CA Nîmes, 4e ch. com., 1 décembre 2021, n° 19/04575
NÎMES
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Codol
Conseillers :
Mme Strunck, Mme Ougier
Avocats :
Me Mougel, Me Chabaud, Me Laplace-Treyture, Me Puech, Me Duverne-Hanachowicz, Me Vajou
EXPOSE
Vu l'appel interjeté le 4 décembre 2019 par X et la Sci Z à l'encontre du jugement prononcé le 7 novembre 2019 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l'instance RG n° 2018J00291;
Vu la proposition de médiation du 2 mars 2020 qui n'a pas abouti;
Vu les dernières conclusions remises par voie électronique le 7 juillet 2020 par les appelantes et le bordereau de pièces qui y est annexé;
Vu les dernières conclusions remises par voie électronique le 2 octobre 2020 par la société Y, intimée et appelante à titre incident, et le bordereau de pièces qui y est annexé;
Vu l'ordonnance du 1er juillet 2021 de clôture de la procédure à effet différé au 14 octobre 2021 avec fixation de la date de plaidoiries au 28 octobre 2021.
La société Y a pour activité la distribution de produits d'alimentation naturelle et biologique, de produits diététiques, de compléments alimentaires et de produits d'hygiène-beauté.
Au cours du mois de février 2017, Madame X contactait Y afin d'intégrer le réseau de franchise exploité par cette dernière.
Après la rencontre du 15 mars 2017 entre Madame X et de Madame B, responsable du développement de la société Y, la zone de la Vaunage était envisagée dans la mesure où celle de Nîmes était réservée au profit d'un autre franchisé.
Le 13 avril 2017, conformément à ses obligations légales, Y remettait à Madame X le dossier d'information précontractuel (DIP) ainsi que l'étude du marché local.
Le 27 avril 2017, Madame X transmettait à Y le plan d'un local situé Zac du Vigné à Calvisson qu'elle projetait d'acquérir pour un futur point de vente.
La société VP Immo 2, maître d'ouvrage, fournissait le plan des locaux à construire selon demande de permis de construire déposée le 20 février 2017.
Les plans du local à construire étaient modifiés en vue d'un agrandissement pour atteindre une surface totale de plus de 240m² afin de répondre aux attentes du franchiseur.
Consécutivement les 21 et 23 mai 2017, Y transmettait à Madame X plusieurs devis de proposition d'aménagement mobilier du local envisagé et d'autres pièces financières.
Le 26 mai, elle remettait à la future franchisée le plan corrigé des locaux avec un version DWG pour le constructeur immobilier.
La demande de permis de construire modificatif était déposée par VP Immo 2 le 26 juin 2017.
Après une période d'échanges au cours de l'été 2017, les parties signaient le 27 septembre 2017 un contrat de réservation de zone, portant sur la commune de Calvisson notamment, ainsi que plusieurs communes environnantes Congenies, Aujargues, Clarensac, Boissières, Saint Dionisy, Langlade, Caveirac, Mus et Nages et Solorgues, pour une durée de six mois, soit jusqu'au 27 mars 2018.
En contrepartie de cette réservation, Madame X versait la somme de 3000 TTC.
A cet égard, en vertu de l'article 4.2.2 du contrat : « si le Candidat Franchisé a proposé au Franchiseur un emplacement répondant aux critères définis en annexe 1 des présentes et que le Franchiseur refuse néanmoins de conclure le contrat de franchise projeté, alors la somme que le Candidat Franchisé avait versée en application du présent Contrat lui sera restituée.»
Par ailleurs, le contrat précisait que « durant cette période, le Franchiseur entend apprécier, avant toute signature du contrat de franchise, le sérieux et les références professionnelles et financières du Candidat Franchisé », permettant ainsi à Y d'apprécier l'opportunité d'un tel partenariat.
Dans le même temps, Madame X effectuait des formations au siège de la franchise.
Le projet immobilier se poursuivait et les plans devaient être à nouveau rectifiés à la demande de Y pour atteindre une surface de 300m².
Le maître d'ouvrage complétait la demande d'autorisation de permis de construire qui a été délivré le 17 octobre 2017 par la mairie de Calvisson. Le 15 janvier 2018, le chantier débutait après étude de sol imposant un renforcement et les travaux de gros oeuvre étaient terminés en mai 2018.
Le 13 février 2018, à la demande de Madame X, Y transmettait une étude locale complétée de la zone réservée jusqu'au 27 mars 2018.
Madame X constituait par ailleurs une société, la Sci Z, immatriculée le 23 février 2018.
Le 4 avril 2018, les parties signaient un nouveau contrat de réservation de zone pour une durée de six mois, soit jusqu'au 4 octobre 2018, mettant à la charge des parties des obligations contractuelles identiques au précédent.
La zone était étendue et comportait en sus des communes précédentes, les villes de :
- Aubord, Bernis, Codognan, Montpezat, Milhaud, Uchaud, Vergèze, Vestric et Candiac, Souvignargues, et Nîmes Ouest.
Après plusieurs modifications, le 18 avril 2018, Y adressait au candidat franchisé le contrat de franchise ainsi que son avenant et proposait une date de signature pour la semaine suivante. La date initialement prévue le 24 avril 2018 sera reportée au 15 mai 2018.
En mai 2018, Y était informée du souhait de l'un de ses franchisés implanté à Lunel, d'ouvrir un second point de vente dans le secteur géographique réservé par Madame X.
Le 30 mai 2018, Y contactait Madame X afin d'échanger avec elle sur la possibilité d'un déplacement du secteur qu'elle avait réservé dans l'objectif de satisfaire à la fois son actuel franchisé de Lunel et son candidat à la franchise, Madame X, en accordant à cette dernière, si elle l'acceptait, une nouvelle zone géographique.
Y proposait à Madame X de retirer la partie Nîmes Ouest de la zone concernée par son contrat de réservation de zone.
Le 5 juin 2018, les parties échangeaient sur l'opportunité de déplacer le secteur, notamment du côté de Nîmes Est. Y confirmait à cette occasion à la candidate, l'impossibilité de concrétiser, à la fin du contrat de réservation, le projet sur la zone réservée, telle qu'étendue ainsi que l'impossibilité d'ouvrir le magasin de Calvisson
Y assurait à Madame X qu'elle la soutiendrait pour mettre en place son projet d'implantation dans la zone nouvellement proposée de Nîmes-Est.
Le 13 juin 2018, Madame X mettait en demeure Y de respecter ses engagements contractuels et à ce titre de ne pas implanter de succursales dans la zone géographique réservée à son profit selon contrat du 4 avril 2018 et de ne pas consentir de contat de franchise portant sur l'implantation d'un magasin Y dans ladite zone. Elle rappelait de surcroît que la conclusion d'un tel contrat avec un franchisé tiers serait contraire à la coopération attendue des cocontractants et engagerait la responsabilité du franchiseur.
Par mail du 22 juin 2018, Y indiquait à Madame X que l'ouverture du magasin le 24 août prochain ne pourrait se faire sous l'enseigne Y.
Le 3 août 2018, le conseil de Y répondait à la mise en demeure adressée par le conseil de Madame X, expliquant, en synthèse que :
- Y respectait ses obligations contractuelles, dans la mesure où elle n'entendait pas implanter de succursale, ni consentir de contrat de franchise sur la zone avant le terme de l'exclusivité,
- Y n'était soumise à aucune obligation de signer le contrat de franchise envisagé, le fait d'avoir trouvé un emplacement et d'avoir conclu un contrat de réservation étant inopérant à cet égard,
- Il appartenait à Madame X de soumettre ses engagements financiers, comme il est d'usage, à la condition suspensive de signature du contrat de franchise,
- Conformément à la jurisprudence constante, les dépenses autres que celles occasionnées par la négociation n'étaient pas indemnisables,
- La réaction brutale de Madame X avait anéanti tout lien de confiance,
- Y lui restituait le chèque de 3.000 TTC correspondant à l'immobilisation de la zone,
- Dans une volonté d'apaisement, sous certaines conditions, elle consentait à ne pas se prévaloir de la clause de non-concurrence prévue dans le contrat de réservation de zone et à ne pas réclamer la somme de 9.500 si Madame X enfreignait celle-ci.
Le 21 août 2018, Madame X assignait la société Y devant le tribunal de commerce de Nîmes sollicitant qu'il constate la responsabilité de Y engagée sur le fondement contractuel et qu'il condamne la société au paiement de plusieurs sommes:
- 137 474 au titre des pertes pécuniaires et financières,
- 5 000 au titre de la perte de temps consacré aux pourparlers et négociations,
- 27 000 au titre de la perte de revenus, [à] parfaire au jour du jugement,
- 10 000 au titre de la perte de chance de contracter avec un tiers,
- 5 000 au titre du préjudice d'image,
- 5 000 au titre du préjudice moral.
Par jugement du 7 novembre 2019, le tribunal de commerce de Nîmes a :
"* Condamné la société Y à payer à Madame X:
- La somme de 5.700 TTC au titre de la réalisation de l'étude de marché
- La somme de 5.000 TTC au titre de la réalisation de l'étude de faisabilité et du business plancher
- La somme de 1.560 TTC pour l'étude et l'analyse du contrat de franchise
- La somme de 1.000 au titre du préjudice moral
* Débouté les requérantes de leurs autres chefs de demandes;
* Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire."
Le tribunal de commerce a considéré comme fautive et abusive la rupture des pourparlers et négociations en retenant la responsabilité de la société Y qui était tenue de respecter les engagements pris dans les deux contrats de réservation mais également dans le contrat de franchise et son avenant non régularisés.
Retenant la responsabilité du franchisseur, la juridiction a fait droit de manière partielle aux demandes indemnitaires présentées par Madame X sans préciser les raisons du rejet des demandes de dommages et intérêts pour les pertes pécuniaires et financières, la perte de temps consacré aux pourparlers, la perte de revenus, la perte de chance de contracter avec un tiers, le préjudice d'image.
X et la Sci Z ont interjeté appel du présent jugement le 4 décembre 2019.
X et la Sci Z demandent à la cour, au visa des articles 1112 et suivants, 1113 et suivants, 1240 et suivants du code civil, des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, de:
- Infirmer la décision dont appel en ce qu'il a débouté Madame X et la Sci Z de leurs autres chefs de demandes et rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires,
Statuant à nouveau,
- Juger fautifs la rupture des pourparlers et négociations précontractuels et le retrait de l'offre de contracter par la société Y,
- Juger que la responsabilité de la société Y se trouve engagée sur le fondement extracontractuel,
En conséquence,
- Condamner la société Y à indemniser Madame X des préjudices subis du fait de la rupture fautive des pourparlers et négociations précontractuels et du retrait fautif de l'offre de contracter par l'allocation de dommages et intérêts comme suit :
* 125 274 au titre des pertes pécuniaires et financières, correspondant à la somme de 137 474 demandée au terme des dernières écritures produites par Mme X, déduction faite des sommes de 5 700, 5 000 et 1 500 allouées à ce titre par les premiers juges à titre de dommages et intérêts, lesquelles ne sont pas critiquées par l'appelante,
* 5 000 au titre de la perte de temps consacré aux pourparlers et négociations,
* 27 000 au titre de la perte de revenus à parfaire au jour du jugement,
* 10 000 au titre de la perte de chance de contracter avec un tiers,
* 5 000 au titre du préjudice d'image,
* 4 000 au titre du préjudice moral, correspondant à la somme de 5 000 demandée au terme des dernières écritures produites par Mme X, déduction faite de la somme de 1 000 allouée à ce titre par les premiers juges, laquelle n'est pas critiquée par l'appelante,
- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société Y à payer à Madame X la somme de 5 700 TTC au titre de la réalisation de l'étude de marché, la somme de 5 000 TTC au titre de la réalisation de l'étude de faisabilité et du business plancher, la somme de 1 560 TTC pour l'étude et l'analyse du contrat de franchise et la somme de 1 000 par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouter la société Y de son appel incident comme infondé, et rejeter sa demande d'infirmation du jugement de première instance en ce qu'il a dit fautive la rupture des pourparlers et négociations précontractuels par la société Y, en ce qu'il l'a condamnée à payer à Madame X la somme totale de 13 260 au titre des dépenses d'études et analyses diverses à l'occasion des pourparlers, au titre du préjudice moral, et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sur le fondement de la rupture abusive des pourparlers,
- Débouter la société Y de l'ensemble de ses moyens et rejeter toutes fins, conclusions et demandes plus amples ou contraires,
- Juger que le comportement fautif de la société Y a causé à la Sci Z un dommage financier, et que sa responsabilité se trouve engagée sur le plan délictuel,
- Débouter la société Y de son appel incident comme infondé, et rejeter sa demande d'infirmation du jugement de première instance en ce qu'il n'a pas dit irrecevables les demandes de la Sci Z pour défaut du droit d'agir,
- Recevoir l'action de la Sci Z et les demandes formulées par celle-ci à l'encontre de la société Y et les juger bien fondées,
En conséquence,
- Condamner la société Y à payer à la Sci Z la somme de 25 000 au titre de la perte de loyers subie entre le mois d'août 2018 et janvier 2019 inclus,
- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société Y à payer à la Sci Z la somme de 1 000 par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouter la société Y de l'ensemble de ses moyens et rejeter toutes fins, conclusions et demandes plus amples ou contraires,
- Condamner la société Y à payer à Madame X, d'une part, et à la Sci Z, d'autre part, la somme supplémentaire de 10 000 au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais supplémentaires exposés en cause d'appel;
- Condamner la société Y aux entiers dépens en ce compris ceux d'appel dont distraction au profit de l'avocat soussigné.
Au soutien de leur appel, X et la Sci Z dénoncent les fautes commises par la société Y de nature à engager sa responsabilité du fait de la rupture brutale et abusive des pourparlers et des négociations avancées ainsi que du retrait injustifié de l'offre transmise en avril 2018 du contrat de franchise et de son avenant alors que les parties avaient convenu d'un commun accord de reporter la date de signature au mois suivant pour permettre à Madame X de prendre connaissance des documents contractuels.
Elles mettent en exergue la mauvaise foi de la société Y qui face au refus opposé par Madame X de rétrocéder une partie de la zone réservée, a fait le choix de retirer son offre prétextant une faute de l'appelante qui n'est nullement démontrée.
Elles considèrent que la rétractation de l'offre est abusive, déloyale et brutale en l'absence de motif légitime et doit être sanctionnée par la mise en cause de la responsabilité extra-contractuelle fondée sur les articles 1240 et suivants du code civil.
Mme X prétend que cette rupture brutale des négociations intervenue par mail adressé le 22 juin 2018 lui a causé un préjudice évident dans la mesure où le magasin devait ouvrir le 25 août 2018 soit à peine deux mois après.
En réponse à l'argumentation adverse, Madame X considère que le refus opposé à la modification de la zone réservée mais également le souhait d'obtenir dans le cadre des négociations une zone plus large est fondée car cela remettait en cause la viabilité du projet. Elle était légitime à s'assurer de l'absence de concurrence interne et d'une réservation assez large pour rentabiliser son magasin de manière pérenne en sorte qu'il ne peut lui être fait grief d'avoir altéré le climat de confiance. Au demeurant, elle signale que la société Y a accepté cette extension sans difficulté lors du renouvellement du contrat de réservation le 4 avril 2018.
Elle expose enfin que l'expiration du délai de 6 mois au 4 octobre 2018 ne concernait que le contrat de réservation et que ce délai devait permettre uniquement aux parties de finaliser la rédaction du contrat de franchise et de son avenant ; elle considère que l'envoi du contrat et de son avenant pour une signature convenue au 24 avril 2018 reportée d'un commun accord au 15 mai 2018 vaut offre de contracter engageant la société Y qu'elle ne pouvait rompre sans motif valable dont elle ne justifie pas.
Sur les demandes indemnitaires, les appelantes font grief au jugement déféré d'avoir rejeté la plupart des prétentions sans motivation et se prévalent de plusieurs préjudices en lien avec cette rupture fautive des négociations qui comprennent notamment toutes les pertes financières générées par les frais engagés par Mme X en vue de l'installation du magasin, ainsi que les frais induits par les négociations . Elle conteste à ce titre toute légèreté blâmable expliquant la nécessité d'anticiper l'ouverture du magasin qui était initialement fixée au 25 août 2018 étant précisé que les différentes étapes d'aménagement ont été avalisées par la société Y.
Elle réclame également l'indemnisation du temps passé dans le cadre des négociations mais également la perte de revenus au cours d'une période où elle n'a pu travailler et percevoir une rémunération sur la base d'un salaire moyen de 1500 euros.
Elle sollicite enfin une indemnisation pour perte de chance de contracter avec un tiers indiquant que durant la période des pourparlers elle s'est interdite de démarcher d'autres enseignes d'alimentation biologique concurrentes.
Madame X soutient pour terminer que cet échec intervient en pleine reconversion professionnelle faisant naître chez ses partenaires financiers et commerciaux des craintes et questionnements qui entachent son image et sa crédibilité. Elle explique dans ce contexte avoir essuyé plusieurs refus de partenariat d'autres sociétés comme Biocoop, L'eau vive... au vu de l'expérience passée avec Y.
Sur les demandes présentées par la Sci Z, Madame X explique que cette Sci a été créée en vue de l'exploitation de la franchise et qu'elle est recevable sur le fondement de l'article 1240 du code civil à prétendre à une indemnisation du préjudice subi du fait de la non-perception des loyers versé par l'exploitant sous franchise.
Y demande à la cour d'appel, au visa des articles 122, 700 et 905-2 alinéa 2 du code de procédure civile, des articles 1103 et 1112 du code civil, de:
Statuant sur l'appel principal formé par X et la Sci Z et l'appel incident formé par Y à l'encontre du jugement rendu le 7 novembre 2019 par le tribunal de commerce de Nîmes,
A titre préliminaire :
- Déclarer recevable l'appel incident formé par Y ;
A titre liminaire :
- Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il n'a pas dit irrecevables les demandes de la Sci Z ;
- irrecevable l'action intentée par la Sci Z à l'encontre de Y pour défaut du droit d'agir ;
A titre principal :
- Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté X de ses demandes au titre d'un prétendu manquement par Y à ses obligations contractuelles;
- Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a dit fautive la rupture des pourparlers et négociations précontractuels par Y et en ce qu'il condamné Y à payer à X la somme de 13.260 euros au titre des dépenses d'études et analyses diverses à l'occasion des pourparlers et au titre de l'article 700 du code de procédure civile sur le fondement de la rupture abusive des pourparlers ;
- Dire et juger que Y a parfaitement respecté ses obligations contractuelles et précontractuelles ;
- Dire et juger que Y n'a commis aucune faute lors de la période des pourparlers;
En conséquence,
- Débouter X et la Sci Z de toutes leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires.
A titre subsidiaire :
Si par extraordinaire la Cour retenait une faute de Y au titre d'une rupture abusive des pourparlers, il lui sera demandé de :
- Confirmer le jugement rendu en première instance en ce qu'il a condamné Y à payer à X la somme de 12.260 euros TTC au titre des frais exposés durant la négociation et a débouté X du surplus de ses demandes ;
- Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné Y à payer à Carole X la somme de 1.000 euros au titre du préjudice moral ;
- Dire et juger que seuls les frais exposés durant la négociation son indemnisable en cas de rupture abusive des pourparlers à l'exclusion de tout autre ;
En conséquence :
- Limiter le préjudice de X aux seuls frais exposés durant la négociation et par conséquent, à la somme de 12.260 TTC ;
- Débouter X et la Sci Z du surplus de leurs demandes ;
En tout état de cause :
- Débouter X et la Sci Z de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.
- Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné Y à payer à Carole X la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au entier dépens de l'instance ;
- Condamner solidairement X et la Sci Z au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Y soulève à titre liminaire l'irrecevabilité des demandes présentées par la Sci Z pour défaut de qualité à agir soulignant l'absence de lien précontractuel et a fortiori contractuel entre cette Sci et Y mais encore cette Sci n'étant pas concernée par les négociations contractuelles et qu'aucun engagement n'a été pris à son égard.
Plus encore, elle conteste le bien-fondé de sa demande indemnitaire considérant que l'acquisition du local est intervenue plus d'un mois après que Madame X ait été informée de l'impossibilité d'ouvrir un point de vente franchisé en sorte que Y n'est pas à l'origine du dommage que dit avoir la Sci. Elle n'a pas à supporter le choix d'acquisition fait par Madame X qui pouvait très bien s'orienter vers la location.
Pour le surplus, la société Y conteste tout manquement de sa part ou toute faute dans la rupture des pourparlers arguant du respect de ses engagements au titre du contrat de réservation de zone, et notamment celui de ne pas implanter de succursale dans la zone géographique définie.
Elle prétend que l'absence de signature du contrat de franchise est liée au comportement de Mme X avec laquelle elle a rencontré des difficultés dans le cadre des négociations qui a entraîné une perte de confiance justifiant l'absence de signature du contrat de franchise.
Elle rappelle en tout état de cause qu'elle n'était pas contrainte de signer le contrat de franchise et se prévaut de la clause contractuelle (article 4.2.2) l'autorisant à ne pas donner suite à la demande d'intégration dans le réseau de franchise avec en contrepartie la restitution de la somme versée pour la réservation de la zone. Sur ce, la société Y entend indiquer qu'elle se laissait l'opportunité d'apprécier de signer le contrat de franchise ce que ne pouvait ignorer l'appelante.
Sur les demandes indemnitaires, elle sollicite à titre subsidiaire la confirmation de la somme de 12.260 euros ttc considérant que les prétentions supplémentaires ne sont pas fondées, Madame X ayant fait preuve d'une légèreté blâmable dans l'engagement de certaines dépenses et certains préjudices évoqués n'étant pas indemnisables.
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la recevabilité des demandes présentées par la Sci Z:
L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée.
La société Y soulève l'irrecevabilité des demandes exposées par la Sci Z pour défaut de qualité à agir soulignant l'absence de lien précontractuel et contractuel entre cette Sci et Y tout en rappelant que cette Sci n'est pas concernée par les négociations contractuelles et qu'aucun engagement n'a été pris à son égard.
En l'état, il est constant que la société Y et la Sci Z ne sont liées par aucune relation précontractuelle ou contractuelle, les pourparlers dont il s'agit liant l'intimée à Madame X uniquement.
Ceci étant, rien ne s'oppose à ce que la Sci Z puisse solliciter la mise en cause de la société Y dans le cadre de la responsabilité délictuelle.
Il convient en conséquence de constater la recevabilité des prétentions exposées par la Sci Z et compléter le jugement déféré sur ce point, ce dernier n'ayant pas statué sur cette difficulté.
Sur la rupture des pourparlers:
- sur la faute:
La rupture des pourparlers s'analyse suivant les règles de la responsabilité délictuelle. La liberté de rompre les pourparlers contractuels n'est pas absolue et un abus est susceptible d'engager la responsabilité de celui qui a pris l'initiative de la rupture.
Aussi, si la liberté contractuelle revendiquée par Y implique effectivement le droit de ne pas contracter, la limite de ce droit est l'abus que l'on peut en faire, lequel s'apprécie à la lumière des règles de la responsabilité délictuelle.
Il est ainsi admis qu'en rompant brutalement et unilatéralement, sans motif légitime, les pourparlers engagés avec une partie, la société manque à la bonne foi qui doit présider les relations commerciales.
Au cas d'espèce, les parties ont noué des relations à compter du 15 mars 2017, date de rencontre entre Madame X et de Madame B, responsable du développement de la société Y, marquant ainsi le début des négociations pour la conclusion d'un contrat de franchise situé sur la zone de la Vaunage .
Ces relations ont été nourries par la suite au moyen de nombreux échanges mails du mois de mars 2017 au mois d'avril 2018 portant sur la transmission d'une étude du marché local, du DIP (13 avril 2017) et sur l'élaboration du plan relatif à l'aménagement intérieur du magasin avec transmission de devis de la part de Mme B, responsable développement, à compter du mois de mai 2017 ( pièces 5 à 10, 22), ainsi que des plans de construction du local destiné à l'accueil du magasin mais également au moyen d'une participation active de Madame X à des sessions de formation (16/17 mai 2017; 12/13 juin 2017, 16/17 janvier 2018 portant sur l'accueil des nouveaux franchisés, 11/22 juin 2018), et de la signature de deux contrats de réservation.
Sur ce dernier point, un premier contrat a été signé par les parties le 27 septembre 2017, portant sur la commune de Calvisson notamment, ainsi que plusieurs communes environnantes Congenies, Aujargues, Clarensac, Boissières, Saint Dionisy, Langlade, Caveirac, Mus et Nages et Solorgues, pour une durée de six mois, soit jusqu'au 27 mars 2018.
Un second contrat de réservation était signé le 4 avril 2018 pour une durée de six mois, soit jusqu'au 4 octobre 2018, mettant à la charge des parties des obligations contractuelles identiques au précédent tout en prévoyant l'extension de la zone initialement réservée aux villes d'Aubord, Bernis, Codognan, Montpezat, Milhaud, Uchaud, Vergèze, Vestric et Candiac, Souvignargues, et Nîmes Ouest.
Enfin, par mail adressé le 18 avril 2018 (pièce 23 intimée), Madame B adresse à Mme X le contrat de franchise ainsi que son avenant avec une proposition de rencontre à la semaine suivante pour signature de ces documents soit le 24 avril 2018 à Calvisson.
A ce stade de négociations avancées, il ne fait nul doute que les parties s'accordent pour l'ouverture d'un magasin dans la zone réservée conformément au contrat de réservation du 4 avril 2018, et à tout le moins Y ne remet nullement en cause la candidature de Mme X et n'émet aucune réserve à son encontre.
Pour des raisons propres à Mme X, la signature du contrat de franchise sera reportée au mois suivant afin de lui laisser le temps d'examiner les termes de l'acte.
Or, par mail du 5 juin 2018, Y indiquait à Madame X que l'ouverture du magasin le 24 août prochain ne pourra se faire sous l'enseigne Y (-pièce 26 - intimée) ce qu'elle confirme par mail du 22 juin 2018 (pièce 28)
Il s'avère que courant mai 2018, une discussion est née entre les parties sur la zone réservée qui est remise en cause par Y qui souhaiterait l'attribuer à un autre franchisé; ce faisant, elle propose à Mme X un transfert de cette zone vers Nîmes-Est, proposition refusée par l'intimée.
Il est donc établi que la rupture des pourparlers n'a pas pour origine une perte de confiance à l'égard de Madame X, qui n'est d'ailleurs illustrée par aucune pièce produite aux débats, mais bien une évolution de la proposition de Y sur la localisation de la zone réservée, qui face au refus de cette candidate, n'a pas souhaité concrétiser leur accord initial.
Il sera rappelé le principe de bonne foi dans la formation du contrat induisant que chaque partie a le devoir de se conduire en partenaire de bonne foi désireux de mener à bien la négociation ou d'invoquer des motifs sérieux pour ne pas la poursuivre.
Ceci étant, il sera relevé que le changement de secteur proposé par Y entraînait de facto l'obligation d'implanter le local dans une autre zone d'activité et ce à trois mois de l'ouverture du magasin devant intervenir le 25 août 2018 ce à quoi Madame X pouvait légitimement s'opposer.
En mettant un terme aux pourparlers à deux mois de l'ouverture du magasin, date connue de Y, alors qu'elle a adressé à Madame X le 18 avril 2018 le contrat de franchise et son annexe pour signature, celle-ci a fait preuve d'une particulière mauvaise foi alors même qu'elle ne justifie d'aucun motif légitime et que cette rupture brutale répond implicitement au refus opposé par l'intimée de procéder à un changement de zone.
En conséquence, l'appelante caractérise que la société Y a agi avec une légèreté blâmable dans la rupture des négociations, ce qui est constitutif d'une faute de nature à voir constater sa responsabilité.
Le tribunal de commerce a retenu la rupture fautive des pourparlers, en sorte que le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
- sur la demande d'indemnisation:
Le tribunal de commerce a condamné la société Y à indemniser à Madame X les coûts portant sur la réalisation de l'étude de marché, de l'étude de faisabilité et du business plancher, de l'étude et l'analyse du contrat de franchise.
Cette condamnation, qui n'est pas contestée par les parties, sera confirmée.
Le tribunal de commerce a condamné la société Y à indemniser à Madame X de son préjudice moral en lui accordant une somme de 1.000 euros qui est contestée par l'appelante laquelle revendique une indemnisation à hauteur de 5000 euros et par la société Y.
En l'état, la prise en compte du préjudice moral est justifiée par le caractère fautif et brutal des pourparlers après 16 mois de négociations et un engagement certain de Madame X dans l'ouverture de son magasin passant par le suivi d'une formation dispensée par Y, un investissement dans la conceptualisation de son magasin (permis de construire, devis...). Il est manifeste que la rupture des pourparlers, deux mois seulement avant l'ouverture annoncée du magasin et alors même que le projet se trouve en phase terminale, a causé à Madame X un préjudice moral qu'il convient d'indemniser à hauteur de 5000 euros; le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Pour le surplus, Madame X conteste l'exclusion des demandes d'indemnisation d'autres préjudices nés de la perte de temps consacré aux pourparlers et négociations, de la perte de revenus, de la perte de chance de contracter avec un tiers, du préjudice d'image. Elle réclame en outre une somme supplémentaire de 125 274 au titre des pertes pécuniaires et financières.
L'indemnisation doit couvrir les préjudices nés exclusivement de la rupture brutale et fautive des pourparlers; il est nécessaire d'établir un lien direct entre la faute et le dommage allégué pour justifier de son droit à indemnisation.
S'agissant des frais engagés en vue de l'aménagement intérieur du magasin, Madame X réclame la condamnation de Y à prendre en charge les sommes suivantes:
- honoraires réglés à la Sarl Architecture Brayer Hugon pour les plans d'aménagement intérieur, l'intégration du concept magasin Bio et mise aux normes de l'ensemble, et les plans techniques, d'électricité et de plomberie : 2214 euros ttc; -pièce 33 -
- travaux d'aménagement du bâtiment pour l'implantation du magasin (électricité, plomberie....): 108.000 euros ttc - pièce 35-
- matériel réfrigérant : acompte de 12.000 euros ttc - pièce 36 -
A titre liminaire, il sera relevé que la demande indemnitaire portant sur les sommes de 12.000 euros et 108.000 euros repose uniquement sur des devis ; Madame X ne produit aucune facture ni la preuve de règlement desdites sommes en sorte qu'elle ne justifie pas de la réalité de son préjudice.
Ceci étant, ces demandes indemnitaires ne sauraient prospérer en l'absence de lien direct entre le préjudice revendiqué et la faute retenue à l'encontre de la société Y.
En effet, les pièces transmises portent sur la conceptualisation de l'aménagement intérieur du magasin par un architecte sans qu'une spécificité d'intégration du concept magasin Bio ne soit démontrée, ainsi que sur les travaux de plomberie, électricité, plâtrerie, climatisation, accessoires et peinture pour le devis n°018172-02 d'un montant de 108.000 euros ainsi que l'installation du matériel réfrigérant pour une somme de 12.000 euros.
En l'état, il s'agit de travaux généraux utiles à l'exploitation d'un magasin et non spécifiques à la franchise proposée par Y ; ainsi, le refus opposé à la signature du contrat de franchise ne prive pas Madame X de la possibilité d'exploiter le magasin sous une autre enseigne ou de procéder à la location du local en sorte qu'elle ne saurait prétendre au remboursement de ces sommes sauf à bénéficier d'un enrichissement sans cause.
Elle réclame enfin la somme de 3000 euros au titre du contrat de réservation; il ressort des écritures que cette somme a été restituée par Y lors de la rupture des pourparlers en sorte que cette demande ne saurait prospérer.
Sur les autres préjudices, l'appelante revendique une perte de temps consacré aux pourparlers et négociations en proposant une évaluation forfaitaire, ce préjudice n'est ni quantifiable ni indemnisable au vu des éléments communiqués; la demande sera en conséquence rejetée.
S'agissant de la perte de revenus, le lien de causalité direct n'est pas établi, la poursuite de pourparlers n'empêchant pas Madame X de poursuivre en parallèle une activité rémunératrice.
S'agissant de la perte de chance de contracter avec un tiers, Madame X n'établit nullement l'existence d'opportunité de conclure avec d'autres franchiseurs en sorte que sa demande indemnitaire sera rejetée faute de preuve d'un quelconque préjudice.
Pour finir, au stade des pourparlers, Madame X ne peut valablement revendiquer un préjudice d'image qui n'est d'ailleurs nullement établi, la pièce 34 ne pouvant suffire au vu de son caractère imprécis.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions s'agissant de l'appréciation des préjudices.
Sur les demandes indemnitaires présentées par la Sci Z:
La Sci Z réclame une somme de 25.000 euros au titre de la parte de loyers subie entre le mois d'août 2018 et janvier 2019 inclus.
A titre liminaire, il convient de rappeler que dans le cadre du projet de franchise, Madame X a créé la Sci Z le 23 février 2018 dans l'objectif qu'elle se porte acquéreur d'un local destiné à recevoir le magasin devant ouvrir sous l'enseigne 'Y' qu'elle donnerait en location à Madame X dans le cadre d'un contrat de bail commercial.
Au cas d'espèce, la Sci Z n'établit aucune faute de la société Y à son encontre; elle ne peut en outre se prévaloir d'une rupture fautive des pourparlers qui ne la concerne pas. Il n'existe enfin aucun lien de causalité direct entre la rupture fautive des négociations et l'absence de location du magasin auprès de la Sci Z.
Les conditions nécessaires à la mise en oeuvre de la responsabilité délictuelle n'étant pas réunies, la Sci Z sera déboutée de ses demandes indemnitaires.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
X et la Sci Z, qui succombent, devront supporter les dépens d'appel et payer à l'intimée une somme équitablement arbitrée à 1.500 en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnisation accordée au titre du préjudice moral,
Statuant à nouveau,
Condamne la société Y à payer à Madame X la somme de 5000 euros,
Déclare recevables mais mal fondées les demandes indemnitaires présentées par la Sci Z,
Condamne la société Y aux dépens d'appel et à payer à la société Y X et la Sci Z une somme de 2.500 par application de l'article 700 du code de procédure civile.