CA Angers, ch. com. A, 14 septembre 2021, n° 21/00025
ANGERS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Transports Routiers de la Loire (SARL)
Défendeur :
Montferrand (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Corbel
Conseillers :
Mme Robveille, M. Benmimoune
FAITS ET PROCÉDURE
Le 9 octobre 2013, la société Montferrand a consenti à la société Transports routiers de la Loire (TRDL) un bail précaire portant sur des locaux situés [...] pour une durée de 6 mois courant du 10 octobre 2013 au 10 avril 2014 et comprenant :
- un local d'entrepôt d'une surface de 1 000 m² environ, avec usage ponctuel et limité d'une baie d'atelier avec fosse dans le local 2,
- 15 places de parking poids lourds,
moyennant un loyer annuel de 18 000,00 HT, net de charges quelle qu'en soit la nature, en ce compris l'assurance de l'immeuble, les honoraires de gestion, payables par provision de 7% du loyer à chaque terme, suivie d'une régularisation annuelle effectuée sur justificatifs produits par le bailleur.
Ces locaux font partie d'un ensemble plus vaste composé d'un grand bâtiment à usage d'entrepôt, un bâtiment plus petit appelé atelier technique ou garage, à côté duquel se trouve une station de lavage, et des aires de parking.
A l'approche du terme de ce bail précaire, les parties sont entrées en pourparlers pour augmenter les surfaces prises à bail par la société TRDL, toujours dans le même ensemble immobilier, moyennant une augmentation du loyer.
Le 9 avril 2014, la société Montferrand a proposé à la société TRDL un projet de bail commercial précaire pour une période de 24 mois courant du 11 avril 2014 jusqu'au 10 avril 2016 et portant sur d'autres locaux que ceux ayant fait l'objet du précédent bail mais toujours situés dans le même ensemble immobilier, désignés comme suit :
- un local d'entrepôt d'une surface de 1 900 m² environ, avec usage ponctuel et limité d'une baie d'atelier avec fosse dans le local 2,
- environ 200 m² de bureaux,
- 45 places de parking poids lourds.
Etant observé que la précision ' avec usage ponctuel et limité d'une baie d'atelier avec fosse dans le local 2" ne figure que sur l'exemplaire produit par la société TRDL et non sur celui produit par la société Montferrand.
Ce projet de bail prévoyait un loyer annuel de 82 000,00 ' HT (soit un loyer mensuel de 6.833,33 ' HT), net de charges, outre une provision de 7% du loyer pour les charges suivie d'une régularisation annuelle effectuée sur justificatifs produits par le bailleur.
Ce projet de bail commercial précaire n'a pas été signé par les parties.
Néanmoins, il est constant qu'à l'issue du bail précaire du 9 octobre 2013, la société TRDL a occupé la partie de l'entrepôt comme le prévoyait le projet de bail du 9 avril 2014, a utilisé la station de lavage et l'atelier technique dépendant de l'ensemble immobilier loué et a réglé au bailleur un loyer mensuel de 6 833,33 HT outre, partiellement, une provision de 7% du loyer pour charges.
En l'absence de contrat écrit signé, les parties s'accordent pour convenir qu'elles sont liées par un bail commercial verbal sur la partie des locaux occupés par la société TRDL désignés dans le projet de bail du 9 avril 2014.
Des désaccords entre les parties sont apparus sur la répartition des charges locatives et sur le périmètre du bail.
Dès le 6 octobre 2014, la société TRDL contestait certaines factures de charges émises par la société Montferrand en lui demandant des précisions sur le relevé des compteurs EDF et eau et de lui transmettre un détail précis des charges. De même, par mail du 15 juin 2015, la société TRDL sollicitait le détail des charges eau et électricité pour la période de 2014 avec un relevé précis des compteurs.
Parallèlement, la société Montferrand mettait en demeure la société TRDL d'avoir à cesser toute utilisation illicite de l'atelier technique et de la station de lavage et réclamait le paiement des sommes dues au titre des consommations d'eau, d'électricité et des charges d'entretien, s'agissant tant des locaux pris à bail que des locaux qu'elle considérait être utilisés sans droit ni titre.
Le 21 décembre 2016, la société Montferrand a assigné la société TRDL devant le tribunal de grande Instance d'Angers en paiement :
- d'une somme de 36 306,72 euros arrêtée au 26 septembre 2016, majorée des intérêts de retard équivalent au taux légal majoré de 6 points depuis les dates respectives d'exigibilité des factures,
- d'une indemnité contractuelle de 10% des sommes dues, soit la somme de 3 630,67 euros arrêtée au 26 septembre 2016,
- d'une somme de 147 315 euros, arrêtée au 25 novembre 2016 majorée des intérêts au taux légal à compter de cette date, au titre de l'utilisation de la station de lavage,
- d'une somme de 28 000 euros arrêtée au 25 novembre 2016 majorée des intérêts au taux légal à compter de cette date, au titre de l'utilisation du bâtiment technique.
Parallèlement, le 23 août 2017, la société Montferrand a fait assigner en référé la société TRDL devant le président du tribunal de grande instance d'Angers aux fins de voir constater l'occupation sans droit ni titre par la société TRDL de l'atelier technique et de la station de lavage et, en conséquence, ordonner l'expulsion de la société TRDL.
Par ordonnance du 14 décembre 2017, le juge des référés a débouté la société Montferrand de l'ensemble de ses demandes.
Par jugement avant-dire droit du 11 mars 2019, le tribunal de grande instance d'Angers a ordonné la réouverture des débats et renvoyé l'audience à la mise en état pour communication d'un décompte des sommes dues au titre des charges.
Puis, par jugement du 8 décembre 2020, le tribunal judiciaire d'Angers a condamné la société SARL TRDL à payer à la SAS Montferrand :
- la somme de 4 932,17 au titre du reliquat de charges afférent au bail d'octobre 2013, majorée des intérêts de retard équivalant au taux légal majoré de 6 points à compter du 30 juillet 2015 date de la mise en demeure ;
- la somme de 76 280,18 correspondant au solde de charges du bail verbal de 2014 actualisé au 31 décembre 2019, outre celle de 5 466,65 ', au titre du reliquat de loyers afférent au bail du 11 avril 2014 ;
- la somme de 60 000 à titre de dommages et intérêts au titre de l'occupation continue de la station de lavage depuis le 11 avril 2014 sur la base d'une indemnité d'occupation de 10 000 par année majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2016 et celle de 42 000 au titre de l'occupation continue du bâtiment technique sur la base d'une indemnité d'occupation de 7 000 par année, depuis le 11 avril 2014, conformément au décompte arrêté au 10 avril 2020 majorée des intérêts au taux légal sur la somme de 28 000 à compter du 25 novembre 2016 ;
- la somme de 60 000 à titre de dommages et intérêts au titre des charges pour l'utilisation de la station de lavage ;
- Débouté la société TRDL de sa demande reconventionnelle en remboursement de travaux d'entretien ;
- Prononcé la résiliation du bail verbal du 9 avril 2014 aux torts exclusifs de la société TRDL ;
- Dit que la société TRDL exploite la station de lavage et du bâtiment technique sans droit, ni titre ;
- Ordonné l'expulsion de la société TRDL, ainsi que celle de tous occupants de son chef des locaux, objet du bail, et de la station de lavage et du bâtiment technique qu'elle occupe sans droit ni titre dans un délai de quatre mois à compter de la signification du jugement ;
- Dit que l'expulsion pourra être poursuivie à l'expiration d'un délai de quatre mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à quitter les lieux, et ce en tant que de besoin avec le concours de la Force Publique ;
- Condamné la société TRDL à verser à la SAS MONTFERRAND une indemnité d'occupation à compter de la signification du jugement d'un montant équivalent au montant du loyer consenti pour les locaux donnés à bail verbal, ainsi qu'une indemnité d'occupation sur la base de 10 000 par année au titre de l'occupation continue de la station de lavage et celle de 7 000 sur la base d'une indemnité d'occupation annuelle au titre du bâtiment technique qui courra jusqu'à la libération des lieux, outre les charges afférentes auxdits locaux ;
- Débouté la SAS MONTFERRAND du surplus de ses demandes.
- Condamné la société TRDL à payer à la SAS MONTFERRAND la somme de 10 000 en application de l'article 700 du C.P.C.
- Condamné la société TRDL aux dépens.
Par déclaration du 6 janvier 2021, la société TRDL a interjeté appel du jugement avant-dire droit du 11 mars 2020 ainsi que du jugement du 8 décembre 2020 en attaquant chacune des dispositions de ce dernier jugement sauf celles qui déboutent la SAS Montferrand du surplus de ses demandes.
Par déclaration du 8 janvier 2021, la société TRDL a interjeté appel du jugement avant-dire droit du 11 mars 2019 ainsi que du jugement du 8 décembre 2020 en attaquant chacune des dispositions de ce dernier jugement sauf celles qui déboutent la SAS Montferrand du surplus de ses demandes.
Ce second appel tend à rectifier l'erreur matériel affectant la date du premier jugement frappé d'appel.
La jonction des deux instances a été ordonnée le 28 janvier 2021.
Dans ses dernières conclusions déposées le 31 mai 2021 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, la société TRDL demande à la Cour d'infirmer les jugements des 11 mars 2019 et 8 décembre 2020, et statuant de nouveau :
In limine litis,
D'ordonner un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la plainte pénale déposée par elle ;
Avant dire droit,
D'enjoindre à la SAS Montferrand de produire des décomptes de régularisation de charges dans le strict respect des dispositions légales et réglementaires, avec les pièces justificatives à l'appui ;
Sinon, d'ordonner une mesure d'expertise judiciaire aux fins de faire établir contradictoirement par un tiers indépendant les décomptes de régularisation de charges ;
Sur le fond,
De débouter la SAS Montferrand de ses demandes, en ce compris son appel incident ;
De condamner la SAS Montferrand à payer à lui payer la somme de 10 000,00 en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
De condamner la SAS Montferrand aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées le 11 mai 2021auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, la société Montferrand demande à la Cour de :
- Dire que le jugement du 11 mars 2019 est définitif ;
- Rejeter la demande de sursis à statuer de la société TRDL
- Débouter TRDL de l'ensemble de ses demandes.
- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société TRDL à lui payer :
- la somme de 4 932,17 euros au titre du reliquat de charges afférent au bail d'octobre 2013 outre les intérêts au taux légal majoré de 6 points depuis le 30 juillet 2015,
- la somme de 76 280, 18 euros au titre des charges afférentes au bail verbal de 2014 actualisée au 31 décembre 2019 et la somme de 5 466, 65 euros au titre du reliquat de loyers afférent au bail du 11 avril 2014,
- la somme de 60 000,00 euros à titre de dommages intérêts au titre de l'occupation continue de la station de lavage depuis le 11 avril 2014 sur la base d'une indemnité d'occupation de 10 000, 00 euros par année majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2016,
- la somme de 42 000, 00 euros au titre de l'occupation continue sur la base d'une indemnité d'occupation de 7 000, 00 euros par année majorée des intérêts au taux légal sur la somme de 28 000.00 euros à compter du 25 novembre 2016,
Y ajoutant,
- Dire que TRDL est redevable au titre des charges arrêtées au 31 décembre 2020 de la somme globale de 83 855, 81 euros sous déduction de la condamnation à payer la somme de 76 280, 18 euros correspondant aux charges arrêtées au 31 décembre 2019 et condamner TRDL à payer la somme complémentaire de 7 575, 63 euros,
- Condamner TRDL à payer une somme complémentaire de 10 000 euros pour l'occupation de la station de lavage et une somme complémentaire de 7 000 euros pour l'occupation du bâtiment technique du 11 avril 2020 au 11 avril 2021,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a :
- débouté la société TRDL de ses demandes reconventionnelles,
- prononcé la résiliation du bail verbal du 9 avril 2014 aux torts exclusifs de TRDL,
- dit que TRDL exploitait la station de lavage et le bâtiment technique sans droit ni titre,
- ordonné l'expulsion de la société TRDL de l'ensemble des locaux occupés,
- condamné TRDL à payer à TRDL une indemnité d'occupation à compter de la signification du jugement équivalent au loyer pour les locaux donnés à bail verbal d'une part, sur la base de 10 000.00 par an pour la station de lavage et sur la base de 7 000, 00 par an pour bâtiment technique d'autre part, outre les charges afférentes aux locaux.
- condamné la société TRDL au paiement d'une indemnité de 10 000, 00 euros en application de l'article 700 du CPC.
- Statuant de nouveau sur les charges afférentes à l'utilisation du portique de lavage,
- Condamner la société TRDL à payer de ce chef la somme de 160 995, 00 euros arrêtée au 8 avril 2020 outre les intérêts au taux légal à compter de cette date,
- Condamner la société TRDL à lui payer la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société TRDL à supporter les entiers dépens de l'instance, lesquels seront recouvrés par la SELARL LEXCAP en application de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la saisine de la Cour :
La société TRDL a formé un appel du jugement avant-dire droit du 11 mars 2019. Elle n'avait pas à viser expressément les chefs qu'elle attaquait dès lors que ce jugement n'a tranché dans son dispositif aucune partie du principal, se bornant à ordonner la réouverture des débats et à renvoyer à l'audience à la mise en état pour communication d'un décompte. Ce jugement n'a donc pas autorité de chose jugée. Seul le jugement du 8 décembre 2020 tranche le litige et la cour d'appel qui est valablement saisie de l'appel de ce jugement doit statuer sur l'entier litige.
Sur la demande de sursis à statuer :
La société TRDL, exposant avoir été victime d'une double facturation de certaines charges et justifiant avoir déposé plainte auprès du Procureur de la République d'Angers pour dénoncer une surfacturation frauduleuse de charges d'eau par la société Montferrand et son dirigeant M. P., demande à la Cour de surseoir à statuer dans l'attente du résultat de l'enquête pénale.
Elle expose que suivant un procès-verbal de constat dressé le 22 janvier 2021 par Maître C., huissier de justice, il a été constaté que les réseaux d'alimentation en eau de la société TRDL sont reliés par un même compteur à ceux de la société Médiapost, locataire de la SCI Becquam, société également dirigée par M. P., et dont les locaux, situés [...], sont contigus de ceux occupés par la société TRDL, le tout formant un même ensemble immobilier industriel, de sorte que M. P., par l'intermédiaire de deux sociétés différentes, a facturé deux fois la même consommation d'eau à deux locataires différents.
Ainsi, selon les constatations de l'huissier de justice, l'eau consommée par la société Médiapost est décomptée par le compteur n° D06XI140772. Or, la société Montferrand facture également l'eau décomptée par le compteur n° D06XI140772 auprès de la société TRDL en additionnant l'eau consommée par les deux compteurs ouverts à son nom sur le site [...], à savoir :
- Le compteur général n° D04PD050715
- Le compteur incendie n° D06XI140772
Et cette facturation globale est ensuite répartie comme il suit entre les locataires du site [...] :
- 99% pour la société TRDL,
- 1% pour la société Horti centre production qui occupe deux bureaux à l'étage au-dessus des bureaux occupés par TRDL.
La société TRDL précise que la société Scania a, elle aussi, occupé le site pendant six mois durant lesquels elle a consommé de l'électricité et de l'eau, notamment dans un local mis à sa disposition, sans que, là- encore, cela n'apparaisse sur les décomptes de répartition de charges.
Elle ajoute que compte tenu du contexte procédural dans lequel la question de la répartition des charges a été posée avec une acuité certaine, M. P. ne peut pas raisonnablement soutenir que cette double facturation relèverait d'une simple erreur ou d'une négligence.
Elle considère que la double facturation dénoncée constitue une manœuvre frauduleuse qui a trompé les premiers juges et permis d'obtenir par surprise un jugement de résiliation du bail et la captation de l'indemnité d'éviction qui, sinon, revenait à la société TRDL.
Elle fait valoir que l'issue de l'enquête pénale aura incontestablement une influence sur le présent litige au coeur duquel se trouve la problématique relative à la facturation des charges, en ce qui concerne tant la résiliation pour faute du bail commercial que la condamnation de la société TRDL en première instance à payer une somme de plus de 150 000.
Elle indique que le dirigeant de la société TRDL a reçu une convocation des services de police le 27 mai 2021 pour le 3 juin 2021.
La société Montferrand s'oppose à la demande de sursis à statuer qu'elle estime dilatoire. Elle reconnaît avoir facturé par erreur à la société TRDL la consommation d'eau également facturée à la société Médipost par la société Becquam et a rectifié, en conséquence, la facture de régularisation de charges en y retirant la somme de 3 078.07 euros HT soit 3 693.68 euros TTC. Elle prétend que les autres charges facturées correspondent aux consommations de la société TRDL
Dès lors qu'il appartient dans la présente instance à la bailleresse de justifier de la régularisation des charges et par suite de la répartition de celles-ci entre les divers occupants des lieux, la Cour peut statuer sans attendre le résultat de l'enquête pénale.
Il n'y a donc pas lieu de surseoir à statuer
Sur le périmètre du bail verbal de 2014 :
Les parties sont en désaccord sur la détermination des locaux donnés à bail.
La bailleresse soutient que l'accord intervenu sur le bail qui s'est poursuivi après le premier bail précaire n'a pas porté sur l'atelier technique (encore appelé baie d'atelier ou garage) et la station de lavage, mais seulement sur les locaux désignés dans le projet de bail soumis le 9 avril 2014.
La locataire prétend que les biens qui lui ont été donnés à bail correspondent à peu ou prou à ceux définis dans le projet de bail précaire d'avril 2014, à savoir :
- un local d'entrepôt d'une surface de 1 900 m² environ,
- l'usage d'une baie d'atelier avec fosse dans le local 2,
- environ 200 m² de bureaux,
- 45 places de parking poids lourds.
Elle prétend qu'il lui a été donné à bail non seulement l'atelier mais aussi la station de lavage qui en est une annexe. Elle expose qu'en avril 2014, la station de lavage poids lourds attenante à l'atelier était hors service ; que les parties étaient convenues verbalement que le bail intégrait l'atelier et que la société TRDL pouvait profiter de la station de lavage à la condition de la remettre en état à ses frais et de payer les charges d'eau afférentes.
Aucune convention écrite n'a été formalisée et le projet de second bail précaire n'a pas été régularisé.
Aucun élément de preuve ne vient démontrer un commun accord des parties pour faire porter le bail sur l'atelier technique et sur la station de lavage.
La société Montferrand a, certes, proposé à la société TRDL en cours de négociation d'un second bail précaire, d'avoir un usage limité de l'atelier technique, ce qui ressort d'un SMS du 29 avril 2014 de son dirigeant : (.. ) je te propose de louer les 2 000 mètres carrés d'entrepôts quai 1 à 15 plus les bureaux au rdc pour la somme de 7 700 euros mensuel. En plus tu peux profiter de l'ensemble du bâtiment entrepôts et garage tant que je n'ai pas de locataire et réduire la surface quand j'aurai quelqu'un. Cette proposition correspond à un usage ponctuel d'une baie d'atelier avec fosse dans le local n°2, comme le prévoit l'exemplaire écrit du projet de second bail précaire produit par la société TRDL, et ainsi que le prévoyait le premier bail précaire.
Il n'en résulte pas que la bailleresse aurait donné son accord pour donner à bail à la société TRDL l'atelier technique, ni la station de lavage, en supposant que celle-ci puisse être vue comme étant une dépendance de l'atelier, et n'ait pas seulement consenti à la société TRDL un usage ponctuel et limité de ces biens, ce qui ne correspond qu'à une autorisation provisoire pouvant être retirée à tout moment.
L'attestation de M. B., comptable de la société TRLD déclarant que les dirigeants des sociétés MONTFERRAND et DRLD s'étaient mis d'accord lors la remise des clés sur l'utilisation de la machine à laver en prévoyant que la société TRLD prenait à sa charge la remise en état et en service de ce portique et paierait la consommation d'eau, n'est pas suffisante pour établir l'existence d'un bail sur l'atelier et la station de lavage en ce qu'elle ne précise pas si cet accord se réfère au bail précaire initial ou au bail verbal qui l'a suivi.
Aucun autre élément n'est versé sur ce point sauf les mises en demeure de la société Montferrand, par lettre recommandée, adressées à la société DRLD de cesser l'utilisation de l'atelier et du portique de lavage et les protestations de celle-ci.
Il s'ensuit que la preuve n'est pas rapportée de ce que le bail commercial en vertu duquel la société TRDL occupe les lieux depuis le 11 avril 2014 porte sur d'autres biens que sur un local d'entrepôt d'une surface de 1 900 m² environ, environ 200 m² de bureaux, 45 places de parking poids lourds.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il dit que la société TRDL occupe sans droit ni titre la station de lavage et le bâtiment technique, en ce qu'il ordonne l'expulsion de la société de ces lieux et fixe le montant de l'indemnité d'occupation sur la base de 10 000 par année pour l'occupation continue de la station de lavage et celle de 7 000 par année pour l'occupation du bâtiment technique, qui courra jusqu'à la libération des lieux, outre les charges afférentes auxdits locaux. Les indemnités, exigibles mensuellement, dues au 25 novembre 2016 porteront intérêts au taux légal à compter de cette date ; les autres indemnités porteront intérêts au taux légal à compter de leur exigibilité.
Sur les sommes dues au titre de l'utilisation de la station de lavage :
La société Montferrand forme appel incident des dispositions du jugement relatives aux charges afférentes à l'utilisation de la station de lavage en demandant de les porter à la somme de 160 995.00 euros arrêtée au 8 avril 2020 correspondant à une somme complémentaire de 15 euros par utilisation de la station de lavage.
Dès lors que la société TRDL est condamnée à payer une indemnité d'occupation et qu'elle doit payer les charges d'eau et d'électricité afférentes à l'utilisation de la station de lavage, qu'elle justifie avoir supporté des frais de remise en état de la station de lavage, il n'y a pas lieu de la condamner en plus à payer une somme pour chaque lavage qu'elle a effectué ni à des dommages et intérêts en sus de l'indemnité d'occupation.
Sur la régularisation des charges :
Le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a retenu, pour l'exécution du bail verbal, que les parties étaient convenues de faire supporter au preneur les charges et frais afférents au bien loué tels que le prévoyaient les clauses du projet de bail écrit soumis à TRDL, identiques à celles prévues au bail commercial précaire qui liait précédemment les parties, à la seule exception de la clause relative aux impositions et taxes qui est simplement rédigée d'une manière plus détaillée.
Ainsi, la société TRDL ne conteste pas la nature des charges à payer.
Les parties s'accordent également pour dire que, comme dans le bail précaire de 2013, le bail verbal de 2014 fixait des provisions sur charges à 7% du loyer.
Le litige porte sur la régularisation des charges et plus spécifiquement sur la justification par la société Montferrand de l'existence et du montant des charges dues par la locataire au regard de la répartition des charges devant être opérées entre les différents occupants de l'ensemble immobilier.
La régularisation annuelle des charges impose au bailleur de justifier de la répartition des charges entre les divers occupants des lieux.
A défaut de justifier de l'existence et du montant des charges lors de leur régularisation, le bailleur doit restituer au preneur les sommes versées au titre des provisions. La charge de la preuve repose sur le bailleur en application des dispositions de l'article 1353 du code civil.
Dans le cas présent, la bailleresse n'a procédé à une régularisation des charges dues entre 2013 et 2016 que suivant facture du 26 septembre 2016 accompagnée d'un détail de la consommation d'eau, d'électricité. Elle a, depuis, procédé aux régularisations annuelles des charges des années suivantes.
Elle produit les factures d'eau, d'électricité correspondantes, lesquelles font figurer les relevés de compteur.
La société TRDL dénonce une double facturation d'eau consommée par la société Médiapost et redoute une double facturation d'eau et d'énergie consommée par la société Scania, autre locataire de la société Montferrand.
Elle subordonne le paiement des charges au respect des dispositions des articles L. 145-40-2 et R. 145-36 du code de commerce.
Mais les dispositions de l'article L. 145-40-2 du code de commerce ne sont applicables qu'aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014 et celles de l'article R. 145-35 ne le sont qu'aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014. Or, le bail verbal a été conclu le 11 avril 2014. Les dispositions invoquées ne sont donc pas applicables en l'espèce.
Avant la loi Pinel, il n'existait aucune disposition particulière relative aux charges et aux travaux dans le statut des baux commerciaux. C'était le droit commun du louage qui s'appliquait, auxquels les parties pouvaient conventionnellement déroger.
Le bail précaire du 9 octobre 2013 prévoit, en son article 9, que :
'Le loyer ci-dessus fixé est stipulé net de charges. En conséquence, le preneur remboursera au bailleur sur justificatifs toutes les charges quelle qu'en soit la nature, en ce compris l'assurance de l'immeuble, et les honoraires de gestion s'ils venaient à exister.
[']
Une provision égale à SEPT POUR CENT (7%) du montant de chaque terme de loyer sera appelée en même temps que ledit terme. Une régularisation annuelle sera effectuée sur justificatifs produits par le bailleur. »
Ce bail précaire ne comporte aucune stipulation sur la répartition des charges entre les différents occupants de l'ensemble immobilier. Il en va de même de l'article 13 relatif à l'entretien et aux réparations.
Pareillement, il n'est pas prétendu et encore moins démontré que les parties se seraient mises d'accord sur ce point pour le bail verbal du 11 avril 2014.
Or, en l'absence de disposition spéciale, le bailleur ne peut exiger du preneur le paiement que des charges afférentes aux locaux pris en location.
Par suite, la répartition des charges ou du coût des travaux d'entretien et de réparation entre les différents locataires ou occupants de l'ensemble doit se faire en fonction de la surface exploitée lorsqu'il n'existe pas de compteur individuel, sauf accord entre les parties.
Si la société Montferrand établit le montant de ses dépenses d'électricité, d'eau par la production des factures correspondantes, en revanche, elle ne répond pas au moyen soulevé par la locataire tiré de l'absence de justification de la répartition précise des charges entre les différents occupants de l'ensemble immobilier autrement qu'en déduisant de la somme qu'elle réclamait précédemment celle qui a également été facturée à la société Médiapost et en affirmant que la société Scania a pris des locaux à bail pour une période de courte durée, à savoir du 1er avril 2018 au 10 octobre 2018, portant sur deux surfaces foncière non bâties d'environ 12 000 m² et un plateau de bureau d'environ 80 m² situé au premier étage disposant de sanitaires communs avec le locataire du RDC mais que le salarié de Scania présent sur site a préféré utiliser un ALGECO situé à l'extérieur.
Mais la société TRDL réplique avec raison qu'il est indifférent que la société Scania ait ou non utilisé les bureaux et sanitaires du bail si le modulaire ALGECO disposait également de sanitaires, d'un lavabo et de prises électriques qui sont raccordés aux réseaux du site, de sorte que les consommations d'eau et d'électricité de cette autre occupante des lieux n'ont pas à être réclamées à la société TRDL.
Elle ajoute qu'il y a un certain nombre d'autres locataires dans le bâtiment dans lequel se trouvent les locaux de la société TRDL ; qu'elle n'a pas accès au compteur d'électricité et que la société Montferrand appelle des charges d'électricité selon la répartition suivante : 99% pour la société TRDL et 1% pour un autre locataire, sans justifier de cette répartition.
Force est de constater que la société Montferrand ne procède à aucune répartition des charges d'eau et d'électricité entre les différents locataires ou occupants de l'ensemble immobilier dans le compte de régularisation annuelle de charges en dehors de l'application d'un taux de 99 % qui n'est justifié par aucun élément et n'a pas calculé les charges d'entretien en fonction de la surface effectivement louée par la société TRDL. Elle n'indique d'ailleurs pas si d'autres entreprises que la société Scania ont occupé les lieux depuis l'entrée dans les lieux de la société TRDL en octobre 2013 et si l'électricité et l'eau mis à leur disposition étaient facturées à partir des mêmes compteurs que ceux dont la société TDRL dépendait.
Il y a lieu d'ordonner le renvoi de l'affaire à la mise en état pour que la société bailleresse établisse une répartition des charges entre les différents occupants des locaux dont elle est propriétaire selon une clé de répartition qui sera, sauf meilleur accord entre les parties, la surface exploitée. Elle devra justifier des surfaces exploitées par d'autres entreprises que la société TRDL depuis le 9 octobre 2013 et qui auraient bénéficié de l'alimentation en eau et électricité distribuées par le même compteur que la société TDRL et de la durée de ces occupations par tous document utiles, y compris les baux. Elle devra justifier de la répartition entre les différents occupants des lieux des frais d'entretien qu'elle réclame.
Elle produira un nouveau décompte récapitulatif des sommes réclamées après application de la clé de répartition entre les différents occupants et faisant apparaître les sommes encaissées.
Elle devra justifier de la communication des pièces 44 à 74 qui n'apparaît pas dans le dossier informatisé de la cour d'appel.
Elle devra produire les factures d'entretien pour justifier des charges d'entretien qu'elle réclame.
Il est précisé que les charges dues par la société TDRL devront correspondre à la surface totale exploitée par elle, y compris sans droit ni titre.
Sur les autres demandes :
Il sera sursis à statuer sur la demande de résiliation du bail verbal ainsi que sur les demandes accessoires.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il :
- dit que la société TRDL occupe sans droit ni titre la station de lavage et le bâtiment technique (atelier),
- ordonne l'expulsion de la société de la station de lavage et le bâtiment technique,
- condamne la société TRDL à payer à la société Montferrand une indemnité d'occupation sur la base de 10 000 par année pour l'occupation de la station de lavage et sur la base de 7 000 pour l'occupation du bâtiment technique à compter du 11 avril 2014 et jusqu'à la libération des lieux ;
Dit que ces indemnités d'occupation, exigibles mensuellement, porteront intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2016 pour celles échues à cette date ; que les autres indemnités porteront intérêts au taux légal à compter de leur exigibilité ;
Dit que l'expulsion de la station de lavage et du bâtiment technique de la société TRDL, ainsi que celle de tous occupants de son chef, pourra être poursuivie à l'expiration d'un délai de quatre mois suivant un commandement d'avoir à quitter les lieux délivré après la signification du présent arrêt, en tant que de besoin avec le concours de la force publique.
Statuant à nouveau du chef des frais d'utilisation de la station de lavage :
Rejette cette demande ;
Sursoit à statuer sur les autres demandes ;
Ordonne le renvoi de l'affaire à la mise en état du 17 novembre 2021 ;
Invite la société Montferrand à :
- justifier de la communication de ses pièces numérotées 44 à 74.
- produire les factures d'entretien pour justifier des charges d'entretien qu'elle réclame.
- justifier des surfaces exploitées par d'autres entreprises que la société TRDL dans les locaux dont elle est propriétaire situés [...], depuis le 9 octobre 2013, en établissant si elles ont bénéficié de l'alimentation en eau et électricité distribuées par le même compteur que la société TDRL et à justifier de la durée de ces occupations par tous document utiles, y compris les baux.
- établir une répartition des charges entre les différents occupants des locaux dont elle est propriétaire selon une clé de répartition qui sera, sauf meilleur accord entre les parties, la surface exploitée.
- produire un nouveau décompte récapitulatif des sommes réclamées après application de la clé de répartition entre les différents occupants et faisant apparaître les sommes encaissées.
Réserve les dépens.