TUE, 6e ch., 21 décembre 2021, n° T-209/15
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Gmina Kosakowo
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avocat :
M. Leśny
Président :
A. Marcoulli (rapporteure)
Juges :
. S. Frimodt Nielsen , J. Schwarcz
LE TRIBUNAL (sixième chambre),
1 Au mois de juillet 2007, la Gmina Miasto Gdynia (ci-après la « commune de Gdynia »), et la requérante, la Gmina Kosakowo, ont créé la société Port Lotniczy Gdynia-Kosakowo sp. z o.o. (ci-après la « société PLGK »), qui appartient à 100 % à ces deux communes polonaises, dans le but de reconvertir à des fins civiles l’aéroport militaire de Gdynia-Oksywie, situé sur le territoire de la requérante, en Poméranie, dans le nord de la Pologne. Ce nouvel aéroport civil, dont la gestion était confiée à la société PLGK, devait devenir le deuxième aéroport le plus important de Poméranie et servir principalement au trafic aérien général, aux lignes à bas coûts et aux compagnies charters.
2 Le 7 septembre 2012, la République de Pologne a notifié à la Commission européenne la mesure de financement du projet de reconversion de l’aéroport militaire de Gdynia-Oksywie (ci-après la « mesure en cause »).
3 Le 7 novembre 2012 et le 6 février 2013, la Commission a demandé aux autorités polonaises des informations complémentaires concernant la mesure en cause. Ces informations ont été transmises à la Commission le 7 décembre 2012 et le 15 mars 2013.
4 Le 15 mai 2013, la Commission a informé les autorités polonaises qu’elle entendait transférer le dossier relatif à la mesure en cause vers le registre des aides non notifiées, dans la mesure où la majeure partie du financement notifié avait déjà été octroyée de manière irrévocable.
5 Par sa décision C(2013) 4045 final, du 2 juillet 2013, relative à la mesure SA.35388 (2013/C) (ex 2013/NN et ex 2012/N) – Pologne – Reconversion de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo (JO 2013, C 243, p. 25), la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen concernant la mesure en cause, aux termes de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, et a invité les parties intéressées à présenter leurs observations. La Commission n’a reçu aucune observation de la part de ces parties.
6 Le 30 octobre 2013, la Commission a demandé des renseignements complémentaires aux autorités polonaises. Ces renseignements ont été fournis les 4 et 15 novembre 2013. Les autorités polonaises ont transmis d’autres informations le 3 décembre 2013 et le 2 janvier 2014.
7 Par ailleurs, au cours de la procédure, les autorités polonaises ont transmis à la Commission une étude concernant le respect du critère de l’investisseur privé en économie de marché (ci-après le « critère de l’investisseur privé ») réalisée par une société de conseil, datée du 16 juillet 2010 (ci-après l’« étude de 2010 »). Cette étude de 2010 a été actualisée le 13 mai 2011 (ci-après l’« étude de 2011 ») et le 13 juillet 2012 (ci-après l’« étude de 2012 »).
8 Le 11 février 2014, la Commission a adopté la décision 2014/883/UE, concernant la mesure SA.35388 (13/C) (ex 13/NN et ex 12/N) – Pologne – Création de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo (JO 2014, L 357, p. 51), dans laquelle elle a constaté que la mesure en cause constituait une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, notamment en raison du fait que, grâce à cette mesure, la société PLGK avait obtenu un avantage économique dont elle n’aurait pas bénéficié dans des conditions normales de marché. Par cette décision, la Commission a ordonné aux autorités polonaises de récupérer l’aide d’État versée à la société PLGK.
9 Le 8 et le 9 avril 2014, respectivement, la commune de Gdynia, conjointement avec la société PLGK, et la requérante ont déposé devant le Tribunal des recours tendant à l’annulation de la décision 2014/883 (affaires T 215/14 et T 217/14). Par actes séparés déposés le même jour, elles ont également demandé le sursis à l’exécution de ladite décision (affaires T 215/14 R et T 217/14 R).
10 Le 20 août 2014, le président du Tribunal a rejeté les demandes en référé (ordonnances du 20 août 2014, Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo/Commission, T 215/14 R, non publiée, EU:T:2014:733, et du 20 août 2014, Gmina Kosakowo/Commission, T 217/14 R, non publiée, EU:T:2014:734).
11 Le 26 février 2015, la Commission a procédé, dans le même acte, au retrait de la décision 2014/883 et à son remplacement par la décision (UE) 2015/1586, concernant la mesure SA.35388 (13/C) (ex 13/NN et ex 12/N) – Pologne – Reconversion de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo (JO 2015, L 250, p. 165, ci-après la « décision attaquée »).
12 S’agissant du retrait de la décision 2014/883, la Commission a indiqué que, au cours de la procédure devant le Tribunal, il était apparu que l’aide d’État déclarée incompatible avec le marché intérieur par la décision 2014/883 comprenait certains investissements qui, selon la décision portant ouverture de la procédure formelle d’examen concernant la mesure en cause (voir point 5 ci-dessus), ne constituaient pas des aides d’État dans la mesure où ils relevaient d’une tâche d’intérêt public. Sur cette base, la Commission a décidé qu’il convenait d’abroger la décision 2014/883 et de la remplacer par la décision attaquée.
13 Le dispositif de la décision attaquée est ainsi libellé :
« Article premier
La [décision 2014/883] est retirée.
Article 2
1. Les apports en capital réalisés en faveur de [la société PLGK] entre le 28 août 2007 et le 17 juin 2013 constituent une aide d’État illégalement mise à exécution par la [République de] Pologne en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE] qui est incompatible avec le marché intérieur, à l’exception de la part des apports en capital affectée aux investissements nécessaires à la réalisation des activités qui, conformément à la décision [d’ouverture], doivent être considérées comme relevant d’une tâche d’intérêt public.
2. Les apports en capital en faveur de [la société PLGK] que la [République de] Pologne envisage de mettre à exécution après le 17 juin 2013 en vue de la reconversion de l’aéroport militaire de Gdynia-Kosakowo en aéroport civil constituent une aide d’État incompatible avec le marché intérieur. En conséquence, elle ne peut être mise à exécution.
Article 3
1. La [République de] Pologne récupère l’aide visée à l’article 2, paragraphe 1, auprès du bénéficiaire.
2. Les montants à récupérer sont majorés d’un intérêt courant sur toute la période comprise entre le jour auquel l’aide a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu’à la date du remboursement effectif. Le taux d’intérêt est calculé sur une base composée, conformément aux dispositions du chapitre V du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission.
3. La [République de] Pologne annule tous les versements en suspens de l’aide visée à l’article 2, paragraphe 2, à compter de la date de la notification de la présente décision.
Article 4
1. La récupération de l’aide visée à l’article 2, paragraphe 1, et des intérêts visés à l’article 3, paragraphe 2, est immédiate et effective.
2. La [République de] Pologne veille à ce que la présente décision soit mise en œuvre dans un délai de quatre mois à compter de la date de sa notification.
Article 5
1. Dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la présente décision, la [République de] Pologne communique à la Commission les informations suivantes :
a) le montant total (principal et intérêts) à récupérer auprès du bénéficiaire ;
b) une description détaillée des mesures déjà prises et des mesures prévues pour se conformer à la présente décision ;
c) les documents confirmant qu’il a été ordonné au bénéficiaire de rembourser l’aide.
2. La [République de] Pologne tient la Commission informée de l’avancement des mesures nationales adoptées afin de mettre en œuvre la présente décision jusqu’à la récupération complète de l’aide visée à l’article 2, paragraphe 1, et des intérêts visés à l’article 3, paragraphe 2. Elle transmet immédiatement, sur simple demande de la Commission, toute information sur les mesures déjà prises et sur celles prévues pour se conformer à la présente décision. Elle fournit aussi des informations détaillées concernant les montants d’aide et d’intérêts déjà récupérés auprès du bénéficiaire.
Article 6
La République de Pologne est destinataire de la présente décision. »
14 Le 30 novembre 2015, le Tribunal a constaté, par voie d’ordonnance, qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur les recours déposés dans les affaires T 215/14 et T 217/14 (ordonnances du 30 novembre 2015, Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia-Kosakowo/Commission, T 215/14, non publiée, EU:T:2015:965, et du 30 novembre 2015, Gmina Kosakowo/Commission, T 217/14, non publiée, EU:T:2015:968).
Procédure et conclusions des parties
15 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 avril 2015, la requérante a introduit le présent recours.
16 Le 17 juillet 2015, la Commission a déposé le mémoire en défense.
17 Les parties ont déposé la réplique et la duplique, respectivement, le 25 septembre et le 11 décembre 2015.
18 Par décision du 15 avril 2016, l’affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur.
19 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, la juge rapporteure a été affectée à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée par décision du 6 octobre 2016.
20 Par décision du 30 mai 2017, la présidente de la septième chambre du Tribunal a suspendu la procédure jusqu’à ce que la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire T 263/15, Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo/Commission, soit devenue définitive.
21 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, la juge rapporteure a été affectée à la sixième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée par décision du 16 octobre 2019.
22 À la suite de l’arrêt du 11 mars 2020, Commission/Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo (C 56/18 P, EU:C:2020:192), par lequel la Cour a annulé l’arrêt du 17 novembre 2017, Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo/Commission (T 263/15, EU:T:2017:820), la Commission et la requérante ont, à l’invitation du Tribunal, déposé des observations écrites sur les conclusions à tirer de cet arrêt pour la solution du litige, respectivement le 11 et le 14 mai 2020.
23 La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler l’article 2, paragraphes 1 et 2, l’article 3, paragraphes 1 à 3, et l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la décision attaquée et, par voie de conséquence, la décision en son ensemble ;
– condamner la Commission aux dépens.
24 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
25 La requête est présentée comme comportant neuf moyens, que la requérante répartit, en substance, en moyens de fond et en moyens reposant sur des « dispositions procédurales ». Dans la réplique, la requérante se prévaut de quatre autres moyens. Le Tribunal estime approprié de regrouper ces moyens de la manière qui suit.
26 Par le premier moyen, tiré des erreurs de fait commises par la Commission, par le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, par le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 108, paragraphe 2, premier alinéa, TFUE, et par le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, lu conjointement avec l’article 5, paragraphe 1, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), la requérante soutient, en substance, que la Commission a, à tort, qualifié la mesure en cause d’aide d’État. Les arguments présentés au soutien des premier et deuxième moyens de la réplique, tirés, respectivement, d’une erreur de fait et de la violation des dispositions combinées de l’article 107, paragraphe 1, et de l’article 108, paragraphes 2 et 3, TFUE, se rattachent aux moyens susvisés de la requête.
27 Le troisième moyen est tiré, en substance, de la violation de l’article 107, paragraphe 3, sous a) et c), TFUE et de la méconnaissance du principe d’égalité de traitement en ce que la Commission aurait considéré que la mesure en cause n’était pas compatible avec le marché intérieur. Le huitième moyen est également tiré de la violation du principe d’égalité de traitement.
28 Le sixième moyen est tiré de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée.
29 Le septième moyen est pris de la violation du principe de bonne administration.
30 Le neuvième moyen, qui concerne l’obligation de récupération de l’aide, est tiré d’une violation du principe de sécurité juridique.
31 Dans la réplique, la requérante avance un dixième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité (troisième moyen de la réplique), ainsi qu’un onzième moyen, tiré de la violation du principe de coopération loyale (quatrième moyen de la réplique).
Sur les premier, deuxième, quatrième et cinquième moyens, tirés, en substance, de la qualification erronée de la mesure en cause d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE
32 Par le premier moyen, tiré des erreurs de fait commises par la Commission, la requérante rappelle que sa participation dans la mesure en cause consistait, d’une part, dans un apport en numéraire de 100 000 zlotys polonais (PLN) lors de la constitution de la société PLGK et, d’autre part, dans des apports en nature, effectués entre 2011 et 2040, sous forme de conversion d’une partie du montant du loyer annuel qui lui était dû par la société PLGK en parts dans celle-ci. Selon la requérante, l’utilisation de l’étude de 2010 aux fins d’appliquer le critère de l’investisseur privé, en dépit des modifications substantielles apportées au projet d’investissement en 2011, a conduit la Commission à procéder à des constatations factuelles incomplètes et gravement erronées. En effet, la Commission n’aurait pas opéré de distinction entre les apports en capital effectués par la commune de Gdynia et la conversion d’une partie de sa créance locative. Dans la mesure où l’étude de 2010 concernait exclusivement les opérations de capitalisation de la société PLGK par la commune de Gdynia, la Commission n’aurait pas appliqué le critère de l’investisseur privé aux investissements de la requérante opérés entre le 16 juillet 2010 (date de la réalisation de l’étude de 2010) et le 17 juin 2013. Pour apprécier ces investissements, qualifiés à tort d’apports en capital, la Commission aurait dû appliquer le critère de l’investisseur privé aux clauses du contrat de bail conclu avec la société PLGK le 11 mars 2011.
33 Dans la réplique, la requérante étend le premier moyen, tiré des erreurs de fait commises par la Commission, à l’omission des motifs qui auraient déterminé sa décision d’investissement dans la mesure en cause.
34 En premier lieu, le contrat de bail conclu avec la société PLGK ainsi que le contrat d’actionnaires auraient fait partie de la notification du projet par la République de Pologne à la Commission. De même, la Commission aurait, à tort, appliqué le critère de l’investisseur privé au vu de l’étude de 2010 établie selon la méthode des flux de trésorerie disponibles et qui ne comprenait pas la conversion de créances de loyer, en jugeant sans pertinence le fait que les apports à la société PLGK avaient été réalisés par les parties au contrat d’actionnaires pour des motifs différents. La requérante fait également valoir que, en investissant dans le projet, elle entendait tirer, premièrement, des avantages économiques du terrain qu’elle-même avait obtenu à titre non onéreux, en particulier un loyer, deuxièmement, un revenu résultant de sa participation au capital de la société PLGK et, troisièmement, les fruits du développement économique de la région. Il s’ensuivrait également que la Commission ne serait pas fondée à soutenir que la remise en cause, par la requérante, de la pertinence de l’étude de 2010 pour l’application du critère de l’investisseur privé laisserait à penser que sa décision de participer au projet en cause n’était fondée sur aucune analyse de la rentabilité à venir de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo.
35 En deuxième lieu, la requérante fait valoir l’incohérence de la Commission qui, tout en analysant les modifications survenues après l’étude de 2010, aurait omis de tenir compte de la résiliation du contrat d’actionnaires qui priverait de fondement les hypothèses concernant la conversion future d’une partie du loyer en parts sociales.
36 En troisième lieu, la requérante fait valoir que la Commission n’aurait pas expliqué les raisons pour lesquelles elle mettait en doute les taux de croissance de 2,5 % et de 4 % concernant la valeur terminale du projet. La requérante souligne également l’inexactitude des constatations effectuées par la Commission en ce qui concerne le marché des services aériens de la conurbation de Gdańsk (Pologne) et ses perspectives d’évolution. Elle indique, en outre, que la mesure en cause était solidement ancrée dans la réglementation et la stratégie régionales et que la Commission n’aurait pas tenu compte des conditions de fonctionnement des aéroports de Gdynia-Kosakowo et de Gdańsk.
37 Le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, est articulé en trois branches. Par une première branche, la requérante fait valoir que le contrat de bail revêtait une importance fondamentale aux fins de l’analyse du processus d’investissement et que ses stipulations lui auraient été très favorables. Ainsi, le loyer aurait correspondu aux valeurs du marché et, dans la mesure où la requérante n’aurait pas exposé de frais pour la constitution du bien loué, le loyer résiduel non affecté au capital de la société PLGK lui aurait permis de réaliser des recettes budgétaires substantielles. La conversion d’une partie du loyer en apports au capital de la société PLGK ne méconnaîtrait donc pas les dispositions de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
38 Par une deuxième branche, en premier lieu, la requérante soutient que la Commission aurait indûment écarté les variantes d’investissement définies dans les études de 2011 et de 2012. Or, l’étude de 2010 n’aurait pas intégré la participation de la requérante au capital de la société PLGK sous forme d’apports en nature par conversion de ses créances de loyer. Par ailleurs, les études de 2011 et de 2012 auraient comporté des changements substantiels du projet qui auraient dû être évalués indépendamment. La requérante relève à cet égard l’attitude incohérente de la Commission qui, d’un côté, estime que seule l’étude de 2010 est fiable et qui, d’un autre, se réfère aux études de 2011 et de 2012. En second lieu, la Commission aurait procédé à une analyse erronée de l’étude de 2010. La conclusion de la Commission reposerait sur la proximité de l’aéroport de Gdańsk, sur ses barèmes de redevances et sur les prévisions des flux de passagers. Or, plusieurs conditions du fonctionnement des aéroports concernés seraient différentes. En particulier, l’aéroport de Gdańsk supportant des coûts de fonctionnement et d’investissement plus élevés, la référence aux barèmes de redevances de cet aéroport serait superficielle. Par ailleurs, la Commission ne se serait pas expliquée sur la nature du test de sensibilité auquel elle a procédé, ni sur le type de modification de la valeur actuelle nette auquel elle fait allusion dans la décision attaquée. La Commission se serait en fait limitée à critiquer l’étude de 2010, sans procéder à une évaluation autonome et fiable du critère de l’investisseur privé. Elle protégerait en fait la position dominante de l’aéroport de Gdańsk.
39 Par une troisième branche, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir pris en compte l’état de faillite de la société PLGK et la modification des conditions de financement de cette dernière à la suite de la résiliation du contrat d’actionnaires, ainsi que les effets de ces évènements pour apprécier l’incidence de la mesure en cause sur la concurrence et les échanges entre États membres.
40 Par le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 108, paragraphe 2, premier alinéa, TFUE, la requérante indique que « la compétence reconnue à la Commission pour apprécier un projet sous l’angle de sa compatibilité avec le marché intérieur est conditionnée par la régularité de la procédure d’adoption de la décision, dont dépend l’exactitude matérielle des faits retenus au soutien de la qualification juridique opérée ». À cet égard, en premier lieu, la requérante relève que la Commission a omis de tenir compte du fait que la construction de l’aéroport en cause s’inscrivait dans la mise en œuvre de la politique nationale de revitalisation des anciennes zones militaires. En deuxième lieu, la Commission aurait outrepassé ses pouvoirs en qualifiant l’opération de conversion de créances d’aide d’État incompatible avec le marché intérieur alors qu’il s’agirait de l’exercice du droit du propriétaire de créances de loyer d’en convertir une partie en parts sociales. La conversion de créances constituerait ainsi une modalité de règlement d’une obligation préexistante. Ce faisant, la Commission aurait méconnu l’autonomie procédurale des États membres alors que le droit polonais distingue clairement l’acte juridique de conversion de créances de celui d’apports au capital social. En troisième lieu, la Commission aurait commis une erreur en n’appliquant pas le critère de l’investisseur privé aux clauses du contrat de bail conclu avec la société PLGK et à la conversion en capital social d’une partie des créances de loyer. Dans la réplique, elle ajoute que les effets de chaque opération auraient dû être appréciés distinctement en se référant à leurs conditions et aux motifs d’investissement de chaque associé. En quatrième et dernier lieu, la Commission n’aurait pas effectué un examen correct du marché polonais du transport aérien et de l’échelle du projet en cause, ce qui aurait vicié tant sa conclusion quant à l’incidence de la mesure en cause sur la concurrence et les échanges entre États-membres que son analyse de l’investisseur privé. La Commission se serait limitée en substance aux données relatives aux redevances aéroportuaires et aux capacités excédentaires de l’aéroport de Gdańsk sans procéder à sa propre analyse du critère de l’investisseur privé.
41 Le cinquième moyen est tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, lu conjointement avec l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 659/1999. En substance, la requérante relève que la Commission n’a pas remis en cause le respect par l’État membre de ses obligations procédurales au titre de l’article 5, paragraphe 1, dudit règlement. Toutefois, elle n’aurait pas utilisé les informations qui lui avaient été fournies pour élaborer sa propre analyse du critère de l’investisseur privé, mais seulement pour critiquer les hypothèses retenues dans l’étude de 2010 et, accessoirement, dans celles des études de 2011 et de 2012. En particulier, d’une part, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte des modalités de son investissement dans la société PLGK et, partant, de ne pas avoir effectué d’analyse du critère de l’investisseur privé s’agissant aussi bien des clauses du contrat de bail du 11 mars 2011 que de sa décision de consentir un apport en nature à concurrence d’une partie du montant du loyer. D’autre part, la requérante soutient que la Commission n’a pas tenu compte des conditions qui ont présidé à la réalisation du projet, lequel s’inscrivait notamment dans le cadre de politiques nationale et locale et dans un contexte de développement dynamique du marché du transport aérien en Pologne, et en Poméranie en particulier.
42 La Commission conteste ces arguments et fait valoir que les moyens et les arguments présentés dans la réplique sont, pour leur majorité, tardifs et, partant, irrecevables.
43 En substance, l’argumentation développée par la requérante au soutien des premier, deuxième, quatrième et cinquième moyens est articulée en trois branches. Les deux premières concernent l’application du critère de l’investisseur privé et sont tirées, la première, de l’appréciation erronée de sa participation au financement de la mesure en cause et, la deuxième, de l’absence de prise en compte des études de 2011 et de 2012 et des erreurs commises par la Commission dans son analyse de l’étude de 2010. Par la troisième branche, la requérante conteste la conclusion de la Commission selon laquelle le financement de la mesure en cause fausse ou menace de fausser la concurrence et affecte les échanges entre États membres.
44 À titre liminaire, il convient d’observer que, au soutien de ces trois branches, la requérante se prévaut de la violation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE selon lequel « [s]i, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État n’est pas compatible avec le marché intérieur aux termes de l’article 107, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine. » Toutefois, la requérante se borne à faire valoir que les erreurs commises par la Commission dans son appréciation de l’existence d’une aide d’État caractérisent une violation de cet article sans alléguer, ni a fortiori établir, que la Commission aurait manqué à son obligation de mettre en demeure les parties intéressées de présenter leurs observations lors de la phase d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Partant, il y a lieu d’écarter le grief tiré d’une violation de cet article.
45 Par ailleurs, dans la réplique, la requérante fait également valoir une violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, qui dispose :
« La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu’un projet n’est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l’article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L’État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure [n’]ait abouti à une décision finale. »
46 Toutefois, la requérante ne développe aucun argument qui serait de nature à établir en quoi cette disposition, qui comporte des obligations à l’égard des États membres, aurait été méconnue. Partant, le grief tiré de la violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ne peut être qu’écarté.
47 En outre, la requérante fait valoir la violation de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, aux termes duquel :
« Si la Commission considère que les informations fournies par l’État membre concerné au sujet d’une mesure notifiée conformément à l’article 2 sont incomplètes, elle demande tous les renseignements complémentaires dont elle a besoin. Si un État membre répond à une telle demande, la Commission informe l’État membre de la réception de la réponse. »
48 Au soutien de son grief, la requérante indique que les autorités polonaises avaient fourni à la Commission l’ensemble des informations nécessaires, à défaut de quoi la Commission aurait pu, voire dû, en application de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, demander des renseignements complémentaires. Or, la Commission n’aurait pas utilisé ces informations. Une telle argumentation n’étant pas de nature à établir la violation alléguée, le grief ne peut qu’être écarté.
49 Ces précisions étant faites, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la qualification d’une mesure d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que toutes les conditions suivantes soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêt du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C 579/16 P, EU:C:2018:159, point 43 et jurisprudence citée).
50 Il convient également de relever que la notion d’aide d’État, telle qu’elle est définie dans le traité FUE, présente un caractère juridique et doit être interprétée sur la base d’éléments objectifs. Pour cette raison, le juge de l’Union européenne doit, en principe et compte tenu tant des éléments concrets du litige qui lui est soumis que du caractère technique ou complexe des appréciations portées par la Commission, exercer un entier contrôle en ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Il a néanmoins été jugé que le contrôle juridictionnel était limité, en ce qui concernait la question de savoir si une mesure entrait dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, lorsque les appréciations portées par la Commission présentaient un caractère technique ou complexe (voir arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C 486/15 P, EU:C:2016:912, points 87 et 88 et jurisprudence citée).
51 À cet égard, lorsqu’il y a lieu, pour la Commission, afin de vérifier si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, d’appliquer le critère de l’investisseur privé, l’usage de ce critère implique, en général, de la part de la Commission une appréciation économique complexe (voir arrêts du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C 486/15 P, EU:C:2016:912, point 89 et jurisprudence citée, et du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C 300/16 P, EU:C:2017:706, point 62 et jurisprudence citée). Dans le cadre du contrôle que les juridictions de l’Union exercent sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission dans le domaine des aides d’État, il n’appartient pas au juge de l’Union de substituer son appréciation économique à celle de la Commission (voir arrêt du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C 160/19 P, EU:C:2020:1012, point 100 et jurisprudence citée).
52 Il y a lieu de rappeler que sont considérées comme des aides d’État les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises, ou qui doivent être considérées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pu obtenir dans des conditions normales de marché (arrêt du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C 579/16 P, EU:C:2018:159, point 44).
53 Ainsi, compte tenu de l’objectif de l’article 107, paragraphe 1, TFUE d’assurer une concurrence non faussée, y compris entre les entreprises publiques et les entreprises privées, la notion d’« aide », au sens de cette disposition, ne saurait recouvrir une mesure accordée en faveur d’une entreprise au moyen de ressources d’État lorsque celle-ci aurait pu obtenir le même avantage dans des circonstances correspondant aux conditions normales du marché, l’appréciation des conditions dans lesquelles un tel avantage a été accordé s’effectuant, en principe, par application du principe de l’opérateur privé (voir arrêt du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C 160/19 P, EU:C:2020:1012, point 103 et jurisprudence citée). C’est sur la Commission que pèse la charge de la preuve que les conditions d’application dudit principe sont ou non remplies (voir arrêt du 26 mars 2020, Larko/Commission, C 244/18 P, EU:C:2020:238, point 65 et jurisprudence citée).
54 Dans ce contexte, il convient de rappeler que la Commission ne saurait supposer qu’une entreprise a bénéficié d’un avantage constitutif d’une aide d’État en s’appuyant simplement sur une présomption négative, fondée sur l’absence d’informations permettant d’aboutir à la conclusion contraire, en l’absence d’autres éléments de nature à établir positivement l’existence d’un tel avantage. Ainsi, lorsque la Commission applique le principe de l’opérateur privé, elle est, à tout le moins, tenue de s’assurer que les renseignements dont elle dispose, bien qu’ils puissent, le cas échéant, être fragmentaires et incomplets, constituent une base suffisante pour conclure qu’une entreprise a bénéficié d’un avantage constitutif d’une aide d’État (arrêt du 7 mai 2020, BTB Holding Investments et Duferco Participations Holding/Commission, C 148/19 P, EU:C:2020:354, points 48 et 49).
55 À cet égard, lorsqu’il apparaît que le critère de l’investisseur privé pourrait être applicable, il incombe à la Commission de demander à l’État membre concerné de lui fournir toutes les informations pertinentes lui permettant de vérifier si les conditions d’applicabilité et d’application de ce principe sont remplies (voir arrêt du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C 160/19 P, EU:C:2020:1012, point 104 et jurisprudence citée).
56 L’application du critère de l’investisseur privé vise à déterminer si l’avantage économique accordé, sous quelque forme que ce soit, au moyen de ressources de l’État à une entreprise est, en raison de ses effets, de nature à fausser ou à menacer de fausser la concurrence et à affecter les échanges entre États membres. En conséquence, il convient de vérifier non si un investisseur privé aurait agi exactement de la même manière que l’investisseur public, mais s’il aurait apporté, à des conditions similaires, un montant égal à celui apporté par l’investisseur public (voir arrêt du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C 160/19 P, EU:C:2020:1012, point 105 et jurisprudence citée).
57 Aux fins de l’appréciation de la question de savoir si la même mesure aurait été adoptée dans les conditions normales du marché par un investisseur privé se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de l’État, seuls les bénéfices et les obligations liés à la situation de ce dernier en qualité d’actionnaire, à l’exclusion de ceux qui sont liés à sa qualité de puissance publique, sont à prendre en compte. Si un État membre invoque, au cours de la procédure administrative, le critère de l’investisseur privé, il lui incombe, en cas de doute, d’établir sans équivoque et sur la base d’éléments objectifs et vérifiables que la mesure mise en œuvre ressortit à sa qualité d’actionnaire (voir arrêt du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C 160/19 P, EU:C:2020:1012, point 106 et jurisprudence citée).
58 Ces éléments doivent faire apparaître clairement que l’État membre concerné a pris, préalablement ou simultanément à l’octroi de l’avantage économique, la décision de procéder, par la mesure effectivement mise en œuvre, à un investissement dans l’entreprise publique contrôlée. Peuvent notamment être requis, à cet égard, des éléments faisant apparaître que cette décision est fondée sur des évaluations économiques comparables à celles que, dans les circonstances de l’espèce, un investisseur privé rationnel se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle dudit État membre aurait fait établir, avant de procéder audit investissement, aux fins de déterminer la rentabilité future d’un tel investissement (voir arrêt du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C 160/19 P, EU:C:2020:1012, point 107 et jurisprudence citée).
59 C’est au vu des principes rappelés ci-dessus qu’il convient d’examiner l’argumentation de la requérante.
Sur la première branche, tirée, en substance, de l’appréciation erronée de la participation de la requérante au financement de la mesure en cause
60 Par son argumentation, la requérante soutient, en substance, que la Commission aurait dû appliquer le critère de l’investisseur privé en opérant une distinction, d’une part, entre le financement effectué par la commune de Gdynia et le financement qu’elle a assuré et, d’autre part, entre l’apport en capital et les apports en nature qu’elle a accordés à la société PLGK. La Commission n’aurait pas pris en compte l’ensemble des motifs qui auraient déterminé sa propre décision d’investissement. La requérante reproche également à la Commission de ne pas avoir tenu compte de l’ensemble des faits survenus au jour de la décision attaquée.
61 À titre liminaire, il y a lieu de relever que la mesure en cause devait être financée par des apports de la commune de Gdynia et de la requérante. Sur la période 2007-2019, la commune de Gdynia devait fournir une contribution financière de 142,48 millions de PLN (environ 35,62 millions d’euros). La participation de la requérante consistait, d’une part, dans un apport en numéraire de 100 000 PLN (environ 25 000 euros) versé lors de la constitution de la société PLGK et, d’autre part, sur la période 2011-2040, dans des apports en nature d’un montant de 64,9 millions de PLN (environ 16,2 millions d’euros), issus de la conversion d’une partie du loyer annuel qui lui était dû par la société PLGK au titre des terrains loués en parts dans cette société (considérant 32 de la décision attaquée). S’agissant de la location de ces terrains, il y a lieu de préciser que, le 9 septembre 2010, la requérante a conclu avec le voïvode de Poméranie représentant le Trésor public polonais un contrat de prêt à usage, pour une période de 30 ans (jusqu’au 9 septembre 2040), du terrain sur lequel se situe l’aéroport militaire, lequel ne pouvait être utilisé que pour y créer le nouvel aéroport civil. Le 11 mars 2011, elle a conclu un contrat de bail du terrain en cause avec la société PLGK, jusqu’au 9 septembre 2040.
62 En premier lieu, la requérante soutient que les apports en nature ont été qualifiés à tort, par la Commission, d’apport en capital dans la société PLGK. Elle fait notamment valoir que le droit polonais distinguerait l’acte juridique de conversion de créances de celui d’apports en capital.
63 Toutefois, la requérante ne conteste pas que, en renonçant à percevoir une partie des loyers dus par la société PLGK, la créance correspondante étant convertie en parts sociales, elle a procédé à des « apports en nature » au capital de cette société qui se sont traduits par une augmentation de ce capital. La circonstance selon laquelle la conversion de créance constitue une modalité régulière de règlement d’une obligation préexistante est, à cet égard, sans incidence.
64 De même, la requérante ne conteste pas la conclusion opérée au considérant 110 de la décision attaquée selon laquelle l’avantage qu’elle a conféré à la société PLGK provient de ressources d’État. À cet égard, selon une jurisprudence constante, une mesure prise par une collectivité territoriale et non par le pouvoir central est susceptible de constituer une aide dès lors que sont remplies les conditions posées à l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêts du 14 octobre 1987, Allemagne/Commission, 248/84, EU:C:1987:437, point 17, et du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C 88/03, EU:C:2006:511, point 55). Il y a également lieu de rappeler que l’application du critère de l’investisseur privé vise à déterminer si l’avantage économique accordé au moyen de ressources de l’État à une entreprise est, en raison de ses effets, de nature à fausser ou à menacer de fausser la concurrence et à affecter les échanges entre États membres, peu importe la forme de cet avantage (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF, C 124/10 P, EU:C:2012:318, point 89). Ainsi, le Tribunal a déjà considéré qu’une augmentation de capital réalisée par le biais d’un abandon de créance pouvait faire l’objet d’une analyse au regard du critère de l’investisseur privé aux fins de déterminer si ladite augmentation de capital constituait une aide d’État (voir, en ce sens, s’agissant d’une renonciation à percevoir une créance fiscale, arrêt du 15 décembre 2009, EDF/Commission, T 156/04, EU:T:2009:505, points 246 à 251). Tel est le cas en l’espèce, les apports en nature réalisés au profit de la société PLGK par la requérante étant issus des revenus locatifs que cette dernière a renoncé à percevoir.
65 Partant, et sans qu’il soit besoin d’examiner la qualification donnée par le droit polonais à la conversion de créances en parts sociales, c’est à bon droit que la Commission a qualifié les apports en nature d’apports au capital de la société PLGK et examiné s’ils pouvaient constituer une aide d’État.
66 En deuxième lieu, la requérante reproche, en substance, à la Commission de ne pas avoir pris en compte l’ensemble des données qui ont guidé sa décision d’investissement.
67 Premièrement, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, les interventions étatiques prenant des formes diverses et devant être analysées en fonction de leurs effets, il ne saurait être exclu que plusieurs interventions consécutives de l’État doivent, aux fins de l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, être regardées comme une seule intervention. Tel peut notamment être le cas lorsque des interventions consécutives présentent, au regard notamment de leur chronologie, de leur finalité et de la situation de l’entreprise au moment de ces interventions, des liens tellement étroits entre elles qu’il est impossible de les dissocier (voir arrêts du 4 juin 2015, Commission/MOL, C 15/14 P, EU:C:2015:362, point 97 et jurisprudence citée, et du 26 mars 2020, Larko/Commission, C 244/18 P, EU:C:2020:238, point 33 et jurisprudence citée).
68 En l’espèce, l’investissement de la requérante n’était pas indépendant, mais constituait une participation, conjointe à celle de la commune de Gdynia, aux investissements nécessaires à la réalisation du projet de reconversion de l’aéroport militaire de Gdynia-Oksywie en aéroport civil. La mise en œuvre de ce projet impliquait le versement d’apports en capital sur la période courant des années 2007 à 2019 ainsi que le versement d’apports en nature sur la période courant des années 2011 à 2040, lesquels ont été formalisés notamment dans le cadre du contrat d’actionnaires conclu le 11 mars 2011 par la commune de Gdynia et par la requérante. Il s’ensuit que tant les apports en capital réalisés par la requérante au moment de la création de la société PLGK et par la commune de Gdynia que les apports en nature consistant en la conversion en parts sociales de la société PLGK d’une partie de la créance locative de la requérante à l’égard de cette société font partie du même processus d’investissement aux fins dudit projet de reconversion. L’ensemble de ces apports était destiné à couvrir tant les coûts d’investissement liés à la mise en service de l’aéroport civil que les coûts d’exploitation liés à son fonctionnement jusqu’en 2019. La lettre des autorités polonaises datée du 7 septembre 2012 portant notification dudit projet à la Commission concerne d’ailleurs l’ensemble du financement par la requérante et par la commune de Gdynia, sans être divisé en plusieurs mesures d’aide selon l’origine ou la forme de ce financement.
69 Il s’ensuit que les apports réalisés par la requérante et par la commune de Gdynia au profit de la société PLGK présentaient des liens tellement étroits qu’ils ne pouvaient, aux fins de l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, être dissociés selon qu’ils provenaient de la commune de Gdynia ou de la requérante.
70 Deuxièmement, la requérante fait valoir que l’étude de 2010 n’était pas pertinente pour appliquer le critère de l’investisseur privé aux investissements qu’elle a réalisés entre le 16 juillet 2010 (date de la réalisation de cette étude) et le 17 juin 2013 dès lors que cette étude concernait exclusivement les apports en capital de la commune de Gdynia et ne tenait pas compte des apports au capital de la société PLGK effectués par la requérante par le biais de la conversion d’une partie de sa créance locative.
71 Si, certes, l’étude de 2010 concernait le financement de l’opération par la commune de Gdynia et avait ainsi pour but d’analyser si les apports en capital de celle-ci s’effectuaient aux conditions normales du marché, cette étude a examiné le potentiel de développement de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo notamment au regard de l’évolution du trafic aérien en Pologne et du rôle de l’aviation générale au sein de cet aéroport. Elle a identifié le taux de rentabilité du projet en cause au vu de projections de recettes et de coûts d’investissement et d’exploitation sur la période 2010-2040. L’étude a ainsi porté sur la rentabilité des investissements nécessaires à la mise en service de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo et au démarrage de son exploitation. Partant, la circonstance qu’elle n’envisageait pas la réalisation d’apports, par la requérante, issus de la conversion de créance en parts sociales au sein de la société PLGK n’est pas de nature à la priver de pertinence aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé à l’ensemble du financement de la mesure en cause.
72 Au demeurant, il convient de relever que, dans les études de 2011 et de 2012, la partie du loyer convertie en parts sociales dans la société PLGK n’a pas non plus été prise en compte dans l’analyse du critère de l’investisseur privé réalisée dès lors qu’elle ne générait de flux de trésorerie ni pour la société PLGK ni pour les communes actionnaires. Dans la notification à la Commission de la mesure en cause par la République de Pologne, celle-ci a justifié cette absence de prise en compte par un souhait de simplification de présentation.
73 Troisièmement, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir appliqué le critère de l’investisseur privé à l’aune du contrat de bail qu’elle a conclu avec la société PLGK et notamment de ne pas avoir tenu compte des recettes budgétaires substantielles que ce contrat lui aurait permis de réaliser, le terrain ayant été mis à sa disposition à titre gratuit.
74 D’emblée, en tant que la requérante fait valoir l’existence d’erreurs de fait à cet égard, il y a lieu de relever que la Commission a pris en compte, dans la décision attaquée, la conclusion d’un contrat de prêt à usage avec le Trésor public polonais et d’un contrat de bail avec la société PLGK ainsi que les stipulations de ces contrats, sans que la requérante mette en avant une erreur matérielle commise par la Commission dans le contenu de ces stipulations.
75 Ensuite, il convient de rappeler que le critère de l’investisseur privé vise à déterminer si la mesure en cause accorde un avantage à l’entreprise bénéficiaire qu’elle n’aurait pas pu obtenir dans des conditions normales de marché (voir point 52 ci-dessus). En l’espèce, la mesure en cause consiste en des apports au capital de la société PLGK consentis par la commune de Gdynia et par la requérante, s’agissant de cette dernière, essentiellement par le biais de la conversion d’une partie des loyers dus par cette société, sur la période 2010-2040, en parts sociales, laquelle conversion constitue une renonciation à percevoir une créance et, partant, une ressource d’État (voir point 64 ci-dessus). Cette mesure vise à la réalisation d’un même projet (voir point 68 ci-dessus). Ainsi, le critère de l’investisseur privé doit être appliqué au regard de l’ensemble de l’avantage accordé à la société PLGK et consiste à déterminer si un investisseur privé aurait, à des conditions similaires, procédé à des apports d’un montant égal à ceux apportés conjointement par la requérante et par la commune de Gdynia, au vu des perspectives de rentabilité du projet de reconversion de l’aéroport militaire en aéroport civil.
76 Il s’ensuit que, l’avantage accordé à la société PLGK ne consistant pas en l’octroi d’un loyer à un prix inférieur à celui du marché, mais en un financement par le biais d’apports au capital de cette société, le fait que le loyer aurait été fixé conformément aux prix du marché de la location immobilière relevés sur le territoire de la requérante est dépourvu de toute incidence sur l’issue de l’application du critère de l’investisseur privé.
77 De même, la circonstance que les apports au capital par le biais de la conversion d’une partie de la créance locative n’ont et n’auraient pas eu d’impact sur le budget de la requérante dès lors que le terrain avait été mis gratuitement à sa disposition par le Trésor public polonais est sans incidence sur l’application du critère de l’investisseur privé.
78 Par ailleurs, en tant que la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir pris en compte, dans son analyse du critère de l’investisseur privé, les recettes substantielles qu’elle aurait tirées du contrat de bail, il convient de rappeler que, selon le contrat d’actionnaires, la requérante s’était engagée à ce que soit convertie en parts sociales une partie du loyer dû par la société PLGK sur la période 2011-2040, à hauteur de 64,9 millions de PLN (soit environ 16,2 millions d’euros). Ce montant représente les deux tiers du loyer annuel dû par cette société. Quant au dernier tiers du loyer, une partie était reversée au fonds de modernisation des forces militaires polonaises, en vertu de l’article 4, paragraphe 4, du contrat de prêt à usage. L’autre partie était conservée par la requérante et visait pour l’essentiel, selon les explications données par la requérante lors de l’audience, à couvrir la perte financière subie par la requérante, liée à la baisse des impôts locaux qui étaient acquittés par l’armée avant la création de l’aéroport civil.
79 Le dernier tiers du loyer, non converti en parts sociales, et son affectation telle que précisée au point 78 ci-dessus, résultent des qualités de titulaire du contrat de prêt à usage et de bailleresse de la requérante et non de sa qualité d’actionnaire. En effet, si elles s’inscrivent dans un même contexte de mise en œuvre de la mesure en cause, la conclusion des contrats de prêt à usage et de bail et la décision d’investissement dans la société PLGK, par conversion d’une partie de la créance locative de la requérante, constituent deux opérations distinctes (voir, par analogie, arrêt du 9 juillet 2008, Alitalia/Commission, T 301/01, EU:T:2008:262, point 368). Il convient également de rappeler qu’aucune stipulation du contrat de prêt à usage ou du contrat de bail n’obligeait la requérante à convertir une partie de la créance locative en cause en parts sociales dans la société PLGK, cet engagement ayant été souscrit dans le contrat d’actionnaires.
80 Partant, la réalisation des prétendues recettes locatives n’étant pas liée à la qualité d’actionnaire de ladite société de la requérante, elle n’avait pas en principe à être prise en compte dans l’analyse du critère de l’investisseur privé. Au demeurant, ces prétendues recettes ne sont nullement évoquées dans les études concernant le respect du critère de l’investisseur privé transmises par les autorités polonaises.
81 En tout état de cause, ainsi que cela a été constaté au point 78 ci-dessus, la requérante ne conservait qu’une partie du loyer non converti en parts sociales, celle-ci visant, pour l’essentiel, à couvrir la perte de revenus liée à la baisse des impôts locaux qui étaient acquittés par l’armée avant la création de l’aéroport civil. Dans ce contexte, la requérante n’a pas établi l’existence de recettes substantielles tirées du contrat de bail.
82 Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à soutenir que la Commission aurait erronément omis d’appliquer le critère de l’investisseur privé à l’aune du contrat de bail.
83 Quatrièmement, en tant que la requérante soutient qu’elle aurait tiré des bénéfices de la mesure en cause liés au développement économique de la région, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus, ces bénéfices ne doivent pas être pris en compte aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé dès lors qu’ils sont liés à la qualité de puissance publique de la requérante.
84 Cinquièmement, la requérante a fait valoir, lors de l’audience, que, en décidant d’intervenir dans le projet de reconversion à des fins civiles de l’aéroport militaire de Gdynia-Oksywie, elle avait agi en bon gestionnaire dans l’administration de ses propres intérêts. Ce faisant, la requérante apprécie sa seule participation dans le projet en cause au vu de l’incidence sur sa situation économique et financière de l’ensemble des contrats dont la conclusion était requise pour concrétiser cette participation. Or, pour les motifs exposés aux points 67 à 83 ci-dessus, une telle appréciation n’est en tout état de cause pas pertinente pour l’application du critère de l’investisseur privé.
85 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la requérante n’est pas fondée à faire valoir l’illégalité de la décision attaquée au motif que la Commission n’aurait pas pris en compte l’ensemble des données qui ont guidé sa décision d’investissement.
86 En troisième lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir omis de tenir compte des faits survenus au jour de la décision attaquée, en particulier la résiliation du contrat d’actionnaires, laquelle aurait privé de fondement les hypothèses concernant la conversion future d’une partie du loyer en parts sociales.
87 À cet égard, si la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer à la date à laquelle elle a adopté cette décision (voir arrêt du 20 décembre 2017, Espagne/Commission, C 81/16 P, EU:C:2017:1003, point 52 et jurisprudence citée), seuls sont pertinents, aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé, les éléments disponibles et les évolutions prévisibles au moment où la décision de procéder à l’investissement a été prise (voir arrêt du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C 160/19 P, EU:C:2020:1012, point 112 et jurisprudence citée). Partant, c’est à juste titre que la Commission n’a pas pris en compte, dans son analyse de l’existence d’un avantage économique, la résiliation du contrat d’actionnaires et la situation de faillite de la société PLGK, lesquelles étaient intervenues après la décision de la requérante d’investir dans la mesure en cause, ni, par suite, les effets découlant de ces évènements.
88 Pour les motifs exposés ci-dessus, il y a lieu d’écarter la première branche de l’argumentation présentée au soutien des premier, deuxième, quatrième et cinquième moyens.
Sur la deuxième branche, tirée, en substance, de l’absence de prise en compte des études de 2011 et de 2012 aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé et des erreurs dans l’analyse de l’étude de 2010
89 La deuxième branche repose, en substance, sur deux griefs tirés, le premier, de ce que la Commission aurait, à tort, fondé son analyse uniquement sur l’étude de 2010, sans tenir compte des études de 2011 et de 2012 et, le second, des erreurs qu’elle aurait commises dans cette analyse.
90 S’agissant du premier grief, il a déjà été conclu au point 71 ci-dessus que la circonstance que l’étude de 2010 n’envisageait pas les augmentations de capital liées à la conversion en parts dans la société PLGK d’une partie de la créance locative de la requérante n’était pas de nature à la priver de pertinence pour l’application du critère de l’investisseur privé.
91 Par ailleurs, il ressort des considérants 121 et 129 de la décision attaquée que la Commission a considéré que l’étude « la plus pertinente » ou « la plus appropriée » pour établir si la commune de Gdynia et la requérante avaient agi comme un investisseur privé était l’étude de 2010.
92 La Commission a fondé sa conclusion sur le fait que plusieurs décisions essentielles liées à la mesure en cause avaient été adoptées par la commune de Gdynia et par la requérante à la suite de l’étude de 2010 (16 juillet 2010), mais avant les études de 2011 (13 mai 2011) et de 2012 (13 juillet 2012). Il en était ainsi de la première décision significative concernant l’augmentation de capital de la société PLGK adoptée le 29 juillet 2010. Tel était également le cas, premièrement, de la conclusion, le 9 septembre 2010, entre la requérante et le voïvode de Poméranie représentant le Trésor public polonais, d’un contrat de prêt à usage conclu pour une période de 30 ans (donc jusqu’au 9 septembre 2040) du terrain sur lequel se situe l’aéroport militaire, lequel ne pouvait être utilisé que pour y créer le nouvel aéroport civil, deuxièmement, de la conclusion, le 7 mars 2011, du contrat opérationnel avec l’utilisateur militaire de l’aéroport, troisièmement, de la signature, le 11 mars 2011, d’une part, du contrat d’actionnaires prévoyant les nouveaux apports au capital jusqu’en 2040 et, d’autre part, du contrat de location, par la requérante, du terrain en cause à la société PLGK, jusqu’au 9 septembre 2040. S’agissant du contrat d’actionnaires, la Commission a relevé que la commune de Gdynia s’était engagée à apporter, sur la période 2011-2013, un montant total de 59 048 000 PLN (soit environ 14 800 000 euros) et que la requérante s’était engagée à fournir un apport en nature, sur la période 2011-2040, prenant la forme d’une conversion d’une partie de sa créance locative annuelle en parts dans la société PLGK. Le contrat stipulait l’application de pénalités contractuelles en cas de non-respect des engagements souscrits.
93 Au considérant 124 de la décision attaquée, la Commission a également relevé que les autorités polonaises avaient elles-mêmes confirmé que les apports en capital réalisés en vertu de la décision prise le 29 juillet 2010 s’appuyaient sur l’évaluation économique du projet formulée dans l’étude de 2010.
94 La Commission a, en outre, constaté que c’était en 2012 que les dépenses annuelles en capital avaient été les plus élevées et que plus de la moitié de ces dépenses avait été exposée avant la remise de l’étude de 2012.
95 Enfin, la Commission a relevé que les études de 2011 et de 2012 montraient que les actionnaires avaient suivi l’évolution du marché et adapté le projet en conséquence, mais que l’ampleur des modifications était relative, les estimations d’investissement établies par l’étude de 2010 et par celle de 2012 étant très similaires.
96 Néanmoins, aux considérants 160 à 183 de la décision attaquée, figurant dans une partie intitulée « Application du critère de l’investisseur privé en économie de marché sur la base des études de 2011 et de 2012 », la Commission a également tenu compte des études de 2011 et de 2012.
97 Ainsi, la Commission a examiné si la prise en compte de l’étude de 2011 pouvait avoir une incidence sur l’analyse du critère de l’investisseur privé qu’elle avait effectuée sur la base de l’étude de 2010. Elle a conclu, au considérant 169 de la décision attaquée, que le critère de l’investisseur privé n’était pas satisfait même sur la base de l’étude de 2011, laquelle se fondait également sur des prévisions irréalistes de trafic et de taxes d’aéroport.
98 En outre, tout en concluant, au considérant 183 de la décision attaquée, que l’étude de 2012 n’était pas appropriée pour apprécier si la mesure en cause satisfaisait au critère de l’investisseur privé, la Commission a examiné les données figurant dans cette étude. En particulier, au considérant 178 de la décision attaquée, elle a indiqué que l’analyse relative au trafic de passagers et aux recettes liées, opérée dans le cadre des études de 2010 et de 2011, demeurait valable dans le cadre de l’étude de 2012.
99 Il s’ensuit que le grief tiré de ce que la Commission aurait également dû tenir compte des études de 2011 et de 2012 est, en lui-même, inopérant. En effet, selon la Commission, sa conclusion relative au critère de l’investisseur privé n’aurait pas été différente sur la base des études de 2011 et de 2012.
100 En tout état de cause, le grief soulevé par la requérante n’est pas fondé.
101 En effet, il convient de rappeler que, aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé, seuls sont pertinents les éléments disponibles et les évolutions prévisibles au moment où la décision de procéder à l’investissement a été prise (voir point 87 ci-dessus).
102 En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que, dès avant l’établissement des études de 2011 et de 2012, la commune de Gdynia et la requérante ont souscrit des engagements concernant la reconversion à des fins civiles de l’aéroport militaire de Gdynia-Oksywie. Ces engagements ont été pris dans le cadre des contrats mentionnés au point 92 ci-dessus, et en particulier du contrat d’actionnaires signé le 11 mars 2011. La requérante ne conteste pas que les engagements souscrits dans le contrat d’actionnaires étaient fermes. Par ailleurs, des apports au capital ont été réalisés dès avant les études de 2011 et de 2012. Il apparaît ainsi que la décision d’investir dans la reconversion de l’aéroport susvisé a été prise avant l’établissement de ces études.
103 Certes, ainsi que la requérante le fait valoir, les hypothèses retenues dans le cadre de l’étude de 2010 ont été adaptées afin de tenir compte de l’évolution de la situation économique et de ses incidences en termes de prévisions de flux de passagers, ce qui a eu des répercussions sur l’ampleur de l’investissement. Toutefois, d’une part, une telle circonstance n’est pas de nature à remettre en cause le fait que la décision d’investir dans une opération de reconversion de l’aéroport militaire en aéroport civil a été prise et que des engagements fermes ont été souscrits à cet égard dès avant les études de 2011 et de 2012. D’autre part, il est constant que le projet initial n’a évolué que marginalement à la suite de l’étude de 2012.
104 Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que la Commission a considéré que, aux fins de se replacer dans le contexte de l’époque au cours de laquelle la décision de procéder à la mesure en cause a été prise, elle devait se fonder sur l’étude de 2010.
105 Partant, le premier grief doit être écarté.
106 Le second grief repose sur les prétendues erreurs qui auraient été commises par la Commission dans son analyse de l’étude de 2010.
107 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de l’application du critère de l’investisseur privé, il appartient à la Commission de vérifier si un investisseur privé aurait apporté, à des conditions similaires, un montant égal à celui apporté par l’investisseur public et qu’elle supporte la charge de prouver que les conditions d’application de ce principe ne sont pas remplies (voir points 53 et 56 ci-dessus).
108 En l’espèce, la conclusion de la Commission concernant le critère de l’investisseur privé repose, en substance, sur trois constats essentiels figurant aux considérants 131 à 159 de la décision attaquée. Premièrement, l’aéroport de Gdynia-Kosakowo se situe à 25 kilomètres environ de l’aéroport de Gdańsk, qui dispose de capacités non utilisées et dont l’extension est déjà programmée. Leurs activités ne sont pas complémentaires dès lors que ces aéroports visent chacun principalement les compagnies charters et à bas coût. Deuxièmement, les redevances prévues dans le projet d’investissement ne sont pas concurrentielles dès lors qu’elles sont supérieures à celles applicables à l’aéroport de Gdańsk ainsi qu’à celles de deux autres aéroports distants de 196 et 296 kilomètres. Compte tenu de la concurrence à laquelle l’aéroport de Gdynia-Kosakowo devra faire face, les prévisions concernant le trafic formulées dans l’étude de 2010 sont fondées sur des hypothèses irréalistes, ce qui est confirmé par la réduction significative des prévisions de trafic figurant dans l’étude de 2012. Troisièmement, pendant toute la période du projet (c’est-à-dire jusqu’en 2040), les flux de trésorerie actualisés cumulés seront négatifs. Le projet ne deviendra rentable qu’à la fin de l’investissement envisagé (c’est-à-dire en 2040), compte tenu notamment de la valeur terminale du projet. Or, cette valeur n’est pas fiable ; elle est très probablement surévaluée, dans la mesure où les infrastructures devront revenir, à la fin du projet, à l’État, compte tenu du contrat conclu entre le Trésor public polonais et la requérante. Les infrastructures construites sur le terrain loué n’appartiennent ni à la requérante ni à la société PLGK. La Commission note également que l’étude de 2010 n’a pas procédé à des tests de sensibilité. Or, en retenant une certaine baisse des revenus annuels liés aux redevances (qui pourrait résulter de la baisse du trafic ou de la baisse du niveau des redevances), le projet à terme deviendrait non rentable, malgré la valeur terminale importante, laquelle est par ailleurs un élément incertain compte tenu du contrat conclu avec le Trésor public polonais. Enfin, la valeur terminale du projet a été calculée en supposant que, après 2040, le taux de croissance annuel des flux de trésorerie se situerait toujours au même niveau et serait constant. Or, le taux de croissance retenu supposerait que l’aéroport soit toujours en croissance après 2040. En outre, aucun test de sensibilité n’aurait non plus été réalisé à cet égard. Dans ce contexte, selon la Commission, un investisseur privé n’aurait pas décidé de procéder aux investissements en cause.
109 En premier lieu, la requérante se réfère au cadre légal dans lequel la mesure en cause est intervenue, en particulier la loi du 10 juillet 2008 modifiant la loi du 30 mai 1996 sur l’administration de certains éléments relevant des biens du Trésor public ainsi que sur l’Agence des biens des forces armées (Dz.U. de 2008, no 144, position 901), laquelle permettait de convertir des bases aériennes militaires polonaises en aéroports civils. Elle se prévaut également de la lettre d’intention signée le 29 avril 2005 par différentes autorités nationales et régionales ainsi que par des représentants de l’aéroport de Gdańsk et de diverses résolutions adoptées par les autorités locales de la voïvodie de Poméranie entre 2007 et 2013 concernant le développement régional en matière de transports. Toutefois, à l’instar de la Commission, il y a lieu de relever qu’aucun de ces textes n’imposait à la requérante d’investir dans la mesure en cause. La requérante indique d’ailleurs qu’elle a agi en tant qu’investisseur et ne remet pas en cause la pertinence de l’application du critère de l’investisseur privé pour apprécier l’existence d’une aide d’État.
110 En deuxième lieu, il ressort des motifs de la décision attaquée exposés au point 108 ci-dessus que l’argument tiré de ce que la Commission aurait fondé son analyse uniquement sur les capacités excédentaires de l’aéroport de Gdańsk ainsi que sur les barèmes des redevances des aéroports en cause manque en fait.
111 En troisième lieu, la requérante soutient que les aéroports de Gdynia-Kosakowo et de Gdańsk ne seraient pas en situation de concurrence, l’offre du premier pouvant compléter celle du second. Toutefois, la requérante n’explique pas en quoi la différence de taille de ces aéroports, leur capacité en termes de trafic de passagers et leurs coûts de fonctionnement et d’investissement seraient de nature à remettre en cause le constat de la Commission quant à la situation concurrentielle des deux aéroports ainsi que la difficulté qui en découle, pour l’aéroport de Gdynia-Kosakowo, à attirer le trafic aérien en pratiquant des redevances supérieures à celles de l’aéroport de Gdańsk. À cet égard, d’une part, contrairement à ce que prétend la requérante, ce constat n’est pas fondé uniquement sur la distance séparant les deux aéroports en cause, mais résulte également du fait qu’ils devaient fonctionner selon le même modèle d’entreprise eu égard à leur activité principalement axée sur les compagnies à bas coût et les charters. D’autre part, ledit constat a été opéré par la Commission aux fins d’apprécier le caractère réaliste des prévisions de trafic de passagers au sein de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo. Dans ce contexte, la circonstance, invoquée par la requérante, que cet aéroport ne menacerait pas l’activité de l’aéroport de Gdańsk apparaît sans conséquence sur l’application du critère de l’investisseur privé.
112 En quatrième lieu, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir pris en compte le dynamisme de la croissance du trafic aérien en Pologne, notamment en Poméranie et, en particulier, dans la région de la Tricité (Pologne) formée par les trois villes principales de Gdańsk, de Sopot (Pologne) et de Gdynia, ainsi que la situation de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo sur le territoire de l’une des plus grandes agglomérations urbaines, sur lequel sont situés trois ports maritimes.
113 Un tel argument n’est toutefois pas de nature à établir une erreur de fait ou une erreur manifeste d’appréciation de la Commission. En effet, la perspective d’une augmentation dynamique du trafic aérien a été prise en compte par la Commission, et la requérante ne conteste pas les prévisions de trafic qui fondent la décision attaquée, notamment la prévision actualisée de 9 millions d’usagers des transports aériens en Poméranie d’ici à 2030.
114 En outre, l’affirmation selon laquelle l’aéroport de Gdańsk ne sera pas en mesure de satisfaire les besoins de tous les habitants de la région, notamment en raison des possibilités limitées de son extension, y compris pour les services de fret, n’est pas étayée. En effet, la requérante ne produit aucun élément de nature à remettre en cause les constats de la Commission selon lesquels, premièrement, l’aéroport de Gdańsk disposait d’une capacité de cinq millions de passagers par an alors que le trafic réel, en 2010, était de 2,2 millions de passagers, deuxièmement, la capacité de cet aéroport serait portée à sept millions de passagers d’ici à 2015 et, partant, elle ne serait utilisée qu’à hauteur de 50-60 % jusqu’en 2020 et, troisièmement, même en supposant une croissance dynamique du trafic des passagers, cet aéroport serait en mesure d’absorber l’ensemble du trafic prévu dans la région au moins jusqu’en 2030 (voir considérants 137 à 139 de la décision attaquée). En particulier, en tant que la requérante soutient que le deuxième constat est fondé sur des hypothèses arbitraires, il y a lieu de relever qu’il s’appuie sur les informations communiquées par les autorités polonaises durant la procédure administrative, notamment le schéma directeur de l’aéroport de Gdańsk, lesquelles ne sont pas remises en cause par la requérante. Quant à l’affirmation, au demeurant non étayée, selon laquelle l’aéroport de Gdynia-Kosakowo pourrait développer des services de fret contrairement à l’aéroport de Gdańsk, il y a lieu de rappeler que, selon l’étude de 2010, la part principale des revenus de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo devait provenir du trafic de passagers.
115 Enfin, à supposer que la requérante entende se prévaloir du fait que la construction de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo contribuerait au développement économique de la région, il convient de rappeler que, ainsi que cela a été mentionné au point 57 ci-dessus, de tels bénéfices ne doivent pas être pris en compte aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé dès lors qu’ils sont liés à la qualité de puissance publique de la requérante.
116 En cinquième lieu, en faisant valoir l’absence de « test autonome », la requérante reproche à la Commission de s’être bornée à contester les hypothèses retenues dans l’étude de 2010 sans établir une nouvelle étude ni déterminer les valeurs qui auraient dû être retenues.
117 Or, l’application du critère de l’investisseur privé ne saurait impliquer l’obligation pour la Commission de rectifier les hypothèses retenues par les autorités polonaises en définissant notamment de nouveaux taux de croissance à long terme de l’entreprise, de nouvelles prévisions de trafic ou encore des redevances aéroportuaires concurrentielles. La Commission a régulièrement justifié de ce que les conditions d’application de ce principe n’étaient pas remplies en établissant le caractère irréaliste et non fiable des hypothèses ainsi retenues.
118 Par ailleurs, en tant que la requérante soutient que la Commission n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles elle contestait le taux de croissance à long terme retenu, il y a lieu de relever que la Commission a justifié des raisons pour lesquelles elle doutait du caractère réaliste du taux de croissance à long terme retenu dans l’étude de 2010. Ainsi, il ressort de la décision attaquée, en particulier des considérants 153 à 155 concernant le critère de l’investisseur privé sur la base de l’étude de 2010, que la Commission a considéré que le taux de croissance retenu à long terme (c’est-à-dire après 2040) signifiait que l’aéroport serait toujours en croissance alors que, dans le même temps, la valeur terminale était calculée au moment où l’entreprise était censée atteindre sa maturité. Dans ce contexte, la Commission a précisé que le taux de croissance des entreprises matures devrait être inférieur au taux moyen de croissance de l’ensemble de l’économie. Par ailleurs, la Commission a relevé que les autorités polonaises n’avaient pas indiqué sur quel fondement elles avaient retenu le taux de croissance en cause sur une très longue période. En outre, la Commission a indiqué que, compte tenu de l’étendue de la période couverte par les prévisions et de la date lointaine de la valeur terminale calculée, un investisseur avisé aurait procédé à des tests de sensibilité, ce qui n’avait pas été le cas en l’espèce. Enfin, la Commission a souligné les différences qui existaient, s’agissant de la période retenue pour calculer la valeur terminale du projet (et donc le stade de maturité de l’activité économique), entre les études de 2010 (la date prévue étant 2040) et de 2012 (la date prévue étant 2030).
119 Quant au taux de croissance à long terme, plus faible, retenu dans l’étude de 2012, il n’a pas fait l’objet d’un examen particulier par la Commission au motif, figurant dans la décision attaquée, que c’était l’étude de 2010 qui était la plus pertinente pour établir si la commune de Gdynia et la requérante avaient agi comme un investisseur privé.
120 Enfin, il ressort du considérant 148 de la décision attaquée que la Commission a constaté l’absence de toute analyse de sensibilité ou d’autres scénarios. Dans ce contexte, la Commission a réalisé une série de tests en vue de démontrer la sensibilité de la valeur actuelle nette à une baisse de trafic ou à une baisse du montant des redevances et des taxes. La requérante n’est donc pas fondée à soutenir que la Commission n’avait pas expliqué la nature des analyses de sensibilité effectuées.
121 Partant, le second grief et, par voie de conséquence, la deuxième branche de l’argumentation présentée au soutien des premier, deuxième, quatrième et cinquième moyens doivent être écartés.
Sur la troisième branche, tirée, en substance, d’une erreur quant à l’analyse de la distorsion de concurrence et de l’affectation des échanges
122 La requérante conteste la conclusion de la Commission selon laquelle le financement de la mesure en cause fausse ou menace de fausser la concurrence et affecte les échanges entre États membres en faisant valoir l’état de faillite de la société PLGK et la résiliation du contrat d’actionnaires, dont il découlerait qu’aucune menace de distorsion de la concurrence n’émanait de la société PLGK au jour de la décision attaquée.
123 À cet égard, s’il ressort de la jurisprudence citée au point 87 ci-dessus que la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer à la date à laquelle elle a adopté cette décision, c’est à tort que la requérante interprète cette jurisprudence comme impliquant que l’incidence de la mesure en cause sur les échanges entre États membres et sur la concurrence soit appréciée au vu de ses effets au jour de la décision attaquée. Accueillir l’argumentation de la requérante signifierait que la Commission doit examiner les effets concrets de l’aide au jour où elle se prononce. Or, selon une jurisprudence également constante, la Commission est tenue non d’établir une incidence réelle de l’aide sur les échanges entre États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si l’aide est susceptible d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence (voir arrêt du 26 octobre 2016, Orange/Commission, C 211/15 P, EU:C:2016:798, point 64 et jurisprudence citée).
124 En outre, la requérante indique que la résiliation du contrat d’actionnaires intervenue le 28 avril 2014 est une mesure prise en exécution de la décision 2014/883. Elle indique également que la procédure de faillite de la société PLGK, relevée au considérant 11 de la décision attaquée, et l’inscription des créances de la requérante au passif de cette société sont des conséquences de la décision 2014/883. Or, cette décision a été retirée et remplacée par la décision attaquée. L’argumentation de la requérante reviendrait donc à tirer profit des effets de la décision 2014/883 qualifiant la mesure en cause d’aide d’État incompatible avec le marché intérieur pour soutenir que ladite mesure ne constitue pas une aide d’État.
125 Il s’ensuit que la troisième branche doit être écartée comme étant non fondée et, partant, que les premier, deuxième, quatrième et cinquième moyens du recours doivent être rejetés.
Sur les troisième et huitième moyens, tirés de la violation de l’article 107, paragraphe 3, sous a) et c), TFUE et d’une atteinte au principe d’égalité de traitement
126 Par le troisième moyen, la requérante soutient que la mesure en cause répond aux intérêts et aux besoins économiques nationaux et locaux. Elle relève que le niveau de développement des infrastructures est très faible en Pologne et qu’il est et sera nécessaire d’investir dans la construction des infrastructures desservant les transports aériens de nature civile. Le juge de l’Union aurait reconnu que l’appréciation des systèmes d’aide devrait être effectuée en fonction des conditions de fonctionnement du marché dans les différents États membres. La requérante se prévaut également d’un avis du Comité des régions daté du 15 avril 2014 (JO 2014, C 114, p. 11), en ce qu’il vise notamment les petits aéroports régionaux, et soutient que la Commission aurait commis une erreur en analysant l’aide sur le seul fondement des règles du retour sur investissement de l’investisseur privé, sans prendre en compte les considérations relatives aux besoins locaux et régionaux, ce qu’elle aurait pourtant fait dans des décisions préalables, adoptées au cours des années 2007 à 2009 concernant le marché polonais des transports aériens. En particulier, selon la requérante, l’aéroport de Gdynia-Kosakowo devait répondre aux besoins des résidents établis sur toute la partie centrale de la côte de la mer Baltique, y compris de ceux des pays scandinaves, et pallier les situations où les avions ne peuvent pas atterrir à l’aéroport de Gdańsk, en raison de mauvaises conditions climatiques. La requérante souligne également que la Poméranie est une région ayant un produit national brut par habitant anormalement bas. Suivant les lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale pour la période 2007-2013 (JO 2006, C 54, p. 13, ci-après les « lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale »), les aides à l’investissement visant à la promotion du développement économique de ces régions pourraient être autorisées. Enfin, l’aéroport de Gdańsk demeurerait le troisième aéroport polonais pour le nombre de passagers accueillis. Le potentiel de développement de la Poméranie et de la conurbation de Gdańsk, en particulier, justifierait l’existence de deux aéroports pour la desserte du trafic passagers, comme il en existe au sein d’autres grandes agglomérations urbaines, y compris polonaises. L’aéroport de Gdańsk ne serait plus, à terme, en mesure de satisfaire les besoins de tous les habitants.
127 Par le huitième moyen, la requérante relève que, dans le cadre de décisions adoptées au cours des années 2007-2009, la Commission aurait autorisé des aides visant à la création d’aéroports ou l’extension d’aéroports militaires en Pologne. Pour certaines des aides notifiées, les hypothèses d’investissement et les conditions de réalisation auraient été similaires à celles de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo. Les motifs ayant guidé la Commission auraient dû être immuables, et ce d’autant plus que le projet en cause s’inscrivait dans le cadre de normes nationales et locales relatives à la reconversion d’aéroports militaires à des fins civiles, déjà pris en compte par la Commission dans une décision antérieure.
128 La Commission soutient que ces moyens ne sont pas fondés.
129 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE dispose que les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi, ainsi que celui des régions visées à l’article 349 TFUE, compte tenu de leur situation structurelle, économique et sociale, peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur. Il en va de même, selon l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, des aides destinées à favoriser le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun. S’agissant de dérogations au principe général d’incompatibilité avec le marché intérieur des aides d’État, ces dispositions sont d’interprétation stricte (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2010, Nuova Agricast et Cofra/Commission, C 67/09 P, EU:C:2010:607, point 74 et jurisprudence citée).
130 L’appréciation de la compatibilité de mesures d’aide avec le marché intérieur, au titre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle des juridictions de l’Union (voir arrêt du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C 654/17 P, EU:C:2019:634, point 79 et jurisprudence citée).
131 À cet égard, la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations complexes d’ordres économique et social (voir arrêt du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C 654/17 P, EU:C:2019:634, point 80 et jurisprudence citée).
132 Dans l’exercice de ce pouvoir d’appréciation, la Commission peut adopter des lignes directrices afin d’établir les critères sur la base desquels elle entend évaluer la compatibilité, avec le marché intérieur, de mesures d’aide envisagées par les États membres (voir arrêt du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C 654/17 P, EU:C:2019:634, point 81 et jurisprudence citée).
133 En adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice dudit pouvoir d’appréciation et ne saurait, en principe, se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement (voir arrêt du 29 juillet 2019, Bayerische Motoren Werke et Freistaat Sachsen/Commission, C 654/17 P, EU:C:2019:634, point 82 et jurisprudence citée).
134 En l’espèce, dans la décision attaquée, la Commission a indiqué que la compatibilité de l’aide en cause pouvait être appréciée sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. Elle a également précisé qu’elle appliquerait les lignes directrices communautaires sur le financement des aéroports et les aides d’État au démarrage pour les compagnies aériennes au départ d’aéroports régionaux (JO 2005, C 312, p. 1, ci-après les « lignes directrices de 2005 ») pour l’aide à l’investissement et les lignes directrices sur les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes (JO 2014, C 99, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 2014 ») pour l’aide au fonctionnement (considérants 193 à 202 de la décision attaquée).
135 En outre, s’agissant de l’aide à l’investissement, la Commission a examiné si elle remplissait les conditions posées par le paragraphe 61 des lignes directrices de 2005. Elle a considéré que l’investissement en cause ne répondait pas à un objectif d’intérêt général clairement défini en tant qu’il ne contribuerait pas au développement de la région et entraînerait une simple duplication des infrastructures dans cette région, qu’il n’était pas nécessaire et proportionné à l’objectif fixé, que l’aéroport de Gdynia-Kosakowo n’offrait pas de perspectives satisfaisantes d’utilisation à moyen terme et que l’aide en question affecterait les échanges dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union (considérants 206 à 239 de la décision attaquée). En outre, la Commission a indiqué que, en l’absence d’un tel objectif d’intérêt général clairement défini, l’aide ne pouvait pas être considérée comme nécessaire et proportionnée à un cet objectif (considérants 240 à 242 de la décision attaquée). La Commission en a conclu que l’aide à l’investissement ne satisfaisait pas aux exigences visées dans les lignes directrices de 2005 et ne pouvait pas être considérée comme compatible avec le marché intérieur (considérant 243 de la décision attaquée).
136 Par ailleurs, s’agissant de l’aide au fonctionnement, la Commission a rappelé qu’elle avait considéré, dans la décision 2014/883, que l’octroi d’une aide au fonctionnement dans le but d’assurer la réalisation d’un projet d’investissement bénéficiant d’une aide à l’investissement incompatible avec le marché intérieur était, en tant que tel, incompatible avec le marché intérieur et qu’une telle conclusion, tirée conformément aux lignes directrices de 2005, était tout aussi pertinente dans le contexte des lignes directrices de 2014 et suffisait pour constater l’incompatibilité avec le marché intérieur de l’aide au fonctionnement. La Commission a, en outre, considéré que l’aide en cause ne respectait pas la première condition prévue par les lignes directrices de 2014, à savoir la contribution à un objectif d’intérêt commun bien défini, dans la mesure où l’aide au fonctionnement en question avait pour but d’assurer le fonctionnement d’un aéroport construit grâce à une aide à l’investissement incompatible avec le marché intérieur. Enfin, la Commission a indiqué qu’elle serait parvenue à la même conclusion si l’aide au fonctionnement avait été appréciée à la lumière des règles relatives aux aides d’État à finalité régionale, invoquées par les autorités polonaises (considérants 244 à 254 de la décision attaquée).
137 La requérante conteste globalement la conclusion de la Commission concernant la compatibilité de l’aide, sans distinguer l’aide à l’investissement de l’aide au fonctionnement. En substance, ses arguments s’articulent autour de six points.
138 Premièrement, la requérante fait valoir que la mesure en cause était justifiée par des considérations relatives aux besoins locaux et régionaux en termes de transport aérien. La forte croissance de trafic aérien attendue en Pologne associée au faible niveau d’équipement du pays en infrastructures aériennes établirait la nécessité de réaliser des investissements dans ce domaine. Plus particulièrement, la requérante se prévaut des besoins en transport non seulement des résidents de Poméranie, mais également des résidents de la partie centrale de la côte de la mer Baltique et des pays scandinaves. Elle fait également valoir que les hypothèses de trafic retenues dans les études de 2010, de 2011 et de 2012 ne présentent qu’un écart de 6 % par rapport au volume réel des services de transport aérien civil en 2014.
139 Il y a lieu de rappeler que la conclusion concernant l’incompatibilité de l’aide est notamment fondée sur le fait que l’aéroport de Gdynia-Kosakowo ne se situe qu’à environ 25 kilomètres de l’aéroport de Gdańsk, lequel disposait d’une capacité de cinq millions de passagers par an alors que le trafic réel, en 2013, était inférieur à trois millions de passagers. Par ailleurs, sa capacité serait portée à sept millions de passagers d’ici à 2015 et, selon les informations communiquées par les autorités polonaises, le schéma directeur de l’aéroport prévoyait la réalisation d’investissements en vue de porter cette capacité à plus de dix millions de passagers si l’évolution du trafic le requérait. La Commission a constaté que l’aéroport de Gdańsk pourrait ainsi, même sans ces investissements supplémentaires, absorber l’ensemble du trafic prévu dans la région au moins jusqu’en 2025. Elle a également relevé que la capacité actuelle de la piste de décollage de l’aéroport de Gdańsk était loin d’être saturée dès lors qu’elle était utilisée, en moyenne, à environ 10 %.
140 Ainsi, l’augmentation du trafic a été prise en compte par la Commission et il y a lieu de rappeler que la requérante ne conteste pas la prévision actualisée mentionnée dans la décision attaquée de 9 millions d’usagers des transports aériens en Poméranie d’ici à 2030, prévision qui tient naturellement compte de la croissance dynamique du trafic aérien en Pologne. Ainsi, la région disposait déjà, à une courte distance du projet de nouvel aéroport civil, d’un aéroport existant pouvant absorber le trafic supplémentaire au moins jusqu’en 2025, voire jusqu’en 2030 si les investissements envisagés au sein de l’aéroport de Gdańsk étaient réalisés.
141 Deuxièmement, la requérante se prévaut de la localisation de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo et de son microclimat ambiant qui lui permettrait d’accueillir les avions en incapacité d’atterrir à l’aéroport de Gdańsk en raison des mauvaises conditions climatiques.
142 À cet égard, il y a lieu de relever que, au considérant 218 de la décision attaquée, la Commission a constaté que la création d’un nouvel aéroport en vue de jouer le rôle d’aéroport de soutien ou de secours de l’aéroport de Gdańsk ne saurait justifier l’ampleur des investissements en cause. À supposer établie l’existence de paramètres météorologiques favorables à l’aéroport de Gdynia-Kosakowo, laquelle est fondée sur des documents dont la fiabilité est contestée par la Commission, la conclusion de celle-ci sur l’insuffisance de l’intérêt sécuritaire n’apparaît pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation alors que la requérante n’a produit aucun élément de preuve concernant l’ampleur du problème de sécurité allégué ou des déroutements des vols originaires de Gdańsk.
143 Troisièmement, la requérante se prévaut des décisions adoptées par les autorités nationales et locales qui établiraient la nécessité de créer l’aéroport de Gdynia-Kosakowo en tant que moteur du développement de cette région. La requérante évoque la lettre d’intention signée le 29 avril 2005 par différentes autorités nationales et régionales et par des représentants de l’aéroport de Gdańsk ainsi que diverses résolutions adoptées par les autorités de la voïvodie de Poméranie entre 2007 et 2013.
144 À cet égard, il y a lieu de relever que la lettre d’intention du 29 avril 2005 concernant la création d’un nouvel aéroport en Poméranie sur la base des infrastructures de l’aéroport militaire de Gdynia-Oksywie, laquelle marque la date de début du projet de reconversion de cet aéroport (voir considérant 21 de la décision attaquée), n’exprime que la volonté de ses auteurs d’introduire l’aviation civile sur le terrain de cet aéroport militaire. Par ailleurs, si la requérante se prévaut de plusieurs résolutions adoptées par les autorités de la voïvodie de Poméranie, elle se borne à affirmer que ces autorités y ont constaté la nécessité de créer un aéroport civil sur la base de l’aéroport militaire de Gdynia-Oksywie, sans autre précision.
145 De tels éléments ne suffisent pas à établir en quoi la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant, pour les motifs rappelés aux points 135 et 136 ci-dessus, que la mesure en cause n’était pas compatible avec le marché intérieur. En particulier, la requérante n’explique pas en quoi lesdits éléments seraient de nature à remettre en cause les motifs sur lesquels la Commission s’est fondée pour conclure que l’aide à l’investissement ne remplissait pas les conditions visées au paragraphe 61 des lignes directrices de 2005, et en particulier qu’elle ne répondait pas à un objectif d’intérêt général clairement défini en tant que la mesure en cause ne contribuerait pas au développement de la région et entraînerait une simple duplication des infrastructures.
146 Quatrièmement, la requérante expose des considérations générales relatives à la nécessité d’apprécier la compatibilité de l’aide en fonction de la situation économique existant au moment où l’aide est accordée, à l’importance des petits aéroports régionaux pour l’équilibre du transport aérien dans l’Union, évoqué notamment par l’avis du Comité des régions du 15 avril 2014, et à l’existence de grandes agglomérations urbaines qui seraient desservies par deux ou plusieurs aéroports.
147 Or, ces considérations sont formulées de manière générale et indépendamment des motifs de la décision attaquée, notamment du fait, d’une part, que l’aéroport de Gdynia-Kosakowo ne se situe qu’à environ 25 kilomètres de l’aéroport de Gdańsk, lequel est d’accès aisé pour les habitants de la Tricité, et, d’autre part, que l’aéroport de Gdańsk pourrait absorber le trafic aérien supplémentaire au moins jusqu’en 2025, voire jusqu’en 2030, et que, partant, l’aéroport de Gdynia-Kosakowo entraînerait une simple duplication des infrastructures dans la région. En particulier, la requérante ne saurait se borner à indiquer que l’avis susvisé du Comité des régions a reconnu l’importance des petits aéroports régionaux. En effet, celle-ci est justifiée notamment par le fait que de tels aéroports peuvent améliorer l’accessibilité de certaines régions et diminuer la surcharge des grandes plates-formes aéroportuaires, et la requérante n’établit pas que tel serait le cas s’agissant de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo.
148 Ainsi, les considérations générales dont la requérante se prévaut ne suffisent pas à remettre en cause les motifs, rappelés aux points 135 et 136 ci-dessus, soutenant la conclusion de la Commission quant à l’incompatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur.
149 Cinquièmement, la requérante fait valoir que l’ensemble de la voïvodie de Poméranie remplissait le critère de la région dans laquelle le niveau de vie est anormalement bas, fixé par l’article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE, et que, partant, l’aide à l’investissement pouvait être autorisée en application des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale.
150 À cet égard, il convient de rappeler que la Commission a apprécié la compatibilité de l’aide à l’investissement à l’aune des lignes directrices de 2005. Or, ces dernières opèrent, en leur paragraphe 27, un renvoi aux lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale, uniquement en ce qui concerne les aides au fonctionnement. Ainsi, la requérante se prévaut de ces lignes directrices sans établir en quoi celles-ci seraient applicables à l’espèce, s’agissant de l’examen de la compatibilité de l’aide à l’investissement.
151 Sixièmement, la requérante se prévaut de cinq décisions antérieures dans lesquelles la Commission aurait reconnu la nécessité de développer en Pologne les infrastructures de transport aérien et aurait ainsi admis la compatibilité d’aides en vue de la création de nouveaux aéroports et de l’extension d’aéroports existants. Elle en déduit, notamment, une atteinte au principe d’égalité de traitement.
152 Le principe général d’égalité de traitement, en tant que principe général du droit de l’Union, impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêts du 26 octobre 2006, Koninklijke Coöperatie Cosun, C 248/04, EU:C:2006:666, point 72 et jurisprudence citée, et du 8 avril 2014, ABN Amro Group/Commission, T 319/11, EU:T:2014:186, point 110 et jurisprudence citée). De plus, la charge de la preuve du caractère comparable des situations incombe à celui qui l’invoque (voir, en ce sens, arrêt du 8 avril 2014, ABN Amro Group/Commission, T 319/11, EU:T:2014:186, point 114).
153 L’application de ce principe doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité. Il s’ensuit qu’une partie requérante ne saurait s’appuyer sur une pratique décisionnelle antérieure de la Commission, même à supposer que celle-ci soit établie, qui serait contraire à la correcte interprétation des dispositions du traité (voir, en ce sens, arrêts du 30 septembre 2003, Freistaat Sachsen e.a./Commission, C 57/00 P et C 61/00 P, EU:C:2003:510, points 52 et 53, et du 12 septembre 2013, Allemagne/Commission, T 347/09, non publié, EU:T:2013:418, point 51).
154 D’emblée, il convient de relever que, s’agissant de trois des cinq décisions invoquées, la requérante se borne à les mentionner sans établir en quoi elles concerneraient des situations comparables à celle de l’espèce.
155 S’agissant des deux autres décisions, à savoir la décision N 196/08, du 13 juillet 2009, concernant des aides à l’investissement en faveur d’aéroports dans le cadre des programmes opérationnels régionaux, et la décision N 741/06 et N 743/06, du 4 avril 2007, concernant l’aide, d’une part, à la construction d’infrastructures et à l’acquisition d’installations pour l’aéroport de Łódź et, d’autre part, au développement de ce dernier, la requérante ne met pas le Tribunal en mesure d’apprécier si les circonstances particulières dans chacune d’elles étaient comparables à celles de l’espèce, de telle sorte que, sous réserve du principe de légalité, une solution identique aurait dû être retenue.
156 Au surplus, s’agissant de la décision N 196/08 qui concernait notamment les aéroports de Zegrze Pomorskie et d’Olsztyn Szymany évoqués par la requérante, la Commission soutient que les situations ne seraient pas comparables. Elle indique, sans être contredite à cet égard, que certains des aéroports concernés par le régime d’aide en cause se situaient dans des régions très mal desservies en termes de réseaux de transport aérien. Par ailleurs, s’agissant de l’aéroport de Varsovie-Modlin, la requérante relève elle-même que, selon la décision N 196/08, sa construction pouvait réduire la congestion de l’aéroport international voisin de Varsovie-Chopin. Ces différents éléments suffisent à distinguer le cas de ces aéroports de celui de Gdynia-Kosakowo.
157 S’agissant de la décision N 741/06 et N 743/06, il suffit de relever, à l’instar de la requérante, que l’aéroport de Łódź est distant de 140 kilomètres de l’aéroport de Varsovie-Chopin, ce qui distingue sa situation de celle de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo.
158 Il s’ensuit que le grief tiré de l’atteinte au principe d’égalité doit être écarté comme non fondé.
159 Partant, il y a lieu de rejeter les troisième et huitième moyens comme étant non fondés.
Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE
160 La requérante soutient que la Commission aurait appliqué une série de présomptions infondées, dont elle aurait déduit des effets juridiques substantiels. Ainsi, premièrement, la Commission aurait présumé que la décision d’un investisseur privé de construire un aéroport civil sur la base d’un aéroport militaire était dépourvue de justification commerciale en ce qu’il était distant de 25 kilomètres environ d’un aéroport voisin. Deuxièmement, l’argumentation de la Commission serait fondée sur la prémisse que les modifications substantielles apportées par les études de 2011 et de 2012 n’étaient que des confirmations de la décision antérieure d’investir dans la société PLGK. Troisièmement, elle aurait remis en cause l’étude de 2010 sur la base de constatations extrêmement imprécises, en se référant à des concepts vagues entravant ainsi le contrôle de la décision attaquée. En particulier, la Commission indiquerait que la valeur actuelle nette deviendrait négative en cas de modifications minimes et réalistes des hypothèses, sans apporter de précision à cet égard.
161 La Commission conteste ces arguments.
162 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteure de l’acte incriminé de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge de l’Union d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a., C 128/16 P, EU:C:2018:591, point 82 et jurisprudence citée).
163 Premièrement, l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. Il s’ensuit que les griefs et les arguments développés au soutien du sixième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, sont inopérants en tant qu’ils visent à contester le bien-fondé de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C 486/15 P, EU:C:2016:912, point 79 et jurisprudence citée).
164 Deuxièmement, la requérante soutient que la Commission n’a pas suffisamment motivé sa conclusion selon laquelle la mesure en cause devrait être qualifiée d’aide d’État, faute de satisfaire au critère de l’investisseur privé.
165 Or, force est de constater que la motivation rappelée au point 108 ci-dessus permet à la requérante de connaître les motifs sur lesquels la Commission s’est fondée pour considérer que la mesure en cause comportait l’octroi d’un avantage pour la société PLGK et au Tribunal de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle dans le cadre du présent recours. En particulier, en tant que la requérante soutient que la décision attaquée serait fondée sur la présomption non motivée du caractère non rationnel d’un point de vue économique de l’opération de reconversion en cause d’un aéroport distant de moins de 25 kilomètres d’un aéroport voisin, force est de constater que cette allégation repose sur une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, la Commission ne s’est pas bornée à constater la faible distance séparant l’aéroport de Gdynia-Kosakowo de celui de Gdańsk, mais a pris en compte l’ensemble des éléments rappelés au point 108 ci-dessus.
166 En outre, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la Commission aurait insuffisamment motivé les raisons pour lesquelles elle a considéré que l’étude de 2010 était l’étude « la plus pertinente » ou « la plus appropriée » pour établir si la commune de Gdynia et la requérante avaient agi comme un investisseur privé. Les motifs exposés par la Commission dans la décision attaquée, rappelés aux points 92 à 95 ci-dessus, font apparaître de manière claire le raisonnement retenu à cet égard.
167 Enfin, en tant que la requérante fait valoir le recours à des concepts extrêmement vagues et l’absence de toute précision s’agissant des calculs opérés, il y a lieu de relever, là encore, que la décision attaquée fait suffisamment apparaître les motifs qui ont conduit la Commission à considérer que l’étude de 2010 reposait sur des prévisions trop optimistes et à pratiquer des analyses en vue de démontrer la sensibilité de la valeur actuelle nette du projet à une baisse de trafic ou à une baisse du montant des redevances et des taxes.
168 Il s’ensuit que le sixième moyen doit être rejeté.
Sur le septième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration
169 La requérante soutient que la Commission a négligé des éléments factuels essentiels existant lors de l’adoption de la décision attaquée. En particulier, d’une part, elle aurait négligé la situation de faillite de la société PLGK ainsi que la portée des mesures adoptées par la requérante en raison de son obligation d’exécuter la décision 2014/883 qui excluaient toute menace de distorsion de concurrence. D’autre part, la Commission aurait omis de tenir compte des éléments publics se rapportant aux résultats d’exploitation des aéroports polonais au cours de la période allant de 2010 à 2014, éléments que la requérante aurait assurément produits en cas de besoin. La Commission n’aurait donc pas procédé à une collecte diligente et impartiale des éléments d’information requis. Selon la requérante, les hypothèses de croissance du marché polonais du transport aérien retenues dans les études de 2010, de 2011 et de 2012 étaient réalistes, contrairement aux données retenues par la Commission aux fins des tests de sensibilité. En outre, le marché du transport aérien polonais fonctionnerait encore dans des conditions différentes de celles des États ayant adhéré plus tôt à l’Union. La Commission n’aurait pas tenu compte de cette circonstance en adoptant un modèle uniforme d’évaluation des projets applicable à tous les opérateurs du marché européen du transport aérien.
170 La Commission soutient que les arguments de la requérante ne sont pas fondés.
171 Par son argumentation, la requérante doit être regardée comme soutenant que la décision attaquée a été adoptée en violation de l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui dispose que toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions de l’Union.
172 S’agissant de l’examen mené par la Commission en matière d’aides d’État, il y a lieu de rappeler que la Commission est tenue de conduire la procédure d’examen des mesures concernées de manière diligente et impartiale, afin qu’elle dispose, lors de l’adoption d’une décision finale établissant l’existence et, le cas échéant, l’incompatibilité ou l’illégalité de l’aide, des éléments les plus complets et fiables possibles (voir arrêt du 7 mai 2020, BTB Holding Investments et Duferco Participations Holding/Commission, C 148/19 P, EU:C:2020:354, point 51 et jurisprudence citée).
173 À titre liminaire, au cours de l’audience, la requérante a invoqué, pour la première fois, la violation de ses prétendus droits de la défense en faisant valoir qu’un tel grief se rattachait au moyen tiré d’une violation du principe de bonne administration. Or, un tel grief est irrecevable en vertu de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, puisqu’il s’agit d’un grief nouveau. En tout état de cause, il n’est pas fondé dès lors que la requérante, qui n’est pas destinataire de la décision attaquée, ne peut se prévaloir de droits de la défense.
174 En l’espèce, pour les motifs exposés aux points 123 et 124 ci-dessus, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la Commission aurait dû tenir compte de la situation de faillite et des mesures adoptées en exécution de la décision 2014/883 pour évaluer l’incidence de la mesure en cause sur la concurrence et sur les échanges entre États membres.
175 Par ailleurs, si la requérante soutient que la Commission n’a pas pris en compte l’ensemble des données pertinentes du marché polonais du transport aérien, force est de constater qu’elle n’étaye pas son affirmation. Or, il ressort de la décision attaquée, notamment de ses considérants 139, 210 et 212, que la Commission a intégré, aux fins de son analyse du critère de l’investisseur privé, les perspectives d’évolution du trafic de passagers au niveau de l’aéroport de Gdańsk et en Poméranie, et la requérante ne conteste pas la pertinence des données ainsi prises en compte.
176 Partant, la requérante n’établissant pas la réalité d’une atteinte au principe de bonne administration, le septième moyen doit être rejeté.
Sur le neuvième moyen, tiré d’une violation du principe de sécurité juridique
177 La requérante relève que, contrairement au dispositif de la décision 2014/883, la Commission n’a pas, dans la décision attaquée, déterminé le montant de l’aide que chaque associé de la société PLGK était tenu de récupérer, alors même que leurs apports étaient différents. Par ailleurs, les modalités de calcul des intérêts ne ressortiraient pas de la décision attaquée. En outre, la requérante ne disposerait d’aucune indication sur la proportion de l’aide octroyée par chaque associé de la société PLGK à affecter aux investissements nécessaires à la réalisation des activités relevant de tâches d’intérêt public. Elle ajoute que l’erreur de qualification des mesures de financement qu’elle a adoptées affecte nécessairement la légalité des articles 2 et 3 de la décision attaquée.
178 La Commission soutient que le moyen n’est pas fondé.
179 Il convient de rappeler que le principe de sécurité juridique, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les règles du droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, afin que les intéressés puissent s’orienter dans des situations et des relations juridiques relevant de l’ordre juridique de l’Union (voir arrêt du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission, C 81/10 P, EU:C:2011:811, point 100 et jurisprudence citée).
180 En substance, la requérante soutient que la décision attaquée, en tant qu’elle ne la met pas en mesure de déterminer le montant de l’aide qu’elle doit récupérer, crée une insécurité juridique.
181 À cet égard, il y a lieu de relever que c’est la République de Pologne qui est destinataire de la décision attaquée et qui, en cette qualité, est tenue de procéder à la récupération de l’aide en cause. Dès lors, la requérante n’est pas fondée à soutenir que l’obligation de récupération de l’aide lui incombe.
182 Par ailleurs, en tant que la requérante fait valoir que le dispositif de la décision attaquée ne contiendrait pas les indications permettant de calculer le montant de l’aide à récupérer, il y a lieu de rappeler qu’aucune disposition du droit de l’Union n’exige que la Commission, lorsqu’elle ordonne la restitution d’une aide déclarée incompatible avec le marché intérieur, fixe le montant exact de l’aide à restituer. Il suffit, à cet égard, que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant (voir arrêt du 6 mai 2015, Commission/Allemagne, C 674/13, non publié, EU:C:2015:302, point 40 et jurisprudence citée).
183 En l’espèce, premièrement, il ressort des éléments avancés par la Commission devant le Tribunal, qui n’ont pas été contestés par la requérante, que la République de Pologne n’a pas fait état de difficultés quant à la procédure de récupération de l’aide en cause.
184 Deuxièmement, certes, la décision attaquée n’identifie pas, en son dispositif, les montants mis à la disposition de la société PLGK et devant être récupérés, contrairement à la décision 2014/883, laquelle comportait des montants qui intégraient des financements visant à couvrir des activités relevant d’une tâche d’intérêt public et, partant, non considérés comme une aide d’État. Toutefois, la décision attaquée précise que l’aide à récupérer recouvre les apports en capital réalisés entre le 28 août 2007 et le 17 juin 2013 (article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée) et contient un tableau (tableau 3, considérant 57 de la décision attaquée) qui permet de déterminer les montants qui ont été apportés au capital de la société PLGK par chaque associé, ainsi que les dates de ces apports sur la période concernée. Ces dates constituent le point de départ du cours des intérêts majorant les montants à récupérer, au taux défini à l’article 3, paragraphe 2, de la décision attaquée. Cette décision contient par ailleurs une évaluation, sur la base des données fournies par les autorités polonaises, des investissements relevant d’une tâche d’intérêt public et qui ne font pas l’objet de la demande de récupération (considérants 107 et 108 de la décision attaquée).
185 Troisièmement, en tant que le moyen est fondé sur la prétendue qualification erronée des apports au capital de la société PLGK par le biais de la conversion d’une partie de la créance locative de la requérante, il suffit de rappeler que l’argumentation développée à cet égard a été écartée pour les motifs exposés aux points 61 à 85.
186 Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à soutenir que la décision attaquée ne comporte pas les indications nécessaires à la détermination correcte du montant de l’aide majorée des intérêts à récupérer.
187 La requérante n’ayant pas établi que la Commission avait violé le principe de sécurité juridique, le neuvième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.
Sur le dixième moyen, présenté dans la réplique, tiré de la violation du principe de proportionnalité
188 La requérante soutient, en substance, que le principe de proportionnalité figurant à l’article 5, paragraphes 1 et 4, TUE, a été méconnu. Elle reproche à la Commission d’avoir adopté la décision attaquée à un moment où elle n’était pas nécessaire pour assurer la protection du marché intérieur, dès lors qu’elle avait renoncé à son projet d’investissement initial. Elle se prévaut également des effets négligeables sur le marché intérieur de la mesure en cause.
189 La Commission soutient que ce moyen est nouveau et, partant, irrecevable et que, en tout état de cause, la requérante aurait commis une erreur dans l’identification du traité invoqué.
190 Selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés [arrêts du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, EU:C:1984:183, point 25, et du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C 611/17, EU:C:2019:332, point 55]. Ce principe est rappelé à l’article 5, paragraphe 4, TUE, ainsi qu’à l’article 1er du protocole (no 2) sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, annexé au traité UE et au traité FUE. En tant que principe général du droit de l’Union, le principe de proportionnalité est un critère de la légalité de tout acte des institutions de l’Union, y compris des décisions que la Commission adopte en sa qualité d’autorité de la concurrence (voir arrêt du 8 avril 2014, ABN Amro Group/Commission, T 319/11, EU:T:2014:186, point 75 et jurisprudence citée).
191 Le dixième moyen est fondé sur deux griefs. Le premier se confond avec celui qui a été présenté au soutien de la troisième branche des premier, deuxième, quatrième et cinquième moyens, tirée, en substance, d’une erreur quant à l’analyse de la distorsion de la concurrence et de l’affectation des échanges. Il est fondé sur ce que la Commission aurait dû prendre en compte la résiliation du contrat d’actionnaires et la situation de faillite de la société PLGK au jour de la décision attaquée aux fins d’apprécier l’effet de la mesure en cause sur les échanges entre États membres et sur la concurrence. Or, ce grief a été écarté pour les motifs exposés aux points 123 et 124 ci-dessus.
192 Le second grief est tiré de ce que l’aéroport de Gdynia-Kosakowo aurait été un petit aéroport régional relevant de la catégorie D selon les lignes directrices de 2005 et que, partant, son incidence sur le marché aérien aurait été négligeable. Ce grief est irrecevable en vertu de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, puisqu’il s’agit d’un grief nouveau, soulevé pour la première fois au stade de la réplique.
193 En tout état de cause, il n’est pas fondé.
194 En effet, l’importance relativement faible d’une aide ou la taille relativement modeste de l’entreprise bénéficiaire n’exclut pas a priori l’éventualité que les échanges entre États membres soient affectés (voir arrêt du 14 janvier 2015, Eventech, C 518/13, EU:C:2015:9, point 68 et jurisprudence citée). Certes, comme la requérante le relève, les lignes directrices de 2005, en leur paragraphe 39, indiquent que « les financements accordés aux petits aéroports régionaux (catégorie D) sont peu susceptibles de fausser la concurrence ou d’affecter les échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun ». Toutefois, il est immédiatement ajouté au paragraphe 40 de ces lignes directrices que, « [a]u-delà de ces indications générales, il n’est cependant pas possible d’établir un diagnostic adapté à la diversité des situations possibles, notamment pour les aéroports des catégories C et D » et que, dans ce contexte, « toute mesure susceptible de constituer une aide d’État à un aéroport devra être notifiée afin, notamment, d’examiner son effet sur la concurrence et les échanges entre les États membres et, le cas échéant, sa compatibilité ». Ainsi, les lignes directrices de 2005 prévoient un examen au cas par cas des aides accordées aux petits aéroports. Il ne saurait donc être exclu, sur cette base, qu’une telle aide puisse avoir un effet sur la concurrence ou sur les échanges entre États membres.
195 Il s’ensuit que le dixième moyen doit en tout état de cause être rejeté.
Sur le onzième moyen, présenté dans la réplique, tiré de la violation du principe de coopération loyale
196 La requérante fait valoir que la Commission a méconnu le principe de coopération loyale en raison de l’application rétroactive illégale des lignes directrices de 2014 à l’aide au fonctionnement, alors que les décisions les plus importantes concernant l’ensemble de la mesure en cause sont réputées avoir été prises en 2010. Par ailleurs, la Commission ne déterminerait pas le montant de l’aide de manière à en permettre une exécution correcte.
197 La Commission soutient que le grief relatif à l’application rétroactive des lignes directrices de 2014 est irrecevable et, en tout état de cause, inopérant et que le grief concernant l’insuffisante détermination du montant de l’aide à récupérer n’est pas fondé.
198 S’agissant du premier grief, tiré de l’application rétroactive illégale des lignes directrices de 2014 à l’aide au fonctionnement, force est de constater qu’il est irrecevable en vertu de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, puisqu’il s’agit d’un grief nouveau, soulevé pour la première fois au stade de la réplique.
199 À titre surabondant, ce grief est inopérant.
200 En effet, il ressort de la décision attaquée, lue à la lumière des points 140 à 142 et 148 de l’arrêt du 11 mars 2020, Commission/Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo (C 56/18 P, EU:C:2020:192), que la conclusion sur l’incompatibilité de l’aide au fonctionnement avec le marché intérieur repose sur deux fondements juridiques, à savoir, premièrement, l’incompatibilité de l’aide à l’investissement avec celui-ci et, deuxièmement, le fait que l’aide au fonctionnement ne remplit pas la première condition posée par le paragraphe 79 des lignes directrices de 2014. Le premier fondement, inhérent à la logique des dispositions du traité relatives aux aides d’État, est autonome et indépendant de l’application des lignes directrices de 2014, figurait déjà dans la décision 2014/883 et est suffisant aux fins de conclure à la non-compatibilité de l’aide au fonctionnement. Dans la mesure où la requérante n’a pas établi que la Commission avait commis une erreur en considérant que l’aide à l’investissement n’était pas compatible avec le marché intérieur, le premier fondement suffit à justifier la conclusion de la Commission quant à l’incompatibilité avec celui-ci de l’aide au fonctionnement.
201 S’agissant du second grief, il repose sur une argumentation qui se confond, en substance, avec celle développée au soutien du neuvième moyen, lequel a été rejeté pour les motifs détaillés aux points 179 à 185 ci-dessus. Les mêmes motifs justifient d’écarter le second grief.
202 Il s’ensuit que le onzième moyen doit en tout état de cause être rejeté.
203 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté.
Sur les dépens
204 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (sixième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La Gmina Kosakowo supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.