche d'informations précontractuelles, la fiche de dialogue et ses pièces justificatives, le justificatif de consultation du fichier des incidents de paiement attestent que, en conformité avec les dispositions d'ordre public du code de la consommation, la situation personnelle et financière des emprunteurs a bien été prise en compte par le prêteur dans l'octroi du crédit. En outre, il n'appartient pas à la banque de s'immiscer dans les projets de ses clients ni de délivrer un conseil au-delà du périmètre du contrat de crédit lui-même.

Dès lors, la preuve n'est pas rapportée de ce que le prêteur aurait été tenu d'un devoir de mise en garde. Partant, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté de l'intégralité de leurs demandes à ce titre.

Il résulte des motifs qui précèdent que M. M. et M. J. sont tenus de rembourser le crédit litigieux et devront reprendre le remboursement du crédit à compter de l'échéance du mois de décembre 2021 selon l'échéancier prévu au contrat.

Il convient de rappeler que les emprunteurs restent redevables de plein droit du remboursement des sommes perçus en exécution du jugement qui est infirmé.

En outre, les emprunteurs sont redevables des sommes dues titre des échéances impayées depuis le jugement assorti de l'exécution provisoire au jour de la signification de l'arrêt à intervenir.

Le surplus des demandes est rejeté.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe,

- Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté M. Fabien M. et M. Maxime J. de leur demande de dommages intérêts,

Statuant à nouveau,

- Déclare M. Fabien M. et M. Maxime J. recevables en leurs demandes,

- Déboute M. Fabien M. et M. Maxime J. de l'intégralité de leurs demandes,

- Condamne solidairement M. Fabien M. et M. Maxime J. à reprendre l'exécution du contrat de crédit, conformément aux stipulations contractuelles à compte rd l'échéance de décembre 2021,

- Rejette le surplus des demandes,

- Condamne in solidum M. Fabien M. et M. Maxime J. aux dépens de première instance et d'appel,

- Condamne in solidum M. Fabien M. et M. Maxime J. à verser à la société Cofidis une somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.