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Décisions

Cass. 3e civ., 10 décembre 2021, n° 18-10.199

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Domaine Clarence Dillon (Sté)

Défendeur :

Parelys (Sté), GAN (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Weber

Rapporteur :

M. Betoulle

Avocat général :

M. Gariazzo

Avocats :

Me Cossa, la SCP Baraduc et Duhamel, Me Delvolvé

Paris, du 29 janv. 2003

29 janvier 2003

Sur le moyen unique du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi provoqué, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 janvier 2003), que suivant acte sous seing privé du 29 février 1980, la société GAN Foncier, aux droits de laquelle sont successivement venues la société civile immobilière (SCI) du 118, Champs Elysées, puis la société Parelys, a donné à bail des locaux à usage commercial à la société UGC, aux droits de laquelle est venue la société UGC Ciné cité ; que les parties ne s'étant pas entendues sur le montant du loyer du bail à renouveler le 31 décembre 1995, la société bailleresse a assigné sa locataire en fixation du loyer ;

Attendu que les sociétés Parelys et GAN Foncier et la SCI du 118, Champs Elysées font grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme le prix du bail renouvelé alors, selon le moyen :

1) qu'il résulte des dispositions législatives de l'article L. 145-33 du nouveau Code de commerce que " le montant des loyers des baux à renouveler ou à réviser doit correspondre à la valeur locative ", laquelle est déterminée en fonction des éléments dont la consistance est précisée aux articles 23-1 à 23-5 du décret du 30 septembre 1953, et de celles de l'article L. 145-34 du même Code, qui pose le principe d'un plafonnement du prix du loyer, que celui-ci n'est pas applicable "lorsque, par l'effet d'une tacite reconduction, la durée du bail excède douze ans" ; qu'en conséquence, les dispositions réglementaires de l'article 23-8 du décret susvisé selon lequel le prix du bail des locaux monovalents "peut, par dérogation aux dispositions qui précèdent, être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée" ne peuvent concerner que les baux portant sur des locaux monovalents qui ne sont pas déjà exclus, en raison de leur durée, du champ d'application de l'article L. 145-34 en vertu des dispositions mêmes de ce texte ; que, dès lors, en décidant qu'en l'espèce le loyer devait être fixé sur le seul fondement de l'article 23-8 du décret du 30 septembre 1953, après avoir constaté que le bail litigieux avait duré plus de douze ans et que le déplafonnement était en conséquence acquis, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application, ensemble l'article L. 145-33 et les dispositions finales de l'article L. 145-34 du nouveau Code de commerce par refus d'application ;

2) que, subsidiairement, seuls les aménagements réalisés par le bailleur peuvent conférer au local un caractère monovalent ; qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt que les locaux ont été loués "bruts de décoffrage", que la destination stipulée au bail litigieux était "exploitation d'une salle de cinéma et de spectacles" et que les aménagements en salle de cinéma ont été réalisés par le preneur qui a lui-même choisi entre les deux destinations contractuelles possibles ; que, dès lors, en considérant que ces aménagements conféraient un caractère monovalent aux locaux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 23-8 du décret du 30 septembre 1953 qu'elle a ainsi violé ;

3) qu'en toute hypothèse, le juge ne peut qualifier des locaux de monovalents qu'à la condition d'avoir recherché s'il n'est pas possible de les affecter à une autre destination sans des travaux importants ni des transformations coûteuses ; qu'il ne justifie pas avoir procédé à cette recherche quand il se borne à affirmer la nécessité de tels travaux sans préciser même sommairement en quoi ils consisteraient et à affirmer leur caractère coûteux sans donner la moindre précision sur leur montant ni a fortiori rapprocher celui-ci du prix du bail ; qu'en l'espèce, où les locaux avaient été donnés à bail bruts de décoffrage en vue de l'"exploitation d'une salle de cinéma et de spectacles", la bailleresse faisait valoir dans ses conclusions que le rapport d'architecte non contradictoire dont se prévalait la preneuse n'établissait ni l'importance ni le coût des travaux nécessaires pour transformer en salle de spectacles les locaux aménagés par cette dernière en salle de cinéma ; qu'en se bornant à énoncer que "les travaux à envisager seraient considérables" pour en déduire qu'ils "seraient à l'évidence fort onéreux" et que "cela démontre la monovalence des lieux", sans donner la moindre précision, même sommaire, ni sur ces travaux, ni sur leur coût, et sans davantage justifier en quoi la situation des locaux en sous-sol et leur caractère aveugle excluraient toute autre utilisation, la cour d'appel, qui s'est ainsi prononcée par voie d'affirmations aussi générales que gratuites, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 23-8 du décret du 30 septembre 1953 ;

4) que, du même coup, en se déterminant de la sorte, la cour d'appel n'a pas satisfait à l'exigence de motivation posée par l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, qu'elle a ainsi violé ;

Mais attendu, d'une part, que la seule monovalence des lieux loués justifie l'application des dispositions de l'article 23-8 du décret du 30 septembre 1953, même s'il existe d'autres causes de déplafonnement du loyer du bail renouvelé tenant notamment à la durée de celui-ci ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé, par des motifs non critiqués, que les travaux d'aménagement en salle de cinéma faits par la locataire avaient fait accession au bailleur à la date d'expiration du bail à renouveler et constaté qu'une note d'architecte démontrait avec précision l'étendue des travaux qu'il y aurait lieu de faire pour transformer la salle de cinéma en salles de spectacles, ces travaux étant considérables et à l'évidence fort coûteux, la cour d'appel, qui ne s'est pas prononcée par voie d'affirmations générales, a pu en déduire que les locaux litigieux étaient monovalents ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.