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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. civ., 9 juin 2021, n° 21/00855

BORDEAUX

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Urssaf Aquitaine

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chelle

Conseillers :

Mme Fabry, Mme Brisset

T. com Libourne, du 11 févr. 2021

11 février 2021

FAITS ET PROCÉDURE

M. Da S. M. est inscrit au répertoire SIREN comme artisan maçon.

Par acte du 4 mars 2020, pour l'URSSAF Aquitaine, venant aux droits de l'URSSAF Gironde, l'a fait assigner devant le tribunal de commerce de Libourne aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement et subsidiairement de liquidation judiciaire. Par acte du 20 novembre 2020, la SAS C. Matériaux l'a fait assigner aux mêmes fins devant ce même tribunal.

Après plusieurs renvois dus au contexte sanitaire, par jugement réputé contradictoire du 1er février 2021, le tribunal a, en substance, joint les procédures, ouvert une procédure de liquidation judiciaire de M. Da S. M., fixé provisoirement au 17 décembre 2019 la date de cessation des paiements et désigné la SELARL H. en qualité de mandataire judiciaire.

Le 11 février 2021, M. Da S. M. a relevé appel nullité du jugement énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués du jugement et intimant l'URSSAF, la société C. Matériaux ainsi que la société H. ès qualités.

Au visa de l'article 905 du code de procédure civile, l'affaire a fait l'objet le 25 février 2021 d'une ordonnance de fixation à bref délai à l'audience du 19 mai 2021.

Par ordonnance du 1er avril 2021, la première présidente a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures en date du 19 avril 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, M. Da S. M. demande à la cour de :

A titre principal

Prononcer la nullité du jugement RG 2020000647 et 2020001785 du 1er février 2021 rendu par le tribunal de commerce de Libourne

A titre subsidiaire

Vu l'article L. 621-2 du code de commerce

En tout état de cause, réformer le jugement RG 2020000647 et 2020001785 du 1er février 2021 en toute ses dispositions

Ouvrir une procédure de sauvegarde .

Il fait valoir qu'il n'a pas été informé de la procédure. Sur le fond, il soutient que la procédure revient en réalité à lui étendre celle concernant la société Construction M. alors qu'il n'exerce plus à titre individuel depuis le 22 janvier 2018. Il discute la créance de l'URSSAF, l'état de cessation des paiements et fait valoir qu'il existe une possibilité de redressement en toute hypothèse.

Dans ses dernières écritures en date du 2 avril 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, l'URSSAF demande à la cour de :

Déclarer Monsieur Da S. M. recevable mais mal fondé en son appel,

Statuer ce que de droit quant à la nullité du jugement entrepris,

En tout état de cause :

Constater l'état de cessation des paiements de Monsieur Da S. M.

Confirmer le jugement entrepris.

Condamner Monsieur Da S. M. à verser à l'URSSAF Aquitaine la somme de 960 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le condamner aux dépens.

Elle indique s'en remettre à l'appréciation de la cour sur la nullité du jugement. Sur le fond, elle considère que l'état de cessation des paiements est établi et que le mandataire a indiqué ne pas disposer d'éléments pour émettre un avis sur un plan.

Dans ses dernières écritures en date du 29 mars 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la société C. Matériaux demande à la cour de :

Donner acte à la société C. Matériaux de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur les demandes formées par Monsieur Orlando Da S. M..

Le condamner aux dépens.

La société H. ès qualités n'a pas constitué avocat. L'appelante lui a fait notifier sa déclaration d'appel et ses premières conclusions par acte du 2 mars 2021.

La société H. a indiqué ne pas disposer d'éléments pour émettre un avis sur la situation économique et financière. Elle a fait état d'un passif de 64 041 euros.

L'affaire a été communiquée au ministère public qui, par mention au dossier du 6 avril 2021 a conclu à la confirmation du jugement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité,

Le tribunal était saisi de deux assignations émanant de deux parties différentes mais tendant aux mêmes fins. Il est exact que celle émanant de la société C. Matériaux, délivrée selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, a été établie avec la mention sans domicile connu alors que ceci ne correspondait pas à sa situation réelle.

Il apparaît en outre que M. Da S. M. n'a pas été en mesure de présenter ses arguments devant le tribunal faute d'avoir été valablement convoqué à l'audience de renvoi. En effet, il apparaît que les convocations ont été adressées, vainement, uniquement à l'adresse visée par la société C. Matériaux alors que l'assignation de l'URSSAF avait pu être délivrée à personne à une autre adresse.

Ceci constitue une violation du principe du contradictoire de sorte qu'il y a lieu à nullité du jugement.

Il convient toutefois d'apprécier le litige au fond dans la mesure où il n'est pas contesté que l'assignation initiale émanant de l'URSSAF avait bien été délivrée à la personne du défendeur. Si l'audience n'avait pu se tenir à raison du contexte sanitaire, il n'en demeure pas moins que la nullité procède non de l'acte introductif d'instance mais uniquement de la seconde assignation, alors que le tribunal était déjà valablement saisi, et des renvois ultérieurs de sorte que la cour est saisie au fond par l'effet dévolutif qui opère pour le tout.

Sur le fond,

De façon très elliptique, l'appelant soutient que la procédure consisterait en réalité à une extension de celle concernant la société Constructions M. sans caractérisation d'une confusion de patrimoine et par une saisine d'office du tribunal.

Telle n'est pas la situation puisque l'assignation de l'URSSAF dont le tribunal était régulièrement saisi, portait bien sur des cotisations concernant M. Da S. M. et non la société Construction M.. Le mandataire a bien fait état d'un passif du débiteur qui est distinct de celui de la société Construction M.. Or, M. Da S. M. n'articule aucun actif pour y faire face, et ce même en prenant en considération qu'une partie du passif peut être contesté.

L'état de cessation des paiements est donc caractérisé. La date sera fixée au 9 janvier 2020, compte tenu des dates de vaine tentative d'exécution des contraintes. La date du 14 novembre 2019 ne peut en effet pas être retenue compte tenu de la date à laquelle la cour statue.

En revanche, par application des dispositions de l'article L 640-1 du code de commerce, ce n'est que lorsque le redressement est manifestement impossible qu'il peut être prononcé la liquidation judiciaire. Or, il existe une activité. Le mandataire a indiqué ne pas être en mesure de donner un avis sur un éventuel plan. Ceci ne constitue pas la caractérisation d'un redressement manifestement impossible.

En conséquence, il y a lieu de prononcer l'ouverture d'une procédure, non pas de sauvegarde compte tenu de l'état de cessation des paiements, mais de redressement judiciaire.

Le dossier sera pour le surplus renvoyé au tribunal de commerce de Libourne pour désignation des organes de la procédure et son suivi.

L'appel étant bien fondé, il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'URSSAF.

Les dépens seront pris en frais de la procédure collective, sauf ceux de l'assignation délivrée par la société C. Matériaux qui resteront à sa charge.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Annule le jugement du tribunal de commerce de Libourne du 1er février 2021,

Statuant au fond,

Prononce l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de M. Da S. M.,

Fixe provisoirement la date de cessation des paiements au 9 janvier 2020,

Renvoie pour le surplus l'affaire au tribunal de commerce de Libourne pour désignation des organes de la procédure et son suivi,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens seront pris en frais de la procédure collective sauf ceux de l'assignation de la SA C. Matériaux qui resteront à sa charge.