ADLC, 15 novembre 2021, n° 21-DCC-210
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
relative à la prise de contrôle conjoint de la société New MT par Prenatal Retail Groupe S.P.A. aux côtés de Fijace
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président pa intérim :
M. Combe
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 27 octobre 2021, relatif à la prise de contrôle conjoint de la société New MT par la société Prenatal Retail Groupe S.P.A., aux côtés de la société Fijace, formalisée par un accord de cession d’actions du 16 août 2021 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu la décision n° M.10 473 de la Commission européenne du 26 octobre 2021 à la suite du mémoire motivé présenté par Prenatal Retail Groupe S.P.A. et Fijace conformément à l’article 4, paragraphe 4 du règlement n° 139/20041 relatif à un renvoi de l'affaire à la France et de l'article 57 de l'accord sur l'Espace économique européen ;
Vu les éléments complémentaires transmis par les parties notifiantes au cours de l’instruction ; Adopte la décision suivante :
Résumé
Aux termes de la présente décision, l’Autorité a autorisé la prise de contrôle conjoint par la société Prenatal Retail Groupe S.P.A (ci-après, « PRG »), aux côtés de la société Fijace, de la société New MT qui exploite en France 95 points de vente spécialisés dans les jouets sous enseigne Maxi Toys. Fijace et PRG co-contrôlent l’enseigne concurrente King Jouet qui regroupe près de 250 magasins, essentiellement en France.
Compte tenu des activités des parties, l’opération entraîne principalement des effets horizontaux sur les marchés amont de la fabrication et commercialisation en gros de jouets, de dimension au moins nationale, et sur les marchés aval de la distribution au détail de jouets, de dimensions nationale et locale. Or, les conséquences des chevauchements d’activités entre le réseau King Jouet et les 95 magasins Maxi Toys exploités par New MT ont déjà été analysées dans la décision n° 21-DCC-144 du 12 août 2021 relative à la prise de contrôle exclusif d’actifs du groupe Maxi Toys par la société Fijace, à l’occasion de laquelle l’Autorité a autorisé la société Fijace, co-contrôlant l’enseigne King Jouet, à prendre le contrôle exclusif des 95 points de vente Maxi Toys sous réserve de la cession de trois points de vente. L’analyse de ces effets faite à l’occasion de la décision n° 21-DCC-144 est toujours valable. Depuis cette décision, Fijace et PRG ont ouvert 4 magasins sous enseigne King Jouet. Les effets de l’opération dans les zones de chalandise de ces magasins ont été analysés et tout risque d’atteinte à la concurrence a pu être écarté.
Dans la présente décision, l’Autorité a également complété son analyse en intégrant les chevauchements d’activité entre Atida, société contrôlée par la société-mère de PRG d’une part, et les activités de Fijace et New MT d’autre part. Compte tenu de l’activité très marginale d’Atida en France, l’Autorité a considéré que l’opération ne soulevait pas d’autres problèmes de concurrence que ceux identifiés dans la décision précitée.
Dans ce contexte, et dans la mesure où les engagements souscrits par Fijace et New MT dans le cadre de la décision n° 21-DCC-144 précitée étaient d’ores et déjà opposables à PRG, ces engagements, qui suffisent toujours à lever tous les doutes d’atteinte à la concurrence soulevés par l’opération, n’ont pas à être réitérés dans le cadre de la présente procédure.
S’agissant des effets verticaux et congloméraux de l’opération liés à l’activité d’Artsana, société-mère de PRG, sur les marchés amont de la fabrication et commercialisation en gros de jouets et sur celui des articles de puériculture, ils ont été écartés, compte tenu notamment de la part de marché limitée d’Artsana sur ces marchés.
L’Autorité a donc autorisé l’opération sans conditions.
I. Les entreprises concernées et l’opération
A. LES ENTREPRISES CONCERNÉES
1. La société Prenatal Retail Groupe S.P.A. est une société de droit italien, filiale de la société Artsana, elle-même contrôlée conjointement le groupe* Investindustrial et Catelli (ci-après, ensemble, « PRG »).
2. La société Fijace est la société holding de la famille Gueydon, fondatrice de l’enseigne King Jouet.
3. Fijace et la société Prenatal Retail Groupe S.P.A. détiennent respectivement 49 % et 51 % du capital de la société Distritoys qu’elles contrôlent conjointement. Distritoys est la société tête du groupe King Jouet, lequel est actif dans le secteur de la distribution au détail de jouets à travers un réseau de plus de 250 points de vente, majoritairement de succursales situés principalement en France, et un site internet (www.king-jouet.com).
4. Outre sa participation dans Distritoys, PRG est active dans les secteurs de la fabrication et de la distribution au détail d’articles de puériculture, de produits de parapharmacie et de beauté, ainsi que de jeux et jouets pour enfants, dans plusieurs États membres de l’Union européenne. S’agissant du territoire français, PRG est ainsi actif (i) sur le marché de la distribution au détail de jouets et d’articles de puériculture en France via la société Atida et (ii) sur le marché de la fabrication et de la commercialisation en gros de jouets via la société Artsana1.
5. Quant à la société Fijace, avant l’opération, elle détient le contrôle exclusif de la société New MT, cible de la présente opération2.
6. New MT (ci-après, « la cible ») est un véhicule d’acquisition initialement créé par Fijace pour les besoins de l’acquisition de certains actifs du groupe Maxi Toys. À ce jour, la société New MT est détenue à 80,01 % par Fijace et 19,99 % par Distritoys. New MT détient, à date, 120 magasins sous enseigne Maxi Toys dont 95 en France, trois d’entre eux devant être cédés par New MT au titre des engagements souscrits par la société dans le cadre de la décision de l’Autorité de la concurrence n° 21-DCC-144 du 12 août 2021 relative à la prise de contrôle exclusif d’actifs du groupe Maxi Toys par la société Fijace. Les autres magasins détenus par New MT sont situés en Belgique et au Luxembourg. New MT exerce également certaines fonctions supports au bénéfice des magasins qu’elle exploite, et joue un rôle de centrale d’achat et de plateforme logistique.
B. L’OPÉRATION
7. L’opération consiste en l’acquisition par Distritoys (co-contrôlée par PRG et Fijace)* de 32 % du capital de New MT. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle conjoint de la cible par PRG, aux côtés de Fijace, l’opération notifiée constitue une opération de concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
8. L’opération relève de la compétence de l’Union européenne en application de l’article 1er du règlement n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises. En effet, les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires mondial hors-taxe supérieur à 5 milliards d’euros : PRG réalise pour le dernier exercice clos en 2020 un chiffre d’affaires mondial de [> 5 milliards] d’euros et Fijace réalise un chiffre d’affaires mondial de [> 150 millions] d’euros pour le dernier exercice clos en 2020. Chacune de ces entreprises réalise dans l’Union européenne un chiffre d’affaires supérieur à 250 millions d’euros : PRG réalise pour le dernier exercice clos en 2020 un chiffre d’affaires de [>250 millions] d’euros dans l’UE, dont [> 50 millions] en France et Fijace réalise [> 250 millions] d’euros de chiffres d’affaires pour le dernier exercice clos en 2020 dans l’Union européenne, dont [> 50 millions] en France.
9. Par mémoire motivé déposé le 30 septembre 2021, PRG et Fijace ont demandé à la Commission européenne le renvoi total de l’opération à l’Autorité de la concurrence au titre de l’article 4, paragraphe 4 du règlement n° 139/2004. L’Autorité s’est déclarée favorable à ce renvoi, en vue de l’application du droit français des concentrations. Par décision du 26 octobre 2021, la Commission européenne a considéré que les conditions énoncées par l’article 4, paragraphe 4 du règlement n° 139/2004 étaient remplies en l’espèce et a renvoyé l’examen de la totalité de l’opération à l’Autorité de la concurrence.
10. Ainsi, la prise de contrôle conjoint de New MT par PRG, aux côtés de Fijace est soumise, en application du IV de l’article L. 430-2 du code de commerce, au droit français des concentrations.
II. Délimitation des marchés pertinents
11. Les parties sont simultanément actives sur le marché amont de la fabrication et commercialisation en gros de jouets (A) et sur les marchés aval de la distribution au détail de jouets (B). PRG est également active sur le marché des articles de puériculture via la société Atida (C.).
12. Les parties sont par ailleurs actives sur différents marchés de la vente au détail de produits associés aux jouets pour enfants tels que les livres, la petite bagagerie, les fournitures scolaires, ou la petite papeterie. Toutefois, au regard de la faible part de marché de la nouvelle entité (inférieure à 5 % sur chacun des marchés concernés visés ci-dessus, quelle que soit la segmentation retenue3), tout risque d’atteinte à la concurrence peut être écarté sur l’ensemble de ces marchés, qui ne feront pas l’objet d’une analyse détaillée dans le cadre de la présente décision.
A. LE MARCHÉ DE LA FABRICATION ET COMMERCIALISATION EN GROS DE JOUETS
1. MARCHÉ DE PRODUITS ET DE SERVICES
13. Le marché amont de la fabrication et commercialisation en gros de jouets a été distingué de celui des jeux vidéo4. En outre, la pratique décisionnelle française, sans trancher la question, a envisagé de segmenter ce marché selon les grandes catégories de jouets retenues par la Fédération française des industries du jouet et de la puériculture5. Il a également été envisagé de segmenter plus finement le marché en fonction des sous-catégories de jouets.
14. Il a enfin été envisagé de distinguer selon la catégorie de clientèle auxquelles s’adressent les fabricants de jouets : grandes et moyennes surfaces alimentaires (ci-après « GSA »), grandes surfaces spécialisées (ci-après « GSS »), grands magasins, grossistes, entreprises de vente par correspondance6.
15. En tout état de cause, la question de la définition exacte du marché de la fabrication et commercialisation en gros de jouets peut être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées, quelle que soit la délimitation retenue.
2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE
16. La pratique décisionnelle française a considéré que le marché amont de la fabrication et commercialisation en gros de jouets était, au moins, de dimension nationale7.
17. La question de la délimitation géographique exacte du marché de la fabrication et commercialisation en gros de jouets peut néanmoins être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées, quelle que soit la délimitation retenue. L’analyse des effets de l’opération sur ce marché sera menée au niveau national.
18. En l’espèce, les parties sont simultanément actives sur ce marché en tant qu’acheteuses. Par ailleurs, PRG est active sur ce marché en tant qu’offreuse, via Artsana.
B. LES MARCHÉS DE LA DISTRIBUTION AU DÉTAIL DE JOUETS
1. MARCHÉS DE PRODUITS ET DE SERVICES
19. La pratique décisionnelle des autorités de concurrence a envisagé une segmentation des marchés aval de la vente au détail de produits non alimentaires selon deux critères : la famille de produits et le canal de distribution.
La distinction par famille de produits
20. Les autorités de concurrence distinguent généralement, au sein du marché de la distribution au détail de produits non alimentaires, autant de marchés qu’il existe de familles de produits8. En effet, au sein de chacun des marchés ainsi définis, la concurrence varie significativement en raison du degré de spécialisation d’un nombre important d’acteurs sur une ou plusieurs familles de produits.
21. La catégorie spécifique des jouets a été distinguée au sein de quinze autres catégories de produits9. Elle doit également être distinguée des produits de « divertissement-multimédia », dans la mesure où la pratique décisionnelle de l’Autorité de la concurrence a envisagé l’existence d’un marché distinct des consoles de jeux, accessoires de consoles, jeux pour consoles et ordinateurs10.
La distinction par canal de distribution
22. L’Autorité considère que le marché de la distribution au détail de jouets est composé des GSS et des GSA distribuant des jouets, ainsi que des magasins spécialisés en culture-loisirs (tels que Fnac, Cultura et Furet du Nord). Par ailleurs, dans sa décision n° 19-DCC-65 précitée, l’Autorité a considéré que seuls les magasins disposant d’une surface de vente de plus de 200 m² devaient être intégrés dans l’analyse puisqu’ils étaient seuls en mesure d’exercer une véritable pression concurrentielle sur les magasins Toys’R’Us et Picwic11. Compte tenu de la nature des magasins exploités par les parties en l’espèce, une telle approche sera également retenue dans la présente décision.
23. Enfin, dans sa décision n° 19-DCC-65 précitée, reprises à plusieurs reprises12, l’Autorité a relevé que la substituabilité des canaux de distribution des jouets apparaissait désormais suffisante pour considérer que les ventes de jouets en ligne et en magasins appartiennent au même marché de services. Conformément à la pratique décisionnelle de l’Autorité, l’analyse sera donc menée sur le marché de la distribution au détail de jouets incluant les ventes en magasins (GSS, GSA distribuant des jouets et magasins spécialisés en culture-loisirs) et les ventes en ligne.
Marchés géographiques
24. Dans le secteur du commerce de détail en points de vente physiques, conformément à la pratique décisionnelle, la concurrence s’exerce du point de vue du consommateur principalement au niveau local sur des marchés dont la dimension varie en fonction du type de produits concernés et de l’attractivité des magasins.
25. En ce qui concerne la distribution de jouets, compte tenu des variations importantes de densité de population en France métropolitaine, l’Autorité considère que la dimension des zones de chalandise peut différer selon la localisation du magasin considéré.
26. Ainsi, dans les décisions n° 19-DCC-65 et 19-DCC-132 précitées, l’Autorité de la concurrence a retenu des tailles de zones de chalandise spécifiques à la localisation des magasins (Paris intra-muros, reste du territoire métropolitain) : 15 minutes à pied ou en voiture pour Paris intra- muros, 15 ou 25 minutes en voiture sur le reste du territoire métropolitain (en retenant l’approche la plus conservatrice)13. Dans la décision n° 21-DCC-144 précitée, pour les zones situées hors de Paris intra-muros hors des grandes villes de province, l’analyse a été menée dans les zones à 25 min en voiture. Dans les grandes villes de province14, l’analyse a été menée dans des zones de 15 minutes autour du point de vente centre de zone. Par ailleurs, lorsque les circonstances l’ont justifié, l’analyse des zones isochrones a été complétée par l’analyse de leurs empreintes réelles afin de déterminer si les zones de chalandise pertinentes étaient les zones à 15 ou 25 minutes. Une telle approche a été reprise à l’identique dans le présent dossier, compte tenu de la quasi-identité des parties concernées par les deux opérations.
27. Par ailleurs, compte tenu de l’intégration des ventes en ligne au sein du marché, l’Autorité considère que l’analyse doit également être menée au niveau national.
28. En l’espèce, les parties sont actives sur ce marché, par le biais des magasins exploités sous enseignes King Jouet pour PRG et Fijace, et sous enseigne maxi Toys pour Fijace et New MT. Par ailleurs, PRG est actif sur ce marché en France par le biais de la société Atida qui commercialise des produits par le biais de son site internet. L’analyse des effets de l’opération sera donc menée (i) au niveau national et (ii) au niveau local, conformément aux zones de chalandise définies ci-dessus.
C. LES MARCHÉS D’ARTICLES DE PUÉRICULTURE
29. Les articles de puériculture sont destinés aux enfants en bas âge. L’Autorité a envisagé15 une segmentation plus fine entre les différentes catégories de produits (par exemple, bain/toilette, décoration, mobilier, sécurité, sommeil, promenade/sortie, jeux, etc.). Elle a également segmenté le marché entre vente au détail en magasin et vente à distance, tout en laissant la question ouverte de l’existence d’un marché unique regroupant l’ensemble de ces canaux de distribution.
30. En l’espèce, la définition exacte des marchés d’articles de puériculture peut être laissée ouverte dans la mesure où quelle que soit la segmentation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées.
31. S’agissant de la délimitation géographique du marché, par analogie avec la pratique décisionnelle sur la vente au détail de vêtements, l’Autorité a identifié un marché correspondant à la ville dans lequel est situé le point de vente lorsque celui-ci est situé en centre-ville ou à une zone de chalandise de 20 minutes de trajet en voiture pour les magasins situés dans des centres commerciaux adossés à des GSS ou des GSA. Par ailleurs, la pratique décisionnelle a considéré que le marché de la vente à distance de produits de puériculture était de dimension nationale16. En tout état de cause, il n’y a pas lieu de trancher la délimitation exacte du marché tant géographique que de produits, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurant inchangées quelles que soient les segmentations retenues.
32. En l’espèce, PRG est active sur ce marché via l’exploitation d’un site de vente en ligne.
III. Analyse concurrentielle
33. Compte tenu des activités des parties, la présente opération soulève des problèmes de concurrence de nature horizontale (A.), verticale (B.) et conglomérale (C.).
A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX DE L’OPÉRATION
34. Compte tenu de la présence simultanée de PRG, Fijace et New MT sur le marché amont de la fabrication et commercialisation en gros de jouets en tant qu’acheteurs17, et sur les marchés aval de la distribution au détail de jouets en tant qu’offreurs, l’analyse concurrentielle portera sur les effets horizontaux de l’opération sur ces différents marchés.
35. À cet effet, il convient de revenir sur la spécificité de cette opération par rapport à celle autorisée par l’Autorité de la concurrence dans la décision n° 21-DCC-144 du 12 août 2021 relative à la prise de contrôle exclusif, par la société Fijace, d’actifs du groupe Maxi Toys, logés dans la société New MT, cible de la présente opération. Dans cette décision, l’Autorité avait analysé les effets horizontaux liés au chevauchement d’activité entre Fijace d’une part (par le biais de Distritoys qui détient l’enseigne King Jouet, contrôlée conjointement par Fijace et PRG) et les actifs repris du groupe Maxi Toys.
36. Or, la présente opération consiste en la montée* au capital de New MT de Distritoys, co- contrôlée par PRG et Fijace*. En France, dans le secteur de la distribution de jouet, PRG est active par le biais de Distritoys d’une part, et par le biais d’Atida, qui exploite un site internet d’autre part.
37. Lors de la présente instruction, les parties notifiantes ont indiqué que, depuis le 12 août 2012, New MT n’avait pas ouvert de nouveaux points de vente. Quant à l’enseigne King Jouet, contrôlée par Fijace et PRG, elle a ouvert 4 nouveaux points de vente.
38. Dans ce contexte, les chevauchements d’activité existant entre les activités de PRG via Distritoys et celles de la cible, sur le marché amont de la fabrication et commercialisation en gros de jouets et sur les marchés aval de la distribution au détail de jouets sont quasiment identiques à ceux décrits dans la décision n° 21-DCC-144 précitée18, à l’exception des 4 magasins ouverts depuis cette date.
39. Parmi ces points de vente, deux sont situés dans des zones de chalandise dans lesquelles aucun magasin Maxi Toys n’est présent (magasins de Bout-du-Pont-de-Larn et Calais-Coquelles). Quant aux deux autres magasins ouverts à Bordeaux-Meriadek et à Saint Jean de la Ruelle, tout risque d’atteinte à la concurrence peut être écarté pour les raisons suivantes.
40. D’une part, l’ouverture du magasin situé à Bordeaux-Meriadek ne crée aucune nouvelle zone dans laquelle l’activité des parties se chevauche (le magasin Maxi Toys le plus proche est à plus de 15 minutes). Elle modifie les positions des parties dans trois zones préalablement identifiées19. Dans l’ensemble de ces zones, en reprenant les hypothèses de calcul retenues dans la décision n° 21-DCC-144 précitée (points 42 et suivants), la part de marché de la nouvelle entité sera inférieure à 25 % de sorte que tout risque d’atteinte à la concurrence peut être écarté20.
41. D’autre part, l’ouverture du magasin situé à Saint Jean de la Ruelle crée une nouvelle zone dans laquelle l’activité des parties se chevauche et modifie les positions des parties dans deux zones préalablement identifiées21. Dans les zones de Saint Jean de la Ruelle et Chécy, en reprenant les hypothèses de calcul retenues dans la décision n° 21-DCC-144 précitée (points 42 et suivants), la part de marché de la nouvelle entité sera inférieure à 25 % de sorte que tout risque d’atteinte à la concurrence peut être écarté. Quant à la zone de Saran, la part de marché de la nouvelle entité s’élèvera à [30-40] %. Toutefois, la nouvelle entité fera face à la concurrence, dans cette zone, d’au moins une GSA dont la surface de vente dédiée aux jouets est supérieure à 200 m² et une GSS, de sorte que tout risque d’atteinte à la concurrence peut être écarté.
42. Quant au chevauchement d’activité entre les parties lié à l’activité d’Atida, filiale de PRG, il apparaît que cette dernière n’est que marginalement active en France, tant sur les marchés amont de la fabrication et commercialisation en gros de jouets (en tant qu’acheteur) que sur les marchés aval de la distribution au détail de jouets (en tant que vendeur). En effet, Atida n’a réalisé qu’un chiffre d’affaires de moins de […] euros, soit moins de [0-5] % de parts de marché au niveau national. Ce chiffre d’affaires a été intégralement réalisé par le biais de son site internet (Atida n’exploite en effet aucun magasin physique). En conséquence, l’inclusion de l’activité d’Atida dans l’analyse concurrentielle des effets de l’opération sur les marchés amont de la fabrication et commercialisation en gros de jouets et aval de la distribution au détail de jouets ne conduit qu’à une modification marginale de la position de la nouvelle entité sur les marchés concernés, et ne remet en cause ni les conclusions de l’analyse concurrentielle exposées dans la décision n° 21-DCC-144 précitée et ni celles exposées aux points 40 et 41 de la présente décision.
43. Ainsi, et à l’instar de l’analyse menée dans la décision n° 21-DCC-144 précitée, l’opération ne soulève aucun problème de concurrence sur le marché amont de la fabrication et commercialisation en gros de jouets. S’agissant du marché aval, si tout effet anticoncurrentiel peut être écarté au niveau national, des problèmes de concurrence sont susceptibles de se matérialiser dans les zones locales de Mont-Saint-Martin, de Cosnes et Romain, d’Arandon Passins, de Tignieu-Jameyzieu, de Brignoles et de Saint Maximin la Sainte Baume.
44. Dans la décision précitée, l’Autorité n’avait autorisé l’opération que sous réserve de la cession des trois magasins suivants :
- Maxi Toys, 18 route nationale Lieu-dit Les Maragolles 54400 Cosnes-et-Romain, d’une surface déclarée de 534 m².
- Maxi Toys, ZC Les Sayes, rue des Sayes 38080 L'Isle d'Abeau, d’une surface déclarée de 1093 m².
- Maxi Toys, ZC La Laouve, route de Barjols 83470 Saint Maximin La Sainte Baume, d’une surface déclarée de 908 m².
45. Dans le cadre de la présente analyse, les problèmes de concurrence identifiés étant strictement identiques à ceux qui ont été décrits dans la décision n° 21-DCC-144, ces engagements suffisent toujours à lever tous les doutes d’atteinte à la concurrence soulevés par l’opération.
46. En effet, ces engagements ont été souscrits par la société New MT, cible de la présente opération, qui a été définie de la façon suivante : « société par actions simplifiée de droit français, dont le siège social est situé à Voiron (38500), zone industrielle des Blanchisseries, immatriculée au RCS de Grenoble sous le numéro 887 778 926, ainsi que la/les sociétés qui la contrôle(nt) au sens du droit du contrôle des concentrations. » (soulignement et caractères gras ajoutés). En conséquence, à l’issue de la prise de contrôle conjoint de la cible, New MT, par Fijace et PRG, les engagements souscrits par Fijace et New MT dans le cadre de la décision n° 21-DCC-144 précitée seront opposables à PRG puisque cette dernière contrôlera New MT au sens du droit des concentrations.
47. Ainsi, compte tenu des éléments qui viennent d’être exposés, et notamment des engagements souscrits par Fijace et New MT dans le cadre de la décision n° 21-DCC-144 qu’il n’y a pas lieu de réitérer dans le cadre de la présente procédure, tout risque d’effet horizontal consécutif à la présente opération peut être écarté.
B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX DE L’OPÉRATION
48. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l’accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l’entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval, ou les marchés amont, lorsque la branche aval de l’entreprise intégrée refuse d’acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux.
49. La pratique décisionnelle considère en principe qu’un risque d’effet vertical peut être écarté dès lors que la part de marché de l’entreprise issue de l’opération sur un marché concerné ne dépasse pas 30 %22.
50. En l’espèce, PRG est actif, via Artsana, en tant qu’offreur sur le marché amont de la fabrication et commercialisation en gros de jouets, sur lequel les parties sont également actives en tant qu’acheteuses.
51. Sur ce marché, la part de marché d’Artsana en tant que vendeur est inférieure à 15 %, quelle que soit la segmentation retenue (y compris sur le marché de la fabrication et de la commercialisation en gros des jouets premier âge, sur lequel Artsana est spécialisé). La part de marché des parties en tant qu’acheteuses est comprise, selon les hypothèses, entre [20-30] % et [30-40] % sur le marché de la fabrication et de la commercialisation en gros des jouets premier âge, y compris dans l’hypothèse où serait retenue une segmentation par canal de distribution. Sur ce marché de dimension nationale, les parties feront toutefois face à la concurrence d’opérateurs importants à l’instar de PicWicToys, la Grande Récré ou JouéClub, qui représentent un débouché important pour les concurrents d’Artsana sur le marché amont.
52. Compte tenu des éléments qui viennent d’être exposés, tout risque d’effet vertical consécutif à la présente opération peut être écarté.
C. ANALYSE DES EFFETS CONGLOMÉRAUX DE L’OPÉRATION
53. Une concentration est susceptible d’emporter des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur des marchés présentant des liens de connexité avec d’autres marchés sur lesquels elle détient un pouvoir de marché. Certaines concentrations conglomérales peuvent en effet produire des effets restrictifs de concurrence lorsqu’elles permettent de lier techniquement ou commercialement, les ventes des produits de la nouvelle entité de façon à verrouiller le marché et à évincer les concurrents. Toutefois, il est peu probable qu’une concentration entraine un risque d’effet congloméral si la nouvelle entité ne bénéficie pas d’une forte position sur un marché à partir duquel elle peut faire jouer un effet de levier.
54. La pratique décisionnelle considère en principe qu’un risque d’effet congloméral peut être écarté dès lors que la part de marché de l’entreprise issue de l’opération sur un marché concerné ne dépasse pas 30 %23.
55. En l’espèce, les parties sont actives sur le marché de la distribution au détail de jouet. PRG est également actif sur les marchés d’articles de puériculture.
56. Toutefois, dans les faits, un effet congloméral entre ces deux activités paraît peu probable dans la mesure où l’activité de PRG sur les marchés d’articles de puériculture transite exclusivement par le site internet d’Atida tandis que, s’agissant de la distribution au détail de jouets, l’activité des parties est déployée essentiellement par le biais de leur réseau de magasins physiques (seules [5-10] % des ventes de King Jouet et Maxi Toys sont réalisées en ligne). Cette différence de modèle commercial entre les parties rend plus complexe la mise en place de telles pratiques.
57. En outre, sur les marchés d’articles de puériculture, PRG détient une part de marché inférieure à 5 %, quelle que soit la segmentation retenue, y compris au niveau local : elle ne sera donc pas en mesure de faire jouer un quelconque effet de levier avec son activité de distribution de jouet, y compris au niveau local.
58. Quant à un éventuel effet de levier qui pourrait être déployé à partir de la position des parties sur le marché de la distribution au détail de jouet, il peut être écarté pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il ressort des éléments exposés précédemment relatifs aux effets horizontaux de l’opération que, une fois mis en œuvre les engagements de cession pris par Fijace et New MT dans le cadre de la décision n° 21-DCC-144 précitée, les parties ne bénéficieront pas d’un pouvoir de marché suffisant pour mettre en œuvre un tel effet de levier au niveau local et, a fortiori, au niveau national. Les parties seront en effet confrontées à la présence d’alternatives suffisamment crédibles pour discipliner la nouvelle entité. Par ailleurs, dans les zones dans lesquelles seul est présent un magasin King Jouet, la possibilité de déployer des synergies entre les activités des parties sur les marchés de la distribution au détail de jouet et sur ceux d’articles de puériculture n’est pas propre à l’opération. Enfin, il ressort des éléments transmis par les parties notifiantes qu’aucune synergie conglomérale entre King Jouet et l’activité d’Atida n’a été mise en œuvre à ce jour, ce qui suggère que les parties n’ont pas d’incitation à adopter une telle stratégie. Il est peu probable que l’ajout des magasins Maxi Toys à l’activité de PRG soit susceptible de modifier ces incitations, d’autant plus que les ventes de jouets premier âge représentent moins de 15 % du chiffre d’affaires réalisé par les réseaux King Jouet et Maxi Toys.
59. Compte tenu des éléments qui viennent d’être exposés, tout risque d’effet congloméral consécutif à la présente opération peut être écarté.
DÉCIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 21-227 est autorisée.
NOTES :
* Rectification erreur matérielle
1 PRG exploite également 7 corners de ventes de vêtements pour enfants dans des magasins King Jouet. Le chiffre d’affaires de ces corners est toutefois marginal, restant inférieur à 300 000 euros en 2020.
2 Voir la décision de l’Autorité de la concurrence n° 21-DCC-144 du 12 août 2021 relative à la prise de contrôle exclusif d’actifs du groupe Maxi Toys par la société Fijace.
* Rectification erreur matérielle
3 Cette part de marché resterait inférieure à 25 % si l’analyse des effets de l’opération sur ces marchés était réalisée au niveau local.
4 Lettre du ministre de l’économie du 30 juillet 2003 au président de la société Smoby relative à une concentration dans le secteur des jouets pour enfants ; lettre du ministre de l’économie du 20 juillet 2005 au président de la société Smoby relative à une concentration dans le secteur des jouets ; décisions de l’Autorité de la concurrence n° 11-DCC-165 du 24 novembre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Distritoys par la société Giochi Preziosi ; n°19-DCC-65 du 17 avril 2019 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Luderix International par la société Jellej Jouets et l’indivision résultant de la succession de M. Stéphane Mulliez ; décision n° 19-DCC-132 du 16 juillet 2019 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Nature & Découvertes par le groupe Fnac Darty et décision n° ° 21-DCC-144 du 12 août 2021 relative à la prise de contrôle exclusif d’actifs du groupe Maxi Toys par la société Fijace.
5 Lettres du ministre de l’économie du 30 juillet 2003 et du 20 juillet 2005 au président de la société Smoby précitées ; la Fédération française des industries Jouet Puériculture retient aujourd’hui les onze catégories de jouets suivantes : [1] premier âge, [2] jeux et puzzles, [3] plein air et jouets sportifs, [4] jeux de construction, [5] poupées, [6] activités artistiques, [7] véhicules, [8] jeux d’action et accessoires, [9] peluches, [10] jeux électroniques, [11] autres jouets, retenues dans les décision de l’Autorité, notamment la décision n°19-DCC-65 précitée.
6 Lettre du ministre de l’économie du 30 juillet 2003 au président de la société Smoby précitée.
7 Lettres du ministre de l’économie du 30 juillet 2003 et du 20 juillet 2005 au président de la société Smoby précitées et décisions de l’Autorité de la concurrence n° 11-DCC-165 ; n°19-DCC-65, n°19-DCC-137 et n° 21-DCC-144 précitées.
8 Décision de la Commission européenne COMP/M.5721 – Otto/Primondo Assets du 16 février 2010 ; décisions de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-42 du 25 mai 2010 relative à l’acquisition par la société 3 Suisses International SA de certains actifs de la société La Source ; n° 16-DCC-75 du 23 mai 2016 relative à l’acquisition de la société Becquet SAS par la société Domoti SAS ; n° 17-DCC-39 du 4 avril 2017 relative à l’acquisition du contrôle exclusif des sociétés Livelle et 3 Suisses Belgium par Domoti SAS ; n° 18-DCC-01 du 10 janvier 2018 relative à l’acquisition du contrôle exclusif de la société La Redoute par la société Motier (groupe Galeries Lafayette).
9 Décision de l’Autorité de la concurrence n° 18-DCC-01 précitée.
10 Décision de l’Autorité de la concurrence n° 16-DCC-111 du 27 juillet 2016 relative à la prise de contrôle exclusif de Darty par la Fnac.
11 Voir également la décision de l’Autorité de la concurrence n° 21-DCC-144 précitée.
12 Voir les décisions n° 19-DCC-132 et 21-DCC-144 précitées.
13 Afin de ne pas créer d’effet de seuil, en excluant de son analyse des points de vente situés en marge des zones définies, l’Autorité de la concurrence tient généralement compte de la concurrence des points de vente situés en bordure immédiate de zone, dans la limite d’un temps de trajet en voiture supplémentaire de deux minutes environ (voir la décision de l’Autorité de la concurrence n° 18-DCC-148 précitée).
14 Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Nice, Rennes, Strasbourg et Toulouse.
15 Voir les décisions n° 10-DCC-113 du 13 septembre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Fnac Eveil & Jeux par la société ID Group et n° 16-DCC-69 du 17 mai 2016 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Du Pareil au Même par la société La Générale pour l’Enfant Major.
16 Ibid.
17 Les activités de PRG en tant que vendeur sur ce marché seront analysées dans la partie relative aux effets verticaux de l’opération.
* Rectification d’erreur matérielle
* Rectification d’erreur matérielle
18 Dans l’hypothèse où serait envisagé un marché mondial de la fabrication et de la commercialisation en gros de jouet (voir en ce sens la décision n° 11-DCC-165 précitée), les parts de marchés des parties à l’opération seraient inférieures à 25 %, quelle que soit la segmentation envisagée.
19 Bègles (Maxi Toys), Mérignac (King Jouet) et Pessac (Maxi Toys), dans l’hypothèse où serait retenu un marché géographique correspondant à une zone isochrone de 25 minutes, le nouveau magasin étant situé à plus de 15 minutes de chacun de ces points de vente.
20 S’agissant d’une zone proche de Bordeaux, l’analyse a été faite ici dans la zone à 15 et à 25 minutes autour des points de vente concernés.
21 Saran (Maxi Toys) et Checy (King Jouet).
22 Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relative au contrôle des concentrations, para. 678.
23 Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relative au contrôle des concentrations, para. 720.