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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 17 mars 2021, n° 18/09958

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Thaunat

Conseillers :

Mme Gil, Mme Goury

TGI Paris, du 11 janv. 2018, n° 14/08057

11 janvier 2018

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 5 décembre 1978, la SCI DU [...] a donné bail en renouvellement à la SARL INTERCOMMERCIA des locaux situés [...] 14ème ainsi désignés :

1) Une boutique située [...] 14ème) à usage de café, restaurant ainsi qu'une cuisine et une pièce y attenant à l'usage de couloir ainsi que, tant pour le preneur que pour les clients du fonds de commerce, le cabinet d'aisance situé au rez-de-chaussée avec droit de passage pour y accéder.

2) Une cave située sous la boutique.

3) Un logement situé [...] 14ème) au rez-de-chaussée sur cour comprenant trois pièces ainsi que l'usage commun de la cour.

Pour une durée de trois, six ou neuf années entières et consécutives à compter du 1er avril 1977 et moyennant un loyer annuel en principal de 8.600 francs.

M. Henry P. et Mme Elisabeth P., eux-mêmes cessionnaires du droit au bail depuis le 11 décembre 1978, l'ont cédé à M. Abdul S. et à son épouse, Mme Susan S. née T., par acte sous seing privé du 31 mai 1979 dont il ressort que cette cession est la conséquence de la vente du fonds de commerce intervenue le même jour entre les consorts P. et les époux S..

Mme Susan T. et M. Abdul S. ont divorcé suivant jugement du tribunal de BROMLEY (GRANDE BRETAGNE) du 7 mai 1986.

M. Abdul S. a ensuite vécu avec Mme Véronique S., deux enfants étant issus de ce concubinage, M. Same S. né le 14 septembre 1986 et M. Tamine S. né le 2 juin 1989.

M. Abdul S. est décédé le 29 juin 2000.

Par acte d'huissier de justice du 21 août 2012, la SCI DU [...] a fait délivrer à Mme S. Susan Mary née T. et aux héritiers et ayants droits de M. Abdul S. pris collectivement un congé pour le 31 mars 2013 avec refus de renouvellement et refus d'une indemnité d'éviction, au visa de l'article L.145- 17 du code de commerce, et ainsi motivé, en référence à un procès-verbal de constat d'huissier de justice en date du 22 mai 2012 :

Monsieur S. serait décédé en 2000 et Madame S. SUSAN MARY née T. n'occuperait plus personnellement les lieux donnés à bail depuis de nombreuses années et serait établi en Angleterre sans précision d'adresse.

- le fonds de commerce objet du présent bail est exploité sans autorisation, par des tierces personnes, Madame S. Caroline et ses enfants, sous couvert de l'immatriculation au Registre du Commerce de Mr S. Abdul.

- la désignation des lieux donnés à bail est exclusivement commerciale, à savoir l'exploitation d'un café-restaurant, or, il appert que l'arrière-boutique est utilisée en guise de logement d'habitation occupé par Madame S. Caroline et ses enfants.

Par acte d'huissier de justice du 7 août 2013, la SCI du [...] a fait délivrer, également au visa de l'article L.145-17.1 du code de commerce, à Mme Susan T. et aux héritiers et aux ayants droits de M. Abdul S. pris collectivement une mise en demeure de mettre fin, dans le délai d'un mois, aux mêmes infractions que celles visées dans le congé du 21 août 2012.

Par acte d'huissier de justice du 23 mai 2014, la SCI DU [...] a assigné Mme Susan T., M. Same S., M. Tamine S. et Mme Véronique S. devant le tribunal de grande instance de Paris, au visa des articles L.145-17 du code de commerce et 1722 du code civil, aux fins de voir :

- à titre principal :

-dire et juger qu'elle a justement délivré congé à Mme Susan T., M. Samé S., M.Tamine S. et Mme Véronique S.,

- dire et juger qu'elle n'a en pareil cas aucune obligation d'offrir un renouvellement ou une quelconque indemnité,

-dire et juger que Mme Susan T., M. Same S., M. Tamine S. et Mme Véronique S. sont dépourvus de titre d'occupation depuis le 1er avril 2013 à 0 heures,

-à titre subsidiaire :  

- constater que les locaux pris à bail ne sont plus exploités par le preneur, que les exploitants ne sont pas immatriculés au registre du commerce, que la destination des lieux n'est pas respectée,

- en conséquence, prononcer la résiliation judiciaire du bail,

- en tout état de cause :

- ordonner l'expulsion immédiate de Mme Susan T., M. Same S., M. Tamine S. et Mme Véronique S. ainsi que celle de tous occupants de leur chef des locaux se trouvant au rez-de-chaussée de l'immeuble sis [...], et ce au besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier,

-ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant l'exercice des voies de recours et sans constitution de garantie,

- condamner Mme Susan T., M. Same S., M. Tamine S. et Mme Véronique S. à lui payer la somme de 2000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme Susan T., M. Same S., M. Tamine S. et Mme Véronique S. aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SELARL P. ET ASSOCIES conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par ordonnance en date du 20/11/2015, le juge de la mise en état à ordonné à Mme T. de produire sous astreintes divers documents fiscaux et sociaux.

Par jugement du 11 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :

- Déclaré valable le congé avec refus de renouvellement et d'indemnité d'éviction délivré le 21 août 2012 par la SCI DU [...],

- Dit que ce congé a mis fin au bail du 5 décembre 1978 à compter du 1er avril 2013 à 0 heures,

- Dit que ce congé n'a ouvert aucun droit au maintien dans les lieux au profit de Mme Susan T.,

- Dit que Mme Susan T., M. Same S., M. Tamine S. et Mme Véronique S. devront libérer de leurs personnes et de leurs biens ainsi que de tous occupants de leur chef les locaux se trouvant au rez-de-chaussée de l'immeuble sis [...], dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

- Faute pour Mme Susan T., M. Same S., M. Tamine S. et Mme Véronique S. de quitter les lieux dans le délai indiqué et celui-ci passé, ordonné leur expulsion ainsi que celle de tous occupants de leur chef, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, si besoin est,

- Rappelé que le sort des meubles trouvés dans les lieux est régi par l'article L.433-1 du code des procédures civiles d'exécution,

- Condamné Mme Susan T., M. Same S., M. Tamine S. et Mme Véronique S. à payer à la SCI DU [...] une indemnité d'occupation mensuelle égale au loyer contractuel calculé sur la même périodicité et majoré des charges, payable au plus tard le 10 de chaque mois et, pour la première fois, le 10 du mois suivant le mois de signification du jugement et ce, jusqu'à libération des locaux précités, par remise des clés,

- Condamné in solidum Mme Susan T., M. Same S., M. Tamine S. et Mme Véronique S. à payer à la SCI DU [...] une somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 

- Débouté Mme Susan T., M. Same S., M. Tamine S. et Mme Véronique S. de leurs demandes,

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,

- Condamné in solidum Mme Susan T., M. Same S., M. Tamine S. et Mme Véronique S. aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 22 mai 2018, Monsieur Samé Olivier S., Monsieur Tamime Kaikobad Pierre S., Madame Susan Mary T. et Madame Véronique Mireille S. ont interjeté appel de ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par le RPVA le 11 août 2018, Monsieur Samé Olivier S., Monsieur Tamime Kaikobad Pierre S., Madame Susan Mary T. et Madame Véronique Mireille S., appelants, demandent à la Cour de :

Vu les articles L 145- 14, L 145-17, L145-28 du code de commerce,

Vu les articles 144, 263 et suivants du code de procédure civile,

Vu l'article 1104 du code civil,

Vu l'article 700 du code de procédure civile

Vu la jurisprudence de la Cassation,

INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 11 janvier 2018, en toutes ses dispositions,

"In limine litis"

- DIRE ET JUGER la nullité du congé et la poursuite du bail,

A défaut,

A titre principal,

- CONSTATER que le congé a été délivré par le bailleur de mauvaise foi,

- DIRE ET JUGER que le congé est privé d'effet,

- DIRE ET JUGER que le bail devra se poursuivre, les appelants disposant du droit de se maintenir dans les lieux,

A titre subsidiaire,

- DIRE ET JUGER bien fondée la contestation du congé sans indemnité d'éviction,

- DIRE ET JUGER qu'à défaut de congé valable, les intimés (sic) sont bien fondés à solliciter le paiement d'une indemnité d'éviction, et poursuivre l'exploitation dans les locaux jusqu'à son parfait paiement,

- DESIGNER tel expert qu'il plaira à la Cour de commettre avec pour mission de :

- Convoquer les parties dans le respect du contradictoire,

- Se rendre dans les locaux objets du bail,

- Se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera nécessaire à l'accomplissement de sa mission,

- Fournir en tenant compte des activités professionnelles autorisées et exploitées dans les lieux loués, tous éléments utiles à l'estimation de l'indemnité compensatrice de préjudice résultant de la perte du fonds de commerce, indemnité comprenant notamment la valeur marchande du fonds déterminée selon les usages de la profession augmentée éventuellement des indemnités accessoires dues en conformité avec les textes applicables et la jurisprudence,

- Fournir en outre, en donnant des références précises, tous éléments permettant de déterminer dans quelle mesure le preneur aurait la possibilité de transférer son fonds sans perte de clientèle sur un emplacement de qualité équivalente et quel serait, dans l'affirmative le coût d'un tel transfert en ce compris l'acquisition d'un titre locatif comportant les mêmes avantages juridiques que l'ancien bail, les frais et droits de mutation afférents à cette acquisition et les dépenses nécessaires de déménagement et de réinstallation ainsi que la réparation du trouble commercial qui résulterait d'un tel transfert de fonds,

- Fournir par ailleurs à la juridiction tout élément permettant d'apprécier le montant d'indemnité d'occupation due jusqu'à libération effective des lieux loués,

- Dire que tel expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il prendra en compte dans son avis, des observations qui lui seront faites, en application de l'article 276 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

- CONDAMNER l'intimée à verser aux appelants la somme de 8.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 3 décembre 2020, la SCI DU [...], intimée, demande à la Cour de :

Vu l'article L. 145-17 du code de commerce,

Vu l'article 1722 du Code civil,

Vu le bail,

Vu le congé et la mise en demeure,

- DECLARER irrecevables Madame J. Susan Mary née T., Monsieur Same Olivier S., Monsieur Tamime Kaikobad Pierre S. et Madame Véronique Mireille S. en leur demandes et exceptions ;

- DEBOUTER Madame J. Susan Mary née T., Monsieur Same Olivier S., Monsieur Tamime Kaikobad Pierre S. et Madame Véronique Mireille S. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

En conséquence,

- DIRE ET JUGER valable le congé avec refus de renouvellement et d'indemnité d'éviction délivré le 21 août 2012 par la SCI DU [...],

- DIRE ET JUGER que ce congé a mis fin au bail du 5 décembre 1978 à compter du 1er avril 2013 à 0 heure,

- DIRE ET JUGER que ce congé n'a ouvert aucun droit au maintien dans les lieux au profit de Mme Susan T.,

- DIRE ET JUGER que ce congé n'a ouvert aucun droit au maintien dans les lieux au profit de Mme Susan T.,

Subsidiairement,

- CONSTATER que les locaux ne sont plus exploités par le prétendu preneur, que le contrat de location-gérance a été conclu dans des conditions iniques, les conditions prévues n'étant nullement remplies, que la destination des lieux n'est pas respectée, et que les lieux ont été détruits,

- CONSTATER la résiliation du bail sinon PRONONCER la résiliation judiciaire du bail,

En toute hypothèse,

- DIRE ET JUGER que Mme Susan T., M. Same S., M. Tamine S. et Mme Véronique S. devront libérer de leurs personnes et de leurs biens ainsi que de tous occupants de leur chef les locaux se trouvant au rez-de-chaussée et au sous-sol de l'immeuble sis [...] et au rez-de-chaussée de l'immeuble sis [...],

- ORDONNER l'expulsion de Mme Susan T., M. Same S., M. Tamine S. et Mme Véronique S. ainsi que celle de tous occupants de leur chef, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, si besoin est,

- RAPPELER que le sort des meubles trouvés dans les lieux est régi par l'article L433-1 du code des procédures civiles d'exécution,

- CONDAMNER in solidum Mme Susan T., M. Same S., M. Tamine S. et Mme Véronique S. à payer à la SCI DU [...] une indemnité d'occupation correspondant au montant du loyer majoré des charges, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération des lieux par tous occupants et meubles de leur chef et remise des clés,

- CONDAMNER in solidum Mme Susan T., M. Same S., M. Tamine S. et Mme Véronique S. à payer à la SCI DU [...] une somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- CONDAMNER solidairement, à titre subsidiaire in solidum Madame J. Susan Mary née T., Monsieur Same Olivier S., Monsieur Tamime Kaikobad Pierre S. et Madame Véronique Mireille S. aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SELARL P. ET ASSOCIES conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 décembre 2020.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes de Mme T., la société civile immobilière du [...] soutient que les conclusions d'appelant doivent à peine d'irrecevabilité contenir le domicile et la profession de l'appelant, qu'en l'espèce, outre que Mme T. ne mentionne pas sa profession, l'adresse indiquée de son domicile n'est pas exacte.

Il est indiqué dans les conclusions des appelants que Mme T., retraitée, est domiciliée au [...] 14e ; que certes, il peut paraître peu vraisemblables comme le souligne l'intimée qu'elle ait pour adresse les locaux occupés par Mme S. qui était la compagne de M. S. lequel a divorcé d'avec Mme T. en 1986 et dont elle a eu deux enfants en 1986 et en 1989 ; que toutefois le congé (ainsi que la mise en demeure) a été délivré par le bailleur à cette adresse comme étant la dernière connue selon acte remis à étude, l'huissier ayant précisé que le nom était inscrit sur la boîte aux lettres et que l'adresse était confirmée par la personne rencontrée sur place.

Par conséquent, l'intimée sera déboutée de sa demande d'irrecevabilité. Sur le congé délivré le 7/08/2013

- sur la nullité du congé les appelants exposent que le congé délivré le 7/08/2013 doit être annulé en ce qu'il est imprécis dans la désignation des lieux dont il est donné congé puisque sa rédaction laisse supposer que seule la boutique serait concernée par le refus de renouvellement et que les appelants pourraient continuer à occuper le logement ; que cette imprécision pourrait avoir des conséquences graves pour les appelants, dont l'expulsion du logement pourrait être ordonnée en cas de confirmation du jugement, ce dont ils ne pouvaient pas avoir connaissance à la lecture du congé.

L'intimée soutient que cette exception de nullité n'a pas été soulevée in limine litis ; qu'en tout état de cause, le congé concerne le bien immobilier dans son ensemble tel qu'il y est précisé.

La nullité du congé constitue une défense au fond qui peut être soulevée en tout état de cause par application de l'article 72 du code de procédure civile. Il s'ensuit que la demande de nullité est recevable.

En l'espèce, le congé qui a été délivré pour mettre fin au bail en date du 05/12/1978 qui s'est terminé le 31/03/1986 et qui s'est poursuivi par tacite prolongation, mentionne au titre des locaux donnés à bail Une boutique située au [...] à usage de café, restaurant ainsi qu'une cuisine et une pièce y attenant à l'usage de couloir ainsi que, tant pour le preneur que pour les clients du fonds de commerce, le cabinet d'aisance situé au rez-de-chaussée avec droit de passage pour y accéder ; que s'il n'est pas expressément mentionné la cave située sous la boutique et le logement, il est toutefois stipulé que le présent congé est relatif au bien immobilier dans son ensemble. Il concerne donc le local principal et ses éventuels accessoires contractuellement visés au bail (par exemple cave, parking, autre dépendance s'il en existe et qu'elles ont été expressément louées au termes du bail visé par au présent acte). Il s'ensuit qu'en se référant au bien immobilier dans son ensemble et en visant ce qui a été expressément loués aux termes du bail dans une liste non exhaustive, le congé vise l'ensemble des locaux donnés à bail par acte sous seing privé du 05/12/1978. Au demeurant dès lors que le logement a été donné à bail par l'acte du 05/12/1978 auquel il est mis fin, le congé concerne nécessairement ledit logement de sorte qu'il ne peut résulter aucun grief de la rédaction du congé pour les appelants qui ne peuvent ignorer l'assiette du bail.

Par conséquent la demande de nullité du congé sera rejetée.

- sur la mauvaise foi du bailleur, les appelants exposent que le congé doit être privé d'effet car le bailleur qui connaissait parfaitement les personnes exploitant le fonds suite au décès de M. S. ne pouvait pas sérieusement prétendre qu'il ignorait qui occupait les locaux commerciaux pendant 12 années. Ils indiquent qu'en effet en 2003, suite à des retards de paiement de loyers, le bailleur a fait signifier un commandement de payer et a assigné le preneur ; que seule Mme S. s'est présentée en défense en qualité d'intervenant volontaire à la procédure et c'est elle qui a été condamnée à payer la dette de loyer au bailleur, ce qu'elle a fait pour le compte des exploitants et propriétaires du fonds de commerce sans contestation de la part du bailleur ou de son mandataire ; que c'est encore Mme S., mère des héritiers de M. Abdul S., qui a signé en son nom propre, en 2005, un avenant de révision du bail, ce sans contestation par le bailleur et son mandataire ; que les attestations d'assurance souscrites pour les locaux et l'activité exercée mentionne le nom de M. S. Same, fils et héritier de M. Abdul S.. Ils considèrent que le bailleur a par conséquent fait délivrer un congé sans renouvellement avec une mauvaise foi qui le prive d'effet.

L'intimée conteste avoir eu connaissance des conditions d'exploitation actuelle et indique que l'avenant de révision est établi au nom de M. et Mme Abdul S. tout comme les avis d'échéance.

La cour relève que l'éventuelle mauvaise foi d'un bailleur dans la délivrance d'un congé portant refus de renouvellement du bail sans offre d'indemnité d'éviction ne le prive pas d'effet puisque le bailleur a le droit de mettre fin au bail lorsque celui-ci est arrivé à son terme ou lorsqu'il est en cours de tacite prolongation par la délivrance d'un congé sans offre de renouvellement ; qu'ils seront par conséquent déboutés de leur demande de voir le congé privé d'effet en raison d'une mauvaise foi prétendue du bailleur.

A titre surabondant, la cour note que si Mme S. est intervenue volontairement à l'audience de référé du 05/09/2003, et, suite à l'accord entre elle et le bailleur, a été condamnée par provision à régler les loyers impayés, le bailleur ne l'avait pas assignée initialement, contrairement à Mme Susan Mary T. veuve S., non comparante ; que l'avenant de révision du 12/12/2005, bien que signé par Caroline S. alias Véronique S., est établi au nom de M. et Mme S. Abdul ; que les avis d'échéances sont également établis par le mandataire du bailleur au nom de M. et Mme S. ; qu'il n'est pas produit les paiements y afférents, les mentions manuscrites portées sur les avis d'échéances versées aux débats par les appelants n'étant pas suffisamment probants pour déterminer l'auteur des règlements ; que les quittances de cotisation d'assurance sont au nom de 'MME S.S.' et le chèque produit par les appelants est au nom de 'SEDI' ; qu'il ne peut être déduit de ces éléments la mauvaise foi du bailleur lors de la délivrance du congé mettant fin au bail, en visant notamment les conditions d'exploitation du fonds de commerce.

- sur les motifs graves et légitimes, les appelants exposent que le premier motif du congé à savoir que l'arrière boutique est utilisée en guise de logement d'habitation occupé par Mme 'S. Caroline' et ses enfants méconnaît le bail qui comprend également un logement. S'agissant du second motif, les appelants soutiennent que les enfants héritiers de M. Abdul S. sont présents dans les locaux, en compagnie de leur mère, et que la présence de Mme T. ne constitue pas une condition d'occupation régulière des locaux. S'agissant du 3e motif, ils prétendent que MM. S. et Tamime S., aidés par leur mère Mme S., ne sont pas des tierces personnes mais les héritiers de leur père, et légitimes exploitant de l'activité, dans un premier temps pour le compte de Mme T., et ensuite, avec leur propre immatriculation. Ils ajoutent qu'en tout état de cause, le bailleur a accepté expressément et pour le moins tacitement, que les locaux soient occupés et exploités par les appelants.

La société civile immobilière du [...] expose avoir délivré congé pour défaut d'exploitation par les titulaires du bail, défaut d'immatriculation des héritiers de M. S. et utilisation à titre de logement des locaux commerciaux. Elle précise que M. Abdul S. est décédé le 29/06/2000 ; qu'il est divorcé de Mme Susan T. depuis le 7/05/1986 ; qu'il ressort des propres déclarations de Mme S. qu'elle exploite le restaurant aidée de ses enfants et sous le Kbis de M. S. Abdul, ce sans faire de référence à un quelconque mandat d'exploiter les locaux pour le compte de Mme Susan Mary T. ; qu'il n'est apporté aucune preuve que celle-ci serait propriétaire du fonds ; qu'il n'est pas justifié que Mme T. aurait exploité personnellement le fonds ; que les déclarations fiscales établies au nom de la société S. ABDOUL SUZANNE, ne couvrent que les années 2010 à 2013 ; que M. Samé S. et M. Tamine S. sont désignés comme associés gérant de la société inscrite sous le n° RCS de feu M. Abdul S., ce qui ne correspond pas à la réalité ; que ces documents ne sont pas signés. S'agissant de l'utilisation du fonds non conforme à sa destination, la société civile immobilière du [...] soutient qu'il ne peut être confondu l'arrière boutique du restaurant utilisé par Mme S. comme habitation avec le logement de 3 pièces situés [...] de la mise en demeure délivrée le 7/08/2013 de mettre fin aux infractions, la société civile immobilière du [...] précise que rien n'empêche que la mise en demeure soit délivrée postérieurement au congé dès lors que les appelants ont bien disposé d'un délai d'un mois pour régulariser la situation.

Par acte d'huissier de justice du 21 août 2012, la SCI DU [...] a fait délivrer à Mme S. Susan Mary née T. et aux héritiers et ayants droits de M. Abdul S. pris collectivement un congé pour le 31 mars 2013 avec refus de renouvellement et refus d'une indemnité d'éviction, au visa de l'article L.145-17du code de commerce, et ainsi motivé, en référence à un procès-verbal de constat d'huissier de justice en date du 22 mai 2012 :

- M. S. serait décédé en 2000 et Mme S. SUSAN MARY née T. n'occuperait plus personnellement les lieux donnés à bail depuis de nombreuses années et serait établie en Angleterre sans précision d'adresse.

- le fonds de commerce objet du présent bail est exploité sans autorisation, par des tierces personnes, Mme S. Caroline et ses enfants, sous couvert de l'immatriculation au Registre du Commerce de M. S. Abdul.

- la désignation des lieux donnés à bail est exclusivement commerciale, à savoir l'exploitation d'un café-restaurant, or, il appert que l'arrière-boutique est utilisée en guise de logement d'habitation occupé par Mme S. Caroline et ses enfants .

Par acte d'huissier de justice du 7 août 2013, la SCI du [...] a fait délivrer, également au visa de l'article L.145-17.1 du code de commerce, à Mme Susan T. et aux héritiers et aux ayants droits de M. Abdul S. pris collectivement une mise en demeure de mettre fin, dans le délai d'un mois, aux mêmes infractions que celles visées dans le congé du 21 août 2012.

Il n'est plus invoqué en cause d'appel par les appelants l'absence de mise en demeure de faire cesser les infractions au bail.

S'agissant des griefs ayant trait aux conditions d'exploitation du fonds de commerce, il ressort de l'extrait de l'acte de mariage produit par les appelants que le mariage de M. Abdul S. et de Mme T. Susan a été dissous selon jugement de divorce du tribunal de BROMLEY (Grande Bretagne) du 4/08/1989 ; il n'est produit toutefois aucun élément sur le sort réservé au fonds de commerce dans le cadre du divorce dont ils étaient propriétaires.

M. Abdul S. est décédé le 29/06/2000 laissant pour héritiers Same Olivier S. né le 14/09/1986 et Tamine S. né le 2/06/1989 alors mineurs sous administration légale de leur mère Mme Véronique S. selon l'acte de notoriété versé aux débats, étant relevé qu'aucun élément sur la consistance de la succession n'étant produit.

Un extrait Kbis, en date du 08/06/2011 a été versé aux débats par le bailleur concernant Mme S. Susan MaryT., immatriculée depuis le 09/03/1981 pour l'activité de bar-restaurant à l'adresse des locaux dont s'agit, le Kbis mentionnant qu'il s'agit d'une exploitation directe.

Aucun élément ne vient toutefois corroborer l'exploitation personnelle par Mme T. du fonds de commerce dont s'agit, laquelle est d'ailleurs contredite par les déclarations de Mme S. le 22/05/2012 à l'huissier de justice puisqu'elle précise exploiter le fonds de commerce aidée de ses enfants depuis le décès de son époux ; qu'elle ne fait aucune mention de l'exploitation des locaux par Mme T., ni ne prétend que cette dernière occuperait les lieux. Si le bailleur fait état de déclarations fiscales au nom d'une société S. ABDOUL SUZANNE de 2010 à 2013 et de ce que M. Same D. et M. Tamine S. sont désignés comme associés de Mme Susan T. associée gérante selon des pièces qui auraient été communiquées suite à l'ordonnance du juge de la mise en état du 20/11/2015, les parties n'ont pas produits lesdites pièces en cause d'appel et le bailleur relève que les documents ne sont pas signés, de sorte qu'il ne peut être tiré aucun élément de ces chefs ; en tout état de cause la société S. ABDUL SUZANNE, à supposer qu'elle existe, n'est pas titulaire du bail commercial faute de production d'un éventuel acte de cession du fonds de commerce à cette société.

Il n'est produit aucun mandat de Mme T., à supposer qu'elle soit propriétaire du fonds de commerce, confié à Mme S. ou à MM. S. et/ou M. Tamine S. pour exploiter le fonds de commerce pour son compte.

Seul un contrat de location gérance qu'elle aurait consenti à l'EURL SEDI, représentée par M. Same S., a été produit, daté du 3/06/2015.

Toutefois, ledit contrat de location gérance, à le supposer valable, a été conclu bien après le congé délivré le 21/08/2012 et très postérieurement au délai d'un mois suivant la mise en demeure délivrée par le bailleur le 7/08/2013 de sorte qu'il ne permet pas de régulariser dans le délai imparti les infractions visées dans le congé et la mise en demeure.

Par conséquent, il est établi que Mme T. n'exploitait ni personnellement, ni indirectement le fonds de commerce, ce depuis de nombreuses années.

Il est également établi qu'à la date de la délivrance du congé ou à sa date d'effet, aucun des héritiers de M. Abdul S. n'était immatriculé, le défaut d'immatriculation à la date de délivrance du congé étant une infraction irréversible, Mme S. admettant dans le procès-verbal d'huissier du 22/05/2012 qu'elle ne disposait 'd'aucune immatriculation au registre du commerce à son nom ou au nom de ses enfants' ; que le fonds était exploité 'sous le Kbis de M. Abdul S.', lequel ne pouvait être valable en raison de son décès survenu le 29/06/2000 de sorte que Mme S., compagne de feu M. Abdul S., ne disposait d'aucun droit pour exploiter le fonds de commerce, ni les ayants droits de M. S. qui ne pouvaient prétendre au statut des baux commerciaux.

Enfin, il ne peut être considéré que le bailleur a autorisé expressément ou implicitement de manière non équivoque l'exploitation des locaux donnés à bail par Mme S. et MM. S. et leur auraient ainsi reconnu la qualité de locataires. En effet comme il l'a été précédemment indiqué le fait que Mme S. soit intervenue volontairement à l'audience de référé du 05/09/2003, et, suite à l'accord entre elle et le bailleur, qu'elle ait été condamnée par provision à régler les loyers impayés, le fait qu'elle a signé l'avenant de révision du 12/12/2005 et les quittances d'assurance versées aux débats ne sont pas des éléments suffisants pour établir cette acceptation du bailleur alors que l'avenant de révision est établi au nom de M. et Mme S. Abdul ainsi que les avis d'échéances.

Par conséquent au regard de l'ensemble de ces éléments, il n'est pas justifié par les appelants que Mme T. aurait exploité personnellement ou indirectement ledit fonds. Il est établi que ni M. Same S., ni M. Tamine S. n'étaient immatriculés à la date de délivrance du congé et ils ne bénéficiaient d'aucun mandat ou contrat de location-gérance de Mme T. pour exploiter le fonds que ce soit à la date du congé, celle de la mise en demeure et dans le délai d'un mois après ladite mise en demeure.

Il s'agit de motifs graves et légitimes justifiant la privation pour les appelants d'une indemnité d'éviction.

Par conséquent, le congé avec refus de renouvellement et refus d'une indemnité d'éviction est valable et a mis fin au bail du 5/12/1978 sans ouvrir aucun droit à une indemnité d'éviction au profit de Mme S., de Mme T. ou de MM. S. et Tamine S..

Mme S., Mme T. et MM. S. et Tamine S. n'ayant aucun droit ni titre pour occuper les locaux donnés à bail, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a ordonné leur expulsion. S'agissant du montant de l'indemnité d'occupation due à compter du 1er avril 2013, il sera également confirmé sa fixation à un montant équivalent au loyer contractuel majoré des charges, le bailleur ne discutant pas ledit montant. Il sera ajouté que la condamnation sera prononcée in solidum comme sollicité par le bailleur.

Au vu de ces éléments, les appelants seront donc déboutés de leur demande de paiement d'une indemnité d'éviction et d'expertise tendant à en déterminer le montant.

Il n'y a pas lieu d'examiner la demande subsidiaire de résiliation du bail.

Sur les demandes accessoires, le jugement étant confirmé au principal, il le sera au titre des frais irrépétibles et des dépens.

L'équité commande en cause d'appel de condamner les appelants in solidum à régler la somme de 2 000 euros à la société civile immobilière du [...]. Succombant en leur appel, ils seront également condamnés in solidum aux dépens d'appel dont distraction au profit de l'avocat postulant par application de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

Rejette l'exception d'irrecevabilité des demandes de Mme T.,

Dit que la demande de nullité du congé délivré le 27 août 2012 est recevable mais rejette cette demande,

Dit que la condamnation prononcée au titre de l'indemnité d'occupation l'est in solidum entre Mme Susan T., M. Same S., M. Tamine S. et Mme Véronique S.,

Condamne in solidum Mme Susan T., M. Same S., M. Tamine S. et Mme Véronique S. à régler la somme de 2 000 euros à la société civile immobilière du [...],

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne in solidum Mme Susan T., M. Same S., M. Tamine S. et Mme Véronique S. aux dépens d'appel dont distraction au profit de l'avocat postulant par application de l'article 699 du code de procédure civile.