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Décisions

CA Aix-en-Provence, 3e et 4e ch., 23 septembre 2021, n° 21/00722

AIX-EN-PROVENCE

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Gr Negoce (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bourrel

Conseillers :

Mme Fillioux, Mme Alquie-Vuilloz

TJ Draguignan , du 3 déc. 2020, n° 20/03…

3 décembre 2020

FAITS, PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE :

Suivant contrat verbal avec effet au 5 février 2007 , Madame Jacqueline E. a donné à bail à la SARL GR Négoce un terrain situé à [...], cadastré sous le AN 82 section BH n° 615 moyennant un loyer trimestriel de 1 695 euros.

Le 29 mars 2019, Madame Jacqueline E. a fait délivrer un congé avec dénégation du droit au statut des baux commerciaux et refus de renouvellement sans indemnité d'éviction pour le 30 septembre 2019.

Suivant autorisation du 19 mai 2020, elle a assigné à jour fixe par acte du 28 mai 2020 la société GR Négoce en constatation de la résiliation du bail et en expulsion.

Par jugement contradictoire du 3 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Draguignan a validé le congé délivré par Madame E. le 29 mars 2019 avec effet le 1er octobre 2019 et a ordonné l'expulsion de la société GR Négoce avec le recours à la force publique et a fixé l'indemnité d'occupation à la somme de 1 000euros par mois et l'a condamnée au paiement d'une somme de 2 000euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La juridiction a estimé que la locataire qui revendique le statut des baux commerciaux ne rapportait pas la preuve de constructions édifiées sur le terrain lors de la prise d'effet du bail.

Le 15 janvier 2021, la société GR Négoce a interjeté régulièrement appel de ce jugement.

Dans ses conclusions déposées et notifiées le 26 février 2021, elle demande à la cour de :

Vu les dispositions de l'article L. 145-1, L. 145-9, L. 145-14 et L.145-28 du Code de commerce,

Reformer en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 3 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Draguignan.

A titre principal,

Dire et juger que le bail verbal consenti par Madame Jacqueline E. à la société GR Négoce à compter du 5 février 2007 constitue un bail soumis aux statuts des baux commerciaux conformément aux dispositions de l'article L.145-1 du code de commerce.

Condamner Madame E. à fournir à la société GR Négoce, sous astreinte de 100,00' par jour de retard, passé un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, un bail commercial écrit portant sur le terrain et les constructions sises à [...], cadastré section BH n°615 pour l'activité d'achat/vente, location de matériel, véhicules utilitaires et de tourisme, bateaux de commerce neufs ou d'occasion à l'exclusion de toute autre activité, versement d'un loyer trimestriel de 1 695,00.

Dire et juger en outre la société GR Négoce recevable et fondée à solliciter le paiement d'une indemnité d'éviction, en l'état du congé signifié par madame Jacqueline E. à effet du 30 septembre 2019.

Designer tel expert qu'il plaira avec mission décrite dans le corps des présentes conclusions à l'effet d'évaluer l'indemnité d'éviction due par madame E. à la société GR Négoce.

Dire et juger que la société GR Négoce bénéficie du droit au maintien dans les lieux jusqu'au versement de l'indemnité d'éviction.

Dire et juger que le montant de l'indemnité d'occupation due par la société GR Négoce sera fixée au montant du loyer pratiqué à la date de signification du congé soit 1.695,00 ' par trimestre échu.

A titre subsidiaire :

Débouter Madame E. de sa demande de fixation de l'indemnité d'occupation à compter du 1er octobre 2019 à la somme de 2 000,00 par mois.

Dire et juger que l'indemnité d'occupation due par la société GE Négoce jusqu'à son départ effectif des lieux ne pourra excéder la somme de 1 695,00 par trimestre correspondant au montant du loyer pratiqué à la date d'effet du congé avec refus de renouvellement du bail.

Condamner Madame Jacqueline E. à payer à la société GR Négoce la somme de 3 000,00 en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les frais et dépens.

Elle soutient que le statut des baux commerciaux doit recevoir application s' agissant de la location d'un terrain nu sur lequel a été édifié soit avant, soit après le bail, des constructions à usage commercial, et servant d'exploitation à un fonds de commerce que ces deux conditions se trouvent réunies en l'espèce, en effet, il est indiscutable :

- qu'une construction était édifiée sur la parcelle BH 615 antérieurement à la signature du bail puisqu'elle est représentée sur un ancien plan cadastral avant division de la parcelle BH 354, intervenue suivant document d'arpentage publié le 7 février 1968,

- que le premier juge a retenu l'existence de constructions soulignant qu'elles étaient 'manifestement très anciennes' que s'il s'agit de constructions très anciennes, elles existaient nécessairement antérieurement au mois de février 2007, que le constat d'huissier dressé le 22 juin 2020 le démontre.

Elle fait valoir qu'il ne peut être reproché au preneur son défaut d'immatriculation au registre du commerce, dès lors que ce défaut d'immatriculation est imputable au bailleur que la société GR Négoce a présenté le 11 juillet 2019, c'est-à-dire antérieurement à la date d'effet du congé, une demande d'immatriculation de l'établissement au registre du commerce et des sociétés qui lui a été refusée faute de production d'un bail écrit.

Aux termes de ses écritures déposées et notifiées le 29 avril 2021, l'intimée demande à la cour:

Vu les articles 1713 et suivants du Code civil, et L145-1, I, 2° du code de commerce

Vu le congé délivré le 29/03/2019

Vu les pièces versées aux débats,

Débouter la société GR Négoce de l'ensemble de ses demandes ;

Confirmer le jugement de 1ère instance dont appel rendu par la 1ère chambre civile du tribunal judiciaire de Draguignan le 3 décembre 2020,

Condamner la SARL Négoce au paiement de la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Elle considère au principal que le bail n'est pas soumis au statut des baux commerciaux en l'absence de volonté de soumettre la location audit statut, ce qui aurait pu être expressément décidé quand bien même les autres conditions feraient défaut, que de surcroît, aucun fonds de commerce n'est exploité dans les lieux à usage de dépôt et enfin compte tenu de la nature du bien loué, à savoir un terrain nu et ce en application de l'Article L.145-1, I, 2° du code de commerce.

Elle reconnaît qu'une construction est représentée sur les plans cadastraux établis en 1968 mais sans que cela démontre que le bâtiment faisait partie de parcelle donnée en location, le bail étant verbal l'étendue des lieux loués reste floue et ne vise qu'une partie de la parcelle BH 515.

Elle souligne que le constat montre que le bâtiment est constitué d'une ruine désaffectée et les bâtiments figurant au cadastre sur la parcelle BH 616 ont fait l'objet d'une destruction en raison de leur vétusté et qu'aucune exploitation commerciale ne pouvait y être exercée

Elle indique que dans tous les échanges entre les parties, il a toujours été question de la location d'un terrain, constitué d'une partie de la parcelle BH 615, y compris ceux émanant de la société GR Négoce.

Elle fait valoir que le défaut d'immatriculation du preneur au registre du commerce et des sociétés à la date de délivrance du congé n'est pas contesté et que le preneur, qui n'a pas procédé à une inscription, ne pourra se prévaloir d'un droit au renouvellement du bail portant sur les locaux.

Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties, l'ordonnance de clôture est intervenue le 26 mai 2021.

Motifs

Les terrains nus donnés à bail ne peuvent bénéficier du statut des baux commerciaux mais le statut s'applique aux baux de terrains nus sur lesquels le preneur a édifié des constructions à usage commercial, à la condition que ces constructions aient été élevées et exploitées avec le consentement exprès du bailleur.

Ces constructions doivent être caractérisées par leur solidité et leur fixité. Ainsi des constructions légères et aisément démontables telles que des baraques ou des bâtiments de type modulaire facilement et aisément démontables ou transportables, ne constituent pas des constructions ouvrant droit à la protection du statut.

De surcroît, ces constructions doivent avoir été édifiées et exploitées avec l'autorisation expresse et non équivoque du bailleur, la simple connaissance voir la tolérance par le propriétaire du terrain étant insuffisante à satisfaire cette condition.

Depuis 1952, Madame E. est propriétaire de trois parcelles de terrains situées [...] à savoir les parcelles N° 615 d'une superficie de 55 a et 44 ca, une parcelle N° 616 d'une superficie de 34ha et 60ca et une parcelle N°722 d'une superficie de 89ca, les parcelles proviennent de la division intervenue le 7 février 1968 de la parcelle unique enregistrée sous le numéro 354 jusqu'alors. Le document d'arpentage établi à celle occasion porte mention des constructions sur la parcelle qui deviendra n° 616 et d'une seule construction sur la parcelle n°615.

La société Foncage Horizontale 83, aux droits de laquelle est venue la société GR Négoce, occupe en vertu d'un bail verbal depuis au moins 1999 une partie de la parcelle 615 d'une superficie de 5 544m², sans que les limites exactes de son emprise au sol soient déterminées de sorte qu'il n'est pas établi que la construction visée par le document établi en 1968 était comprise dans les lieux loués.

De surcroît, il n'est nullement établi que la dite construction répond aux critères exigés pour être qualifié de construction au sens de l'article L. 145-1 du code de commerce. Le procès verbal de constat dressé le 22 juin 2020 par Maître A., huissier de justice, fait état d'un auvent entre des containers et d'un container à usage de bureaux, que ces éléments ne constituent pas des constructions au sens de l'article L. 145-1 du code de commerce, faute de permanence et de solidité. Il mentionne également la présence d'un bâtiment construit en parpaing surmonté d'une toiture en très mauvais état et sans pouvoir dater les constructions il précise qu'elles sont manifestement anciennes. Cette notion extrêmement subjective ne permet nullement de déterminer avec certitude l'année de construction et notamment leur antériorité à la prise de possession des lieux.

Ainsi, il ne résulte pas de ce constat que ce bâtiment ait été exploité par la locataire, Monsieur R. représentant la société GR Négoce, précisant au contraire devant l'huissier le bâtiment en parpaing constituant autrefois la maison du gardien du terrain et pour partie des bureaux, est aujourd'hui désaffecté' permettant d'en déduire une absence d'exploitation commerciale.

Il n'est d'ailleurs nullement fait état d'une autorisation d'exploitation concédée par la bailleresse.

De surcroît, les attestations de Messieurs G., Dioulouf et Paris et Mesdames G. et Treve mentionnent l'existence d'un dépôt sur le ' terrain' loué par la société GR Négoce à Madame E., aucun témoignage ne fait état de locaux, la bailleresse ne contestant pas l'existence d'un dépôt à ciel ouvert.

Les différentes correspondances échangées entre les parties et notamment celle émanant de la société GR négoce font état de la location d'un terrain. Il en est de même des quittances de loyer émises par la bailleresse.

Ainsi, le 27 avril 2009, Monsieur R. écrit au conseil de la bailleresse nous louons une partie des terrains de Madame E. depuis maintenant trente ans' 'j'ai porté plainte contre des gens que le propriétaire autorise à entrer sur le terrain. De surcroît, les quittances depuis au moins le 2 janvier 1999 sont intitulées par la bailleresse loyer terrains sans protestation ou réserve du locataire. Enfin, le 1er septembre 2003, Monsieur R., également gérant de la société Foncage 83 qui a précédé la société GR Négoce dans le bail, indique dans un courrier adressé à la bailleresse veuillez trouver ci joint un chèque concernant la location de votre terrain.

L'absence de constructions et de location d'un terrain nu et par conséquent de bail commercial se déduit de l'ensemble des ces éléments.

Il convient dès lors de confirmer le jugement de première instance.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Attendu que la décision des premiers juges sur l'article 700 du code de procédure civile sera confirmée et il sera alloué en sus à Madame E. la somme de 3 000 au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant publiquement par arrêt contradictoire :

Confirme le jugement déféré rendu le 3 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Draguignan en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Condamne la SARL GR Négoce à payer la somme de 3 000euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL GR Négoce aux dépens d'appel.