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Décisions

Cass. com., 27 mars 2019, n° 18-15.005

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer, Me Bertrand, SCP Coutard et Munier-Apaire

Paris, du 27 mars 2018

27 mars 2018

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société de droit britannique JC Bamford Excavators Limited (la société JCB), spécialisée dans la conception et la fabrication d'engins de travaux publics ou agricoles, a confié à deux conseils en propriété industrielle (CPI) la réalisation de tests sur une machine Manitou suspectée de contrefaçon, puis, s'appuyant sur le rapport d'expertise privée qu'ils ont déposé, décrivant les caractéristiques du matériel examiné, a assigné la société Manitou BF (la société Manitou) en contrefaçon des revendications 1 à 12 de la partie française du brevet européen n° 1 532 065 et 1 à 4, 6 à 10 et 13 de la partie française du brevet européen n° 2 263 965 dont elle est titulaire et obtenu, sur requête, une ordonnance l'autorisant à faire pratiquer, par un huissier assisté des mêmes CPI désignés comme experts, une saisie-contrefaçon portant sur le modèle examiné, dans les locaux de cette société ; que la société Manitou a formé une demande de rétractation de cette ordonnance ;

Attendu qu'en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de l'article 7-1 de la directive n° 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle et son application aux faits de l'espèce, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;

Sur les premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième moyens du pourvoi incident éventuel :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour rétracter l'ordonnance du 2 juin 2017 et ordonner l'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon, la restitution des éléments saisis, la destruction immédiate par la société JCB du procès-verbal de saisie-contrefaçon et de l'ensemble des copies des éléments saisis, et interdire à la société JCB d'utiliser ou de communiquer, quelle que soit la procédure en France ou à l'étranger, le procès-verbal de saisie-contrefaçon, ainsi que les éléments saisis, l'arrêt relève que MM. M... et E... ont été désignés à deux reprises dans le même litige en contrefaçon opposant la société JCB à la société Manitou, d'abord pour procéder, à la demande de la société JCB, à des tests sur un véhicule Manitou qui ont donné lieu au dépôt d'un rapport d'expertise privée décrivant les caractéristiques du matériel examiné, puis, par ordonnance du 2 juin 2017 les désignant comme "experts judiciaires", pour assister l'huissier instrumentaire au cours des opérations de saisie-contrefaçon portant notamment sur le matériel examiné au cours de l'expertise privée ; qu'il retient qu'à l'évidence, des CPI ne peuvent, sans qu'il soit nécessairement porté atteinte au principe d'impartialité exigé par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, être désignés comme experts par l'autorité judiciaire alors qu'ils étaient antérieurement intervenus comme experts pour le compte de l'une des parties dans la même affaire relative à des faits de contrefaçon de brevet portant sur le même matériel ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le fait que le conseil en propriété industrielle de la partie saisissante ait, à l'initiative de celle-ci, établi un rapport décrivant les caractéristiques du produit incriminé ne fait pas obstacle à sa désignation ultérieure, sur la demande du saisissant, en qualité d'expert pour assister l'huissier dans le cadre d'une saisie-contrefaçon de brevet, sa mission n'étant pas soumise au devoir d'impartialité et ne constituant pas une expertise au sens des articles 232 et suivants du code de procédure civile, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi incident ;

Et sur le pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.