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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 8 décembre 2021, n° 19/01975

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Iqvia Opérations France (SAS)

Défendeur :

Euris Health Digital Solution (SAS), Cegedim (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Depelley, Mme Lignières

Avocats :

Me Baechlin, Me Chemla, Me Fortin, Me Guyonnet, Me Djavadi, Me Boccon Gibod, Me de Gaulle

T. com. Paris, du 17 déc. 2018, n° 20170…

17 décembre 2018

FAITS ET PROCÉDURE :

La société IQVIA Opérations France SAS (dite « IQVIA » ci-après) est spécialisée dans le conseil en systèmes et logiciels informatiques. Elle conçoit, gère et commercialise différents logiciels, bases de données et données informatiques à destination des laboratoires pharmaceutiques. Elle vient aux droits de la société IMS Health Operations France (dite « IMS » ci-après).

La société Euris Health Digital Solution (ci-après « Euris ») est principalement un éditeur du logiciel de « Customer Relationship management » (dit « CRM » ci-après) dénommé NetReps à destination des laboratoires pharmaceutiques. Les logiciels CRM sont des outils informatiques de gestion d'activité, de fichiers et de collecte des rapports établis par les visiteurs médicaux.

La société Cegedim est une entreprise de technologies et de services spécialisée dans la gestion des flux numériques dans le domaine de la santé, intervenant également dans la conception de logiciels et base de données destinés aux professionnels de santé et de l'assurance. Elle a notamment développé une base de données dénommée OneKey.

Par décision 14-D-06 du 8 juillet 2014 (dite « la Décision » ci-après), l'Autorité de la concurrence (dite « ADLC » ci-après) a dit que la société Cegedim avait été l'auteur de pratiques anticoncurrentielles et plus particulièrement d'un abus de position dominante constitué par le refus de vendre la base de données « OneKey » aux clients de la société Euris, utilisateurs du logiciel Netreps, et a prononcé une amende d'un montant de 5 767 000 euros à l'encontre de la société Cegedim. La base de données OneKey fait partie de la branche d'activité « CRM et données stratégiques » de la société Cegedim.

Cette Décision a été confirmée par arrêt de la présente Cour en date du 24 septembre 2015, lequel a fait l'objet d'un pourvoi rejeté par la Cour de Cassation.

Par un traité d'apport partiel d'actifs (dit « TAPA » ci-après) du 18 décembre 2014, la société Cegedim a transféré sa branche d'activité « CRM et données stratégiques » à la société CS1, puis, la société IMS (devenue IQVIA) a acquis en avril 2015 la totalité des actions de la société CS1, et ce à la suite d'un contrat global d'acquisition (dit ci-après « CGA » ou « MMA » pour « Management Acquisition Agreement ») conclu entre les sociétés IMS et Cegedim le 17 octobre 2014.

Souhaitant être indemnisée du préjudice résultant pour elle des pratiques anticoncurrentielles établies par la Décision, la société Euris a assigné la société Cegedim et la société IMS (devenue Iqvia) par acte d'huissier en date du 31 janvier 2017 aux visas des articles L. 420-2 du code de commerce, 102 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne (ci-après « TFUE ») et 1382 ancien du code civil.

A la suite de cette assignation, la société IQVIA, venant aux droits de la société IMS, a demandé sa mise hors de cause en faisant valoir que les conséquences civiles de la procédure engagée devant l'ADLC étaient exclues par le TAPA du 18 décembre 2014 conclu entre la société Cegedim et la société CS1.

La société Cegedim s'est opposée à cette demande en faisant valoir que la clause d'exclusion du TAPA ne concernerait que sa responsabilité administrative ayant conduit à sa condamnation par l'ALDC à une sanction financière de 5,767 millions d'euros.

Dans ces conditions, le tribunal de commerce de Paris a fixé une audience consacrée uniquement à la question de savoir si les conséquences civiles des pratiques anticoncurrentielles sanctionnées par l'ALDC avaient été ou non transférées par la société Cegedim à la société CS1, puis à la société IQVIA.

Par jugement du 17 décembre 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

- accueilli la fin de non-recevoir de la SA CEGEDIM et l'a mise hors de cause,

- débouté la SAS IQVIA (venant aux droits de IMS France) de sa fin de non-recevoir ;

- condamné la société EURIS à payer à la société CEGEDIM la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné IQVIA à payer à la société EURIS 10 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- renvoyé l'affaire à l'audience publique de la 15eme chambre du 8 février 2018 pour conclusions de la SAS IQVIA et pour indication,

- et condamné la société IQVIA aux dépens.

La société IQVIA a interjeté appel de ce jugement le 24 janvier 2019 et sollicité l'infirmation du jugement du 17 décembre 2018 dans toutes ses dispositions.

Le 2 mai 2019, la société Cegedim a déposé des conclusions d'incident afin de voir juger l'incompétence de la Cour de céans ainsi que l'irrecevabilité des appels, tant principal qu'incident, des sociétés IQVIA et Euris.

Par ordonnance du 22 octobre 2019, le conseiller de la mise en état a débouté la société Cegedim de l'ensemble de ses demandes. Cette ordonnance, déférée sur requête par la société Cegedim, a été confirmée par un arrêt du 9 septembre 2020 de la présente Cour.

Vu les dernières conclusions de la société Cegedim déposées et notifiées le 1er septembre 2021, par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de Paris de :

Vu les articles 31, 73, 75 et s., 122, 125, 543, 546 et s., 563, 564, 771, 907, 914, 954, 1448 du Code de procédure civile,

Vu les articles L. 236-1 et suivants, L. 236-21 et L. 236-22 du Code de commerce,

Vu les articles 1192 (nouveau), 1240 (nouveau) et 2224 du Code civil,

Vu les dispositions transitoires de l'ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017,

Vu l'ensemble des pièces versées au débat

In limine litis,

Déclarer la Cour d'appel incompétente à défaut de pouvoir pour se prononcer sur le contenu, l'interprétation et l'exécution du Contrat Global d'Acquisition versé aux débats par la société IQVIA Opérations France SAS (Pièces adverses n° 4, 9,10 et 11) et toute prétention/moyen y afférent, irrecevable car relevant de la compétence d'un Tribunal arbitral en exécution de la clause compromissoire convenue entre les parties à l'Article 13.2 du Contrat Global d'Acquisition ;

A titre principal,

 Déclarer irrecevables les prétentions, allégations, moyens formulées par la société IQVIA Opérations France SAS à l'encontre de la société Cegedim à défaut de mise en oeuvre du préalable de conciliation obligatoire prévu à l'Article 13.2 du Contrat Global d'Acquisition ;

 Déclarer irrecevables les prétentions, allégations, moyens formulées par la société IQVIA Opérations France SAS à l'encontre de la société Cegedim comme nouveaux et, le cas échéant, prescrits en appel (en particulier, les moyens développés, à titre subsidiaire, aux 2.4 et suivants des conclusions d'appelante) et écarter des débats les Pieces adverses n° 4, 9, 10 et 11 ;

 Confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et, en particulier, en ce qu'il a mis hors de cause la société Cegedim et prononcé des condamnations au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

 Condamner la société Euris à verser à la société Cegedim 30.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

 Débouter la société Euris de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, lesquelles sont à la fois irrecevables et mal fondées ;

 Débouter la société IQVIA Opérations France SAS des prétentions formulées à l'encontre de la société Cegedim, à supposer qu'elles soient qualifiées comme telles et jugées (par impossible) recevables ; la débouter, en toute hypothèse, de sa demande de mise hors de cause.

Vu les dernières conclusions de la société IQVIA déposées et notifiées le 6 septembre 2021, par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de Paris de :

Vu l'article L. 236-3 du Code de commerce,

Vu les articles les articles 1134, 1156, 1157 et 1161 anciens du Code civil,

Vu les articles 9, 64, 70, 73, 75, 561 à 567, 696, 700 et 907 du Code de procédure civile,

Vu l'article 771 du code de procédure civile dans sa rédaction à la date de l'introduction de l'instance,

Vu les articles 101 et 102 du TFUE

In limine litis,

- de déclarer irrecevable et de rejeter la demande de déclaration d'incompétence et d'irrecevabilité soulevée « in limine litis » par CEGEDIM) demandant à la Cour de se « déclarer incompétente à défaut de pouvoir pour se prononcer sur le contenu, l'interprétation et l'exécution du Contrat Global d'Acquisition (...) et toute prétention/moyen y afférent irrecevable »

À titre principal,

 d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 17 décembre 2018 ;

 de mettre hors de cause la société IQVIA France ;

À titre subsidiaire,

 d'écarter la responsabilité de la société IQVIA France quant aux préjudices allégués par Euris au titre des surcoûts et du préjudice moral lié à l'atteinte à l'image de l'entreprise;

 d'infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 17 décembre 2018, en ce qu'il a mis CEGEDIM hors de cause ;

En tout état de cause,

- de rejeter les demandes de CEGEDIM demandant à la Cour (i) de « déclarer irrecevables les prétentions, allégations, moyens formulés par la société IQVIA Opérations France SAS à l'encontre de la société CEGEDIM à défaut de mise en œuvre du préalable de conciliation obligatoire », et (ii) de « déclarer irrecevables les prétentions, allégations, moyens formulés par la société IQVIA Opérations France SAS à l'encontre de la société CEGEDIM comme nouveaux et, le cas échéant, prescrits en appel (en particulier, les moyens développés à titre subsidiaire, aux 2.4 et suivants des conclusions d'appelante) et écarter des débats les Pièces adverses n° 4, 9, 10 et 11 » ;

- de débouter Euris de toutes ses prétentions ;

- de condamner Euris à verser à la société IQVIA France la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

Vu les dernières conclusions de la société Euris déposées et notifiées le 6 septembre 2021, par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de Paris de :

Vu la décision de l'Autorité de la Concurrence en date du 8 juillet 2014,

Vu l'arrêt de la Cour d'appel de céans en date du 24 septembre 2015,

Vu l'arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 21 juin 2017,

Vu l'article L. 420-2 du Code de commerce,

Vu l'article 102 TFUE,

Vu l'article 1240 du Code civil,

Vu le Décret n°2017-305 du 9 mars 2017,

Vu l'Ordonnance n°2017-303 du 9 mars 2017,

- Dire et juger recevable et bien fondée la société EURIS en ses demandes contre les sociétés CEGEDIM et IMS HEALTH France, devenue IQVIA,

- Constater le comportement fautif de la société CEGEDIM du fait des pratiques anticoncurrentielles retenues,

- Dire et juger que la faute de la société CEGEDIM a causé un préjudice certain et direct à la société EURIS,

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 17 décembre 2018 en ce qu'il a reconnu la responsabilité de la société IQVIA au titre des pratiques anticoncurrentielles commises par la société CEGEDIM,

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 17 décembre 2018 en ce qu'il a mis hors de cause la société CEGEDIM,

En tout état de cause,

- Condamner solidairement les sociétés CEGEDIM et IMS HEALTH France, devenue IQVIA, au paiement de la somme de 40 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée par ordonnance en date du 7 septembre 2021.

MOTIFS

A titre liminaire, la Cour relève qu'elle n'est saisie que de la question de savoir si les conséquences civiles des pratiques anticoncurrentielles sanctionnées par l'ALDC avaient été ou non transférées par la société Cegedim à la société CS1, puis à la société IQVIA.

La demande de la société EURIS tendant à voir juger certain le préjudice dû à la faute de la société Cegedim qu'elle prétend avoir subi du fait des pratiques anticoncurrentielles ainsi que la demande tendant à voir reconnaître la responsabilité de la société IQVIA ne peuvent être déférées à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 562 du code de procédure civile, aucun chef de dispositif du jugement critiqué ne portant sur ces questions.

Sur l'exception d'incompétence et la fin de non-recevoir opposée par la société Cégédim relatifs au contrat MMA

In limine litis, la société Cegedim soulève un exception d'incompétence, au visa des articles 73, 75 et 1448 du code de procédure civile, en faisant valoir que le contrat MMA (pièce 22 de IQVIA) dont se prévaut la société IQVIA pour demander l'infirmation du jugement ne peut être examinée par la présente cour, celle-ci serait en effet incompétente pour connaître dudit contrat MMA en ce qu'il contient une clause prévoyant que tout différend afférent à celui-ci doit être soumis à la connaissance d'un tribunal arbitral et ce après une phase de conciliation obligatoire (article 13.2 du MMA produit en pièce 4 de l'appelante).

C'est bien la clause du TAPA conclu entre la société Cegedim et la société CS1 qui permet de délimiter le périmètre de la branche d'activité dont la société Cegedim s'est défaite au profit de la société nouvellement créée à cet effet, soit la société CS1, et donc de définir le périmètre de ce qui a été transmis à la société ISM (devenue IQVIA) dans l'acquisition par cette dernière de 100% des parts de la société CS1 conclue en avril 2015 pour 410 millions.

Il en ressort que le contrat MMA ne constitue qu'un fait juridique dans le présent litige qui ne porte ni sur la validité ni sur l'exécution de ce contrat MMA.

Aussi, l'exception tendant à voir dire que la présente cour n'est pas compétente pour analyser le contrat MMA dans le présent litige du fait d'une clause d'attribution de compétence à un tribunal arbitral n'est pas pertinente et ne sera pas retenue.

Pour les mêmes motifs, le moyen opposé par la société Cegedim tendant à voir déclarer irrecevables toute prétention, moyen et pièce afférent au contrat MAA sur le fondement des articles 563 et 564 du code de procédure civile ne sera pas accueilli, en ce que le contrat MMA n'est qu'un fait juridique dont la Cour peut évaluer la force probante et la pertinence aux fins de trancher le présent litige.

Sur le périmètre de l'apport partiel

La société IQVIA critique le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a dit irrecevable l'action engagée par la société EURIS sur le fondement de la responsabilité civile à l'encontre de la société Cegedim.

A cet effet, l'appelante fait valoir :

- d'une part que, conformément au principe de la personnalité, la société Cegedim est de manière incontestable l'entreprise qui a mis en oeuvre les pratiques anticoncurrentielles avant l'acte de cession du mois d'avril 2015, que la société CS1 ne peut avoir hérité d'une dette liée à un préjudice dont le fait générateur est imputable à la société Cegedim ;

- et d'autre part, que la seule interprétation possible, tant naturelle que cohérente, de la clause d'exclusion de l'article 7.6 du TAPA du fait du terme « liés » et de l'utilisation du pluriel implique une exclusion dans le transfert à la société CS1 des procédures dites « follow on » initiées par les entreprises qui se disent victimes des pratiques anticoncurrentielles sanctionnées par l'ADLC.

Enfin, la société IQVIA prétend que la transmission de la dette issue d'une pratique anticoncurrentielle établie par une Autorité administrative serait contraire au droit européen de la concurrence et au principe de l'effectivité de ce droit, surtout à la lumière des nouvelles règles édictées par la Directive « Dommages » de 2014 renforçant le lien entre la décision administrative et les actions civiles consécutives.

En réplique, la société Cegedim demande la confirmation du jugement sur ce point. Il est soutenu que le TAPA a eu pour effet, préalablement à son acquisition par le groupe IQVIA, d'opérer une transmission universelle à la société CS1 de tous les droits, biens et obligations attachés à la branche d'activité litigieuse « CRM & Données stratégiques », que l'exception au principe de transmission universelle ne se conçoit que par une manifestation de volonté contraire « expresse » (Cass. Com., 4 février 2004, n°00-13501). Elle ajoute qu'il ne peut être confondu la responsabilité administrative sanctionnée par l'amende infligée par l'ADLC et la responsabilité civile qui fonde les actions des entreprises victimes des pratiques anticoncurrentielles. La société Cegedim prétend enfin que le droit européen de la concurrence ne s'oppose pas au principe de la transmission universelle, la Directive « Dommages » de 2014 (d'ailleurs non applicable aux faits d'espèce qui sont antérieurs à sa transposition en 2017 dans le droit français) n'a posé que des règles de portée probatoire sur les liens entre la décision administrative et les actions civiles consécutives (ou « follow on »).

Quant à la société EURIS, elle soutient que la société Cegedim est responsable des pratiques anticoncurrentielles et également de l'indemnisation du préjudice subi, contrairement à l'analyse retenue par le tribunal de commerce de Paris.

Sur ce ;

L'article 7.6 (d) du TAPA intitulé « clause d'exclusion du TAPA » stipule que :

« L'ensemble des droits et obligations liés à la procédure engagée par l'Autorité de la Concurrence à l'encontre de la Société Apporteuse [CEGEDIM] au titre de prétendues violations par cette dernière de règles du droit de la concurrence, ayant abouti le 8 juillet 2014 sur la décision n° 14-D-06 condamnant la Société Apporteuse [CEGEDIM] au paiement d'une amende de EUR 5 700 000 contre laquelle la Société Apporteuse [CEGEDIM] a interjeté appel, est expressément exclue de l'Apport. »

Il est établi que s'agissant des traités de scission ou d'apport d'actifs, sauf dérogation expresse prévue par les parties dans le traité de scission ou d'apport, communauté ou confusion d'intérêts ou fraude, dans le cas d'un apport partiel d'actif placé sous le régime des scissions, il s'opère de la société apporteuse à la société bénéficiaire, laquelle est substituée à la première, une transmission universelle de tous ses droits, biens et obligations pour la branche d'activité faisant l'objet de l'apport.(Cass. com., 5 mars 1991, n° 88-19.629)

Il en résulte un principe selon lequel la transmission universelle du patrimoine s'opère de plein droit pour tous les éléments du patrimoine, l'actif et le passif y compris les obligations.

La dérogation à ce principe par des exceptions contractuelles doit être expresse et interprétée de manière stricte.

En l'espèce, dans le TAPA, seul l'article 7-6 (d) prévoit une clause d'exclusion à l'apport fait par transmission universelle de l'entière branche d'activité « CRM et données stratégiques » de la société Cegedim concernant expressément le paiement de l'amende infligée à cette dernière par la Décision au titre d'un abus de position dominante commis dans le cadre de ladite branche d'activité.

La Cour relève que les actions civiles consécutives à la Décision de l'ADLC ne sont pas expressément prévues dans la clause d'exclusion. Il ne peut donc s'inférer de la lecture du TAPA que les procédures civiles dites « follow on » sont comprises dans l'exclusion sans ajouter à la clause qui doit s'interpréter de manière stricte.

Contrairement à ce que prétend l'appelante, l'expression mentionnée « L'ensemble des droits et obligations liés à la procédure engagée par l'Autorité de la Concurrence » rend la clause utile car à la date de sa signature, le 18 décembre 2014, le recours contre la Décision rendue par l'ADLC était encore pendant devant la cour d'appel de Paris qui n'a rendu son arrêt confirmatif que le 24 septembre 2015 (suivi d'un pourvoi en cassation rejeté le 21 juillet 2017). Les termes précis de l'article 7.6 avaient donc bien un intérêt, le contentieux étant encore susceptible d'évoluer. Cette clause d'exclusion étant suffisamment claire en elle-même, elle ne nécessite pas une interprétation à la lumière des autres articles du TAPA ou bien du contrat MMA.

Par conséquent, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit que la société EURIS agissant sur le fondement de la responsabilité civile en qualité de victime de l'abus de position dominante établi par la Décision était irrecevable à agir envers la société Cegedim laquelle a transmis la totalité des droits et obligations de son activité « CRM & Données stratégiques » à la société CS1 acquise par la société ISM (devenue IQVIA), à l'exception de la sanction infligée par la Décision qui a été confirmée par l'arrêt de la Cour d'appel de Paris aujourd'hui définitif, outre les frais et dépens afférents à cette procédure.

Sur les frais et dépens

Le jugement est également confirmé sur les frais et dépens de première instance.

La société IQVIA, partie qui succombe en appel, est condamnée aux dépens, déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à verser à la société Cegedim la somme de 10 000 euros sur ce dernier fondement.

Quant à la société EURIS qui succombe dans ses prétentions en appel, elle sera déboutée de ses demandes au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Constate que la demande de la société EURIS tendant à voir juger certain le préjudice dû à la faute de la société Cegedim ainsi que sa demande tendant à voir reconnaître la responsabilité de la société IQVIA ne sont pas déférées à la Cour,

Rejette l'exception d'incompétence et la fin de non-recevoir relative au contrat MMA soulevées par la société Cegedim,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute la société IQVIA et la société EURIS de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société IQVIA aux entiers dépens de l'appel et à payer à la société Cegedim la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.