CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 1 décembre 2021, n° 20/07092
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Mansoor Ahmad Mohammad Co LLC (Sté)
Défendeur :
Arc Middle East LLC (Sté), Arc France (SAS), Arc Holdings (SAS), Arc Glassware (China) Co Ltd (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avocats :
Me Bouzidi-Fabre, Me Magne, Me Boccon Gibod, Me Seng
FAITS ET PROCÉDURE :
Vu le jugement rendu le 16 janvier 2020 par le tribunal de commerce de Lille qui a :
- déclaré la société Mansoor Ahmad Mohammad Co LLC irrecevable en ses demandes contre les sociétés Arc international, Arc France et Arc Glassware,
- débouté la société Mansoor Ahmad Mohammad Co LLC de sa demande indemnitaire à l'encontre de la société Arc Middle East,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné la société Mansoor Ahmad Mohammad Co LLC aux dépens et à payer à chacune des défenderesses la somme de 2 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu le jugement du 12 mars 2020 par lequel le tribunal de commerce de Lille, rectifiant l'erreur matérielle affectant le dispositif de sa décision précédente, a dit que la société Mansoor Ahmad Mohammad Co LLC était condamnée à payer à chacune des défenderesses la somme de 5.000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile et non celle de 2 000 ;
Vu l'appel de ces deux jugements relevé par la société Mansoor Ahmad Mohammad Co LLC ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 30 juin 2021 par la société Mansoor Ahmad Mohammad Co LLC, ci-après la société Mansoor, qui demande à la cour, au visa de l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 455 et 458 du code de procédure civile, de l'article L. 442-6-I 5° du code de commerce ainsi que des articles 1240 (anciennement 1382), 1231-7 (anciennement 1153) et 1343 (anciennement 1154) du code civil, de la déclarer recevable et bien fondée en son appel, d'infirmer les jugements déférés en toutes leurs dispositions et, statuant à nouveau, de :
- condamner in solidum Arc holdings, Arc France, Arc Middle East et Arc Glassware (China) à lui payer :
5 947 530 €, au titre de sa marge perdue résultant de la brutalité de la rupture par Arc holdings de leur relation commerciale établie,
56 000 €, au titre de l'amortissement des investissements en publicité et promotion spécifiquement réalisés pour Arc holdings, qui ne pourront pas être amortis,
97 000 €, au titre des coûts des modifications à apporter aux logiciels et matériels informatiques, aux rayonnages et systèmes d'étagères de stockage sur mesure et aux véhicules de logistique acquis spécifiquement pour la distribution des produits Arc afin d'en permettre l'utilisation pour la distribution d'autres produits,
181 754 €, au titre de l'indemnisation des coûts des licenciements, du fait de la désorganisation totale de l'entreprise résultant de la brutalité de la rupture,
1 000 000 €, au titre du stock devenu invendable,
234 000 €, au titre des frais et dépenses à engager pour trouver de nouveaux fournisseurs,
- dire que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 octobre 2016, avec capitalisation année par année de ces intérêts,
- condamner in solidum Arc holdings, Arc France, Arc Middle East et Arc Glassware (China) à lui payer :
100 000 €, au titre du préjudice subi en raison du comportement particulièrement fautif d'Arc holdings et de l'appropriation par les intimées de son réseau de distribution,
2 000 000 €, au titre du préjudice résultant de l'atteinte à sa réputation,
- condamner in solidum Arc holdings, Arc France, Arc Middle East et Arc Glassware (China) à lui payer la somme de 20 000 au titre des frais irrépétibles,
- les condamner in solidum aux dépens de première instance et d'appel ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 16 septembre 2021 par la société Arc holdings, la société Arc France, la société de droit des Emirats Arabes Unis Arc Middle East (anciennement Arc international Middle East) ci-après société AME, et la société de droit chinois Arc Glassware qui demandent à la cour, au visa des articles 42, 46 et 75 ainsi que 31 et 122 du code de procédure civile, et de l'article L. 442-6-I 5° du code de commerce, de :
1) à titre principal, confirmer le jugement en son intégralité
2) subsidiairement :
- in limine litis :
Dire que Mansoor n'a pas d'intérêt à agir à l'encontre d'Arc holdings, d'Arc France et d'Arc Glassware,
En conséquence, dire irrecevable l'ensemble des prétentions de Mansoor à leur encontre,
- sur le fond :
Dire que le litige n'est pas régi par le droit français mais par le droit dubaïote,
Dire qu'en vertu du droit applicable, les intimées n'ont commis aucune faute dans la rupture de leur relation commerciale,
subsidiairement, si la cour estime le droit français applicable, dire que les intimées n'ont commis
Aucune faute de nature à engager leur responsabilité sur le fondement de l'article L. 442-6-I 5° du code de commerce,
- en conséquence et en tout état de cause :
débouter Mansoor de toutes ses demandes,
condamner Mansoor aux entiers dépens et à payer à chacune des intimées la somme de 10.000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
SUR CE, LA COUR,
La société Arc holdings, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Boulogne-sur-mer le 30 octobre 1956, a pour objet la détention de participations dans toutes sociétés ; sa dénomination sociale initiale « Verrerie cristallerie d'Arques J.G Durand et cie » a été modifiée pour devenir « Arc international » à compter du 3 septembre 2000, puis « Arc holdings » à compter du 23 juin 2016.
La société Arc France a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Boulogne-sur-mer le 23 mai 2008 ; sa dénomination sociale qui était 'Arc international France' a été modifié en 'Arc France' à compter du 13 juin 2016; filiale de la société Arc holdings, elle a pour activité la fabrication, le négoce et la vente de tous articles en verre et cristal et, plus généralement en tous types de matériaux relatifs aux arts de la table et à la décoration de la maison, sous les marques Arcopal, Cristal d'Arques, Luminarc Arcoroc, Chef & Sommelier et Endura; son site de production se trouve à Arques en France.
En 2004, la société Arc international (anciennement Verrerie d'Arques et maintenant Arc holdings) a pris une participation au sein d'une société dénommée par la suite Arc midle international east (AIME) et maintenant Arc midlle east (AME); cette filiale de la société Arc holdings, est une société de droit des Emirats Arabes Unis ayant pour activité la vente des articles sous les marques précitées; elle dispose d'un site de production aux Emirats Arabes Unis.
La société Arc Glassware, filiale de la société Arc holdings, est une société de droit chinois, créée en 2002, avec pour activité la fabrication, le négoce et la vente des articles sous les marques précitées ; elle dispose d'un site de production à Nanjik en Chine.
C'est en 1977 que la société Mansoor, société de droit des Emirats Arabes Unis, a été créée et s'est spécialisée dans la distribution des produits d'arts de la table ; en 1978, la société Verrerie Cristallerie d'Arques lui a confié la distribution des produits de marque Arcopal et Luminarc sur le territoire des Emirats.
Par la suite, la société Mansoor a noué des relations commerciales avec la société Arc France, avec la société AME et avec la société Arc Glassware.
Le 21 juin 2016, la société AME a envoyé un courriel à la société Mansoor constituant le procès-verbal d'une réunion tenue le même jour; elle lui rappelait qu'elle l'avait informée des fondements de sa décision concernant la distribution; elle précisait qu'il s'agissait d'une stratégie du groupe lancée dans quelques pays et relevant d'une décision de la direction centrale et que la société Mansoor devait revenir vers la société AME concernant ses attentes à la suite de la décision de reprise de la distribution en direct par AME en 2017.
Suivant courriel du 22 septembre 2016, la société AME a indiqué à la société Mansoor que, comme convenu, elles devraient annoncer aux revendeurs au plus tard à la mi-octobre le changement à venir concernant la distribution et qu'il était essentiel pour tous de s'assurer que les affaires continueraient jusqu'à fin 2016 avec Mansoor et commenceraient sans interruption avec AME dès le 1er janvier 2017.
Puis, suivant courriel du 10 octobre 2016, la société AME a encore précisé à la société Mansoor que AME serait référencée comme fournisseur de Luminarc et Arcopal chez tous les détaillants fin décembre et qu'elle commencerait à fournir les gammes existantes aux détaillants le 1er janvier 2017, la totalité du marché lui étant transférée au plus tard fin janvier.
Par lettre du 22 octobre 2016, la société Mansoor a envoyé aux sociétés Arc holdings, Arc France, AME et Arc Glassware une demande d'indemnisation de son préjudice résultant de la rupture brutale de la relation commerciale établie ; elle leur a adressé une mise en demeure le 5 décembre 2016.
La société Arc holdings a répondu à la société Mansoor qu'elle n'avait aucune relation commerciale avec elle ; les sociétés Arc France et Arc Glassware lui ont répondu qu'elles n'avaient pas mis fin à leurs relations commerciales.
Aucun accord n'étant intervenu entre les parties, la société Mansoor a fait assigner ces quatre sociétés devant le tribunal de commerce de Lille le 28 avril 2017 aux fins d'obtenir l'indemnisation de son préjudice résultant de la rupture brutale des relations commerciales établies.
Par un premier jugement du 5 juin 2018, le tribunal s'est déclaré compétent pour trancher le litige ; la cour d'appel de Paris, statuant par arrêt du 21 novembre 2018, a confirmé cette décision.
Par le jugement déféré rendu le 16 janvier 2020, le tribunal a, d'une part déclaré la société Mansoor irrecevable en ses demandes à l'encontre des sociétés Arc holdings, Arc France et Arc Glassware, d'autre part débouté la société Mansoor de sa demande indemnitaire formée contre la société AME.
Sur la recevabilité des demandes de la société Mansoor à l'encontre de la société Arc holdings, de la société Arc France et de la société Arc Glassware :
Pour soulever cette irrecevabilité par application de l'article 31 du code de procédure civile en raison d'un défaut d'intérêt légitime à agir :
- la société Arc holdings fait valoir qu'elle n'est pas l'auteur de la rupture alléguée puisqu'elle n'entretenait plus aucune relation avec la société Mansoor depuis mai 2011, que chacune de ses filiales entretenait individuellement des relations commerciales avec la société Mansoor et qu'elle ne s'est pas immiscée dans la gestion de ses filiales,
- les sociétés Arc France et Arc Glassware font valoir qu'elles n'ont jamais rompu ni entendu rompre leurs relations commerciales avec la société Mansoor.
La société Mansoor, pour étayer ses prétentions contre les quatre sociétés intimées, prétend que :
- la société Arc holdings a rompu sa relation commerciale avec elle, dans l'exécution de laquelle elle a impliqué ses filiales,
- la société Arc holdings (alors dénommée Arc International), a entretenu une confusion totale avec sa filiale Arc France (alors dénommée Arc International France), lui laissant croire qu'elle a toujours traité avec Arc holdings,
- la relation commerciale était seule et unique de telle sorte que la décision prise par la société Arc holdings s'est imposée à l'ensemble de ses filiales dont Arc France et Arc Chine qui l'ont mise en oeuvre,
- la société Arc holdings a commis une faute en ne lui notifiant aucun préavis et en lui faisant croire, peu de temps avant la rupture, que la relation commerciale allait se poursuivre et s'amplifie.
Il convient de rappeler que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.
En l'état des prétentions développées par la société Mansooor au soutien de sa demande d'indemnisation, celle-ci justifie d'un intérêt légitime à agir à l'encontre de la société Arc holdings, de la société Arc France et de la société Arc Glassware ; ses demandes seront donc déclarées recevables.
Sur les demandes d'indemnisation de la société Mansoor :
La société Mansoor soutient que c'est la loi française qui est applicable à la relation commerciale établie ; elle expose en ce sens :
- que la décision de rompre la relation commerciale a été prise par la société Arc holdings en France, la société AME étant seulement chargée de lui annoncer la nouvelle et de veiller à sa bonne exécution sur le territoire des Emirats,
- que si aucun contrat n'a été formalisé entre la société Arc holdings et elle, la relation commerciale était régie au départ par les conditions générales de vente de la société Arc holdings,
- que les factures émises par Arc holdings et par Arc France comportaient des conditions générales de vente, qu'elle a acceptées, désignant la loi française pour régir leurs relations,
- que les conditions générales de vente des sociétés AME et Arc Glassware ne contredisent pas le choix de la loi française pour régir leurs relations,
- que la loi française s'applique à l'ensemble de la relation commerciale qui portait toujours sur la distribution des produits de la société Arc holdings aux Emirats, l'approvisionnement s'effectuant auprès de nouvelles usines selon les produits fabriqués par celles-ci, les filiales de la société Arc holding ne disposant d'aucune autonomie,
- que la loi française régissant la relation commerciale doit s'appliquer à son action indemnitaire pour rupture brutale de cette relation, qui est de nature contractuelle en présence de parties étrangères,
- en toute hypothèse, que les dispositions de l'article L. 442-6-I 5° du code de commerce constituent une loi de police applicable que le fondement de l'action en responsabilité soit contractuel ou délictuel.
La société Mansoor verse aux débats deux factures datées du 7 mars 1997 adressées par la Verrerie Cristallerie d'Arques (désormais Arc holdings), au dos desquelles figurent ses conditions générales de vente stipulant que toute livraison est soumise à leur acceptation et prévoyant que les droits et obligations des parties sont régis par le droit français ; elle produit aussi une facture émise le 13 décembre 2010 par la société Arc international (désormais Arc holdings) et une autre émise le 1er septembre 2011 par la société Arc International France (désormais Arc France) au dos desquelles figurent les mêmes conditions générales de vente.
Les autres factures sont des factures émises par la société Arc international (désormais Arc holdings) entre 1999 et 2011 (pièce n° 44), puis des factures émises par la société Arc international France (désormais Arc France) entre 2011 et 2016 qui comportent au verso ses conditions générales de vente prévoyant que les droits et obligations des parties sont régis par le droit français.
Ces différentes factures émanent de deux sociétés différentes, d'abord de la société Arc holdings, puis de la société Arc France ; elles mentionnent pour chacune la dénomination différente des sociétés et leur numéro différent d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ; c'est donc en vain que la société Mansoor se prévaut du fait que le tampon commercial Arc international qui était apposé sur ces factures serait source de confusion.
Ainsi il apparaît que la relation initiée au départ avec la société Arc holdings s'est ensuite poursuivie à compter de 2011 avec sa filiale Arc France ; même si les conditions générales de vente sont restées identiques ainsi que les coordonnées bancaires et les ressources opérationnelles, la société Mansoor ne démontre pas que ces deux sociétés auraient entretenu une confusion entre elles ou qu'elle-même aurait pu se tromper sur l'identité de sa co-contractante.
Quant aux factures établies par la société AME et par la société Arc Glassware, elles comportent en leur verso des conditions générales de vente qui ne prévoient pas la loi applicable aux droits et obligations des parties.
La société Mansoor allègue que c'est la société Arc holdings qui a rompu la relation commerciale établie, ses filiales ne disposant d'aucune autonomie; elle précise qu'elle s'approvisionnait auprès de la société Arc holdings et de ses filiales selon les produits fabriqués, en privilégiant pour des raison de coûts et de délais l'approvisionnement local auprès de la société AME; elle ajoute que ses achats auprès de la société AME représentaient de 72 à 82 % de ses achats totaux, et ceux auprès de la société Arc holdings entre 14 à 24 %.
Mais il est constant que seule la société AME a notifié à la société Mansoor la cessation de leurs relations commerciales pour la fin de l'année 2016 ; aucune des autres filiales n'ayant rompu ou notifié leur intention de rompre leurs relations commerciales.
La société Mansoor fait état de courriels échangés entre elle et la société Arc holdings en mars 2012 sur les remises de fin d'année et en septembre 2016 sur des problèmes de livraison; mais la poursuite d'une stratégie commerciale décidée par la société Arc holdings comme les consignes qu'elle a pu donner à la société AME ne suffisent pas à démontrer une immixtion dans la gestion de sa filiale qui lui aurait fait perdre toute autonomie de décision; de même la société Mansoor ne rapporte pas la preuve d'une immixtion de la société Arc holdings dans la gestion de ses deux autres filiales : la société Arc France et la société Arc Glassware.
En conséquence, la société Mansoor ne peut reprocher une rupture brutale de la relation commerciale établie qu'à l'encontre de la société AME.
Les intimées soutiennent que la loi dubaïote est applicable au litige dans la mesure où :
- s'agissant d'une action de nature délictuelle, elle est la loi du lieu du fait dommageable,
- si la cour estime que l'action est de nature contractuelle, comme invoqué par la société Mansoor, elle est la loi du lieu du siège social du distributeur,
- en tout état de cause, il n'est pas établi que l'article L. 442-6-I 5 ° du code de commerce soit une loi de police.
Il revient en premier lieu à la Cour de rechercher si l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce est applicable à titre de la loi de police et à défaut de mettre en oeuvre la méthode conflictuelle prévue par le règlement du 17 juin 2008 n° 593/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ("Rome I") ou le règlement n° 864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles ("Rome II").
Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 31 janvier 2019, C-149/18, da Silva Martins) les « dispositions impératives dérogatoires », au sens de l'article 16 du règlement Rome II, répondent, à la définition des « lois de police », au sens de l'article 9 du règlement Rome I. Aux termes de ce texte, « une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d'après le présent règlement ».
A supposer même l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce comme étant une loi de police, la Cour doit déterminer en tout état de cause, s'il existe un lien de rattachement de l'opération avec la France au regard de l'objectif de protection poursuivi par le texte précité qui garantit à toute entreprise française établie en France un préavis suffisant lorsque son partenaire, qu'il soit français ou étranger, décide de rompre les relations établies.
Or, en l'espèce, il n'est pas contesté que dans la relation entre la société Mansoor et la société AME il n'a été prévu aucune clause sur la loi applicable entre les parties, que les prestations de services exécutées sur le territoire des Emirats Arabes Unis par la société Mansoor établie à Dubaï et qui revendique la réparation d'un dommage subi à Dubaï du fait de la rupture brutale de la relation commerciale.
Les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce n'ont dès lors pas, en l'espèce, vocation à s'appliquer dans les relations entre les parties en tant que loi de police. Il convient en conséquence de déterminer la loi applicable au présent litige par application des règles de conflit de lois résultant des règlements Rome I et II.
Concernant les règles de compétence judiciaire au sens du règlement de Bruxelles I, la CJUE a dit pour droit que l'action en réparation du préjudice lié à la rupture brutale des relations commerciales établies de longue date révélant une relation contractuelle tacite relève de la matière contractuelle, et ce indépendamment de sa qualification en droit national (arrêt Granarolo, C- 196/15 du 14 juillet 2016 et Com., 20 septembre 2017, pourvoi n° 16-14.812, Bull. 2017, IV, n° 127). Cependant, la CJUE ne s'est pas prononcée sur la nature contractuelle ou délictuelle de l'action précitée en matière de conflit de loi.
Toutefois en l'espèce, il a été démontré que la rupture en question a eu lieu entre la société Mansoor et la société AME entre lesquelles la relation commerciale porte sur des prestations de services exécutées sur le territoire des Emirats Arabes Unis par des sociétés établies à Dubaï.
Dès lors, quelque soit le fondement, contractuel ou délictuel, de l'action en responsabilité pour rupture brutale d'une relation commerciale établie exercée par la société Mansoor, la loi dubaïote est applicable, soit en tant que lieu de résidence du prestataire de service à défaut de loi choisie par les parties au sens de l'article 4 §1 b) du règlement Rome I, soit en tant que loi du pays où le dommage est survenu, au sens de l'article 4 §1 du règlement Rome II.
Or, il ressort de la consultation juridique produite par les sociétés intimées, dont la société Mansoor ne conteste pas la teneur, que :
- le droit des Emirats Arabes Unis, en dehors des contrats d'agent commercial, ne prévoit aucune condition relative à la rupture d'une relation commerciale et qu'il n'exige aucun formalisme pour leur rupture, laquelle peut être effectuée par tout moyen,
- la longue durée des relations commerciales entre les parties ne constitue pas un fondement juridique permettant de considérer que le contrat, non écrit, serait devenu exclusif,
Aucune faute n'est démontrée à l'encontre de la société AME au regard des dispositions de la loi dubaïote.
En conséquence de tout ce qui précède, la société Mansoor sera déboutée de toutes ses demandes formées contre les quatre sociétés intimées.
3) Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
La société Mansoor qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel.
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu d'allouer la somme de 8 000 euros à chacune des sociétés intimées et de rejeter la demande de la société Mansoor à ce titre.
PAR CES MOTIFS
Infirme les jugements déférés et, statuant à nouveau :
Déclare la société Mansoor Ahmad Mohammad Co LLC recevable en ses demandes contre la société Arc holdings, la société Arc France, la société Arc Middle East et la société Arc Glassware,
Déboute la société Mansoor Ahmad Mohammad Co LLC de l'intégralité de ses demandes formées contre la société Arc holdings, la société Arc France, la société Arc Middle East et la société Arc Glassware,
Condamne la société Mansoor Ahmad Mohammad Co LLC à payer la somme de 8 000 à chacune de ces quatre sociétés par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Mansoor Ahmad Mohammad Co LLC aux dépens de première instance et d'appel.