Cass. 3e civ., 16 février 1982, n° 80-13.528
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Frank
Rapporteur :
M. Viatte
Avocat général :
M. Simon
Avocat :
Me Choucroy
Sur le premier moyen : Attendu, selon l'arrêt attaque (Paris, 26 mars 1980), que la société Club Elysées Palace était sous-locataire de locaux à usage commercial devenus la propriété de la société civile immobilière de gestion du ... A bail à la société anonyme Hôtel Élysées Marignan;
Que le bail principal ayant pris fin le 1er janvier 1974, la société Club Élysées Palace a demandé à la société propriétaire le 17 mai 1975 le renouvellement de son sous-bail ;
Qu'un refus lui ayant été opposé, elle a réclamé le paiement d'une indemnité d’éviction ;
Attendu que la société propriétaire fait grief à l'arrêt d'avoir fait droit à cette demande, alors, selon le moyen, « que l'article 4 du décret du 30 septembre 1953 ne reconnait le droit au renouvellement du bail qu'au cas où, sauf motif légitime, le fonds a fait l'objet d'une exploitation effective au cours des trois années qui ont précédé la date d'expiration du bail ou de sa reconduction, et que l'article 9 du même décret, qui réserve expressément les dispositions de cet article 4, subordonne aussi la nécessité d'une mise en demeure au locataire a la durée d'exploitation du fonds que celui-ci doit avoir accomplie pour bénéficier du droit au renouvellement ;
D'où il suit que l'arrêt attaqué qui, sans relever l'existence de motifs légitimes, a constaté que la société sous-locataire n'avait pas exploité le fonds litigieux de mars ou mai 1974 à avril 1975, ne pouvait, sans méconnaître les textes précités, refuser de tenir compte de ce défaut d'exploitation du fonds pour la raison que le bailleur n'avait pas fait délivrer de mise en demeure » ;
Mais attendu qu'après avoir exactement relevé que les trois ans visés par l'article 4 du décret du 30 septembre 1953 se situaient entre le 1er juillet 1972 et le 1er juillet 1975, date du terme d'usage suivant la demande en renouvellement, l'arrêt retient que la société sous-locataire était pendant toute cette durée demeurée immatriculée au registre du commerce au titre de l'activité exercée dans les locaux ;
Que l'interruption de cette activité qui s'est produite entre mars ou mai 1974 et avril 1975 ne présentait pas le caractère définitif ou irréversible qui eut rendu inutile ou inopérante la mise en demeure prévue par l'article 9 du décret précité ;
Que la cour d'appel a pu en déduire que la société propriétaire ne pouvait se prévaloir de l'article 4 du décret du 30 septembre 1953 ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les deuxième et troisième moyens réunis : Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir écarté le grief de la société propriétaire tiré de la substitution d'un nouveau fonds de restaurant à celui de cabaret-spectacle et de la mise en location-gérance de ce nouveau fonds sans que la condition de deux ans d'activité exigée par l'article 4 de la loi du 20 mars 1956 soit requise, alors, selon le moyen, « que la clientèle constituant l'élément essentiel d'un fonds de commerce, méconnaît l'article 455 du nouveau code de procédure civile l'arrêt attaqué qui, d'une manière contradictoire, constate que les prestations offertes à la clientèle ont été modifiées et affirme, sans vérifier si la clientèle est demeurée identique, qu'il n'y a pas eu substitution de fonds de commerce » ;
Mais attendu que, hors la contradiction prétendue, l'arrêt relève souverainement que l'introduction dans les lieux d'un service de restauration expressément prévu par le bail ne suffisait pas à établir qu'il y ait eu substitution de fonds, alors que les activités et les divertissements n'avaient nullement disparu et que les changements de formule et d'enseigne traduisaient la nécessité de s'adapter à l'évolution des goûts de la clientèle propre à ce type d’établissement ;
Que la cour d'appel a pu en déduire le maintien de l'identité du fonds et la régularité de la location-gérance ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le quatrième moyen : attendu qu'il est reproche à l'arrêt d'avoir écarté le grief fait à la société sous-locataire d'avoir posé un plancher intermédiaire sans se conformer à l'autorisation du propriétaire, alors, selon le moyen « que, d'une part, après avoir relevé que l'expert a constaté que le plancher n'avait pas été exécuté conformément au plan accepté par le propriétaire et que la surface du plancher réalisé était de 33 m2 au lieu de 3 33,88 m2 selon le document d'origine, ce qui impliquait que les travaux réalisés étaient dépourvus d'autorisation et que les mentions - même sommaires - du plan accepte et qui conditionnait l'autorisation, avaient été méconnues, l'arrêt attaque méconnaît l'article 455 du nouveau code de procédure civile en affirmant ensuite, d'une manière contradictoire, que les travaux litigieux n'ont pas contrevenu à l'autorisation du propriétaire;
Et alors, d'autre part, que la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer, d'où il suit que l'arrêt attaqué qui déduit du simple silence du propriétaire sa volonté de renoncer à se prévaloir du défaut de conformité des travaux réalisés par rapport à l'autorisation limitée dudit propriétaire, a entaché sa décision d'un manque de base légale » ;
Mais attendu que l'arrêt qui relève que le bail n'exigeait l'autorisation du propriétaire que pour les travaux touchant le gros oeuvre et que le propriétaire avait inscrit sur le plan qui lui était soumis « bon pour établissement d'un niveau intermédiaire » retient que ce plan était extrêmement sommaire dans ses indications, qu'il ne portait ni cote, ni mention de surface, ni précision concernant les garde-corps, ni même aucune certitude sur le sens de l’escalier ;
Que la surface du plancher réalisée diffère peu de celle qui peut être calculée sur les documents, que la structure du plancher ne touche pas au gros œuvre dans les parties verticales ;
Que la cour d'appel a pu déduire de ces constatations et du caractère très général de l'autorisation donnée par le propriétaire que les travaux effectués n'avaient pas contrevenu à l'autorisation et a, par ce seul motif, légalement justifie sa décision de ce chef;
Et sur le cinquième moyen : Attendu que l'arrêt est critiqué pour avoir écarté le grief du propriétaire tiré de l'implantation d'une enseigne autre que celle qui avait été approuvée par le propriétaire, alors, selon le moyen, « que, d'une part, après avoir constaté que le sous-bail stipulait que « le preneur devra obtenir pour toute enseigne autre que celle existant actuellement l'autorisation préalable et écrite de l'architecte du bailleur » que la société Club Elysées Palace avait modifié son enseigne sans obtenir cette autorisation et que le nouveau propriétaire avait vainement mis le sous-locataire en demeure, par exploit du 18 avril 1979, de mettre fin à l'infraction relative à l'installation de cette enseigne sans accord d'aucune sorte, méconnaît l'article 455 du nouveau code de procédure civile l'arrêt attaqué qui, sans même relever l'existence d'une renonciation du précédent bailleur à se prévaloir de l'infraction, refuse d'une manière contradictoire de sanctionner cette inobservation des clauses du bail par la seule considération que la pose de l'enseigne litigieuse n'a pas fait l'objet de réserves ni de protestations de la part du précédent propriétaire;
Et alors, d'autre part, que la renonciation à un droit ne pouvant résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer, à supposer que l'on puisse interpréter l'arrêt attaqué comme se référant à une prétendue renonciation tacite du propriétaire précédent, la cour d'appel qui omet de rechercher les éléments permettant de vérifier la prétendue renonciation non équivoque du précédent propriétaire, a entaché, sa décision d'un manque de base légale ;
Et alors, enfin, que l'acquéreur d'un immeuble est en droit de se prévaloir des stipulations du bail à l'égard du locataire ou sous-locataire ;
D'où il suit que la cour d'appel qui rappelle que le nouveau propriétaire avait adressé au sous-locataire une mise en demeure d'avoir à mettre fin à l'infraction tenant a l'installation d'une enseigne sans autorisation et constaté une différence entre l'enseigne existante et celle autorisée, ne pouvait, sans violer l'article 1743 du code civil, refuser le jeu de la clause résolutoire invoquée par le nouveau propriétaire en raison de l'absence de réserves du précédent propriétaire » ;
Mais attendu que l'arrêt relève, en se référant aux constatations de l'expert précédemment X..., que le volume général de l'enseigne et sa disposition ne sont pas très différents de ceux autorisés;
Que de ces énonciations, la cour d'appel a pu déduire que l'infraction reprochée à la société sous-locataire n'était pas caractérisée et ainsi, abstraction faite des motifs surabondants critiques par le moyen, a légalement justifié sa décision;
Par ces motifs : rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 26 mars 1980 par la Cour d'appel de Paris.