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Décisions

Cass. com., 29 septembre 2021, n° 20-13.367

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

société Uni-Vert (Sté)

Défendeur :

société Etude Balincourt (Selarl), société du Mas Daussan (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Rapporteur :

Mme Barbot

Avocat général :

Mme Henry

Avocats :

SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Piwnica et Molinié

Aix-en-Provence, ch. 3-2, du 12 déc. 201…

12 décembre 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 décembre 2019), statuant sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 9 mai 2018, pourvoi n° 16-27.243), la société Mas Daussan a conclu un contrat d'apport exclusif avec la société Covial, devenue la société Uni-Vert, productrice de pommes, chargée de la réception et de l'emballage des fruits.

2. Le 22 octobre 2011, la société Mas Daussan a été mise en redressement judiciaire, M. [C] [Z] étant nommé mandataire judiciaire.

3. Par une déclaration unique, la société Covial a déclaré au passif plusieurs chefs de créance représentant un montant total de 566 252,78 euros, en arguant notamment de l'inexécution du contrat précité. Cette déclaration a été contestée aux motifs que "la créance" n'était justifiée ni dans son principe, ni dans son montant.

4. Le 9 juin 2011, la société Mas Daussan a bénéficié d'un plan de redressement, M. [C] [Z] étant nommé commissaire à l'exécution du plan, puis remplacé par la société Etude Balincourt dans ses fonctions de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan.

5. Par une ordonnance du 12 septembre 2013, le juge-commissaire a sursis à statuer sur l'admission de la créance déclarée par la société Covial et invité les parties à saisir un tribunal de grande instance dans le délai d'un mois fixé par l'article R. 624-5 du code de commerce, à peine de forclusion. L'appel et le contredit formés contre cette ordonnance ont été déclarés irrecevables.

6. En l'absence de saisine du juge désigné pour trancher la contestation de la créance déclarée, l'affaire est revenue devant le juge-commissaire, afin qu'il soit statué sur le sort de cette créance.

Examen du moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société Uni-Vert fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande, faute de saisine de la juridiction du fond dans le délai prévu par l'article R. 624-5 du code de commerce, et de rejeter sa créance déclarée à concurrence de la somme totale de 566 252,78 euros, alors « que lorsque la contestation d'une créance déclarée a pour objet, au moins pour partie, de remettre en cause le contrat en exécution duquel le créancier a déclaré sa créance, il appartient au débiteur ou au mandataire judiciaire de saisir la juridiction désignée par le juge-commissaire ; qu'en affirmant que la société Covial était forclose faute d'avoir engagé l'instance au fond à laquelle elle avait intérêt puisque sa créance était fondée principalement sur l'allégation de l'inexécution du contrat d'apport exclusif, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la contestation ne tendait pas, pour l'autre partie de la créance, à remettre en cause le contrat en exécution duquel le créancier a déclaré sa créance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 624-5 du code de commerce dans sa rédaction antérieure au décret du 30 juin 2014. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 624-2 et l'article R. 624-5 du code de commerce, le premier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 12 mars 2014 et le second dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret du 30 juin 2014 :

8. Il résulte de ces textes que le juge-commissaire qui constate l'existence d'une contestation sérieuse, renvoie les parties à mieux se pourvoir et invite les parties, sans désigner laquelle, à saisir le juge compétent pour trancher cette contestation, reste compétent, une fois la contestation tranchée ou la forclusion acquise, pour statuer sur la créance déclarée, en l'admettant ou en la rejetant. En cas de forclusion, l'admission ou le rejet de la créance déclarée dépend du point de savoir quelle partie avait intérêt à saisir le juge compétent, seule cette partie devant, dans le cadre de la procédure de vérification et d'admission des créances, supporter les conséquences de l'absence de saisine de ce juge. Par conséquent, lorsque la déclaration du créancier comporte plusieurs postes de créance, le juge-commissaire doit déterminer, pour chacun d'eux, quelle partie avait intérêt à saisir le juge compétent pour trancher la contestation et doit, dès lors, supporter les conséquences de sa carence, afin de décider, pour chaque poste, s'il y a lieu de le rejeter ou de l'admettre.

9. Pour rejeter dans son intégralité la créance déclarée par la société Covial, après avoir constaté qu'aucune partie n'avait saisi le tribunal désigné pour statuer sur la contestation soulevée, l'arrêt énonce, d'abord, que, la forclusion prévue par l'article R. 624-5 susvisé ayant pour but de sanctionner l'inaction de la partie qui avait intérêt à saisir la juridiction compétente, il convient de déterminer quelle partie avait intérêt et donc la charge de saisir le tribunal. Il retient, ensuite, que la créance déclarée par la société Covial est fondée principalement sur l'allégation de l'inexécution du contrat d'apport exclusif liant les parties, que la contestation consiste à soutenir que la créance n'est justifiée ni dans son principe ni dans son montant, et qu'aucun élément n'établit que la société débitrice et son mandataire auraient remis en cause, même pour partie, le contrat à l'origine de la créance. Il en déduit que seule la société Covial, créancière déclarante, avait intérêt à saisir la juridiction compétente pour trancher la contestation et que, faute pour elle de l'avoir fait dans le délai requis, sa demande est irrecevable et sa créance doit être rejetée.

10. En se déterminant ainsi, alors qu'elle constatait que la créance déclarée, d'un montant total de 566 252,78 euros, se décomposait en plusieurs postes incluant en particulier le solde d'un prêt accordé à la société débitrice, la cour d'appel, qui n'a pas distingué, pour chacun des postes de créance déclarés, quelle partie devait supporter les conséquences de son absence de saisine du tribunal compétent pour trancher la contestation, a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette l'exception d'irrecevabilité, fondée sur l'article L. 622-27 du code de commerce, soulevée par la société Mas Daussan et son mandataire judiciaire, la société Etude Balincourt, l'arrêt rendu le 12 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence.