Cass. 1re civ., 24 novembre 2021, n° 19-19.036
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA), SCP Brouard Daudé (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Rapporteur :
M. Serrier
Avocats :
SCP Ghestin, SARL Delvolvé et Trichet
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Paris, 21 mars 2019, complété le 12 septembre 2019), à la suite d'un démarchage à domicile, M. [F] a, le 7 mai 2013, conclu un contrat de fourniture et d'installation d'un ensemble photovoltaïque avec la société Ciel énergie (le vendeur), financé par un crédit qu'il a souscrit le même jour avec Mme [X] (les emprunteurs) auprès de la société Sygma banque, aux droits de laquelle se trouve la société BNP Paribas Personal Finance (la banque). Le vendeur a été placé en liquidation judiciaire et la SCP Brouard Daudé, désignée comme liquidateur.
3. Les 27 et 28 mai 2015, les emprunteurs, soutenant que des irrégularités affectaient le bon de commande, ont assigné le liquidateur, ès qualités, et la banque en annulation des contrats principal et de crédit affecté.
Examen des moyens, sur les premiers moyens des pourvois, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé du moyen
4. Les emprunteurs font grief aux arrêts de rejeter leur demande en annulation des contrats de vente et de crédit affecté et de les condamner en conséquence solidairement à payer à la banque la somme de 29 487,20 euros, ainsi qu'aux dépens, et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que la confirmation tacite d'un contrat nul suppose la connaissance du vice et l'intention de le réparer ; que pour estimer que M. [F] et Mme [X] avaient confirmé tacitement le contrat de vente et de fourniture de services, la cour d'appel a énoncé qu'ils ont eu connaissance des conditions de vente et des articles L. 121-21 à L. 131-32 du code de la consommation applicables à la vente à domicile, qu'ils n'ont pas usé de leur faculté de rétractation, qu'ils ont signé le certificat de livraison et ne se sont pas manifestés lorsqu'ils ont reçu du prêteur le tableau d'amortissement du crédit finançant l'installation solaire ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la connaissance par M. [F] et Mme [X] des vices du contrat principal et leur intention de les réparer, la cour d'appel a violé l'article 1338 ancien du code civil, dans sa rédaction applicable au litige devenu l'article 1182 du même code. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel a relevé que les emprunteurs avaient pu avoir connaissance de l'irrégularité formelle affectant les mentions du contrat de vente, relativement au nom du démarcheur et aux caractéristiques essentielles des biens offerts, dans la mesure où la reproduction intégrale des articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation figurait dans les conditions générales de vente, dont les emprunteurs avaient reconnu avec pris connaissance et avoir reçu un exemplaire du contrat, doté d'un formulaire détachable de rétractation.
6. Elle a retenu qu'en attestant, le 13 juillet 2013, de la parfaite exécution du contrat d'installation, en signant le certificat de livraison dont ils étaient avertis qu'il provoquerait le déblocage des fonds et en ne se manifestant pas lors de la réception du tableau d'amortissement du crédit finançant l'installation solaire, les emprunteurs avaient entendu, en toute connaissance de cause, confirmer le contrat de vente entaché de nullité.
7. Elle a pu en déduire que les causes de nullité invoquées avaient été couvertes.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur les deuxièmes moyens des pourvois, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé du moyen
9. Les emprunteurs font grief à l'arrêt du 21 mars 2019 de déclarer irrecevable, comme nouvelle en cause d'appel, leur demande en résolution des contrats de vente et de crédit affecté, alors « que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ; que la cour d'appel a déclaré irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande de M. [F] et de Mme [X] en résolution de la vente et du crédit affecté dont ils avaient sollicité la nullité en première instance ; qu'en statuant ainsi bien que la demande en nullité et celle en résolution des contrat tendaient aux mêmes fins, savoir leur anéantissement rétroactif, la cour d'appel a violé l'article 565 du code de procédure civile, ensemble l'article 564 du même code par fausse application. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
10. La banque conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est nouveau.
11. Cependant le moyen, né de la décision attaquée, est recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 564 et 565 du code de procédure civile :
12. Il résulte de ces textes que, si les parties, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions, tel n'est pas le cas lorsque ces prétentions tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
13. Pour déclarer irrecevable la demande des emprunteurs tendant à la résolution des contrats, l'arrêt du 21 mars 2019 retient que cette demande, formée pour la première fois en cause d'appel, n'entre pas dans les exceptions au principe posé par l'article 564 du code de procédure civile.
14. En statuant ainsi, alors que la demande de résolution des contrats de vente et de crédit affecté, formée pour la première fois en appel par les emprunteurs, tendait, comme leur demande d'annulation, à leur anéantissement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur les troisièmes moyens des pourvois, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé du moyen
15. Les emprunteurs font grief à l'arrêt du 12 septembre 2019 de les condamner solidairement à payer à la banque la somme de 29 487,20 euros, ainsi qu'aux dépens, et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que dans leurs conclusions d'appel, M. [F] et Mme [X] avaient fait valoir que la banque avait commis une faute en délivrant la totalité du montant du crédit entre les mains du vendeur prestataire au vu d'une attestation incomplète et imprécise ne permettant pas à cette banque de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal, faute qui la privait de son droit à restitution des sommes prêtées ; qu'en énonçant que la condamnation de M. [F] et Mme [X] à payer la totalité des sommes réclamées par la banque en principal et intérêts était la conséquence logique de la reconnaissance de reconnaissance de la validité des contrats de vente et de crédit et du prononcé de la déchéance du terme, sans répondre à leurs conclusions péremptoires sur la responsabilité de cette banque, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
16. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
17. Pour condamner les emprunteurs à rembourser à la banque les sommes dues au titre du crédit affecté, l'arrêt du 12 septembre 2019 retient que la demande en paiement résulte logiquement de la reconnaissance de la validité des contrats de vente et de crédit, et de la déchéance du terme pour absence de paiement des échéances de remboursement du prêt.
18. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des emprunteurs qui soutenaient que la banque avait commis une faute en délivrant les fonds entre les mains du vendeur, au vu d'une attestation incomplète et imprécise ne permettant pas à la banque de s'assurer de l'exécution du contrat principal, faute qui était de nature à la priver de son droit à restitution des sommes prêtées, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de nullité des contrats de vente et de crédit affecté, l'arrêt rendu le 21 mars 2019 et en l'ensemble de ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris.