Cass. com., 26 octobre 2010, n° 09-69.687
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Revillon Chocolatier (Sté)
Défendeur :
Trianon (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Piwnica et Molinié
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 janvier 2009) que la société Revillon chocolatier, titulaire de la marque tridimensionnelle déposée le 7 octobre 2002 sous le n° 02 3 188 047 pour désigner du "cacao, chocolat et produits de confiserie" en classe 30 et la société Mademoiselle de Margaux, société du même groupe, ont assigné la société Trianon Chocolatiers en contrefaçon de cette marque ainsi qu'en concurrence déloyale lui reprochant de commercialiser des chocolats sous forme de brindilles sous la dénomination Les Rameaux ;
Attendu que la société Trianon chocolatiers fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande tendant à voir prononcée la nullité de la marque tridimensionnelle n° 02 3 188 047 et en conséquence d'avoir dit que les chocolats qu'elle commercialisait sous forme de brindilles et leur représentation sur les emballages constituaient une contrefaçon de ladite marque et de l'avoir condamnée à payer diverses sommes à la société Revillon Chocolatier, alors, selon le moyen :
1°/ que le signe tridimensionnel, constitué par la forme d'un produit, ne peut remplir la fonction d'une marque que si ce signe est effectivement distinctif; que le caractère distinctif suppose ainsi que la forme du produit soit originale, divergeant de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, susceptible de remplir sa fonction essentielle d'identification de l'origine, le simple fait que cette forme soit une « variante" des formes habituelles du type de produit ne suffisant pas à établir que cette forme a un caractère distinctif ; qu'en l'espèce, la société Trianon Chocolatiers faisait valoir que la forme de brindille, pour des chocolats individuels, ne constituait qu'une variante de formes habituelles, en barre ou bâtonnets, des chocolats et que, commune sur le marché, cette forme ne divergeait nullement des habitudes ou de la norme en la matière, les chocolats individuels existant sous toutes les formes possibles ; qu'elle produisait, à l'appui de ses dires, divers exemples de chocolats et de biscuits recouverts de chocolat en forme de barres, de bâtons, de torsades, démontrant, ce faisant, l'absence de caractère original, partant de caractère distinctif de la forme de brindille ; qu'en se bornant à relever, pour dire que la forme de brindille était originale, que les articles produits par la société Trianon chocolatiers avaient une forme bien plus massive, évocatrice de celle d'une barre, d'un bâtonnet ou d'un doigt et qui différait nettement de la forme déposée laquelle se caractérisait par une certaine finesse, une sinuosité notable et une couleur chocolat sur l'intégralité du sarment et que cette dernière s'éloigne de façon suffisamment significative, de celle adoptée par les autres produits de chocolaterie versés aux débats sans rechercher si la forme de sarment, bien que distincte, n'était pas une variante de la forme, habituelle pour les chocolats, de barre, et plus généralement si cette forme était distinctive, compte tenu de son caractère commun et de la diversité de la forme des chocolats individuels, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, dans son interprétation conforme à la directive n°89/104 du 21 décembre 1988 ;
2°) que le signe tridimensionnel, constitué par la forme d'un produit, ne peut remplir la fonction d'une marque que si ce signe est effectivement distinctif, partant si la forme du produit est perçue par le consommateur comme lui indiquant une origine commerciale bien définie, qui permet de distinguer ce produit de ceux provenant d'entreprises concurrentes ; que la cour d'appel a constaté qu'il ressortait du sondage produit par la société Trianon chocolatiers, que 71 % des personnes interrogées étaient incapables d'attribuer une origine à la forme du produit, tandis que la quasi-totalité des 29% des sondés, percevant la forme du produit comme leur indiquant son origine commerciale, l'attribuait, à une entreprise, en réalité, concurrente ; qu'en retenant néanmoins, pour dire valable la marque tridimensionnelle contestée, que la forme constituait un signe distinctif, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, dans son interprétation conforme à la directive n° 89/104 du 21 décembre 1988 ;
3°) que dans ses conclusions devant la cour d'appel, la société Trianon chocolatiers faisait encore valoir que les chocolats sous forme de brindilles étaient commercialisés par différentes sociétés du Groupe Revillon, sous trois dénominations différentes, ce qui était également de nature à exclure toute identification par le consommateur de la forme à une origine précise, distincte de celle des autres produits ; qu'en retenant, pour dire valable la marque tridimensionnelle contestée, que cette forme s'éloigne de façon suffisamment significative de celle adoptée par les autres produits de
chocolaterie versés aux débats, pour signifier au consommateur l'origine commerciale d'un produit et lui permettre ainsi, s'il le désire, de réitérer sans confusion possible l'acte d'achat auquel il a pu procéder, sans s'expliquer sur le moyen des conclusions tiré de l'impossibilité pour le consommateur d'identifier la forme à une origine précise du fait de la commercialisation par différentes sociétés et sous trois dénominations différentes de chocolats présentant cette forme de brindilles, la cour d'appel a, de surcroît, méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt, après avoir énoncé que le public pertinent était celui du consommateur de chocolat et que l'appréciation de la validité d'une marque devait être portée au regard des produits enregistrés indépendamment des conditions de son exploitation, relève que les produits et biscuits chocolatés versés aux débats par la société Trianon chocolatiers, dont rien ne permet de déterminer à quelle date ils ont été mis dans le commerce, ont une forme bien plus massive, évocatrice de celle d'une barre, d'un bâtonnet ou d'un doigt qui diffère nettement de la forme déposée laquelle se caractérise par une certaine finesse, une sinuosité notable et une couleur chocolat sur l'intégralité du sarment ; qu'il relève encore qu'aucun produit de chocolaterie n'épouse, même de façon lointaine, une forme fine, courte, torsadée, évocatrice d'un sarment de vigne et revêtue de chocolat sur l'intégralité de sa surface ; qu'il en déduit que cette présentation s'éloigne de façon suffisamment significative de celle adoptée par les autres produits de chocolaterie pour signifier au consommateur l'origine commerciale d'un produit et lui permettre de réitérer sans confusion possible l'acte d'achat auquel il a pu procéder ; qu'ainsi, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la deuxième branche, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes, a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.