Cass. 3e civ., 27 mai 1998, n° 95-19.179
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beauvois
Rapporteur :
M. Guerrini
Avocat général :
M. Weber
Avocats :
SCP Piwnica et Molinié, SCP Waquet, Farge et Hazan
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 mai 1995), que, par acte du 3 septembre 1991, Mme X... a consenti aux époux Y... une promesse synallagmatique de vente portant sur divers biens immobiliers, pour un prix payable sous forme d'une rente viagère et avec réserve, au profit de la venderesse, d'un droit d'usage et d'habitation ; que les biens dépendant d'une zone sur laquelle était institué un droit de préemption urbain, une condition suspensive était stipulée, de non-exercice de ce droit par la commune ; que, par arrêté du 3 octobre 1991 notifié le même jour au notaire mandataire de la venderesse, le maire a déclaré exercer au nom de la commune le droit de préemption ; que Mme X... est décédée le 27 octobre 1991 ; que, le 21 novembre 1991, les époux Y..., ses légataires universels, ont fait connaître à la commune leur intention de ne plus procéder à la vente ; que celle-ci les a assignés pour faire constater l'existence de la vente à son profit ;
Attendu que les époux Y... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de sursis à statuer et de renvoi à la juridiction administrative de l'appréciation de la validité de l'arrêté municipal du 3 octobre 1991, alors, selon le moyen : 1° que le recours en appréciation de la validité d'un acte administratif sur renvoi de l'autorité judiciaire n'est soumis à aucune condition de délai ; que la cour d'appel qui, pour refuser de surseoir à statuer et déclarer les époux Y... forclos à agir en annulation, a relevé que la décision de préemption était définitive, faute d'avoir été attaquée dans le délai légal, a violé, par refus d'application, le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ; 2° que, subsidiairement, la cour d'appel ne pouvait retenir le caractère définitif de l'arrêté du 3 octobre 1991 sans constater qu'il avait fait l'objet d'une notification complète et régulière mentionnant les délais et voies de recours, de sorte qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 1er du décret n° 65-29 du 11 janvier 1965 ;
Mais attendu, d'une part, que l'exception d'illégalité n'étant pas perpétuelle à l'égard de l'arrêté du 3 octobre 1991 portant décision de préempter les biens objets de la promesse de vente, la cour d'appel en a exactement déduit que, faute d'avoir contesté cet arrêté devant la juridiction administrative dans le délai de deux mois à compter de sa notification, les époux Y... n'étaient pas fondés à se prévaloir de l'illégalité de cette décision qui fait suite à la déclaration d'intention d'aliéner adressée à la commune le 4 septembre 1991 ;
Attendu, d'autre part, que les époux Y... n'ayant pas contesté devant la cour d'appel la régularité de la notification de l'arrêté de préemption, le moyen, mélangé de fait et de droit, est, de ce chef, nouveau ;
D'où il suit que, pour partie irrecevable, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen :
Attendu que les époux Y... font grief à l'arrêt de constater l'existence de la vente des biens immobiliers cadastrés section H n° 127, entre eux-mêmes et la commune, alors, selon le moyen, 1° que, conformément à l'article 1179 du Code civil et à l'article L. 213-1 du Code de l'urbanisme, une promesse de vente conclue sous la condition suspensive du non-exercice du droit de préemption par son titulaire peut être légalement consentie ; que la cour d'appel qui, pour déclarer réalisée la vente du bien litigieux au profit de la commune de Bu, a déclaré inopposable à cette dernière la condition suspensive stipulée dans la promesse de vente formée entre Mme X... et les époux Y..., faute pour cette condition d'avoir été mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner, a, en statuant ainsi, violé les dispositions susvisées, ensemble l'article 1134 du Code civil ; 2° qu'aux termes de l'article R. 213-8 du Code de l'urbanisme, dans le cas où l'aliénation est envisagée sous forme de vente de gré à gré faisant l'objet d'une contrepartie en nature, le titulaire du droit de préemption notifie au propriétaire son offre d'acquérir le bien à un prix qu'il propose et, à défaut, son intention de faire fixer le prix du bien par la juridiction compétente ; que la cour d'appel, qui a dit parfaite la vente du bien litigieux, mais qui s'est abstenue de rechercher si les volontés respectives des parties s'étaient rencontrées sur le prix et les modalités de son paiement, a, en statuant ainsi, privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;
Mais attendu, d'une part, qu'en cas d'aliénation visée à l'article L. 213-1 du Code de l'urbanisme, le bénéficiaire du droit de préemption n'étant lié, comme il résulte des articles L. 213-2 et R. 213-5 du même Code, que par les conditions de la cession, la cour d'appel, qui a constaté que les conditions suspensives dont était assortie la promesse de vente, n'avaient pas été mentionnées dans la déclaration d'aliéner adressée à la commune, a justement retenu que ces conditions étaient inopposables à celle-ci ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant relevé, par motif adopté, que la cession moyennant rente viagère et réserve du droit d'usage et d'habitation, objet de la promesse de vente, constituait une aliénation de gré à gré sans contrepartie en nature, la cour d'appel a légalement justifié sa décision en retenant l'exercice par la commune de son droit de préemption aux conditions et prix proposés par la venderesse ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.