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Décisions

Cass. com., 20 juin 1995, n° 93-12.810

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Badi

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

Me Ricard, Me Barbey

Bordeaux, du 12 janv. 1993

12 janvier 1993

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 janvier 1993), que la société Propriété diffusion (la société Prodif), dont le capital était représenté par 5 000 parts détenues à concurrence de 3 000 par la société Quancard et de 2 000 par M. X, a été mise en redressement judiciaire sur déclaration de cessation des paiements puis en liquidation judiciaire avec M. Y comme liquidateur ; que les opérations de la procédure collective ayant révélé l'existence d'une insuffisance d'actif, le liquidateur a demandé que la société Quancard soit condamnée, en tant que dirigeant de fait, à payer une certaine somme, à titre principal, sur le fondement de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, subsidiairement, sur celui des articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'agit dans son intérêt personnel et caractérise la faute de gestion, le gérant de fait qui, à la veille du " dépôt de bilan " réduit, voire annule, son compte courant, paye par anticipation certaines commandes passées auprès de propriétaires de grands vins avec lesquels il entretient par ailleurs des liens privilégiés pour sa propre activité commerciale et rachète, à leur prix de revient, des quantités importantes de vin en stock dans sa société ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, d'autre part, qu'il appartenait à la cour d'appel de rechercher si la société Quancard, qui exerce la même activité que la société Prodif et en était le gérant de fait, en permettant ou en s'abstenant d'empêcher que celle-ci prenne le risque excessif d'accepter, sans aucune prise de garantie, de livrer à concurrence de la moitié de son chiffre d'affaires, des commandes à un unique client, dont la déconfiture entraînera sa mise en redressement judiciaire, puis, à la veille du dépôt de bilan, en s'empressant de réduire son compte courant dans la société, en payant, avant terme, certains créanciers avec lesquels elle entretenait pour son compte, des liens privilégiés et en rachetant pour 4 000 000 de francs, à prix coûtant, les stocks de l'entreprise, et en concluant toutes ces opérations sans marge bénéficiaire pour la société Prodif, n'avait pas, par cet ensemble d'agissements, eu un comportement fautif ayant contribué directement à l'insuffisance d'actif ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un manque de base légale au regard de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que la cour d'appel a pu estimer que ni l'imputation d'avoir, à une date proche de la déclaration de cessation des paiements, procédé à des paiements tant par réduction de son compte courant que par anticipation au profit de propriétaires de grands crus, ni le rachat par la société Quancard à la société Prodif, à leur prix de revient, de quantités de vin paraissant avoir été rétrocédées par la société GSF, dès lors qu'avec l'autorisation du juge-commissaire le liquidateur avait vendu une partie du stock de vins à la société Quancard aux mêmes conditions, ni l'acceptation de commandes représentant 40 % du chiffre d'affaires à laquelle il n'était pas établi que la société Quancard ait participé, ne constituaient des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif ; que le moyen est sans fondement ;

Sur le second moyen :

Attendu que le liquidateur fait encore grief à l'arrêt de l'avoir déclarée irrecevable en sa demande subsidiaire, fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code civil, alors, selon le pourvoi, que le régime de l'action en participation à l'insuffisance d'actif prévu par la loi du 25 janvier 1985 n'a nullement exclu la possibilité d'un recours subsidiaire aux dispositions de la responsabilité civile de droit commun, contre la même personne, en réparation d'un même préjudice mais fondé sur des faits différents ; qu'en affirmant le contraire la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil et 180 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que, lorsque le redressement ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, les dispositions des articles 180 et 183 de ladite loi, qui ouvrent aux conditions qu'ils prévoient, une action en paiement des dettes sociales à l'encontre des dirigeants de droit ou de fait en cas de faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, ne se cumulent pas avec celles des articles 1382 et 1383 du Code civil ; qu'il s'ensuit que le liquidateur est irrecevable à exercer contre le dirigeant à qui il impute des fautes de gestion l'action fondée sur les deux derniers textes précités en réparation du préjudice des créanciers résultant de l'insuffisance d'actif ; que la cour d'appel a, à juste titre, déclaré irrecevable la demande subsidiaire du liquidateur ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.