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Décisions

Cass., 30 juin 2021, n° 20-12.821

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Défendeur :

Le Café (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Rapporteur :

Mme Andrich

Avocats :

SCP Didier et Pinet, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Grenoble, ch. com., du 12 déc. 2019

12 décembre 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué, (Grenoble, 12 décembre 2019), la société Le café est cessionnaire, depuis le 13 septembre 2010, d'un fonds de commerce comprenant le droit au bail concédé en 1958, renouvelé à compter du 1er janvier 1997 et depuis reconduit tacitement, portant sur une maison à usage d'habitation et de commerce appartenant à Mme [D].

2. Après expertise ordonnée en référé, la locataire a assigné la bailleresse en paiement de travaux de mise en sécurité de l'immeuble et de réfection de l'appartement et en réparation d'un préjudice de jouissance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, et sur le second moyen, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Le Café fait grief à l'arrêt de rejeter l'intégralité de ses demandes au titre des travaux de mise en sécurité et de sa demande d'indemnisation de son préjudice commercial, alors « que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir celle-ci en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ; que l'exécution par le bailleur de son obligation de délivrance suppose que celui-ci fournisse et maintienne au locataire un local en état de servir à l'usage pour lequel il a été loué ; qu'en l'espèce, il résultait du contrat de bail que la partie commerciale des locaux loués était à destination de «café-restaurant » ; que la cour d'appel a constaté qu'il ressort de l'expertise de M. [Z] du 21 juin 2016 que la mise aux normes de l'issue de secours nécessitait la « pose d'une nouvelle barre anti-panique » et la « pose d'un nouveau bloc autonome », que la cuisine était « très petite », « sa mise aux normes d'une cuisine de restaurant (étant) impossible » la mise en sécurité de cette cuisine nécessitait le remplacement du chauffe-eau à gaz « par un chauffe-eau électrique », qu'en application du règlement de sécurité contre l'incendie relatif aux établissements recevant du public, il convenait de remplacer la porte « par une porte degré pare-flammes œ heure à fermeture automatique », « les parois verticales et horizontales (devant) avoir un degré coupe-feu 1h » et que concernant la toiture, « il ne peut être question de confortement mais bien de remplacement » ; qu'il résultait de ces éléments que les locaux n'étaient pas en état de servir à l'usage de café-restaurant pour lequel ils avaient été loués, de sorte que Mme [D] avait manqué à son obligation de délivrance ; qu'en déboutant néanmoins la Sarl Le Café de sa demande tendant à voir condamner celle-ci à lui payer la somme de 12 238 euros TTC au titre des travaux de mise en sécurité, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constations, a violé les articles 1719 et 1720 du code civil.»

Réponse de la Cour

Vu l'article 1720 du code civil :

5. Selon ce texte, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, d'entretenir la chose louée en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations nécessaires, autres que locatives. Il en résulte que les travaux de sécurité indispensables à l'exercice de l'activité contractuellement prévue relèvent de l'obligation de maintenir les locaux en état de servir à l'usage et incombent au bailleur qui ne peut s'en dispenser.

6. Pour rejeter les demandes de la société Le Café, l'arrêt retient que celle-ci ne peut exiger de la bailleresse aucune somme au titre des travaux de reprise, du chauffe-eau, du rideau métallique qui ne sont pas imputables à la vétusté du bâtiment dont elle doit répondre, que le rideau métallique a été posé par l'un des locataires successifs, qu'il en est de même de la porte anti-panique et du doublage coupe-feu, l'expert ne notant pas que le remplacement de cet élément et l'installation du doublage résultent de la vétusté imputable au bailleur et, qu'il résulte du rapport d'expertise la même solution concernant l'auvent.

7. En statuant ainsi, alors que la clause du bail commercial qui limite la charge des réparations incombant à la bailleresse à celles résultant de la vétusté ne peut la décharger de son obligation de maintenir le local commercial en état de servir à l'usage prévu et d'exécuter les travaux de sécurité qu'impose notamment la réception du public, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société Le Café en paiement des frais afférents aux travaux de mise en sécurité du local commercial et en indemnisation de son trouble de jouissance, l'arrêt rendu, le 12 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble.