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Décisions

Cass. com., 1 décembre 2021, n° 20-16.693

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Brandstorming (SARL)

Défendeur :

Yves Saint-Laurent (SAS), Balenciaga (SA), Yves Saint-Laurent parfums (SAS), Kering (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darbois

Rapporteur :

Mme Comte

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Richard

T. com. Paris, du 16 avr. 2018

16 avril 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 mars 2020), la société Brandstorming a assuré la gestion des droits de propriété intellectuelle des sociétés Yves Saint-Laurent et Balenciaga à compter de 2001. Par lettre du 26 octobre 2015, la société Kering, qui a notamment comme filiales les sociétés Yves Saint-Laurent, Balenciaga et Yves Saint-Laurent parfums (le groupe Kering), a indiqué à la société Brandstorming qu'une partie de son porte-feuille était confiée au cabinet Santarelli mais qu'elle conservait la gestion de certains de ses dossiers.

2. Par lettre du 24 juillet 2017, la société Brandstorming a mis en demeure le groupe Kering de l'indemniser de son préjudice causé par la rupture brutale de la relation commerciale établie.

3. Par lettres du 6 octobre 2017, les sociétés Yves Saint-Laurent et Balenciaga ont mis un terme, à effet au 30 novembre 2017, au mandat de la société Brandstorming pour toutes les missions que celle-ci assurait encore pour leur compte.

4. Reprochant aux sociétés Kering, Yves Saint-Laurent, Balenciaga, et Yves Saint-Laurent parfums une rupture brutale de la relation commerciale établie ainsi que des actes de mauvaise foi contractuelle, la société Brandstorming les a assignées en réparation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches, et sur le troisième moyen, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La société Brandstorming fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en réparation du préjudice causé par la rupture brutale des relations l'ayant liée aux différentes sociétés défenderesses, fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, jugé inapplicable en l'espèce, ainsi que celles tendant à obtenir des dommages-intérêts au titre des investissements réalisés en vain à hauteur de 129 310 euros, de rejeter sa demande en paiement de la somme de 250 000 euros à titre de dommages-intérêts en indemnisation de son préjudice moral, et de rejeter toutes ses autres demandes, alors « que la relation commerciale établie, au sens des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, applicable avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, s'entend de toute relation d'affaires stable et régulière, indépendamment de son caractère civil ou commercial et du statut de la victime de la rupture de la relation ; que, pour dire que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce n'étaient pas applicables à la rupture des relations ayant lié la société Brandstorming aux sociétés Yves Saint-Laurent, Yves Saint-Laurent parfums et Balenciaga, et rejeter les demandes d'indemnisation présentées sur ce fondement, la cour d'appel a retenu qu'en vertu de l'article L. 422-12 du code de la propriété intellectuelle, la profession de conseil en propriété industrielle exercée par la société Brandstorming était incompatible avec toute activité de caractère commercial, ce dont elle a déduit que cette société n'entretenait de relation commerciale avec aucune des sociétés intimées ; qu'en statuant de la sorte, quand il était constant et résultait de ses constatations que la société Brandstorming avait entretenu une relation d'affaires avec les sociétés Yves Saint-Laurent, Yves Saint-Laurent parfums et Balenciaga depuis 2001, jusqu'à leur rupture en octobre 2015 puis octobre 2017, ce qui caractérisait une relation commerciale entrant dans le champ d'application de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, applicable en la cause, la cour d'appel a violé cette disposition par fausse application. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l'article L. 422-12 du code de la propriété intellectuelle que la profession de conseil en propriété industrielle est incompatible avec toute activité de caractère commercial, qu'elle soit exercée directement ou par personne interposée. C'est donc à bon droit que la cour d'appel a retenu que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, n'étaient pas applicables aux relations ayant existé entre la société Brandstorming et la société Kering.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

9. La société Brandstorming fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que dans le courriel qu'il a adressé à la société Brandstorming le 16 septembre 2014, M. [U] de la société Kering écrivait notamment : Votre mail d'aujourd'hui m'apparaît donc excessivement conclusif quant à un accord qui n'est pas à ce stade même écrit en projet de contrat et très en retard quant au descriptif complet de ce que seraient ses conditions selon vos souhaits, lequel ne dépend en rien de la formulation contractuelle donnée à la collaboration, sur un domaine distinct, que nous sommes en train d'installer depuis août avec votre confrère Santarelli", et Cela repositionnerait très différemment les choses, et ne pourrait plus aujourd'hui faire obstacle mais seulement retarder de façon préjudiciable et inappropriée sans doute, le projet d'externisation globale du portfolio management de l'ensemble des marques du groupe tel qu'approuvé par son Comex en mai dernier et convenu d'ores et déjà, comme vous le savez, avec votre confrère Santarelli" ; qu'il résultait de ces passages du courriel en cause que la réorganisation de la gestion des portefeuilles des marques du groupe Kering, entre le cabinet Santarelli et la société Brandstorming, se trouvait encore à cette date à l'état de projet ; qu'en jugeant néanmoins que la société Brandstorming ne [soutenait] pas valablement (…) que M. [U], de la société Kering, aurait écrit par courriel du 16 septembre 2014 qu'à cette date le contrat avec la société Santarelli était toujours en négociation ; c'est précisément le contraire qui est mentionné", en citant ce courriel de manière tronquée en occultant les deux passages précités faisant clairement état de ce que la réorganisation des prestations de propriété intellectuelle du groupe Kering n'en était encore qu'au stade des négociations, la cour d'appel a dénaturé ce document, en violation de l'article 1134 (désormais 1192) du code civil. »

Réponse de la Cour

10. Ayant cité des extraits du courriel du 16 septembre 2014 en utilisant, pour formaliser les passages non énoncés, des guillemets et des crochets suivis de points, ce dont il ressortait qu'elle l'avait examiné dans son intégralité, c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, des termes de ce courriel, que leur ambiguïté rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu que les mandats confiés à la société Brandstorming par le groupe Kering n'avaient pas été résiliés par celui-ci de manière abusive.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.