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Décisions

Cass. com., 22 septembre 2021, n° 19-18.886

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Le Bras

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Foussard et Froger, SCP Spinosi

Orléans, ch. com., du 9 mai 2019

9 mai 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 9 mai 2019), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 27 juin 2018, pourvoi n° 16-26.360), le Syndicat mixte pour l'aménagement du seuil du Poitou (le SMASP) et la société pour la gestion et l'animation du parc de loisirs de Saint-Cyr (la SAGA) ont donné à « bail commercial » à M. [L] un local dans lequel celui-ci exploitait un fonds de commerce de snack-bar et alimentation. M. [L] ayant été mis en liquidation judiciaire, le SMASP et la SAGA ont notifié, le 20 juin 2003, à Mme [Y], nommée liquidateur, la rupture des relations contractuelles en contestant l'existence d'un bail commercial en raison de la situation du fonds de commerce dans le parc de loisirs dépendant du domaine public.

2. Le 30 juin 2003, M. [R] a fait une offre de reprise de ce fonds de commerce. Sur la requête du liquidateur en date du 1er juillet 2003, qui faisait mention d'un « droit au bail commercial » mais non de sa résiliation, le juge-commissaire a, le 5 juillet 2003, autorisé la vente amiable du fonds de commerce à M. [R], lequel est entré dans les lieux le 9 juillet 2003 après en avoir payé le prix.

3. Par jugement du 21 novembre 2003, un tribunal de commerce a rejeté l'opposition à la vente formée par le SMASP et la SAGA, en retenant qu'il existait un fonds de commerce comprenant un bail commercial.

4. L'acte de vente du fonds a été régularisé le 17 décembre 2003.

5. Une juridiction administrative ayant validé la résiliation du bail et accueilli la demande d'expulsion formée par le SMASP et la SAGA, M. [R], qui avait dû libérer le local, a engagé une action en responsabilité contre Mme [Y] qui a appelé l'Etat en garantie sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Mme [Y] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [R] certaines sommes en réparation de son préjudice économique et de son préjudice moral, alors « que le préjudice résultant du manquement à une obligation précontractuelle d'information s'analyse en une perte de chance dès lors que la décision qu'aurait prise le créancier de l'obligation d'information méconnue, s'il avait été mieux informé, est incertaine ; qu'en condamnant le liquidateur judiciaire à indemniser M. [R] de la totalité des préjudices subis du fait de l'acquisition du fonds de commerce qu'il n'avait pu exploiter, sans établir qu'il était certain que, mieux informé, M. [R] aurait renoncé à acquérir le fonds en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

8. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

9. Pour condamner Mme [Y] à payer à M. [R] des sommes d'un certain montant en réparation de ses préjudices économique et moral, l'arrêt, après avoir retenu sa faute pour avoir pris l'initiative de céder un droit au bail dont elle savait qu'il avait été résilié et sans en informer l'acquéreur, retient que, par l'effet de l'expulsion due à la contestation par le SMASP et la SAGA du droit au bail cédé, M. [R] a perdu la chance d'exploiter le fonds jusqu'au terme du bail et de le céder à l'issue et qu'il est également fondé à être indemnisé du préjudice résultant de la perte patrimoniale qu'il a dû supporter à l'occasion de la fermeture de l'établissement, qui ressort au bilan à la somme de 54 238 euros puisque cette perte est la conséquence directe de la fermeture anticipée de l'établissement, imputable à la faute de Mme [Y].

10. En statuant ainsi, alors que le préjudice résultant du manquement à une
obligation précontractuelle d'information est constitué par la perte de chance de ne pas contracter et d'éviter ainsi de subir des pertes, ou de contracter à des conditions plus avantageuses, et non par la perte d'une chance d'obtenir les gains attendus, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme [Y] à payer à M. [R] la somme de 117 865 euros en réparation de son préjudice économique et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 9 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans.