Livv
Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 29 novembre 2021, n° 19/03359

COLMAR

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Truchidim Enseigne Super U (SA)

Défendeur :

Cora (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Panetta

Conseillers :

M. Roublot, Mme Robert-Nicoud

TGI Strasbourg, ch. com., du 28 juin 201…

28 juin 2019

FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La SASU CORA a effectué deux campagnes publicitaires par l'affichage d'un panneau d'environ 3 mètres sur 2, suspendu au-dessus des deux entrées de son magasin situé à MUNDOLSHEIM et comparant le prix d'un certain nombre de produits avec ceux du magasin SUPER U situé à TRUCHTERSHEIM.

Ces campagnes ont eu lieu du 26 juin 2016 au 25 juillet 2016 et du 20 février 2017 au 20 mars 2017.

La SA TRUCHIDIM ENSEIGNE SUPER U (ci-après la société TRUCHIDIM), qui exploite le magasin SUPER U à TRUCHTERSHEIM, allègue que ces deux campagnes de publicité étaient illicites en ce qu'elles auraient méconnu les conditions posées par l'article L.122-1 du Code de la consommation qui règlementent la publicité comparative.

Par un acte délivré le 11 octobre 2016, la société TRUCHIDIM a fait assigner la société CORA devant la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de STRASBOURG en responsabilité pour publicité comparative illicite, concurrence déloyale et atteinte à son image.

Par jugement du 28 juin 2019, le Tribunal de grande instance de STRASBOURG a débouté la SA TRUCHIDIM ENSEIGNE SUPER U de toutes ses demandes, a condamné la SA TRUCHIDIM ENSEIGNE SUPER U à payer à la SASU CORA la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du CPC, a rejeté la demande faite par la SA TRUCHIDIM ENSEIGNE SUPER U au titre de l'article 700 du CPC, a condamné la SA TRUCHIDIM ENSEIGNE SUPER U aux dépens.

Par déclaration faite au greffe le 23 juillet 2019, la société TRUCHIDIM a interjeté appel de cette décision.

Par déclaration faite au greffe le 1er août 2019, la société CORA s'est constituée intimée.

Par ses dernières conclusions du 25 mai 2020, auxquelles était joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la société TRUCHIDIM demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, de dire et juger que la publicité comparative de la société CORA viole les dispositions de l'article L.122-1 du Code de la consommation, de dire que les agissements de la société CORA portent atteinte à la concurrence et causent un préjudice à la société TRUCHIDIM, de condamner la société CORA à verser à la société TRUCHIDIM la somme de 400 000 euros en réparation du préjudice subi compte tenu de l'atteinte à la concurrence et à l'image de marque de la société appelante et 200 000 euros au titre de son préjudice commercial, d'ordonner la publication de la décision à venir dans les DNA aux frais de l'intimée pendant une semaine ainsi qu'à l'entrée de son magasin CORA à MUNDOLSHEIM pendant 15 jours à compter de la décision, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, de condamner la société CORA à payer à la société TRUCHIDIM 8 000 euros au visa des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel dont les frais de sommation interpellative.

Au soutien de ses prétentions, la société TRUCHIDIM affirme, sur le droit applicable, que les publicités de la société CORA violent les dispositions de l'article L.122-1 du Code de la consommation et les critères définis par le droit de l'Union européenne.

Sur la violation des règles de droit par la société CORA, la société TRUCHIDIM soutient, que les deux campagnes d'affichage sont trompeuses et de nature à induire en erreur, que la tromperie du consommateur provient de la taille de l'affichage, des caractères employés, du lieu d'affichage et de l'absence de mention d'information, que les prix comparés ne portaient pas sur les produits en magasin mais sur les produits du DRIVE de la société CORA, que cette mention était portée en tous petits caractères et en bas de l'affiche, qu'il résulte du Code de la consommation que lorsque la comparaison porte sur les prix elle doit concerner des produits identiques vendus dans les mêmes conditions.

Sur l'absence d'objectivité de la démarche comparative et l'absence de représentativité des conclusions qui sont tirées de la comparaison, sur la publicité affichée du 26 juin 2016 au 25 juillet 2016, la société TRUCHIDIM fait valoir que la sélection de produits présentés n'était pas représentative de la réalité des familles figurant en magasin ni de celle de l'achat moyen d'un client, que la société CORA n'apporte aucun élément officiel pour justifier que les 2 100 références qu'elle invoque sont proportionnelles aux références des produits qu'elle vendait en DRIVE à cette date alors que la charge de la preuve lui incombe, sur la publicité affichée du 20 février 2017 au 20 mars 2017, la société TRUCHIDIM fait valoir que le panel des 2 400 produits n'était pas représentatif, que conformément aux dispositions de la jurisprudence européenne, la société CORA ne pouvait comparer les produits vendus dans son hypermarché avec ceux du supermarché SUPER U de taille et de format différents sans l'indiquer de manière visible dans sa publicité.

Sur la contre vérité de l'affichage par rapport à la réalité des prix dans leur globalité, la société TRUCHIDIM affirme, que la publicité est mensongère puisque la société SUPER U a, sur l'ensemble de ses produits vendus, des prix nettement moins élevés que la société CORA MUNDOLSHEIM sur cette période, que les prix des magasins changent à compter du 1er juillet et s'agissant du CORA tous les 10 jours de sorte que l'affichage ne pouvait nullement représenter la réalité des prix pour la période du 1er juillet 2016 au 25 juillet 2016, qu'à aucun moment les publicités affichées n'ont précisé les périodes de validité des prix comparés, que les publicités en cause ne respectent pas les principes de loyauté, véracité et objectivité tels que définis par la jurisprudence.

Par ses dernières conclusions du 16 septembre 2020, auxquelles était joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la société CORA demande à la Cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 28 juin 2019, de débouter la société TRUCHIDIM de toutes ses demandes, fins et conclusions, de condamner la société TRUCHIDIM à payer à la société CORA la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, de condamner la société TRUCHIDIM aux entiers frais et dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société CORA affirme, sur l'absence de caractère trompeur de la publicité comparative, sur la comparaison de prix DRIVE, que la société TRUCHIDIM n'apporte aucun élément au soutien de l'affirmation selon laquelle les prix DRIVE ne seraient pas représentatifs du prix que le consommateur trouve en magasin, que les publicités soulignent de manière parfaitement lisible la mention en caractère gras 'Prix Drive collectés par une société indépendante le 19 février 2017, liste des produits consultables à l'accueil du magasin'.

Sur la représentativité des produits, objet des comparaisons, la société CORA soutient que, selon la jurisprudence européenne la publicité comparative portant sur des prix n'entraîne pas le discrédit d'un concurrent en raison du nombre de comparaisons effectuées et le choix du nombre de comparaisons auxquelles l'annonceur souhaite procéder entre les produits qu'il offre et ceux qu'offrent ses concurrents, que la société CORA a très clairement fait apparaître de manière lisible sur les différentes publicités qu'elles portent sur des prix DRIVE, le nombre précis de produits comparés, la date à laquelle les prix ont été collectés par une société indépendante et le fait que la liste des produits est « consultable à l'accueil du magasin », que la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne consacre la possibilité de comparer l'offre de magasins de formats différents à condition que cette information soit portée à la connaissance du consommateur, qu'en l'espèce la société CORA a comparé deux services DRIVE qui sont des services en ligne et indifférents du format des magasins.

Sur la circonstance que le magasin CORA de MUNDOLSHEIM serait globalement plus cher que le SUPER U de TRUCHTERSHEIM, la société CORA soutient que la publicité contestée ne portait aucune mention d'un écart des prix portant sur l'ensemble des produits des magasins CORA et SUPER U.

Sur la durée d'exposition des panneaux de publicité comparative, la société CORA affirme, qu'il est évident qu'elle ne peut procéder à l'affichage de ses publicités le jour même des relevés de prix établis par le comparateur indépendant, que les affiches ont été mises en place seulement trois jours après la réalisation du relevé de prix et n'ont été maintenues que sur une période de 4 semaines ce qui n'est pas déraisonnable, que la publicité comparative mise en oeuvre par la société CORA est parfaitement licite et n'est en aucun cas trompeuse.

Sur la demande de réparation du préjudice, la société CORA fait valoir, que la société appelante n'établit pas l'existence du préjudice et n'apporte pas la preuve d'un dénigrement.

La Cour se référera aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 mai 2021.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 9 Juin 2021.

MOTIFS DE LA DECISION :

C'est par des motifs propres et pertinents que la Cour adopte, que le premier juge a débouté la SA TRUCHIDIM enseigne SUPER U de toutes ses demandes.

Il convient juste de rajouter :

- que la société appelante développe son argumentation en se fondant sur des décisions de jurisprudence qui ne concernent que la vente des produits en magasins, que les moyens évoqués par la société appelante et dont l'appréciation est soumise à la Cour visent essentiellement de tels produits, alors qu'en l'espèce seuls les services drive sont concernés par la comparaison,

- que la société appelante n'apporte aucun élément au soutien de l'affirmation selon laquelle les prix drive ne seraient pas représentatifs du prix que le consommateur trouve en magasin, dès lors que la société intimée justifie notamment par sa pièce 12 que les prix pratiqués en magasin sont identiques au prix drive, sauf pour quelques rares produits figurant en prospectus et qui ne sont jamais pris en compte pour l'établissement des listes de produits relevant de la publicité comparative, que la comparaison a porté sur les seuls prix drive des magasins comparés et non sur des prix drive comparés avec des prix magasin et qu'en conséquence la dimension du caractère de la mention selon laquelle la comparaison portait sur les prix drive des deux magasins et la grosseur des caractères mentionnant les enseignes comparées se trouve sans importance,

- que la publicité affichée par l'enseigne Cora mentionnait clairement l'indication que la comparaison réalisée par une société indépendante a porté sur les prix drive proposés respectivement par les magasins Cora de MUNDOLSHEIM et Super U de TRUCHTERSHEIM, et qu'en conséquence le consommateur raisonnablement attentif et avisé ne pouvait pas se méprendre,

- que le comparatif des prix du service drive proposés par un magasin avec celui de ses concurrents offrant le même service et portant sur les mêmes produits peut parfaitement être présenté à l'entrée du magasin sans qu'aucun caractère trompeur ne puisse être retenu à l'égard d'une telle publicité au seul motif qu'elle aurait porté sur les prix des services drive des deux magasins comparés,

- que par ailleurs, il n'est pas possible d'exclure que la clientèle drive puisse également effectuer ses courses en magasin et de soutenir que la clientèle du drive serait nécessairement différente de celle du magasin,

- que concernant le choix du panier de produits, il convient de relever que le choix du nombre des comparaisons auxquelles l'annonceur souhaite procéder entre les produits qu'il offre et ceux qu'offrent ses concurrents relèvent de l'exercice de ses libertés économiques et qu'il est possible pour l'auteur d'une publicité comparative de choisir les paramètres qui lui sont favorables dès lors que ceux-ci sont matériellement exacts et vérifiables et ne présentent pas de caractère trompeur en occultant une circonstance précise dont la connaissance aurait été de nature à faire renoncer un nombre significatif de consommateurs à leur décision d'achat, qu'aucun caractère fautif dans ce choix opéré par la société intimée n'est démontré par la société appelante.

- que la société intimée a fait clairement apparaître de manière lisible sur ces différentes publicités que celle-ci porte sur des prix drive, le nombre précis de produits comparés, la date à laquelle les prix ont été collectés par une société indépendante et le fait que la liste de produits est consultable à l'accueil du magasin,

- que l'obligation de faire figurer dans les publicités comparatives le nombre total de références et de procéder à l'affichage du prorata du nombre d'articles comparés par rapport au nombre total d'articles de l'enseigne ne repose sur aucun fondement légal,

- que la Cour ne peut retenir l'argumentation développée par la société appelante qui se fonde sur des données relatives aux proportions de produits et répartition du chiffre d'affaires pour le magasin et non celle relative au service drive desdits magasins, dès lors que seuls les produits drive font l'objet de la publicité comparative litigieuse,

- que la comparaison de l'enseigne CORA porte non pas sur l'offre de magasins de formats différents mais uniquement sur des prix drive ainsi que cela ressort des panneaux publicitaires affichés durant la campagne, que le service drive est un service en lignes, dématérialisé, et indifférents du format des magasins Cora et Intermarché,

- que de plus, la publicité comparative litigieuse n'est pas une campagne nationale mais une campagne organisée à l'échelle locale car seuls des magasins proposant un service drive dans un rayon géographiquement limité correspondant à la zone de chalandise de chaque magasin sont concernés par la comparaison,

- que l'argumentation de la partie appelante portant sur la circonstance que le magasin Cora serait globalement plus cher que le magasin Super U n'est pas opérante dès lors que la publicité ne porte sur aucun écart de prix,

- que la société intimée démontre que si une hausse de prix de 5,8 % sur un certain nombre de produits de la liste a pu être enregistrée cette hausse ne peut être qualifiée de mensongère dès lors que le prix d'autres produits a baissé postérieurement aux relevés des prix réalisés auparavant par un comparateur indépendant.

En conséquence la publicité comparative mise en œuvre par la société Cora est parfaitement licite et ne présente aucun caractère trompeur.

La décision entreprise sera en conséquence confirmer en toutes ses dispositions.

La société TRUCHIDIM, exerçant sous l'enseigne SUPER U, succombant, sera condamnée aux entiers dépens.

L'équité commande l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SASU CORA.

L'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société TRUCHIDIM, exerçant sous l'enseigne SUPER U.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme le jugement rendu le 28 Juin 2019, par le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg,

Y ajoutant,

Condamne la société TRUCHIDIM, exerçant sous l'enseigne SUPER U, aux entiers dépens,

Condamne la société TRUCHIDIM, exerçant sous l'enseigne SUPER U à verser à la SASU CORA la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande présentée par la société TRUCHIDIM, exerçant sous l'enseigne SUPER U, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.