CA Toulouse, 2e ch., 1 décembre 2021, n° 19/03161
TOULOUSE
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Irrijardin (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Salmeron
Conseillers :
M. Martin de La Moutte, M. Balista
Avocats :
Me Rochet, Me Maurizot, Me Bensoussan
Exposé des faits et procédure :
La Société Irrijardin dispose d'un réseau de magasins, succursales et magasins spécialisés dans la commercialisation de produits d'irrigation des jardins, de piscines et de leurs accessoires.
Monsieur X a envisagé d'intégrer le réseau de franchise Irrijardin.
Le 6 novembre 2015, la société Irrijardin et Monsieur X ont signé un contrat de réservation de zone pour une durée de 18 mois moyennant le versement d'une somme 8 100 TTC réglée par Monsieur X.
Par courrier du 24 juin 2016, la société Irrijardin a informé Monsieur X de ce qu'elle n'entendait pas donner suite au projet.
Par exploit d'huissier en date du 24 mars 2017, Monsieur X a fait assigner la société Irrijardin devant le tribunal de commerce de Toulon pour obtenir une indemnité globale de 91 700 en réparation de son préjudice en invoquant une rupture fautive du contrat de réservation.
Par jugement du 24 octobre 2018, le Tribunal de Commerce de Toulon faisant application de la clause attributive de juridiction insérée dans le contrat de réservation de zone, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Toulouse.
Par jugement du 11 juin 2019, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a dit que la société Irrijardin avait exécuté le contrat de réservation de bonne foi, débouté Monsieur X de toutes ses demandes et l'a condamné à payer à la société Irrijardin la somme de 3.000 au titre des frais irrépétibles.
Par déclaration en date du 5 juillet 2019, Monsieur X a relevé appel de ce jugement.
L'instruction de la procédure a été clôturée par ordonnance du 20 septembre 2021.
Prétentions et moyens des parties :
Vu les conclusions notifiées le 20 avril 2020 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Monsieur X demandant, au visa des articles 1103, 1104, et 1231-1 et suivant du Code Civil de :
Réformer le jugement ;
Condamner la Sasu Irrijardin au paiement de la somme de 92 294,28 en réparation du préjudice causé.
Condamner la Sasu Irrijardin au paiement de la somme de 5 000,00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamner la Sasu Irrijardin aux entiers dépens
Vu les conclusions notifiées le 27 jullet 2020 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la société Irrijardin demandant à la cour de :
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Toulouse du 11 juin 2019 entrepris en ce qu'il a :
Débouté Monsieur X de l'ensemble de ses demandes;
Dit que la société Irrijardin a exécuté le contrat de réservation de bonne foi ;
Condamné Monsieur X au versement de la somme de 3 000 à la société Irrijardin au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Ordonné l'exécution provisoire ;
Condamné Monsieur X aux entiers dépens,
L'infirmer pour le surplus,
Recevoir l'appel incident de la société Irrijardin,
Le déclarer fondé, et statuant à nouveau,
Condamner Monsieur X à payer à la société Irrijardin la somme de 10 000 titre de dommages et intérêts pour appel abusif,
En toute hypothèse,
Débouter Monsieur X de toutes ses demandes, fins et prétentions,
Condamner Monsieur X à payer à la société Irrijardin la somme 5 000 en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner Monsieur X en tous les dépens de la première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile,
MOTIFS :
Les parties se sont engagées dans le cadre d'une convention dénommée contrat de réservation de zone, qualifiée en son article 1 de pré-contrat, par laquelle le franchiseur s'engage à fournir au candidat à la franchise, tous éléments de son savoir-faire, à l'aider dans la recherche de locaux et de financement et à se tenir à sa disposition pour répondre aux questions relatives à son installation comme franchisé.
En contrepartie, le franchisé verse une somme de 8 100 TTC.
En revanche, ni le franchiseur, ni le candidat ne s'engagent à signer un contrat de franchise au terme de cet avant-contrat.
L'article 6 de ce contrat mentionne qu'il est établi pour une durée de 18 mois, qu'il ne se renouvellera pas par tacite reconduction et qu'il sera résilié dans les hypothèses suivantes, sur simple lettre adressée à l'une des parties :
en cas de non-respect par l'une ou l'autre des parties de l'une des obligations prévues au présent huit jours après l'envoi d'une lettre recommandée valant mise en demeure.
en cas de décès du partenaire.
Cette convention ne met à la charge du candidat à la franchise aucune autre obligation que celle de payer la somme de 8 100 €.
La société Irrijardin qui a par courrier du 24 juin 2016, notifié à M. X qu'elle entendait mettre fin à cette convention au motif qu'il n'était pas en harmonie avec le concept ni avec l'équipe, ne démontre pas par les pièces qu'elle verse aux débats l'existence d'un manquement de son cocontractant à ses engagements contractuels.
Les différents mails échangés entre les parties jusqu'au mois de juin 2016 témoignent de la volonté de Monsieur X de défendre ses intérêts, notamment s'agissant de la définition de la zone susceptible de lui être attribuée par le contrat de franchise, ce qui constitue l'objet même de la convention, sans caractériser un quelconque comportement fautif.
La faute du candidat ne peut résulter de ce qu'il a entrepris de rencontrer un franchisé du groupe, afin de se présenter, puisque contrairement à ce qui est soutenu, il n'est pas établi qu'une telle démarche, qui n'apparaît pas en elle-même fautive, lui avait été expressément interdite.
Purement subjective, l'allégation par le franchiseur d'une dysharmonie ou d'une incompatibilité du candidat avec les valeurs Irrijardin lesquelles ne sont d'ailleurs pas explicitées, ne caractérise pas un manquement du candidat à la franchise aux obligations résultant de la convention de réservation de zone.
Monsieur X relève en outre à bon droit que l'exigence d'une mise en demeure préalable n'a pas été respectée.
La rupture intervenue hors des prévisions contractuelle est donc fautive.
Son caractère brutal, en l'absence de tout avertissement préalable a nécessairement causé à Monsieur X un préjudice moral qui sera indemnisé par l'allocation d'une indemnité de 3 000 mise à la charge de la société Irrijardin.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur X de l'ensemble de ses demandes.
Il appartient en revanche à Monsieur X d'établir que les préjudices plus amples dont il sollicite l'indemnisation sont imputables à la faute de la société Irrijardin dans la rupture de la convention.
Il résulte des écritures des parties, conformes sur ce point, que la somme de 8 100 versée par X à la date de la signature du contrat de réservation de zone, lui a été restituée.
Invoquant les frais de déplacement engagés au cours de la période d'exécution de la convention ainsi que la perte d'une chance de développer sa franchise, Monsieur X n'établit néanmoins pas l'existence d'un lien causal entre ces préjudices et le non-respect des exigences de l'article 6 du contrat puisque le franchiseur demeurant libre à l'expiration de la convention de zone de ne pas accorder de franchise sans avoir à justifier son refus, la situation du candidat n'aurait pas été plus favorable en l'absence du manquement imputé au franchiseur.
C'est enfin, sans aucune justification et sans expliciter les manquements allégués que Monsieur X soutient que la société Irrijardin n'a pas respecté les engagements issus de la convention de réservation de zone en ne le plaçant pas dans les "conditions optimales à la préparation de l'activité".
Monsieur X sera en conséquence débouté de ses plus amples demandes.
L'exercice d'une action en justice, comme celui d'une voie de recours ne dégénèrent en faute pouvant donner lieu à des dommages et intérêts qu'en présence d'une intention malicieuse ou malveillante ou d'une légèreté blâmable, insuffisamment caractérisées en l'espèce dès lors que les prétentions de Monsieur X ont été partiellement accueillies en cause d'appel et que, pour le surplus, Monsieur X a pu se méprendre sur l'étendue de ses droits.
La demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par la Sasu Irrijardin doit en conséquence être rejetée.
Partie perdante en cause d'appel en ce qu'elle est condamnée à indemniser le préjudice moral de l'appelant, la société Irrijardin supportera les dépens de première instance et d'appel et devra indemniser Monsieur X des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer pour faire valoir ses droits.
Par ces motifs :
Infirme le jugement déféré,
Déclare fautive la rupture du contrat aux torts de la société Irrijardin ;
Statuant à nouveau ;
Condamne la société Irrijardin à payer à Monsieur X la somme de 3 000 en réparation de son préjudice,
Déboute Monsieur X de ses plus amples demandes indemnitaires;
Déboute la société Irrijardin de sa demande indemnitaire au titre du caractère abusif de l'action et de l'appel ;
Condamne la société Irrijardin aux dépens ;
Condamne la société Irrijardin à payer à Monsieur X la somme de 1 500 par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.