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Décisions

CA Chambéry, ch. civ. sect. 1, 3 septembre 2019, n° 18/02300

CHAMBÉRY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mutualité Sociale Agricole des Alpes du Nord

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Greiner

Conseillers :

Mme Fouchard, Mme Real Del Sarte

TGI Albertville, du 27 nov. 2018

27 novembre 2018

L'Exploitation Agricole à Responsabilité Limitée (EARL) LA FERME DU THYL avait pour activité l'élevage de chèvres pour la production de lait et de fromage, la polyculture et l'exploitation d'une ferme auberge, avec pour gérant et associé unique M. X.

Celui-ci était affilié à la MSA, aucune cotisation n'étant réclamée à la société, en l'absence de salarié.

La société a été placée en liquidation judiciaire le 21/09/2017 par le tribunal de grande instance d'Albertville.

Par acte du 04/07/2018, la MSA a assigné devant ce tribunal M. X, aux fins de voir prononcer à son encontre une mesure de liquidation judiciaire au motif qu'il restait redevable de cotisations personnelles pour un montant de 30.738,02 euros en principal.

Par jugement du 27/11/2018, le tribunal a rejeté la demande ainsi que celle de dommages intérêts pour procédure abusive présentée par le défendeur, condamnant la MSA au paiement de la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 07/12/2018, la MSA a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions d'appelant, pour conclure à l'infirmation du jugement déféré, voir prononcer la liquidation judiciaire de M. X et le voir condamner au paiement de la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du code de procédure civile, elle fait valoir en substance que :

- sa demande est recevable, l'action ayant été engagée dans l'année suivant la radiation de M. X des registres de la MSA,

- il est de principe qu'un gérant d'une société exploitant une activité agricole, lui-même affilié à la MSA, est réputé participer à titre personnel aux travaux agricoles par son travail de gestion juridique et financière, et qu'il n'est ainsi pas seulement associé mais participe directement à l'exploitation agricole,

- étant le seul à oeuvrer au sein de l'EARL, M. X est éligible à une procédure collective, restant exploitant agricole malgré ses fonctions de gérant d'une EARL,

- si M. X a déposé un dossier de surendettement le 19/10/2018, il y est mentionné que la dette de cotisations est bien une dette professionnelle.

M.L. conclut à la confirmation de la décision entreprise, et demande à la Cour de :

- débouter la MSA de ses demandes,

- dire qu'il agissait pour le compte d'une EARL qu'il représentait et non en son nom personnel, et qu'il n'exerçait pas une activité indépendante, au sens de l'article L.631-2 du code de commerce et qu'ainsi il ne relève pas du régime des procédures collectives,

- dire qu'il est éligible au bénéfice des procédures de surendettement des particuliers,

- condamner la MSA au paiement de la somme de 2.000 euros en réparation de son préjudice moral causé par l'acharnement procédural de l'appelante et de celle de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon l'article L. 640-2 du code de commerce, « la procédure de liquidation judiciaire est applicable à toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu'à toute personne morale de droit privé », l'article L. 351-8 du code rural et de la pêche maritime précisant que «redressement et la liquidation judiciaires des exploitations agricoles sont régis par les dispositions de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises. Pour l'application des dispositions de la loi précitée, est considérée comme agriculteur toute personne physique exerçant des activités agricoles au sens de l'article L. 311-1».

Aux termes de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, « sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation (...) Les activités agricoles ainsi définies ont un caractère civil.

Toutefois, pour la détermination des critères d'affiliation aux régimes de protection sociale des non-salariés et des salariés des professions agricoles, sont considérées comme agricoles les activités mentionnées respectivement aux articles L. 722-1 et L. 722-20.».

Il résulte de ce texte que la notion d'agriculteur applicable à un professionnel personne physique se définit non pas en fonction de la qualité de gérant ou de salarié d'une société d'exploitation agricole de ce dernier, mais du caractère agricole de l'activité qu'il exerce personnellement et à titre de profession habituelle au sens de l'article L. 311-1 précité.

Ainsi, il convient de rechercher si la participation aux travaux agricoles du gérant relève de l'exercice individuel d'une activité distincte de celle de l'exploitation de l'EARL. En effet, sauf à nier l'autonomie de la société, personne morale, le gérant, qui agit au nom et dans l'intérêt de la société et non en son nom personnel, n'est pas une entreprise à part, mais seulement un organe de la société.

En l'occurrence, M. X n'a pas exercé d'activités agricoles distinctes de celles de sa société. C'est bien la société LA FERME DU THYL qui élevait des chèvres aux fins de production laitière et de fromages et qui exploitait une ferme auberge, qui encaissait les revenus et réglait les charges et les fournisseurs. Il en résulte que c'est celle-ci qui est à l'origine des travaux ayant donné lieu à cotisations sociales, quand bien même celles-ci ne seraient dues que par M. X. Du reste, les revenus de ce dernier n'étaient pas constitués par la vente de produits tirés de l'exploitation de la ferme, mais des dividendes versés par sa société.

Dès lors, c'est par une exacte appréciation des circonstances de la cause que le premier juge a considéré que si M L. était seul à participer aux travaux agricoles et à l'exploitation de l'EARL, cette activité professionnelle n'était pas indépendante de celle exercée en qualité de gérant de cette société et qu'ainsi il ne peut être considéré comme un travailleur indépendant susceptible de relever d'une procédure collective.

La décision déférée sera donc confirmée en toutes ses dispositions, étant observé qu'il n'appartient pas à la Cour de déterminer à quel régime est soumise la créance de la MSA.

En revanche, l'abus du droit d'ester en justice de l'appelante n'est pas suffisamment démontré, et la demande de dommages intérêts formée à ce titre sera rejetée.

De même, l'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés par l'intimé en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

DIT n'y avoir lieu à paiement des frais visés à l'article 700 du code de procédure civile exposés en cause d'appel ni à dommages intérêts pour procédure abusive,

CONDAMNE la Mutualité Sociale Agricole Alpes du Nord aux dépens de première instance et d'appel.