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Décisions

ADLC, 23 novembre 2021, n° 21-D-27

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation de séparateurs d’hydrocarbures

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Frédérique Laporte, rapporteure, et l’intervention de Mme Pascale Déchamps, rapporteure générale adjointe, par Mme Irène Luc, vice-présidente, présidente de séance, Mme Catherine Prieto, M. Savinien Grignon-Dumoulin et M. Jérôme Pouyet, membres.

ADLC n° 21-D-27

23 novembre 2021

L’Autorité de la concurrence (section V),

Vu la décision n° 18-SO-09 du 29 mai 2018, enregistrée sous le numéro 18/0106 F, par laquelle l’Autorité de la concurrence s’est saisie d’office de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation de séparateurs d’hydrocarbures et décanteurs particulaires ;

Vu l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

Vu le livre IV du code de commerce, et notamment son article L. 420-1 ;

Vu la décision du 2 avril 2020, par laquelle le rapporteur général adjoint a procédé à la disjonction de l’instruction du dossier 18/0106 F, en ce qui concerne les éléments relatifs aux décanteurs particulaires et a procédé à l’ouverture d’un nouveau numéro d’enregistrement pour l’instruction de cette partie distincte sous la référence 20/0058 F ;

Vu les décisions de secret des affaires n° 19-DSA-672 du 19 novembre 2019, n° 19-DSA-681 du 19 novembre 2019, n° 19-DSA-690 du 28 novembre 2019, n° 20-DSA-050 du 28 janvier 2020, n° 20-DSA-638 du 2 décembre 2020, n° 21-DSA-148 du 25 mars 2021, n° 20-DEC-079 du 12 février 2020 et n° 20-DECR-101du 12 février 2020 ;

Vu les observations présentées par les sociétés Bonna Sabla SNC, Bonna Sabla SA, Consolis Finance SAS, groupe F2F, SIMOP France SAS, COC Environnement, European Outsourcing Group, ACO SAS, Severin Ahlmann Holding GmbH & Co, Saint Dizier Environnement, Saint Dizier Participations, Wavin France SAS, Wavin B.V., CRH France, Stradal SAS, Techneau et SAS GAEAU ainsi que par le commissaire du Gouvernement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, les représentants des sociétés Stradal SAS, CRH France SAS , Saint Dizier Environnement, Saint Dizier Participations, Bonna Sabla SNC, Bonna Sabla SA, Consolis Finance SAS, SIMOP France SAS, groupe F2F, Techneau, SAS GAEAU Développement, Wavin France SAS, Wavin B.V., ACO SAS et Severin Ahlmann Holding GmbH & Co entendus lors de la séance de l’Autorité de la concurrence du 27 mai 2021, les représentants des sociétés COC Environnement et European Outsourcing Group et du ministère de la transition écologique ayant été régulièrement convoqués ;

Adopte la décision suivante :

Résumé 1

Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence (ci-après, « l’Autorité ») prononce un non-lieu pour les pratiques concernant le secteur de la fabrication et de la commercialisation de séparateurs d’hydrocarbures, équipements permettant de piéger les hydrocarbures présents dans les eaux pluviales.

À la suite d’une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et d’un signalement de la Brigade Interrégionale d’Enquêtes de Concurrence, l’Autorité s’est saisie d’office et a notifié un grief fondé sur les articles 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après, le « TFUE ») et L. 420-1 du code de commerce aux sociétés SIMOP France SAS, groupe F2F, Saint Dizier Environnement, Saint Dizier Participations, Techneau, SAS GAEAU, COC Environnement, European Outsourcing Group, Bonna Sabla SNC, Bonna Sabla SA, Consolis Finance SAS, ACO SAS, Severin Ahlmann Holding GmbH & Co, Wavin France SAS, Wavin B.V., CRH France SAS et Stradal SAS, pour une pratique mise en œuvre par le syndicat des fabricants d’ouvrages préfabriqués dans la dépollution des eaux pluviales (ci-après, le syndicat « ISGH »).

La pratique reprochée consistait en l’adoption et la diffusion, au sein du syndicat ISGH, d’une charte relative aux séparateurs d’hydrocarbures imposant aux fabricants de ces équipements le respect de la règle dite « de temps de passage » ou « des 190 secondes ».

Cette règle préconisait un temps de passage minimum des liquides dans l’enceinte de séparation du séparateur d’hydrocarbures et impactait, par conséquent, le dimensionnement du produit, l’enceinte devant être suffisamment large pour accueillir ces liquides pendant la durée préconisée. Il était reproché aux membres du syndicat d’avoir adopté et diffusé cette règle, dont le respect n’est pas imposé par la réglementation applicable, afin d’évincer un certain nombre de concurrents, en particulier ceux produisant des séparateurs d’hydrocarbures de petite taille à base de polyéthylène.

Dans la décision de ce jour, l’Autorité a estimé que l’adoption de la charte constitue une décision d’association d’entreprises au sens des articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

Cependant, l’Autorité a constaté :

− d’une part, que l’adhésion au syndicat ne constituait pas une condition d’accès au marché des séparateurs d’hydrocarbures ou à une part essentielle ou significative de ce dernier, plusieurs concurrents ayant pu évoluer sur le marché sans que le défaut d’appartenance à ce syndicat ait impacté leur activité ;

− d’autre part, que les éléments au dossier ne permettaient pas de considérer que la communication de l’ISGH sur sa charte ait pu conduire les clients et les autres acteurs du marché des séparateurs d’hydrocarbures à percevoir la règle du temps de passage comme une norme nécessaire ou obligatoire ; et

− au surplus, que, dans la mesure où la plupart des membres du syndicat produisent des séparateurs à base de polyéthylène, il n’était pas établi que la pratique incriminée poursuivait une stratégie d’éviction à l’égard de certains concurrents sur le marché.

À la lumière de ces éléments, l’Autorité a estimé qu’aucun élément au dossier ne permettait de conclure que la pratique incriminée était susceptible de limiter ou restreindre la concurrence sur le marché et que, partant, elle ne pouvait avoir ni un objet ni un effet anticoncurrentiel.

I. Les constatations

A. RAPPEL DE LA PROCEDURE

1. Par lettre du 13 octobre 2017, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (ci-après, la « DGCCRF ») a transmis à l’Autorité de la concurrence (ci-après, « l’Autorité ») un rapport administratif d’enquête daté du 18 juillet 2017 dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation des séparateurs d’hydrocarbures. L’enquête de la DGCCRF a pour origine une plainte déposée par la Société Eudoise d’Environnement et de Séparation (SEES) auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Normandie à l’encontre du syndicat des fabricants d’ouvrages préfabriqués pour la dépollution des eaux pluviales (ci-après, le syndicat « ISGH »).

2. Le 21 novembre 2017, la DGCCRF a proposé à l’Autorité de joindre au rapport un indice du 27 juillet 2017, émanant de la Brigade Interrégionale d’Enquêtes de Concurrence (ci-après, la « BIEC »).

3. Par décision n° 18-SO-09 du 29 mai 2018, enregistrée sous le numéro 18/0106 F, l’Autorité s’est saisie d’office des pratiques mentionnées dans le rapport d’enquête.

4. Par décision du 2 avril 2020, le rapporteur général de l’Autorité a décidé de disjoindre de la saisine initiale, enregistrée sous le numéro 18/0106 F, les éléments relatifs aux décanteurs particulaires, en application de l’article R. 463-3 du code de commerce.

5. Le 2 juin 2020, le rapporteur général de l’Autorité a adressé une notification de griefs pour des pratiques prohibées au titre du paragraphe 1 de l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après, le « TFUE ») et de l’article L. 420-1 du code de commerce aux sociétés SIMOP France SAS, groupe F2F, Saint Dizier Environnement, Saint Dizier Participations, Techneau, SAS GAEAU, COC Environnement, European Outsourcing Group, Bonna Sabla SNC, Bonna Sabla SA, Consolis France SAS2 , ACO SAS, Severin Ahlmann Holding GmbH & Co, Wavin France SAS, Wavin B.V., CRH France et Stradal SAS. Cette notification des griefs a été suivie d’un rapport du 21 décembre 2020.

B. LE SECTEUR D’ACTIVITE

1. LES PRODUITS EN CAUSE

6. Dans les lieux exposés à une forte concentration d’hydrocarbures (les stations d’essence, les parkings, les garages de réparation, par exemple), des dispositifs de traitement peuvent être nécessaires pour prévenir la pollution des eaux pluviales. Les traitements privilégiés consistent en la décantation et le piégeage des polluants au travers de massifs filtrants3 Pour assurer une décantation efficace, il est généralement nécessaire que l’eau soit maintenue immobile (ou du moins à une vitesse d’écoulement très faible) pendant un temps suffisant pour que les particules se déposent au fond du décanteur. La décantation peut néanmoins être optimisée grâce à d’autres dispositifs filtrants.

7. Il existe actuellement différentes familles d’appareils pour piéger les polluants présents dans les eaux pluviales : les séparateurs d’hydrocarbures, les décanteurs particulaires et les décanteurs à traitement progressif. Séparateurs et décanteurs séparent les macro-déchets décantables des liquides légers comme les hydrocarbures. Le décanteur permet en plus de piéger dans son enceinte les matières en suspension telles que les micropolluants organiques et minéraux4

8. La présente affaire concerne exclusivement les séparateurs d’hydrocarbures. Ils sont destinés à être incorporés à un ouvrage de construction et sont généralement enterrés. Ils peuvent être fabriqués dans divers matériaux : acier, béton ou polypropylène. L’installation de ces dispositifs est rendue obligatoire dans certaines zones par la réglementation applicable.

2. LA REGLEMENTATION APPLICABLE AUX SEPARATEURS D’HYDROCARBURES

a) L’obligation d’installation de dispositifs dépolluants

9. Pour des raisons de protection de l’environnement, l’arrêté ministériel du 15 avril 2010, relatif aux prescriptions générales applicables aux entrepôts couverts relevant du régime de l’enregistrement au titre de la rubrique n° 1510 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, a rendu obligatoire l’installation de décanteurs-séparateurs d’hydrocarbures sur toutes les aires nationales de distribution de carburants. L’arrêté dispose que les séparateurs d’hydrocarbures installés dans ces aires doivent être conformes à la norme européenne EN 858-1 (dans sa version de 2002).

10. L’arrêté précité prévoit également que les eaux pluviales susceptibles d'être polluées, notamment par ruissellement sur les voies de circulation, aires de stationnement, de chargement et déchargement, aires de stockage et autres surfaces imperméables, sont collectées par un réseau spécifique et traitées par un ou plusieurs dispositifs de séparateurs d'hydrocarbures.

11. Pour les autres types de surface, aucune spécification n’est apportée par la réglementation. Il est donc possible d’installer soit des séparateurs, soit des décanteurs. Ces derniers seraient d’ailleurs désormais préférés par les opérateurs, la décantation permettant de piéger davantage de polluants dans les eaux traitées.

b) La réglementation applicable aux séparateurs

12. Les séparateurs d’hydrocarbures font l’objet d’une normalisation tant au niveau européen que national.

13. Au sein de l’Union européenne, deux normes concernent ces produits :

− la norme EN 858-1 de février 2005, relative aux « installations de séparation de liquides légers : principes pour la conception, les performances et les essais, le marquage et la maîtrise de la qualité », précise les teneurs maximales en hydrocarbures acceptables pour les séparateurs de classe 1 (teneur maximale de 5 mg/l) et 2 (teneur maximale de100 mg/l), et les marquages qui doivent être appliqués sur le produit. Cette norme indique également les conditions du test de détermination de l’efficacité fonctionnelle du produit, les essais types qui doivent être réalisés en usine et les modalités du contrôle de la production au sein de l’usine ; et

− la norme EN 858-2 relative aux « installations de séparation de liquides légers » qui apporte des précisions quant à la méthode de dimensionnement des installations en fonction de plusieurs facteurs.

14. Ces normes sont obligatoires mais elles ont un caractère déclaratif. Les opérateurs ne sont pas obligés de soumettre leurs produits à des tests réalisés par des tiers pour mettre en avant ce marquage CE.

15. En France, il existe également deux normes relatives aux séparateurs d’hydrocarbures :

− la NF P16-451-1/CN de janvier 2007, relative aux « installations de séparation de liquides légers (par exemple hydrocarbures : principes pour la conception, les performances et les essais, le marquage et la maîtrise de la qualité », qui constitue un complément national à la norme EN 858-1 ; et

− la NF P16-442 d’août 2014, relative à la « mise en œuvre et maintenance des séparateurs de liquides légers et débourbeurs », qui a pour objet de préciser les règles relatives au dimensionnement, à la mise en œuvre et à la maintenance des installations de séparation de liquides légers contenus dans les eaux pluviales et les eaux résiduaires industrielles.

16. Ces normes nationales sont d’application volontaire et non obligatoire. Néanmoins, les opérateurs ne peuvent obtenir la certification NF sans avoir fait tester leurs produits par un tiers.

3. L’ORGANISATION DU SECTEUR

17. Les séparateurs d’hydrocarbures sont des produits qui ont vocation à être intégrés dans des ouvrages de construction. Ainsi, les différents constructeurs de séparateurs d’hydrocarbures ne répondent pas directement à des appels d’offres publics ou privés mais peuvent être approchés par les soumissionnaires maîtres d’œuvre, afin d’intégrer dans leur projet les équipements adaptés à leurs besoins. Néanmoins, il ressort des déclarations des mises en cause que la plupart des ventes de séparateurs d’hydrocarbures est assurée par l’intermédiaire des principaux négociants du bâtiment qui distribuent différents produits de construction et dont les deux principaux représentants dans le domaine du traitement des eaux en France sont Plum Plastiques et Frans Bonhomme5

Ainsi, en 2015, 92 % des séparateurs d’hydrocarbures étaient distribués par des négociants6

18 Dans ce contexte, les fabricants de séparateurs d’hydrocarbures ne savent généralement pas au sein de quel emplacement exact les séparateurs d’hydrocarbures qu’ils ont vendus sont installés, hormis le fait que ceux-ci équipent normalement les stations-service, les aires de lavage et les parkings, comme l’impose la réglementation7.

C. LES ACTEURS CONCERNES

19. Les pratiques visées par la présente décision ont été mises en œuvre au sein du syndicat ISGH, qui réunissait plusieurs fabricants de séparateurs d’hydrocarbures.

1. L’ISGH

20. Initialement dénommé le syndicat des Industriels des Séparateurs préfabriqués Graisses et Hydrocarbures, le syndicat des fabricants d’ouvrages préfabriqués pour la dépollution des eaux pluviales, situé au 9 rue de Berri 75008 Paris, a été créé le 10 janvier 2006 et immatriculé sous le numéro 490 584 489.

21. Ce syndicat rassemblait une partie des industriels français concevant des matériels préfabriqués (en acier, en béton ou en matériaux de synthèse de type polyéthylène haute densité) destinés à piéger des pollutions issues des eaux pluviales (comme les séparateurs d’hydrocarbures pour le prétraitement ou les décanteurs-dépollueurs pour le traitement) et des eaux résiduaires (comme les séparateurs de graisses) et avait pour objectif de promouvoir la qualité et la sécurité desdits ouvrages.

22. Ses différentes missions consistaient en :

− la contribution à l’élaboration et à l’évolution des textes normatifs et réglementaires ;

− la préconisation de solutions et de produits fiables adaptés aux domaines d’application et aux exigences de rejets ;

− la représentation et l’entretien d’une collaboration de ses adhérents auprès des établissements publics, des administrations et des syndicats professionnels ;

− la coordination des actions des professionnels adhérents ;

− l’information et le conseil des installateurs, des distributeurs, des maîtres d’œuvre et des maîtres d’ouvrage ;

− la facilitation et l’exploitation des ouvrages préfabriqués en respectant les attentes des services techniques, des sociétés de maintenance et des organismes de contrôle ;

− la promotion des solutions innovantes pour contribuer à la préservation des ressources en eau en adéquation avec les attentes des exploitants.

23. Ce syndicat faisait partie de l’Union Nationale des Industries et Entreprises de l’Eau et de l’Environnement, qui dépend elle-même de la Fédération Nationale des Travaux Publics.

24. Les conditions d’entrée au syndicat sont énumérées à l’article 6 de ses statuts, dont la dernière version, du 27 septembre 20118 , indique, notamment, que l’adhésion implique de : « s'engager à respecter les chartes des membres actifs ».  

25. L’ISGH a été dissous le 14 mars 2018 à la suite de son absorption, la même année, par le syndicat des Industriels des solutions du Traitement et du Stockage des Eaux Pluviales (ci-après, « l’ITSEP »). Cette entité est le résultat de la fusion de l’ISGH avec le syndicat STORM (Industriels des SAUL ou structures alvéolaires ultralégères).

26. Le syndicat ISGH a été présidé par :

− M. X... (société SIMOP) du 10/01/2006 au 30/10/2008 ;

− M. Y... (société Saint-Dizier) du 30/10/2008 au 24/03/2009 ;

− M. Z... (société Saint-Dizier) du 24/03/2009 au 22/02/2011 ; et par

− M. A... (société Techneau) du 22/02/2011 jusqu’à la dissolution du syndicat en 2018.

27. Le tableau ci-dessous présente les dates d’adhésion et de sortie des différents membres du syndicat ISGH :

2. LES MEMBRES DU SYNDICAT

a) Les sociétés Franceaux et SIMOP

28. La société Franceaux SAS, qui était domiciliée au 136-138 rue Léon Jouhaux, 78500 Sartrouville, enregistrée au RCS de Versailles sous le numéro 558 500 542, était une société filiale à 100 % du groupe SIMOP. Elle a été dissoute le 10 octobre 2012 et son patrimoine transmis à SIMOP.

29. La société SIMOP est domiciliée au 10, rue Richedoux à Sainte-Mère-Église (50480) et inscrite au RCS de Cherbourg sous le numéro 304 971 641. Elle développe et produit du matériel destiné à l’épuration des eaux. Le 28 août 2017, la société SIMOP SAS a cessé son activité qui a été reprise par SIMOP France SAS, inscrite au même RCS sous le numéro 754 040 707 et domiciliée à la même adresse. Cette société est détenue à 100 % depuis 2006 par le groupe F2F (SAS).

30. Franceaux et SIMOP ont fait partie du syndicat ISGH de 2006 au 23 septembre 2010, date de leur exclusion.

b) La société ACO

31. ACO SAS est domiciliée à Le Quai À Bois 27940 Notre-Dame-de-l’Isle et enregistrée au RCS d’Évreux sous le numéro 732 016 399 00030. Depuis 2012, son capital est entièrement détenu par la société allemande ACO Severin Ahlmann Holding GmbH & Co.

32. ACO a été créée en 1977 et est la filiale française du groupe allemand ACO, principalement spécialisé dans les systèmes de drainage de surfaces des eaux de pluie, et notamment les caniveaux. Le groupe a parallèlement développé un ensemble de solutions permettant d’assurer de façon plus globale la collecte et le prétraitement des eaux de pluie et des eaux usées.

33. ACO a adhéré au syndicat en 2008 avant de démissionner en 2009 puis de réintégrer le syndicat en 2012, jusqu’à sa dissolution en 2018.

c) La société Bonna Sabla

34. La société Bonna Sabla SNC, située au 33, place des Corolles, Tour Europe la Défense, 92400 Courbevoie, est enregistrée sous le numéro SIRET 562 087 346 009529 Elle a été créée en 1998 et est spécialisée dans la fabrication d’éléments en béton pour la construction.

35. Bonna Sabla SNC a été absorbée le 26 janvier 2021 par Bonna Sabla SA, qui détenait précédemment son capital à 99,99 %, avec effet rétroactif au 1er janvier de la même année. La société Bonna Sabla SA, enregistrée sous le numéro SIREN 562 087 346 est détenue à hauteur de 99,99 % par la société Consolis Finance, antérieurement dénommée PCP Holding.

36. Le 30 juin 1999, Bonna Sabla a acquis la société Dunex par cession d’actions. Le 1er janvier 2008, le patrimoine de la société Dunex a été intégralement transféré à la société Bonna Sabla, entraînant ainsi la dissolution de la société Dunex.

37. La société Dunex était adhérente du syndicat depuis 200710. À la suite de son absorption par Bonna Sabla, cette dernière a adhéré au syndicat à compter du 1er janvier 2008. Bonna Sabla a démissionné du syndicat le 3 novembre 2016.

d) La société COC Environnement

38. COC Environnement est une SARL à associé unique, située à Plaine des Astres, 34310 Montady, enregistrée au RCS de Béziers sous le numéro 329 923 619 00012.

COC Environnement est principalement spécialisée dans le développement et la fabrication de produits P.R.F.V. (Polyester Renforcé avec Fibre de Verre) et thermoplastique.

39. Son capital est détenu à hauteur de 100 % par la société espagnole European Outsourcing Group.

40. Elle était adhérente du syndicat de 2007 à la dissolution de ce dernier en 2018.

e) La société Saint Dizier Environnement

41. La société Saint Dizier Environnement SAS est située au 135, route de la Reine, 92100 Boulogne Billancourt, et enregistrée au RCS de Nanterre sous le numéro 407 759 059 00097. Cette entreprise résulte de la fusion, en 2002, des sociétés ISD Environnement, créée en 1996 et Pan environnement. Elle conçoit, fabrique et commercialise des produits et solutions pour la gestion et le traitement des eaux pluviales et usées.

42. Saint Dizier Environnement est une filiale à 100 % de la société Saint Dizier Participations.

43. Elle a adhéré au syndicat de 2006 à la dissolution de ce dernier en 2018.

f) La société Stradal

44. La société Stradal SAS est sise 47 avenue des Genottes, 95800 Cergy Saint-Christophe, et enregistrée au RCS de Pontoise sous le numéro 301 984 563 00223. L’entreprise développe une large gamme de produits pour l'environnement de la maison, les espaces publics et les infrastructures de réseaux au service des collectivités, des entreprises spécialisées et des particuliers.

45. Son capital est détenu à 100 % par la SAS CRH France.

46. Elle a adhéré au syndicat du 3 mai 2011 à la dissolution de ce dernier en 2018.

g) La société Techneau

47. La société Techneau SAS est située en Zone Artisanale de la Chevalerie, 50570 Marigny-Le-Lozon, et enregistrée au RCS de Coutances sous le numéro 380 388 918 00027. Elle a été créée en 1990 et développe principalement des produits de traitement de l’eau.

48. Son capital était détenu à plus de 97 % par la SAS GAEAU. Le 16 juillet 2020, la SAS GAEAU a fait l’objet d’une fusion simplifiée par voie d’absorption par la SAS GAEAU Développement qui détenait l’intégralité de son capital, avec effet au 1er janvier 2020.

49. Techneau a participé à la création du syndicat en 2006 et est restée affiliée jusqu’à sa dissolution en 2018.

h) La société Wavin France

50. La société Wavin SAS est située dans la zone industrielle de la Feuillouse, BP5 03150 Varennes-sur-Allier, et enregistrée sous le numéro SIRET 837 150 424 00039.

51. Cette société, créée en 1971, est la filiale française du groupe néerlandais Wavin B.V., qui détient l’intégralité de son capital et est spécialisé dans la fourniture de systèmes de canalisations en matière plastique et de solutions de collecte, de traitement et de transport de l’eau.

52. Elle a adhéré au syndicat de 2013 à sa dissolution en 2018.

D. LES PRATIQUES CONSTATEES

1. LES CONDITIONS D’ADHESION AU SYNDICAT

53. Aux termes de l’article 6 des statuts de l’ISGH11, seules des entreprises françaises présentant des références et des garanties suffisantes sur leur niveau d’activité et leurs moyens de production peuvent demander à être admises au syndicat. Depuis la révision des statuts du 27 septembre 2011, l’article 6 prévoit que les demandeurs à l’admission doivent « s’engager à respecter les chartes des membres actifs ».

54. Les éléments au dossier révèlent l’existence de deux chartes, l’une concernant les séparateurs d’hydrocarbures12 et l’autre concernant les décanteurs particulaires.

55. L’adhésion au syndicat se fait après accord de son assemblée générale.

2. LES EXIGENCES DE LA CHARTE RELATIVE AUX SEPARATEURS D’HYDROCARBURES

a) La règle du temps de passage fixée par la charte du 13 janvier 2006

56. Dès le premier mois d’existence du syndicat, celui-ci a élaboré une charte, appelée à l’origine « Charte des membres actifs de l’ISGH », reprenant différentes caractéristiques afférentes aux séparateurs d’hydrocarbures.

57. Les conditions à respecter par tous les adhérents sont déclinées dans le préambule de cette charte en 5 items :

− respect et preuve des éléments techniques et commerciaux communiqués aux clients ;

− pouvoir attester de l’existence sur une partie de sa gamme de matériels certifiés NF dans un délai de 18 mois ;

− posséder ou engager une démarche de certification ISO 9001-2000 ;

− respecter les règles de relation de courtoisie et de bonne confraternité entre tous les adhérents et leur personnel ; et

− engagement à participer aux débats et réunions de manière régulière et active.

58. Ensuite, la charte prévoit une « démarche produit » pour les débourbeurs séparateurs de taille strictement supérieure à 10 litres par seconde (ci-après, « l/s ») rédigée dans les termes suivants : « Tous les appareils de taille strictement supérieure à 10 l/s devront avoir un volume utile total minimum de cuve de 190 secondes fois le débit traité. Ce volume sera calculé en prenant comme référence la hauteur du fil d’eau de sortie (au repos). Pour les appareils sans débourbeur, le volume utile total minimum sera de 90 fois le débit traité. Pour déroger à cette règle l’adhérent devra attester sur chaque référence de test selon le protocole d’essai de la norme EN 858-1 et visé par un laboratoire accrédité COFRAC. » (soulignement ajouté).

59. Ainsi, la charte impose aux membres du syndicat que leurs produits respectent un critère de temps de passage des liquides dans l’enceinte de séparation du produit (ci-après, « la règle des 190 secondes » ou « la règle du temps de passage »). Ce temps de passage est calculé différemment selon les caractéristiques du produit : − pour un séparateur composé d’un seul compartiment, est retenu un temps de passage de 90 secondes ; − pour un séparateur équipé de deux compartiments, à savoir, un débourbeur et un séparateur, le temps de passage peut se calculer : • soit en deux temps : sont retenus un temps de passage de 100 secondes dans le compartiment débourbeur et un temps de passage de 90 secondes dans le compartiment séparateur ; • soit en un seul temps total de 190 secondes résultant de l’addition des temps de passage dans les deux compartiments.

60. Les adhérents peuvent déroger à la règle s’ils sont en mesure d’attester que des tests ont été réalisés selon le protocole d’essai de la norme européenne EN 858-1, par un laboratoire indépendant sur chacune des références commercialisées.

61. Selon les déclarations recueillies lors de l’enquête administrative, cette donnée de temps de passage minimum de 190 secondes s’inspirerait d’une norme allemande, la norme DIN (« Deutsches Institut für Normung », Institut allemand de normalisation) 1999, relative aux « Séparateurs pour liquides légers : séparateurs d’essence, séparateurs de mazout », qui prévoit un temps de stationnement du liquide selon la taille du séparateur13. Selon cette norme DIN, la durée minimale de passage (ou temps de stationnement, dans les termes de la DIN) pour les tailles nominales les plus faibles de séparateurs serait de 3 minutes, soit 180 secondes. Selon le rapport administratif d’enquête, ce standard allemand de 180 secondes aurait permis au syndicat de justifier le temps de passage dans un séparateur de deux compartiments de 190 secondes, sans toutefois que les 10 secondes supplémentaires aient pu être expliquées par les professionnels contrôlés14.

b) Évolution des critères techniques de la charte au cours des années

62. Entre la charte originelle élaborée en 2006 et la version du 11 septembre 2014, en cours au moment de la dissolution du syndicat, des révisions de points techniques ont été apportées à six reprises, la norme EN 858-1 n’ayant subi, quant à elle, aucune modification depuis 2003. La règle du temps de passage a été modifiée à l’occasion de trois révisions du 30 mars 2006, du 13 mars 2007 et du 2 octobre 2009. Les autres révisions du 27 août 200815, du 27 septembre 201116 et du 11 septembre 201417 précisent d’autres points techniques et apportent des modifications formelles au document. En particulier, après la révision du 27 septembre 2011, la charte ne s’appelle plus « Charte des membres actifs de l’ISGH » mais « Charte séparateurs d’hydrocarbures ».

63. Ces chartes modifiées ont été soit systématiquement signées par l’ensemble des entreprises adhérentes au syndicat à la date de modification de la version précédente, soit validées à l’occasion de l’assemblée générale convoquée après la révision du document.

La révision du 30 mars 2006

64. La première révision des points techniques a eu lieu le 30 mars 200618. Outre des modifications du premier et deuxième item du préambule, la règle relative au temps de passage a été précisée. En effet, la règle relative à la démarche produits des séparateurs d’hydrocarbures s’applique désormais aux « débourbeurs séparateurs n’ayant pas de marquage NF et de taille strictement supérieure à 10 l/s ».

65. Ainsi, selon cette nouvelle version de la charte, les appareils ayant le marquage NF ne seraient pas tenus de respecter la règle du volume utile total minimum car ils répondraient déjà à une exigence de qualité. Cet ajout permettait donc aux entreprises adhérentes disposant de ce marquage de ne pas avoir des appareils ayant forcément un volume utile total minimum de 190 secondes multiplié par le débit traité. Ainsi, seuls les appareils de taille supérieure à 10 l/s et ne disposant pas de marquage NF étaient, selon cette version de la charte, concernés par la condition de volume utile instaurée par la charte.

La révision du 13 mars 2007

66. Dans le cadre de la deuxième révision de la charte19, le champ d’application de la règle du temps de passage a été élargi, avec la suppression de la mention relative aux débourbeurs séparateurs « de taille strictement supérieure à 10 l/s ». À la suite de cette révision, la règle relative au temps de passage s’appliquait à l’ensemble des séparateurs débourbeurs ne disposant pas de marquage NF et ce, indépendamment de la taille nominale du produit.

67. Cette nouvelle version de la charte a été validée à l’occasion de l’assemblée générale qui s’est tenue le même jour20.

La révision du 2 octobre 2009

68. La révision de la charte du 2 octobre 200921 concernait uniquement la démarche produit de cette charte. Cette version a été validée par tous les adhérents, comme l’indique le compte rendu de réunion ISGH du 12 novembre 200922.

69. Un paragraphe supplémentaire, intégré à la démarche produits des séparateurs d’hydrocarbures, stipule que « Les appareils de taille nominale supérieure à 10 (séparateurs classe 1 et 2) devront avoir un volume utile totale [sic] minimum de 190 fois le débit traité, y compris pour les appareils bénéficiant de la marque NF. Cette règle s’applique pour les appareils sans débourbeur, en se basant sur un volume utile totale [sic] minimum correspondant à 90 fois le débit traité » (soulignement ajouté).

70. Aussi, aux termes de cette nouvelle version, les séparateurs d’hydrocarbures de taille supérieure à 10 l/s devaient respecter la règle du temps de passage, y compris les séparateurs disposant par ailleurs du marquage NF.

71. Selon le rapport d’enquête, aucune observation ou réserve n’a été présentée au cours de cette évolution de la charte, à l’exception de M. X…, représentant des entreprises SIMOP et Franceaux, qui a fait part de son objection au cumul des règles ainsi institué.

72. Les modifications de la règle du temps de passage au fil des révisions de la charte peuvent être schématisées de la manière suivante, les croix matérialisant les appareils devant respecter la règle de 190 secondes. Le surlignement bleu signifie que ces appareils peuvent déroger à la règle des 190 secondes si, sur chaque référence d’appareil, il est possible à l’entreprise d’attester d’un procès-verbal de test selon le protocole d’essai de la norme EN 858-1 :

3. LA DIFFUSION DE LA REGLE DES 190 SECONDES PAR LE SYNDICAT

73. L’enquête administrative a révélé l’intention du syndicat de communiquer sur cette règle du temps de passage, qui n’était pourtant imposée ni par la réglementation, ni par les normes en vigueur. Certains adhérents ont effectivement communiqué sur cette règle, qui a également été identifiée dans le cahier des charges de certains appels d’offres.

a) La volonté du syndicat de communiquer sur la règle du temps de passage

74. Il ressort des procès-verbaux des assemblées générales du syndicat recueillis dans le cadre de l’enquête administrative que l’ISGH a voulu communiquer auprès des professionnels du secteur sur la nécessité de garantir un volume minimal des séparateurs d’hydrocarbures.

Le document intitulé « Mise en garde »

75. Lors de l’assemblée générale du 22 janvier 2010, constatant que certains opérateurs sur le marché ne respectaient pas les règles déterminées dans sa charte, le syndicat a décidé de préparer un document de mise en garde à l’égard de ses différents interlocuteurs (distributeurs, prescripteurs, installateurs) sur les caractéristiques techniques des séparateurs d’hydrocarbures23.

76. Le document, dont la première version date du 15 novembre 2010, se présente ainsi24 :

Le document intitulé « Avertissement »

77. Dès le mois de janvier 2006, le syndicat a souhaité promouvoir la diffusion d’un support commun spécifique à la règle du temps de passage, qui avait vocation à être annexé par l’ensemble de ses membres à toutes leurs offres commerciales25. Ce document a été discuté lors des assemblées générales des 11 janvier 2006, 24 mars 200926, 6 mai 200927, 12 juin 201328, 19 septembre 201329, 6 novembre 201330, 3 mars 201431 et 11 septembre 201432.

78. La dernière version du document présentée à l’occasion de l’assemblée générale du 11 septembre 2014 figure ci-dessous :

La participation à des salons professionnels et les publications

79. Il ressort du rapport administratif d’enquête que l’ISGH a participé à plusieurs salons et évènements professionnels. Certains procès-verbaux d’assemblée générale font état de la communication de représentants du syndicat sur la règle du temps de passage à ces occasions, notamment à l’occasion de participations à des conférences33.

80. Lors de ces assemblées générales, le principe de la participation du syndicat à la rédaction d’articles portant notamment sur le dimensionnement des séparateurs d’hydrocarbures a également été évoqué, sans qu’aucune publication concrète n’ait été établie lors de l’instruction34.

b) La diffusion de la règle des 190 secondes par les membres du syndicat

81. Le rapport administratif d’enquête a identifié certains supports sur lesquels des membres du syndicat ont communiqué sur la règle des 190 secondes. Néanmoins, le rapport relève également le témoignage de plusieurs membres du syndicat, qui indiquent n’avoir jamais diffusé les documents proposés par l’ISGH.

Techneau

82. Dans un catalogue de vente édité en septembre 2016, Techneau explique les normes applicables aux séparateurs d’hydrocarbures et fait état de la conformité de ses appareils à la charte de l’ISGH. Le catalogue explique que, selon cette charte, le dimensionnement d’un séparateur doit respecter la règle des 190 secondes35.

83. La société Techneau a, par ailleurs, joint à un devis du 3 octobre 2016 à destination de la société PUM Plastiques l’avertissement mentionné ci-dessus, mais à l’entête de sa société (sans mention du syndicat ISGH)36.

Bonna Sabla

84. Dans une fiche de prospection commerciale éditée en 2016, l’entreprise indique sous la rubrique « Performance » de ses produits : « volume de traitement basé sur la règle des 190 secondes (selon la charte de qualité ISGH) ». Il est indiqué au pied du document « Bonna Sabla respecte la charte de qualité séparateur hydrocarbure en tant que membres ISGH (respect de la règle des 190 secondes pour le calcul du volume utile total). ATTENTION : au-delà de cette valeur, l’efficacité même du séparateur peut être remise en cause car les risques de relargage sont très élevés »37.

Saint Dizier

85. Dans un catalogue de l’entreprise édité en 2016, il est indiqué : « En sa qualité de membre fondateur et adhérent au syndicat professionnel ISGH, nos ouvrages sont en conformité avec les chartes établies par les fabricants d’ouvrages préfabriqués pour la dépollution des eaux pluviales. Le respect d’un temps de séjour de 90 secondes pour la chambre de séparation des liquides légers est ainsi appliqué sur nos ouvrages titulaires du seul marquage CE, mais Saint Dizier environnement privilégie une conformité à l’intégralité des exigences de la norme européenne EN 858 par une certification tierce partie avec l’obtention de la marque de qualité volontaire NF, développée au chapitre 3 « Marquage CE et marque NF »38.

86. Ensuite, à l’occasion de la présentation des différents modèles, le catalogue rappelle à chaque fois que le produit respecte la règle des 190 secondes39.

87. En revanche, s’agissant du document « Avertissement », la société a déclaré que « A notre niveau, nous n’avons pas imprimé cet avertissement et il n’a pas été diffusé par Saint-Dizier, à ma connaissance. En effet, les exigences de la charte rappelées dans cet avertissement sont inférieures à la certification NF qui est notre cheval de bataille»40.

COC Environnement

88. COC Environnement a déclaré joindre le document « Avertissement » (à l’entête ISGH) à ses devis41. Au moins quatre exemples sont versés au dossier42. Il convient de noter que cette société déclare ne pas démarcher les clients finaux, mais uniquement les négociants dont les deux principaux sont, en France, Plum Plastiques et Frans Bonhomme.

89. COC Environnement a indiqué avoir obtenu de ce dernier que l’avertissement soit inclus également dans le catalogue du négociant Frans Bonhomme43. Le rapport administratif d’enquête relève à cet égard qu’à compter de février 2014, le catalogue du négociant incluait un encadré indiquant que « Pour garantir l’EFFICACITE d’un séparateur à hydrocarbures avec débourbeur il faut respecter : son VOLUME UTILE MINIMUM = DEBIT x 190 »44. Stradal

90. Cette société a indiqué, s’agissant du document « Avertissement », que « cet avertissement n’a jamais été communiqué par nos soins, en interne ni à nos revendeurs ni à nos utilisateurs »45. Wavin

91. La société Wavin a déclaré que « nous n’avons jamais utilisé l’avertissement ISGH et ne l’avons jamais communiqué, malgré les recommandations du syndicat. Il n’a pas non plus été diffusé en interne »46.

c) La présence de la règle des 190 secondes dans certains appels d’offres

92. Le rapport administratif d’enquête a relevé que le respect de la règle des 190 secondes figurait parmi les exigences du cahier des charges de six appels d’offres et d’une demande de devis (deux publics et cinq privés).

93. S’agissant des deux appels d’offres publics : − les dispositions techniques particulières relatives au remplacement du séparateur à hydrocarbures de la caserne Moussy à Mutzig prévoyaient, s’agissant du séparateur d’hydrocarbures, un « Equipement respectant la charte ISGH »47 ; − dans la désignation des fournitures de la ZAC du haut Wissous 2, le séparateur d’hydrocarbures devait comporter « un temps de séjour des effluents supérieur à 190 secondes »48.

94. S’agissant des appels d’offres privés : − l’appel d’offres de l’aéroport de Montpellier Méditerranée prévoyait, dans son point 2.6.3.8 « Séparateur d’hydrocarbures », un « temps de séjour de 190s »49 ; − l’appel d’offres pour l’aménagement d’une aire de remplissage et lavage de pulvérisateurs agricoles, de juillet 201650, prévoyait en ses points : • 13.7 Séparateur hydrocarbures sur réseau d’assainissement d’eaux usées : « le volume total de l'appareil [...] respectera automatiquement la formule Vu > TN x 190s » ; et • 15.10 Séparateur hydrocarbures sur réseau pluvial : « le volume total de l'appareil [...] devra être dimensionné selon la formule Vu > TN x 190s [...] type Techneau EHI006D » ; − l’appel d’offres concernant le parc de stationnement du centre commercial Val d’Europe à Serris en 201551 indiquait, dans la rubrique « Eaux usées », un « temps de passage : 190s » ; − sur le projet portant sur les réseaux d’assainissement des résidences Alsace 1 et 2 à Saint-Maur-des-Fossés52, dans sa partie A. Séparateur à hydrocarbures à 5 l/s, un « Temps de passage minimum de 190 secondes » était prévu, de même que dans la partie B. Séparateur à hydrocarbures à 10 l/s les termes : « Temps de passage minimum de 190 secondes » ; enfin − dans le cadre de sa demande de devis du 2 décembre 2014, la société H-TUBE Pithiviers demandait un dessableur/séparateur à hydrocarbures comportant un « temps de passage minimum de I90s » 53.

d) Les actions entreprises par le syndicat ISGH à l’égard d’entreprises tierces

95. Le rapport administratif d’enquête fait référence à des actions menées par le syndicat ISGH à l’encontre de trois sociétés, à savoir, PR. OCIDO, MSE et SEBICO concernant des soupçons de non-conformité des produits aux normes européennes applicables54.

96. Néanmoins, l’initiative prise à l’encontre de PR. OCIDO, consistant à faire tester un échantillon de produit de cette société par un laboratoire indépendant, en vue d’établir l’existence de non-conformités du produit à la réglementation applicable, n’apparaît pas en lien avec un non-respect de la règle des 190 secondes. Le syndicat semble avoir envisagé des actions de même nature à l’encontre de MSE et SEBICO mais celles-ci ne semblent pas s’être poursuivies au-delà d’échanges informels.

E. LE GRIEF NOTIFIE

97. Les services d’instruction ont notifié le 2 juin 2020 le grief suivant : « Il est fait grief : − à l’entreprise Franceaux pour sa participation directe en tant qu’auteure et à la société F2F en sa qualité de mère exerçant une influence déterminante sur la société Franceaux, − à l’entreprise SIMOP pour sa participation directe en tant qu’auteure et à la société F2F en sa qualité de mère exerçant une influence déterminante sur la société SIMOP, − à l’entreprise Saint Dizier Environnement, pour sa participation directe en tant qu’auteure et à la société Saint-Dizier Participations en sa qualité de mère exerçant une influence déterminante sur la société Saint-Dizier, − à l’entreprise Techneau, pour sa participation directe en tant qu’auteure et à la société Gaeau en sa qualité de mère exerçant une influence déterminante sur la société Techneau, − à l’entreprise COC, pour sa participation directe en tant qu’auteure et à la société European Outsourcing Group en sa qualité de mère exerçant une influence déterminante sur la société COC, − à l’entreprise Dunex, pour sa participation directe en tant qu’auteure et à la société Bonna Sabla en sa qualité de mère exerçant une influence déterminante sur la société Dunex, − à l’entreprise Bonna Sabla, pour sa participation directe en tant qu’auteure et à la société Consolis France55 en sa qualité de mère exerçant une influence déterminante sur la société Bonna Sabla, − à l’entreprise ACO, pour sa participation directe en tant qu’auteure et à la société Severin Ahlmann Holding GMBH&CO en sa qualité de mère exerçant une influence déterminante sur la société ACO, − à l’entreprise Stradal, pour sa participation directe en tant qu’auteure et à la société CRH France en sa qualité de mère exerçant une influence déterminante sur la société Stradal, − à l’entreprise Wavin, pour sa participation directe en tant qu’auteure et à la société Wavin VB en sa qualité de mère exerçant une influence déterminante sur la société Wavin, d’avoir, de leur date d’adhésion au syndicat ISGH à leur date de sortie du syndicat ou à défaut à la dissolution de ce dernier le 14 mars 2018, dans le secteur du traitement des eaux pluviales, participé à une entente anticoncurrentielle visant à exclure ou limiter l’accès de certains fabricants de séparateurs d’hydrocarbures au marché des séparateurs d’hydrocarbures, par l’élaboration d’une charte contenant une règle de temps de passage non exigée par le corpus réglementaire et non justifiée techniquement et diffusé cette règle auprès des acheteurs. Cette pratique a eu pour objet et a pu avoir pour effet de restreindre et de fausser le jeu de la concurrence sur ce marché. Elle est prohibée par l’article L. 420-1 du code de commerce et par l’article 101§1 du TFUE. ».

II. Discussion

A. SUR L’APPLICATION DU DROIT DE L’UNION

1. PRINCIPES APPLICABLES

98. L’article 101 du TFUE dispose que « sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur (…) ».

99. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et la communication de la Commission européenne portant lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 101 et 102 du TFUE56 (ci-après, « les lignes directrices ») trois éléments doivent être établis pour que des pratiques soient susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre États membres de l’Union : l’existence d’un courant d’échanges entre les États membres portant sur les produits en cause, l’existence de pratiques susceptibles d’affecter ces échanges et le caractère sensible de cette affectation.

100. La circonstance que les pratiques sanctionnées ne soient commises que sur le territoire d’un seul État membre ne fait pas obstacle à ce que le commerce entre États membres soit susceptible d’être affecté. À cet égard, la Cour de cassation a jugé que les termes « susceptibles d’affecter » énoncés par les articles 101 et 102 du TFUE « supposent que l’accord ou la pratique abusive en cause permette, sur la base d’un ensemble d’éléments objectifs de droit ou de fait, d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres, sans que soit exigée la constatation d’un effet réalisé sur le commerce intracommunautaire »57.

101. Au point 22 des lignes directrices, la Commission européenne souligne que « [l]’application du critère de l'affectation du commerce est indépendante de la définition des marchés géographiques en cause, car le commerce entre États membres peut également être affecté dans des cas où le marché en cause est national ou subnational ».

102. Par ailleurs, la Commission européenne rappelle au point 61 de ses lignes directrices que « Dans la quasi-totalité des cas, les accords et pratiques couvrant ou mis en œuvre dans plusieurs États membres sont, par leur nature même, susceptibles d’affecter le commerce entre États membres ».

103. S’agissant du troisième élément, la Cour de cassation a jugé que « le caractère sensible de l’affectation directe ou indirecte, potentielle ou actuelle, du commerce intracommunautaire résulte d’un ensemble de critères, parmi lesquels la nature des pratiques, la nature des produits concernés et la position de marché des entreprises en cause »58.

2. APPRECIATION EN L’ESPECE

104. Wavin, COC Environnement et Saint Dizier contestent la dimension européenne des pratiques et l’applicabilité de l’article 101 du TFUE.

105. Néanmoins, plusieurs éléments au dossier tendent à démontrer que le commerce entre États membres est susceptible d’être affecté par les pratiques incriminées.

106. En premier lieu, il existe un courant d’échanges entre États membres en ce qui concerne les séparateurs d’hydrocarbures. Ainsi, Wavin indique dans ses observations en réponse à la notification de griefs que l’intégralité des séparateurs d’hydrocarbures qu’elle intègre dans ses solutions globales sont produits par la filiale finlandaise du groupe (gérée par Wavin Danemark) et « ne font l’objet d’aucune adaptation destinée au marché français »59. De la même manière, le groupe ACO indique produire l’intégralité de ses séparateurs d’hydrocarbures en Allemagne60. COC Environnement a également déclaré aux services d’instruction que « Mes séparateurs en Polyester et polyéthylène sont fabriqués à Montady, et ceux en acier le sont en Espagne puis finis ici. »61. Aussi, même si, comme l’allèguent certaines mises en cause, des différences normatives peuvent exister entre certains États membres, ces différences n’ont manifestement pas empêché le développement d’échanges au sein du marché unique.

107. Il convient par ailleurs, de rappeler que, contrairement à ce qu’avancent ces entreprises, le fait que le marché pertinent ait été défini comme ayant une dimension nationale est sans incidence sur l’applicabilité de l’article 101 TFUE aux pratiques en cause, cette question étant, comme l’explique la Commission au point 22 de ses lignes directrices rappelé ci-dessus, indépendante de celle de la définition du marché pertinent.

108. En deuxième lieu, les pratiques ont trait aux exigences normatives applicables aux séparateurs d’hydrocarbures en vue de leur commercialisation en France. Ces pratiques sont susceptibles de compromettre l’accès au marché des opérateurs issus d’autres États membres qui ne répondraient pas aux critères proposés par le syndicat ISGH. Les pratiques sont donc susceptibles d’affecter le commerce entre États membres.

109. En troisième lieu, les pratiques concernent les principaux opérateurs actifs sur le marché des séparateurs d’hydrocarbures en France, qui représentent une part substantielle du marché. Les pratiques reprochées, en ce qu’elles pourraient avoir pour conséquence d’imposer des normes non obligatoires à l’ensemble des opérateurs actifs sur le marché, sont susceptibles de cloisonner le marché français des séparateurs d’hydrocarbures.

110. Il résulte de ce qui précède que les pratiques en cause sont susceptibles d’avoir affecté de façon sensible le commerce entre les États membres. Elles doivent, en conséquence, être examinées tant au regard des règles de concurrence de l’Union que des règles internes.

B. LA DEFINITION DU MARCHE PERTINENT

111. Dans sa communication sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence, la Commission rappelle, qu’« un marché de produits en cause comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés »62.

112. Au niveau national, l’Autorité estime que « Le marché, au sens où l'entend le droit de la concurrence, est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l'offre et la demande pour un produit ou un service spécifique. […]. Une substituabilité parfaite entre produits ou services s'observant rarement, le Conseil regarde comme substituables et comme se trouvant sur un même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande »63.

113. Néanmoins, il résulte de la jurisprudence de l’Union, que « l’obligation d’opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l’article [101 TFUE] s’impose à la Commission uniquement lorsque, sans une telle délimitation, il n’est pas possible de déterminer si l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d’affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun »64.

114. Il en va de même de la pratique décisionnelle du Conseil de la concurrence et de celle de l’Autorité qui, lorsque « les pratiques (…) sont recherchées au titre de la prohibition des ententes (…) » estime qu’« (…) il n’est pas nécessaire de définir le marché avec précision, comme en matière d’abus de position dominante, dès lors que le secteur et les marchés ont été suffisamment identifiés pour permettre de qualifier les pratiques qui y ont été constatées et de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en œuvre ».65

115. En l’espèce, les pratiques constatées ont été mises en œuvre dans le secteur du traitement des eaux pluviales et particulièrement dans celui de la fabrication et la commercialisation de séparateurs d’hydrocarbures. Elles ont revêtu une dimension nationale.

116. Il résulte de ce qui précède que le marché concerné par les pratiques constatées est le marché français de la fabrication et de la commercialisation de séparateurs d’hydrocarbures, sans qu’il soit besoin d’en déterminer une segmentation plus fine.

C. SUR LE BIEN-FONDE DU GRIEF NOTIFIÉ

117. Le grief notifié porte sur l’élaboration, l’adoption et la diffusion, par les membres du syndicat ISGH, d’une charte relative aux séparateurs d’hydrocarbures contenant des spécificités de nature à évincer certains concurrents du marché des séparateurs d’hydrocarbures. Il conviendra donc d’analyser, tout d’abord, si le comportement reproché résulte d’un accord de volontés entre les différentes mises en cause constituant une décision d’associations d’entreprises (1) puis d’examiner, ensuite, s’il présente un caractère anticoncurrentiel (2).

1. SUR L’EXISTENCE D’UN ACCORD DE VOLONTES

a) Les principes applicables

118. Les articles 101, paragraphe 1 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce prohibent les ententes, pratiques concertées et décisions d’association d’entreprises restrictives de concurrence qui résultent d’accords de volontés entre entités autonomes.

119. S’agissant des pratiques mises en œuvre par des organismes collectifs (syndicats, associations, ordres professionnels, etc.), la Cour de cassation a jugé, par un arrêt de principe du 16 mai 200066, que ces organismes représentent « la collectivité de [leurs] membres et (...) [qu’] une pratique susceptible d’avoir un objet ou un effet anticoncurrentiel mise en œuvre par un tel organisme révèle nécessairement une entente, au sens de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, entre ses membres ».

120. Il ressort d’une jurisprudence constante que ce type d’entente peut résulter de tout acte émanant des organes d’un groupement professionnel, tel qu’un règlement professionnel, un règlement intérieur, un barème ou une circulaire. En effet, « l’élaboration et la diffusion, à l'initiative d'un syndicat professionnel, d'un document destiné à l'ensemble de ses adhérents peuvent (…) constituer une entente, une action concertée contraire à l'article L. 420-1 du code de commerce si ceux-ci ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence »67.

121. Ainsi, les organismes professionnels peuvent être sanctionnés pour des pratiques qui, bien que d’apparence unilatérale, constituent en réalité des ententes en ce qu’elles expriment la volonté collective de leurs membres. Ce principe a été rappelé par l’Autorité dans la décision n° 18-D-06 du 23 mai 201868, qui énonce que « les décisions des organismes collectifs, bien que se présentant comme des actes unilatéraux, résultent d’un accord de volonté de leurs membres et sont, à ce titre, susceptibles de relever des règles de prohibition des ententes ».

122. En effet, ce type d’infraction constitue une décision d’association d’entreprises. Cette notion concerne « les formes institutionnalisées de coopération, c’est-à-dire les situations où les opérateurs économiques agissent par l’intermédiaire d’une structure collective ou d’un organe commun »69.

123. Une telle qualification requiert que l’association soit composée d’entreprises70. En outre, la décision en cause doit constituer l’expression fidèle de la volonté de l’association de coordonner le comportement de ses membres sur le marché71.

b) Application en l’espèce

124. Stradal conteste que les décisions de l’ISGH, portant sur l’élaboration de la charte et des documents visant à diffuser les normes de la charte, puissent lier l’ensemble des membres du syndicat. Selon Stradal, elle n’était pas membre du syndicat au moment de l’élaboration de la charte et le respect de la charte ne constituerait pas, selon elle, une condition d’adhésion au syndicat.

125. Néanmoins, ainsi qu’il ressort des paragraphes 62 à 72 ci-dessus, la charte a été révisée à six reprises entre 2006 et 2014, la dernière modification datant du 27 septembre 2011. Les différentes versions de la charte ont été soit signées par l’ensemble des adhérents au syndicat, soit approuvées à l’occasion de l’assemblée générale faisant suite à la révision. S’il est vrai que l’engagement de respecter la charte des membres actifs, en tant que condition d’adhésion au syndicat, n’a été ajouté qu’à l’occasion de la modification des statuts du 27 septembre 201172, la charte, dont le titre fait explicitement référence aux membres actifs jusqu’en 2011, existe depuis la création du syndicat en 2006 et a été modifiée à plusieurs reprises avec l’approbation explicite ou implicite de l’ensemble des membres actifs du syndicat.

126. Dès lors, en adoptant la charte ou en adhérant au syndicat alors que la charte était en vigueur, l’ensemble des membres du syndicat ISGH ont manifesté leur volonté d’adhérer à la démarche décrite dans ce document et, notamment, au respect de la règle de 190 secondes comme gage de qualité du produit.

127. Il convient de noter, à cet égard, qu’il ressort également des paragraphes 73 à 80 ci-dessus que soit la charte, soit les différents supports de communication autour de la charte ou de la règle des 190 secondes, ont été discutés à l’occasion de différentes assemblées générales du ISGH.

128. Il résulte de ce qui précède que la charte constitue une décision d’association d’entreprises visant à imposer aux membres du syndicat ISGH le respect d’un certain nombre de conditions dans l’élaboration des produits qu’ils commercialisaient, parmi lesquelles figure la norme des 190 secondes.

2. SUR LA RESTRICTION DE CONCURRENCE

a) Les principes applicables

129. Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour de justice que « pour relever de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, un accord doit avoir “pour objet ou pour effet” d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur. Selon une jurisprudence constante de la Cour depuis l’arrêt du 30 juin 1966, LTM (56/65, EU:C:1966:38), le caractère alternatif de cette condition, marqué par la conjonction « ou », conduit d’abord à la nécessité de considérer l’objet même de l’accord »73.

130. Le juge de l’Union a précisé qu’il convient, « afin d’apprécier si un accord entre entreprises ou une décision d’association d’entreprises présente un degré suffisant de nocivité pour être considéré comme une restriction de concurrence «par objet» au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE de s’attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère. Dans le cadre de l’appréciation dudit contexte, il y a lieu également de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question »74.

131. La Cour de justice indique également que « dans l’hypothèse où l’analyse d’un type de coordination entre entreprises ne présenterait pas un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, il conviendrait, en revanche, d’en examiner les effets et, pour l’interdire, d’exiger la réunion des éléments établissant que le jeu de la concurrence a été, en fait, soit empêché, soit restreint, soit faussé de façon sensible »75.

132. Les autorités de concurrence considèrent généralement que les accords de normalisation entre entreprises, qui ont pour objectif de définir les exigences techniques ou de qualité auxquelles les produits doivent répondre, ont des effets économiques positifs substantiels et peuvent donc avoir un caractère pro-concurrentiel76. Néanmoins, comme le relève l’Autorité dans son Étude sur les organismes professionnels, « une normalisation réalisée à mauvais escient peut affecter l’efficacité économique et restreindre la concurrence ; il en est ainsi notamment (…) si elle permet l’homologation d’une norme biaisée au profit de certains acteurs du marché, lesquels peuvent alors l’instrumentaliser pour ériger une barrière à l’entrée de concurrents ou d’innovateurs. Ces accords peuvent produire des effets restrictifs sur la concurrence, notamment lorsqu’ils limitent et contrôlent la production sur les marchés, l’innovation ou les développements techniques »77.

133. En effet, comme le soulignent les lignes directrices de la Commission sur les accords horizontaux, « une fois qu’une technologie a été retenue et que la norme a été définie, des technologies et entreprises concurrentes peuvent se heurter à une barrière à l’entrée et être potentiellement exclues du marché »78. Ainsi, constitue une restriction par objet « un accord permettant à une association nationale de fabricants de fixer une norme et d’exercer des pressions sur des tiers pour qu'ils ne commercialisent pas de produits ne répondant pas à cette norme »79. Néanmoins, la Commission précise que « [e]n l'absence de pouvoir de marché, un accord de normalisation n'est pas à même de produire des effets restrictifs sur la concurrence. Ces derniers sont dès lors peu probables lorsqu'il existe une concurrence effective entre plusieurs normes dont l'application est facultative »80.

134. À cet égard, le Tribunal de l’Union a également eu l’occasion de rappeler dans un arrêt du 12 mai 2010, EMC Development/Commission que, pour qu’une norme adoptée par un organisme collectif puisse constituer une restriction de concurrence, il convient de démontrer que « la situation sur le marché a été modifiée du fait de l’adoption de la norme »81.

135. Aussi, le fait pour un groupement professionnel d’imposer à ses membres (notamment, pour l’adhésion au groupement ou pour assurer leur permanence au sein de ce dernier) le respect d’une norme allant au-delà des exigences réglementaires applicables, n’est susceptible de constituer une restriction de concurrence que si l’imposition de cette norme est susceptible de restreindre ou de rendre plus difficile l’accès au marché ou à une part essentielle ou significative du marché.

136. À cet égard, l’accès au marché (ou à une part essentielle ou significative du marché) peut être rendu plus difficile notamment, en premier lieu, si l’appartenance au groupement qui impose le respect de la norme comme condition d’adhésion est nécessaire ou constitue un avantage concurrentiel pour opérer sur le marché concerné ou, en second lieu, si les agissements du groupement ont pour conséquence de rendre obligatoire ou nécessaire le respect de cette norme aux yeux des clients ou d’autres opérateurs sur le marché.

137. Selon la première approche, une démarche collective de certification comme, par exemple, la constitution d’un label de qualité ou encore la constitution d’un système d’identification professionnelle conduisant à sélectionner des entreprises en fonction de leur aptitude à réaliser des travaux ou en fonction de certains critères de qualité, constitue une entente entre les entreprises qui adhèrent à cette démarche.

138. Une telle entente est illicite si : − d’une part, l’obtention du label ou de la certification est indispensable pour exercer une activité ; et, − d’autre part, si les critères d’octroi de cette certification ne sont pas suffisamment objectifs et clairs et se prêtent à une application discriminatoire, permettant ainsi d’évincer des concurrents du marché concerné par le label ou une autre qualification, par des moyens autres que ceux fondés sur les mérites de l’entreprise82.

139. À cet égard, la même approche est retenue par la pratique décisionnelle de l’Autorité s’agissant de règles qui conditionnent l’adhésion à un groupement d’entreprises. En effet, de telles règles ne sauraient relever de la prohibition des ententes que si leur application conduit à fausser la concurrence, en empêchant ou en limitant l’accès au marché ou à une part essentielle ou significative du marché pour les entreprises qui ne sont pas admises à ce groupement83. À ce titre, la cour d’appel de Paris a jugé qu’aucune entente anticoncurrentielle n’était établie à l’encontre d’une chambre syndicale dès lors que les conditions d’adhésion à cette organisation : « ne peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché concerné ». Plus précisément, l’arrêt relève que : « si l’admission par cooptation de nouveaux membres au sein d’une organisation professionnelle ne constitue pas en elle-même une pratique contraire au droit de la concurrence, une telle pratique peut porter atteinte au fonctionnement de la libre concurrence si l’adhésion à cette organisation professionnelle est une condition de l’accès au marché »84.

140. Cependant, comme l’a précisé l’Autorité dans sa décision n° 18-D-04 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production et de la commercialisation de viande en Martinique85, la notion de restriction de concurrence ne se limite pas à ce seul cas, qui peut paraître inadapté dans certaines situations de marché. Ainsi, l’Autorité admet aussi que la estriction de concurrence est établie si l’adhésion au groupement est une condition de « l’accès à une part essentielle du marché »86, ou qu’elle est « un facteur essentiel de contact avec la clientèle locale », ce qui a pour conséquence que le refus d’admission peut « limiter l’accès des artisans exclus du groupement à la clientèle »87.

141. Selon la seconde approche, en dehors du cas où l’adhésion au groupement qui promeut la démarche collective de certification est nécessaire pour exercer une activité, cette démarche collective peut avoir une influence sensible sur le jeu de la concurrence si elle revêt aux yeux des clients le caractère d’une norme.

142. Ainsi, par exemple, dans un arrêt du 8 novembre 1983 IAZ/Commission, la Cour de justice a rappelé qu’« une recommandation, même dépourvue d’effet obligatoire, n’échappe pas à l’emprise de l’article 85, paragraphe 1, lorsque l’acceptation de la recommandation par les entreprises destinataires exerce une influence sensible sur le jeu de la concurrence sur le marché en cause ». Après avoir constaté que les distributeurs vérifiaient systématiquement l’apposition de la certification recommandée par l’organisme collectif sur les produits des fournisseurs, elle a conclu que, dans cette espèce, « ces recommandations ont donc déterminé le comportement d’une partie importante des membres de l’Anseau »88.

143. Dans la décision n° 17-D-20, concernant des pratiques consistant à supprimer toutes les démarches marketing sur les caractéristiques environnementales des produits, l’Autorité a pris en compte le fait que « cet accord a été mis en œuvre par les fabricants adhérents au SFEC, qui représentent l’essentiel des acteurs de secteur, sur un marché oligopolistique stable caractérisé par des barrières à l’entrée (…). Il est intervenu alors que les performances environnementales des revêtements de sols s’imposaient comme l’un des principaux critères de choix des entreprises générales et des distributeurs, et alors que la sensibilité des clients, intermédiaires et finaux, aux performances environnementales des produits de revêtements de sols - notamment en ce qui concernait les valeurs d’émission de COV - était de plus en plus importante »89.

144. Parmi les préoccupations de concurrence analysées dans la décision n° 10-D-20 du 25 juin 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des coupons de réduction, l’Autorité a relevé que les opérateurs concernés avaient communiqué autour du standard Webcoupon qu’ils avaient adopté d’une manière telle que les distributeurs « ont pu avoir déduit de ces éléments qu’ils s’exposaient à ne pas être remboursés des sommes avancées lors de l’acceptation en cause d’e-coupons non Webcoupon »90.

b) Application en l’espèce

Arguments des mises en cause

145. Les mises en cause contestent le caractère anticoncurrentiel des pratiques en cause. Elles indiquent, tout d’abord, que l’appartenance au syndicat ISGH n’est pas une condition d’accès au marché. En effet certains opérateurs n’ayant jamais fait partie du syndicat, comme PR. OCIDO, n’ont nullement expérimenté de difficultés à commercialiser leurs produits, qui seraient liées à leur défaut d’appartenance au syndicat, et certains opérateurs l’ayant quitté, comme SIMOP et Franceaux, n’ont pas vu leurs ventes baisser du fait de ce départ.

146. Les mises en cause mettent également en avant le caractère justifié de la norme des 190 secondes en ce qu’elle s’inspire de normes obligatoires applicables dans d’autres États membres, comme l’Allemagne, et vise à garantir la capacité minimale du séparateur d’hydrocarbures qui permet d’éviter le risque de relargage de produits nocifs pour l’environnement.

147. En outre, les mises en cause soulignent l’absence de stratégie d’éviction dans la démarche du syndicat, dans la mesure où la quasi-totalité des produits disponibles sur le marché respectent, de facto, la règle des 190 secondes et ce, indépendamment du matériel de fabrication du séparateur d’hydrocarbures. Elles soulignent que la plupart des membres du syndicat proposent des séparateurs en polyéthylène et que, partant, contrairement à ce qu’affirment les services d’instruction, la pratique en cause ne pouvait pas avoir pour objectif de désavantager spécifiquement les producteurs de ce type de séparateurs dont fait partie PR. OCIDO.

148. Enfin, les mises en cause contestent le développement, par le syndicat, d’une stratégie de communication spécifique au respect de la règle des 190 secondes, ainsi que la perception de cette règle comme une norme par les acheteurs.

Appréciation de l’Autorité

149. Par le grief notifié, il est reproché aux mises en cause d’avoir adopté et diffusé, au sein de leur syndicat, l’ISGH, une charte relative aux séparateurs d’hydrocarbures imposant aux fabricants de ces équipements le respect de la règle des 190 secondes de temps de passage. Cette spécification technique serait de nature à évincer du marché un certain nombre de concurrents, en particulier ceux produisant des séparateurs d’hydrocarbures de petite taille à base de polyéthylène comme la société PR. OCIDO, insusceptibles de satisfaire à cette règle. Cette charte s’imposait aux membres actifs du syndicat ISGH et, donc, à l’ensemble des mises en cause (voir le paragraphe 53 ci-dessus). Il convient de rappeler que le respect de la règle des 190 secondes n’est pas imposé par la réglementation applicable en France.

150. Il ressort des éléments du dossier rappelés ci-dessus aux paragraphes 74 et suivants qu’un certain nombre de supports de diffusion sur la réglementation applicable et la charte de l’ISGH ont été élaborés à l’initiative du syndicat.

151. Enfin, le rapport d’enquête a également révélé que la règle des 190 secondes figurait sur six appels d’offres et une demande de devis de clients.

152. Ainsi qu’il résulte des principes rappelés ci-dessus, il convient d’analyser si l’adoption de la charte comprenant l’exigence de respect de la règle des 190 secondes est susceptible d’avoir empêché, restreint ou faussé le jeu de la concurrence.

Sur l’adhésion au syndicat comme condition d’accès au marché ou à une part essentielle ou significative du marché

153. Il résulte des éléments au dossier que l’appartenance à l’ISGH n’est pas une condition d’accès au marché français de commercialisation des séparateurs d’hydrocarbures ou à une part essentielle ou significative du marché. En effet, même si ce syndicat comprenait un nombre substantiel d’industriels français présents sur ce marché, d’autres concurrents, notamment ceux de taille moyenne comme PR. OCIDO et MSE, ont pu être actifs sur le marché sans jamais en être adhérents. Ainsi que le souligne ACO, qui a racheté l’entreprise PR. OCIDO en 2020, dans ses observations en réponse à la notification de griefs, le chiffre d’affaires généré par la société PR. OCIDO est d’ailleurs resté stable sur l’ensemble de la période infractionnelle, contrairement à celui des membres du syndicat, qui a connu une érosion importante compte tenu du développement de technologies alternatives aux séparateurs d’hydrocarbures91.

154. Par ailleurs, SIMOP et Franceaux, qui ont quitté le syndicat en 2010 à la suite d’un désaccord sur la règle des 190 secondes, n’ont pas vu leur activité affectée par ce départ. Dans ses observations, SIMOP (qui a fusionné avec Franceaux en 2011) ne fait pas état de difficultés dans la vente de ses produits après le départ du syndicat, mais uniquement d’un refroidissement de ses relations avec certains membres du syndicat92. Il ressort d’ailleurs du rapport administratif d’enquête que, en 2015, soit cinq ans après son départ du syndicat, SIMOP était le troisième acteur du marché avec 25 % de part de marché, derrière Techneau (32 %) et Saint Dizier (27 %)93.

155. Enfin, ACO a quitté le syndicat pendant deux ans sans que cette absence ait eu une incidence sur son activité.

156. Par conséquent, aucun élément au dossier ne permet de conclure que l’adhésion au syndicat constitue une condition d’accès au marché ou à une part essentielle ou significative du marché, ou que le défaut d’appartenance à cet organisme est susceptible de restreindre ou de rendre plus difficile l’activité sur le marché français des séparateurs d’hydrocarbures.

157. Ainsi, le fait que ce syndicat ait imposé à ses membres des normes allant au-delà du cadre réglementaire apparaît sans incidence sur le marché puisque ces derniers étaient libres de quitter le syndicat sans que cela ait un impact sur leur activité.

Sur la diffusion de la règle des 190 secondes et sa perception sur le marché

158. Ainsi qu’il ressort des paragraphes 74 et suivants ci-dessus, le syndicat a exprimé la volonté de communiquer sur les normes incluses dans la charte sur les séparateurs d’hydrocarbures afin de prévenir les risques liés, selon lui, au sous dimensionnement des séparateurs. Il convient d’analyser l’impact que la politique de communication du syndicat sur la règle du temps de passage a pu avoir sur le marché et, en particulier, si, suite à cette communication, les opérateurs du marché ont perçu cette règle comme revêtant un caractère obligatoire ou nécessaire.

159. Premièrement, s’agissant du document intitulé « Mise en garde » reproduit au paragraphe 76 ci-dessus, il convient de noter, comme le soulèvent plusieurs mises en cause, que ce document ne fait nullement référence à la règle du temps de passage. Il ne fait d’ailleurs référence qu’aux exigences du marquage CE dont le respect est obligatoire en France. Or, l’élaboration par un organisme professionnel d’un support de communication sur les risques liés à la violation d’une réglementation obligatoire ne saurait, à elle seule, restreindre, limiter ou rendre plus difficile la concurrence sur le marché.

160. Deuxièmement, s’agissant du document intitulé « Avertissement » reproduit au paragraphe 78, il sera relevé, comme l’indiquent les mises en cause, que le document ne fait pas uniquement référence à la règle du temps de passage mais propose trois alternatives pour que, selon le syndicat, un séparateur d’hydrocarbures respecte la réglementation européenne applicable (EN 858), à savoir, (i) être labellisé NF ; (ii) être certifié par un laboratoire indépendant et (iii) respecter la règle des 190 secondes. S’il est vrai que la règle du temps de passage de 190 secondes n’est mentionnée que comme une alternative parmi d’autres, il convient de noter qu’aucune des trois conditions évoquées n’est obligatoire pour qu’un séparateur puisse être conforme à la norme EN 858. Or, la présentation de ce document pouvait conduire des clients ou maîtres d’ouvrages à considérer que le respect d’une des trois conditions était imposé par la réglementation applicable.

161. Néanmoins, il n’existe aucun élément au dossier de nature à établir que le syndicat ait effectivement diffusé le document « Avertissement ». Il ressort, au contraire, de plusieurs procès-verbaux d’assemblée mentionnés au paragraphe 77 ci-dessus que ce document n’avait pas vocation à être diffusé par le syndicat mais uniquement par ses membres qui, au demeurant, au regard des éléments versés au dossier, recensés aux paragraphes 81 à 91 ci-dessus, en auraient fait une diffusion très limitée.

162. En effet, seules Techneau et COC Environnement auraient joint ce document à certains devis94. Bonna Sabla, quant à elle, sans diffuser le document en tant que tel, a inclus dans un catalogue une phrase d’avertissement sur la règle des 190 secondes après avoir fait référence à la charte ISGH (voir le paragraphe 84 ci-dessus). En revanche, plusieurs sociétés comme Saint Dizier, Stradal et Wavin ont déclaré ne l’avoir jamais diffusé95. Les autres références à la charte ISGH insérées dans les catalogues des mises en cause ne faisaient pas référence à la règle du temps de passage comme une norme obligatoire ou nécessaire, mais bien comme un standard de qualité du syndicat ISGH auquel ces entreprises avaient décidé de se soumettre96.

163. En conséquence, les éléments au dossier ne permettent pas de considérer que la communication de l’ISGH sur sa charte ait pu conduire les clients et les autres acteurs du marché des séparateurs d’hydrocarbures à percevoir la règle du temps de passage comme une norme nécessaire ou obligatoire. Au contraire, les éléments au dossier permettent d’exclure une communication sur cette règle en dehors des instances du syndicat. Les quelques éléments de communication diffusés par certains de ses membres figurant au dossier ne permettent pas d’établir l’existence d’une communication de la part du syndicat pouvant avoir un impact sur la perception de la règle du temps de passage par les opérateurs du marché.

164. Enfin, l’Autorité relève, ainsi qu’il a été indiqué ci-dessus au paragraphe 17, que les principaux clients des mises en cause sont des négociants97 et, en particulier, deux négociants (PLUM Plastiques et Frans Bonhomme) qui sont des professionnels avertis et dont il peut être légitimement attendu qu’ils soient informés de la réglementation applicable.

165. Cette conclusion n’est pas remise en cause par la présence très ponctuelle de la règle du temps de passage dans certains appels d’offres et demandes de devis, examinée ci-après. Sur les appels d’offres et la demande de devis

166. Ainsi qu’il ressort des paragraphes 92 à 94 ci-dessus, l’enquête a révélé que l’exigence de respecter la règle des 190 secondes figurait dans le cahier des charges de six appels d’offres et d’une demande de devis.

167. Néanmoins, il convient de noter, premièrement, que ces documents ne permettent pas d’établir un lien entre la présence de cette exigence sur ces cahiers de charges et la volonté du syndicat d’imposer le respect de la règle du temps de passage sur le marché. En effet, d’une part, seul un appel d’offres mentionne la charte ISGH et, d’autre part, aucun élément au dossier ne permet de déterminer si le respect de ce critère de dimensionnement était nécessaire à l’ouvrage envisagé ou n’était, au contraire, pas nécessaire et pouvait donc résulter d’une perception erronée des prescripteurs et des clients sur le caractère contraignant de la règle du fait de la pratique incriminée.

168. Deuxièmement, les six appels d’offres et le devis (représentant donc l’achat de sept séparateurs d’hydrocarbures) constituent un échantillon faiblement représentatif alors que, ainsi que le relève l’enquête réalisée en 2015 par l’ISGH annexée à la notification de griefs, le nombre de séparateurs d’hydrocarbures vendus en France entre 2010 et 2015 varie entre 9 400 et 7 800 unités par an98.

169. Au surplus, il n’est pas établi que la pratique incriminée poursuivait une stratégie d’éviction à l’égard de certains concurrents et, en particulier, des producteurs de séparateurs d’hydrocarbures en polyéthylène tels que PR. OCIDO. En effet, il ressort, notamment, des données fournies par la société Wavin, que ces séparateurs représentent la majorité des séparateurs vendus en France99 et que les principaux acteurs du marché, tels que Techneau, SIMOP et Saint Dizier, proposent ce type de produits100.

170. Il résulte de ce qui précède, qu’aucun élément au dossier ne permet de conclure que la pratique incriminée était susceptible de limiter, restreindre ou rendre plus difficile la concurrence sur le marché. En effet, d’une part, l’appartenance au syndicat imposant le respect de la règle du temps de passage par ses membres ne constitue pas une condition d’accès au marché ou à une part essentielle ou significative de ce dernier et, d’autre part, aucun élément au dossier ne permet de considérer que les pratiques visées aient été susceptibles de fausser la perception des opérateurs du marché quant au caractère obligatoire ou nécessaire de la règle du temps de passage.

171. En conclusion, et sans qu’il soit besoin d’analyser le caractère techniquement justifié de la règle relative au temps de passage, il convient de conclure que la pratique reprochée aux membres du ISGH n’a pu avoir ni un objet ni un effet anticoncurrentiel au sens de la jurisprudence et de la pratique décisionnelle rappelées ci-dessus. Il n’y a donc pas lieu de poursuivre la procédure.

DÉCISION

Article unique : L’Autorité de la concurrence considère, sur la base des informations dont elle dispose, que les conditions d’une condamnation au titre des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ne sont pas réunies. Il n’y a donc pas lieu de poursuivre la procédure.

 

NOTES :

1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.

2 Consolis Finance SAS nommée initialement par erreur Consolis France.

3 Le massif filtrant est un ensemble de massifs végétaux sur lit de sable ou de gravier, dont le rôle est d’épurer des eaux usées brutes ou prétraitées selon les cas, avant de les rejeter dans le milieu naturel.

4 Signalement du BIEC, cote 106.

5 Procès-verbaux d’auditions des sociétés Saint-Dizier (cotes 3341 à 3351), ACO (cotes 562 à 570), Bonna Sabla (cotes 1191 à 1197), Stradal (cotes 4622 à 4627), Wavin (cotes 5803 à 5807) et Techneau (cotes 5476 à 5479).

6 Selon une enquête de l’ISGH de 2015, cote 7652.

7 Procès-verbaux d’auditions des sociétés ACO (cotes 562 à 570), Bonna Sabla (cotes 1191 à 1197), SIMOP (cotes 4331 à 4335) et Techneau (cotes 5476 à 5479).

8 Cotes 3079 à 3084.

9 Voir courriel du 13 décembre 2019, cotes 10971 à 11014.

10 Les compléments d’instruction n’ont pas permis de vérifier cette date : « la société Bonna Sabla ne dispose pas de la date exacte de l’intégration de Dunex. » cotes idem ci-dessus.

11 La dernière version au dossier date du 27 novembre 2011, cotes 3079 à 3085.

12 La dernière version date du 11 septembre 2014, cote 3090.

13 Cotes 4537 à 4551, principe de construction édité en août 1976.

14 Rapport administratif d’enquête, cote 34.

15 Cotes 3608 et 3609.

16 Cotes 3088 et 3089.

17 Cotes 3090 et 3091.

18 Cotes 3606 et 3607.

19 Cotes 4528 et 4529.

20 Cotes 3245 à 3247.

21 Cotes 3086 et 3087.

22 Cotes 3301 à 3303.

23 Cote 3311.

24 Cote 5106.

25 Cote 3210.

26 Cote 3291.

27 Cote 3294.

28 Cote 3106.

29 Cote 3108.

30 Cote 3109.

31 Cote 3113.

32 Cote 3115.

33 Procès-verbaux d’assemblée générale du 26 mai 2009 (cote 3296) et du 11 septembre 2014 (cote 3119).

34 Procès-verbaux de l’assemblée générale du 10 février 2009 (cote 3267), du 24 mars 2009 (cote 3026), du 6 mai 2009 (cote 3293) et du 26 mai 2009 (cote 3296).

35 Cote 5706.

36 Cotes 3171 à 3173.

37 Cote 1423.

38 Cote 3478.

39 Voir, par exemple, cotes 3497 ou 3499.

40 Cote 3346.

41 Cote 2039.

42 Cotes 2051, 2058, 2065 et 2072.

43 Cote 2039.

44 Cote 58.

45 Cote 4625.

46 Cote 5806.

47 Cote 3696.

48 Cote 4515.

49 Cote 2474.

50 Cotes 2636 et 2648, gras ajoutés.

51 Cote 3726.

52 Cote 4512.

53 Cote 4514.

54 Cotes 62 et 63.

55 Consolis Finance SAS nommée initialement par erreur Consolis France.

56 Lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, Journal officiel n° C 101 du 27/04/2004 p. 0081 – 0096.

57 Arrêt du 31 janvier 2012, Orange Caraïbe e. a. n° 10-25.772.

58 Arrêt du 31 janvier 2012, Orange Caraïbe précité ; voir également, en ce sens, arrêt de la cour d’appel de Paris, du 28 mars 2013, Société des pétroles Shell e. a. RG n° 2011/18 245 et arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2015, Société Chevron Products Company e. a. pourvoi n° 13-16.745.

59 Cote 11657.

60 Cote 11947.

61 Cote 2039.

62 Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (97/C 372/03), point 7.

63 Voir, notamment, les décisions n° 10-D-13 de l'Autorité de la concurrence du 15 avril 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la manutention pour le transport de conteneurs au port du Havre, point 220 et n° 10-D-19 de l'Autorité de la concurrence du 24 juin 2010 relative à des pratiques mises en œuvre sur les marchés de la fourniture de gaz, des installations de chauffage et de la gestion de réseaux de chaleur et de chaufferies collectives, points 158 et 159.

64 Arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, affaire T-213/00, CMA CGM et autres/Commission (FETTCSA), point 206.

65 Décision du Conseil de la concurrence n° 05-D-27 du 15 juin 2005 relative à des pratiques relevées dans le secteur du thon blanc, point 28 et décisions de l’Autorité de la concurrence n° 10-D-13, précitée, point 221 ; et n° 11-D-02 du 26 janvier 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la restauration des monuments historiques, point 364.

66 Arrêt de la Cour de cassation du 16 mai 2000, Ordre national des pharmaciens n° 98-12.612.

67 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 juin 2013, Gefil, n° 2012/02945, page 8 et la décision n° 07-D-41, précitée, paragraphe 111.

68 Décision n° 18-D-06 du 23 mai 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation des vins en vrac AOC des Côtes du Rhône, paragraphe 92.

69 Arrêt du Tribunal du 24 mai 2012, MasterCard, T-111/08, point 243.

70 Arrêt de la Cour de justice du 12 septembre 2000, Pavel Pavlov, C-180/98 à C-184/98, points 73 à 77.

71 Arrêts de la Cour de justice du 27 janvier 1987, Verband der Sachversicherer, 45/85, points 29 à 32 et du 19 février 2002, Wouters, C-309/99, point 64.

72 Cotes 3079 à 3085.

73 Arrêts de la Cour de justice du 11 septembre 2014, Groupements des cartes bancaires C-67/13, point 48 ; du 26 novembre 2015, Maxima Latvija, C-345/14, point 16 et du 2 avril 2020, Budapest Bank, C-228/18, point 33.

74 Arrêt de la Cour de justice du 11 septembre 2014, Groupements des cartes bancaires C-67/13, point 53.

75 Arrêts de la Cour de justice du 11 septembre 2014, Groupements des cartes bancaires C-67/13, point 52 et du 2 avril 2020, Budapest Bank, C-228/18, point 38.

76 Lignes directrices de la Commission européenne sur l’applicabilité de l’article 101 TFUE aux accords de coopération horizontale du 14 janvier 2011, 2011/C 11/01, point 263. Voir aussi l’Étude de l’Autorité de la concurrence sur les organismes professionnels, Janvier 2021, paragraphes 57 à 64 et l’avis de l’Autorité de la concurrence n° 15-A-16 du 16 novembre 2015 portant sur l’examen, au regard des règles de concurrence, des activités de normalisation et de certification, paragraphe 5.

77 Étude de l’Autorité de la concurrence sur les organismes professionnels, Janvier 2021, paragraphe 65.

78 Lignes directrices de la Commission européenne sur l’applicabilité de l’article 101 TFUE aux accords de coopération horizontale du 14 janvier 2011, 2011/C 11/01, point 266.

79 Lignes directrices de la Commission européenne sur l’applicabilité de l’article 101 TFUE aux accords de coopération horizontale du 14 janvier 2011, 2011/C 11/01, point 273.

80 Lignes directrices de la Commission européenne sur l’applicabilité de l’article 101 TFUE aux accords de coopération horizontale du 14 janvier 2011, 2011/C 11/01, point 277.

81 Arrêt de la Cour de justice du 12 mai 2010, EMC Development AB/Commission, T-432/05, point 116, soulignement ajouté.

82 Voir la décision de l’Autorité de la concurrence n° 12-D-26 du 20 décembre 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production, de la commercialisation, de l’installation et de la maintenance d’extincteurs, paragraphe 241 et la décision du Conseil de la concurrence n° 05-D-22 du 18 mai 2005 relative à des pratiques mises en œuvre par l’association « Agriculture et Tourisme en Dordogne Périgord » dans le secteur de l'accueil touristique des agriculteurs sur leur exploitation, paragraphes 22 et 23.

83 Voir, en ce sens, les décisions n° 17-D-22 du 29 novembre 2017 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la gestion de musées et des monuments, paragraphe 19 ; n° 18-D-04 du 20 février 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production et de la commercialisation de viande en Martinique, paragraphes 80 et suivants ; n° 19-D-25 du 17 décembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des titres-restaurant, paragraphe 587.

84 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 27 mai 2003, Chambre syndicale des entreprises de déménagements et garde-meubles de France, RG n° 2008/18680, soulignement ajouté.

85 Décision n° 18-D-04, précitée, paragraphes 83 et suivants.

86 Décision n° 10-D-15 du 11 mai 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par le GIE « groupement des Taxis amiénois et de la métropole », paragraphe 170.

87 Décision n° 01-D-32 du 27 juin 2001 relative à une saisine de Monsieur Henri Faraud dirigée contre des pratiques mises en œuvre dans le secteur des taxis à Saint-Laurent du Var.

88 Arrêt du 8 novembre 1983, IAZ/ Commission, C-96/82, points 20 et 21, soulignement ajouté.

89 Décision n° 17-D-20 du 18 octobre 2017 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des revêtements de sols résilients, paragraphe 439, soulignements ajoutés.

90 Décision n° 10-D-20 du 25 juin 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des coupons de réduction, paragraphe 52.

91 Observations d’ACO en réponse à la notification de griefs, points 40 et 43, cotes 11958 et 11959.

92 Observation de SIMOP en réponse à la notification de griefs, page 6, cote 11442.

93 Rapport administratif d’enquête, page 17, cote 27.

94 Le document « Avertissement », à la seule entête Techneau a été joint à un devis de cette entreprise (cotes 3171 et 3173). Quatre exemples de COC Environnement (cotes 2051, 2058, 2065 et 2072).

95 Cotes 3346, 4625 et 5806.

96 Voir, notamment, le catalogue de Saint Dizier, cote 3478 ou Techneau, cote 5706.

97 Selon une enquête d’ISGH de 2015, les négociants représentaient 92 % de la distribution de séparateurs d’hydrocarbures (cote 7652).

98 Cotes 7652 et suivantes.

99 58 % des produits vendus entre 2010 et 2014. Observations de Wavin en réponse au rapport, paragraphe 55, (cote 13356).

100 Observation d’ACO en réponse à la notification de griefs, point 41 (cote 11957).