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Décisions

Cass. com., 16 juin 1992, n° 90-20.833

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Défendeur :

société Henkel KGA (Sté), société Henkel France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Gomez

Avocat général :

M. Raynaud

Avocat :

Me Thomas-Raquin

Bordeaux, 1re ch., du 27 sept. 1990

27 septembre 1990

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les juges du fond ne peuvent modifier l'objet du litige dont ils sont saisis ; qu'en l'espèce, la société Henkel, qui reprochait à M. X... une contrefaçon ou du moins une imitation frauduleuse de la marque Pril avait demandé aux juges du fond de condamner celui-ci à des dommages-intérêts en raison de l'atteinte portée à leur marque ; que, saisie de cette demande, la cour d'appel, qui a déclaré la marque Super Bril illicite, a modifié l'objet du litige et ainsi, violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que, en toute hypothèse, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a fondé sa décision sur le moyen de droit relevé d'office, relatif au caractère descriptif de la marque Super Bril ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel a rappelé que la société Henkel soutenait, dans ses conclusions, que la marque Pril était arbitraire et de fantaisie et possédait un pouvoir distinctif dans la classe des produits pour lesquels elle avait été déposée, qu'une confusion pouvait se produire entre Pril et Bril, que le préfixe "super", étant banal, n'était pas susceptible de protection et avait demandé la radiation de la marque ; qu'il apparaît ainsi que le caractère illicite de la marque litigieuse était dans le débat et que la cour d'appel n'a pas modifié l'objet du litige ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la nullité de la marque Super Bril et d'avoir ordonné la radiation de son dépôt, alors, selon le pourvoi, d'une part, que selon le procès-verbal de dépôt du 12 mai 1978, la marque litigieuse était constituée par la dénomination Super Bril ; qu'en considérant, pour l'annuler, que cette marque était constituée par les dénominations Super-Bril ou Superbril, la cour d'appel qui, tantôt a rajouté un trait d'union, tantôt a réuni les deux termes, a violé l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut au défaut de motifs ; que l'arrêt, après avoir constaté dans ses motifs que la marque litigieuse était constituée par la dénomination Super-Bril ou Superbril, a annulé, dans son dispositif, la marque Super Bril ; qu'ainsi, la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en outre, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1964, ne peuvent être considérées comme marques, celles qui sont composées exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit ou du service ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour déclarer la marque Super Bril descriptive, devait donc rechercher si la brillance était la qualité essentielle du produit d'entretien de véhicules automobiles ; Qu'en fondant son appréciation seulement sur un effet susceptible d'intervenir dans le choix de la clientèle, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte suscité ; alors, enfin, qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que plusieurs autres commerçants, vendant le même type de produits, avaient la possibilité, nonobstant l'usage de la marque Super Bril, d'évoquer le même effet de brillance ; qu'ainsi, en toute hypothèse, après avoir constaté l'absence d'atteinte à la concurrence du fait de l'appropriation de la marque Super Bril, la cour d'appel ne pouvait la déclarer nulle, sans violer l'article 3 de la loi du 31 décembre 1964 ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu que le terme Bril définissait la qualité de la brillance, était porteur d'une connotation particulièrement louangeuse et évocatrice pour les consommateurs utilisant les produits d'entretien automobile figurant dans la classe pour laquelle la marque avait été déposée, et avait un caractère descriptif, même dépouillé du préfixe générique banal "super" ; que la cour d'appel a ainsi fait apparaître que les deux termes, Bril et Super, quel que soit leur mode de liaison, étaient génériques et donc insusceptibles d'appropriation à titre de marque, alors que l'association, au terme Bril, de préfixes différenciant, par d'autres marques, rendait celles-ci licites ; qu'ainsi, hors toute dénaturation et sans se contredire, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.