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Décisions

Cass. com., 4 mai 2010, n° 09-14.415

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Espace 92 (Sté)

Défendeur :

Compagnie française d'investissement (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

Me Le Prado, SCP Piwnica et Molinié, SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky

Versailles, du 5 mars 2009

5 mars 2009

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Cofrinvest fait grief à l'arrêt d'avoir été délibéré par trois magistrats, dont le conseiller Deblois, alors, selon le moyen, qu'à peine de nullité, ne peuvent délibérer d'une affaire que les juges devant lesquels elle a été débattue ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces de la procédure que les débats ont été réouverts, sans que les parties aient été entendues, et l'affaire appelée à l'audience du 4 décembre 2008 à la seule fin que la composition de la cour appelée à délibérer comprenne M. Z..., magistrat rédacteur, désigné par ordonnance du même jour, et qui n'avait pas siégé dans la formation collégiale devant laquelle l'affaire avait été débattue le 14 avril 2008 ; que l'arrêt encourt l'annulation en ce qu'il a été délibéré de cette affaire par trois magistrats, dont l'un, M. Z..., rédacteur de l'arrêt, n'a pas participé aux audiences et à la procédure antérieures ;

Mais attendu qu'en application de l'article 430, alinéa 2, du code de procédure civile, les contestations afférentes à la composition des juridictions doivent être présentées, à peine d'irrecevabilité, dès l'ouverture des débats ou dès la révélation de l'irrégularité si celle-ci survient postérieurement, faute de quoi aucune nullité ne pourra être ultérieurement prononcée de ce chef, même d'office ; que le moyen est irrecevable ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Cofrinvest fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à la nullité de la vente intervenue entre la société Espace 92 et Alain X..., et à la constatation de la cession de bail à son profit par ce dernier, alors, selon le moyen :

1°/ que la lettre du 12 septembre 2003, adressée par Alain X... à la société Cofrinvest indiquait : "Monsieur, suite à notre entretien téléphonique de ce jour et en réponse à votre lettre du 2 septembre 2003, nous vous confirmons notre accord pour la vente de notre droit au bail au prix de 350 000 euros net. Nous pouvons signer rapidement dès que nous aurons eu une copie du compromis de vente. Nous souhaiterions réduire le délai pour la vente à moins de dix-huit mois. Dans l'attente de votre réponse…" ; qu'il ressortait clairement de cette lettre qu'un accord était intervenu entre les parties sur la chose, le droit au bail, et sur le prix, 350 000 euros, et que la réduction du délai de la cession à moins de dix-huit mois n'était qu'un voeu exprimé de manière accessoire, Alain X... n'ayant jamais précisé le délai dans lequel devrait intervenir la vente ; que la cour d'appel qui a expressément constaté qu'Alain X... "a souhaité réduire le délai pour la vente à moins de dix-huit mois" ne pouvait, dans le même temps, affirmer qu'Alain X... avait fait de la réduction du délai de la cession à moins de dix-huit mois une condition essentielle de la formation du contrat et de son consentement ; qu'en omettant ainsi de tirer les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ que la vente est parfaite dès que les parties sont d'accord sur la chose et sur le prix ; qu'en l'espèce, Alain X... et la société Cofrinvest s'étaient mis d'accord sur la chose, le droit au bail, et sur le prix, 350 000 euros, et que la seule circonstance qu'Alain X... avait souhaité réduire le délai pour la vente à moins de dix-huit mois n'était pas de nature à ôter à la vente son caractère parfait, son souhait n'étant pas une condition de formation de la vente, mais une modalité de son exécution, sa non-réalisation ne pouvant remettre en cause l'existence de la vente ; qu'en se bornant à retenir que faute d'accord sur le délai de réalisation de la vente, le contrat ne s'était pas formé, sans faire état d'autres circonstances de nature à établir que les parties avaient fait de la réduction du délai pour la réalisation de la vente un élément constitutif de leur consentement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1589 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient qu'Alain X... était pressé par le temps, compte tenu notamment des exigences du constructeur automobile, de son âge et de son état de santé précaire, qu'il a préféré céder son fonds à un prix deux fois moins important, mais à très bref délai, que le caractère économique de l'opération n'était pas le plus important pour lui et que la société Cofrinvest ne lui avait pas répondu en temps utile sur ce point ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu déduire de ces diverses circonstances que les parties avaient fait du délai de réalisation de la vente un élément constitutif de leur consentement et que, faute d'accord à ce propos, la convention n'avait pas été conclue ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société Cofrinvest fait enfin grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que le manquement aux règles de bonne foi qui doivent présider aux relations commerciales constitue une faute engageant la responsabilité de son auteur ; que la société Cofrinvest reprochait à Alain X..., non pas l'arrêt des négociations mais les circonstances dans lesquelles la rupture était intervenue, rappelait que celui-ci avait donné son accord sur la chose et sur le prix après des pourparlers qui avaient duré plus d'un an, qu'elle-même avait effectué les démarches nécessaires pour parvenir à l'acquisition de l'immeuble, que rien ne permettait de supposer qu'Alain X..., qui avait demandé un rendez-vous pour signature de la vente chez le notaire, pourrait revenir sur l'engagement qu'il avait pris et qu'elle en était si persuadée qu'elle avait signé, le 10 novembre 2003, avec les consorts Y..., une promesse de vente excluant la condition suspensive de la résiliation du bail et faisait valoir qu'Alain X... ne pouvait expliquer son revirement par la nécessité de raccourcir le délai de réalisation de la vente alors qu'il savait parfaitement que l'opération envisagée nécessitait l'obtention de décisions administratives, permis de construire, permis de démolir et caractérisait ainsi le manque de loyauté d'Alain X... ; qu'en se bornant à retenir que le fait de ne pas poursuivre les négociations ne constituait pas une faute sans rechercher, comme elle y était invitée, si Alain X... n'avait pas commis une faute détachable de la rupture en manquant gravement aux règles de bonne foi qui doivent présider aux relations commerciales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil ;

Mais attendu que c'est par une appréciation souveraine des faits qui lui étaient soumis que la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a retenu que le fait de ne pas poursuivre les négociations ne constituait pas une faute de la part d'Alain X... ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.