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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 1, 16 décembre 2021, n° 18/04260

DOUAI

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Ecodis (SARL)

Défendeur :

Pizza City (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

M. Gilles, Mme Créon

T. com. Dunkerque, du 18 juin 2018, n° 2…

18 juin 2018

Vu le jugement du 18 juin 2018 du tribunal de commerce de Dunkerque qui a :

- déclaré prescrite la demande en nullité du contrat de franchise du 29 septembre 2010 entre la Sarl Ecodis et la Sarl Pizza City, et irrecevable la demande en garantie de condamnation en contrefaçon ;

- débouté la société Ecodis et M. X de leurs demandes de résolution du contrat de franchise, de restitution et de paiement de dommages et intérêts ;

- déclaré le contrat résilié à compter du 10 décembre 2014 ;

- condamné la société Ecodis au paiement de la somme de 6 424,61 euros pour solde de redevances ;

- condamné Ecodis et M. X solidairement entre eux au paiement de 2 000 euros au titre de l'art 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens, liquidés pour frais de greffe à la somme de 88,93 euros TTC ;

Vu la déclaration d'appel du 21 juillet 2018 de la société Ecodis et de M. X à l'encontre de la société SAS Pizza City, portant sur l'ensemble des dispositions du jugement,

Vu les dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 3 février 2021 par la société Ecodis et M. X, qui demandent à la cour de :

- déclarer recevable et fondé l'appel interjeté ;

A titre principal,

- juger que l'action en nullité pour erreur sur la rentabilité de la franchise n'est pas prescrite ;

- juger que la société Pizza City s'est abstenue de communiquer des informations essentielles permettant d'apprécier la rentabilité de la franchise et d'autre part a fourni des informations fournies erronées ;

- juger que le contrat de franchise doit être annulé pour erreur sur la rentabilité ;

En conséquence,

- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Dunkerque en ce qu'il a déclaré prescrite la demande de nullité ;

- prononcer la nullité du contrat de franchise ;

- condamner la Sarl Pizza City à verser à la société Ecodis les sommes de :

- 75.424,32 euros TTC ;

- 2.510,28 euros titre de dommages et intérêts correspondant aux frais de reconversion ; l'ensemble avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation et avec capitalisation des intérêts par application de l'article ancien 1154 du code civil ;

- condamner la Sarl Pizza City à verser à M. X la somme de 74 005 euros avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation et avec capitalisation des intérêts par application de l'article ancien 1154 du code civil ;

A titre subsidiaire,

- juger que la Sarl Pizza City a commis une faute en cédant, au cours de la franchise, son fonds de commerce comprenant notamment la marque Pizza City à la société SAS Pizza City ;

- juger que la société Pizza City a commis une faute en méconnaissant son obligation précontractuelle d'information ;

- juger que le contrat de franchise conclu avec la société Ecodis doit être résolu aux torts exclusifs de la Société Pizza City ;

En conséquence,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Dunkerque, en ce qu'il a refusé de prononcer la résolution judiciaire du contrat de franchise aux torts exclusifs de la Sarl Pizza City ;

- prononcer la résolution judiciaire du contrat de franchise conclu entre les sociétés Ecodis et Pizza City ;

- condamner la Sarl Pizza City à verser à la société Ecodis les sommes de :

- 75 424,32 euros TTC ;

- 15 000 euros titre de dommages et intérêts ;

- 2 510,28 euros titre de dommages et intérêts correspondant aux frais de reconversion ;

l'ensemble avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation et avec capitalisation des intérêts par application de l'article ancien 1154 du code civil ;

- condamner la société Pizza City à verser à M. X la somme de 74.005 euros avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation et avec capitalisation des intérêts par application de l'article ancien 1154 du code civil ;

En tout état de cause,

Sur la demande de garantie :

- juger que le tribunal de commerce de Dunkerque a soulevé d'office son incompétence sans avoir préalablement entendu les parties sur ce point ;

- juger que le tribunal de commerce de Dunkerque était compétent pour examiner la demande relative à la garantie de la société Pizza City ;

- juger que la Sarl Pizza City doit garantir la société Ecodis de toutes les sommes mises à sa charge par le tribunal de grande instance de Lille et par la Cour d'appel de Douai au bénéfice de la SAS Pizza City ;

En conséquence,

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Dunkerque en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour apprécier demande en garantie ;

- condamner la Sarl Pizza City à verser à la société Ecodis la somme de 14 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation et avec capitalisation des intérêts par application de l'article ancien 1154 du code civil ;

Sur l'arriéré de redevance,

- juger que si la nullité ou résolution contrat aux torts de la société Pizza City est prononcé, la demande de paiement de redevances n'a pas lieu d'être ;

- juger que la société Pizza City ne rapporte pas la preuve de l'absence de paiement des redevances ;

En conséquence,

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Dunkerque en ce qu'il a condamné la société Ecodis au paiement de la somme de 6 426,61 euros ;

- débouter la société Pizza City de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la société Pizza City à verser, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à la société Ecodis 5.000 euros et aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 18 juin 2019 par la société Sarl Pizza City, désignée par erreur SAS Pizza city, qui demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Dunkerque du 18 juin 2018 ;

- dire la demande en nullité du contrat de franchise prescrite ;

A titre subsidiaire,

- juger la demande en résolution du contrat pour non -respect par le franchisé de ses obligations pré-contractuelles prescrite et subsidiairement mal fondée, et la rejeter ;

En tout état de cause,

- constater le non-paiement des redevances à compter d'octobre 2012 et des manquements réguliers de la société Ecodis à ses obligations contractuelles découlant du contrat de franchise ;

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de franchise aux torts et griefs de la société Ecodis, société franchisée ;

- débouter purement et simplement la société Ecodis de ses prétentions tendant à voir prononcer la résolution du contrat de franchise aux torts et griefs de la société Pizza City et voir obtenir la condamnation de la société concluante à lui payer d'une part la somme de 75 424, 32 euros TTC, d'autre part des dommages et intérêts à hauteur de 15 000 euros et enfin la somme de 2 510,28 euros à titre de dommages et intérêts correspondant aux frais de reconversion ;

- débouter M. X de sa demande tendant à voir condamner la société Ecodis à lui payer la somme de 74 005 euros à titre de dommages et intérêts ;

- débouter la société Ecodis de sa demande tendant à obtenir que la société Pizza City la garantisse de toutes sommes mises à sa charge par le tribunal de grande instance de Lille ainsi que toutes les sommes que pourra mettra à sa charge la cour d'appel de Douai ;

Y ajoutant,

- condamner in solidum la société Ecodis et M. X à payer à la société concluante une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure d'appel :

- les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Vu l'ordonnance de clôture du 16 décembre 2020,

Vu l'arrêt du 21 janvier 2021 ordonnant la réouverture des débats pour permettre aux parties de produire leurs observations sur l'appel formé à l'encontre de la SAS Pizza City,

Vu l'ordonnance du 16 septembre 2021du conseiller de la mise en état, relevant l'erreur matérielle dans la désignation de l'intimé par les appelants qui entendaient manifestement diriger leur recours contre la Sarl Pizza City, et déclarant l'appel formé à l'encontre de la société SAS Pizza City recevable,

SUR CE

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé que la Sarl Pizza City exploite un réseau de franchise de magasins de restauration rapide sur le créneau de la pizza à bon prix toute l'année, autour de la marque « Pizza City ».

La société Ecodis, gérée par M. X, a rejoint le réseau par signature le 29 octobre 2010 d'un contrat de franchise portant concession de la marque Pizza City, en vue de l'exploiter comme enseigne d'un lieu de restauration rapide, pour une durée de cinq ans renouvelable par tacite reconduction.

Cette concession de marque s'appliquait également à la diffusion de la gamme des produits de la Sarl Pizza City.

Le 29 août 2014, le gérant de la Sarl Pizza City a informé la société Ecodis de son intention de céder son fonds de commerce, ce à quoi celle-ci a déclaré s'opposer.

Le 21 novembre 2014, la Sarl Pizza City a cédé son fonds de commerce comprenant notamment la marque Pizza City à la société Sas Pizza City ; le 13 décembre 2014, le notaire a notifié l'acte de cession à la société Ecodis, lui précisant que celle-ci n'incluait pas ledit contrat de franchise au vu du refus qu'elle avait exprimé de son transfert au bénéfice du cessionnaire.

Le 18 décembre 2014, la société Ecodis a confirmé au notaire son refus. Une copie de l'acte de cession lui a été remise, qui mentionnait :

"Le cédant, seul contractant de la Sarl Ecodis en raison de l'opposition de ce dernier au principe de la cession, déclare vouloir faire son affaire personnelle de la résiliation du contrat de franchise relatif à l'établissement de Somain. Il prendra en charge l'ensemble des conséquences juridiques comme financières, de cette résiliation, quelles qu'elles soient, ainsi qu'il s'y engage expressément, de manière à ce que le cessionnaire ne soit jamais inquiété à ce sujet.

Le cessionnaire déclare toutefois faire son affaire personnelle du retrait par le franchisé de toute marque distinctive le liant au réseau qu'il a quitté".

Le 10 mars 2015, SAS Pizza City a mis en demeure la société Ecodis de cesser sous quinzaine d'utiliser ses signes distinctifs. Celle-ci lui a fait réponse qu'elle utilisait la marque Pizza City en application du contrat conclu avec la Sarl Pizza City.

Le 11 juin 2015, la société Sas Pizza City a assigné la Sarl Ecodis afin de faire cesser les faits de contrefaçon dont elle s'estimait victime. Le 29 septembre 2016, le tribunal de grande instance de Lille a fait droit à sa demande en condamnant la Sarl Ecodis pour contrefaçon à verser à la Sas Pizza City la somme de 10.000 euros à titre des dommages et intérêts, et à cesser d'utiliser la marque Pizza City enregistrée sous le numéro 3745384 sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 30ème jour à compter de la signification du jugement. Il a été fait appel de ce jugement, l'affaire étant encore pendante devant la cour d'appel de Douai.

Parallèlement, la société Ecodis a assigné le 30 septembre 2016 la Sarl Pizza City devant le tribunal de commerce de Dunkerque aux fins de voir prononcer la nullité du contrat de franchise, et subsidiairement, de voir engager la responsabilité délictuelle de la Sarl Pizza City pour manquements à ses obligations précontractuelles d'information, de voir prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la Sarl Pizza City et de la voir condamner à verser la somme de 108.000 euros.

C'est dans ce contexte qu'est intervenue la décision dont appel.

Sur la prescription, la société Ecodis et M. X font valoir que l'action en nullité pour erreur sur la rentabilité est enfermée dans un délai de cinq ans à compter de la découverte de l'erreur ou du dol et non à compter de la conclusion du contrat de franchise, que la société Ecodis ne pouvait connaître qu'à la fin de la deuxième année d'exploitation le caractère erroné du chiffre d'affaire annuel de 235 000 euros qui lui avait été présenté, et ce d'autant plus qu'elle n'a eu aucune information sur le marché local et ses perspectives de développement.

Sur le fond, ils soutiennent que la société Ecodis n'a pu apprécier la rentabilité de la franchise sans disposer d'une présentation par le franchiseur du marché local, ce qui ne lui a pas permis de s'engager en connaissance de cause, qu'elle s'est fiée en toute bonne foi aux prévisions du chiffre d'affaires, qui ont été déterminantes de son consentement, et qu'elle ne pouvait déceler le défaut de rentabilité ; ils soutiennent qu'en tout état de cause il y a lieu à tout le moins de prononcer la résolution judiciaire du contrat de franchise aux torts exclusifs de la Sarl Pizza City, en raison du fait que les informations prévues aux articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce et relatives à l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités, ne lui ont pas été communiquées dans les termes prévus par la loi et le règlement, brouillant l'image du réseau et l'attrait potentiel qu'il pouvait présenter ; ils vont valoir que le contrat de franchise conclu entre les sociétés Ecodis et Sarl Pizza City étant un contrat à durée déterminée conclu le 29 septembre 2010 et devant se terminer le 28 septembre 2015, ne permettait pas au franchiseur de se désengager du contrat de franchise et de céder son réseau avant le terme du contrat, qu'il s'agit d'un contrat intuitu personae, et que par son refus la société Ecodis n'a commis aucune faute en n'acceptant pas la cession de son contrat de franchise, et que la Sarl Pizza City, en cédant son fonds de commerce à la Sas Pizza City, a manqué à ses engagements contractuels vis à vis de la société Ecodis ; ils présentent des demandes indemnitaires identiques en cas d'annulation ou de résolution du contrat de franchise, soutenant que la société Sarl Pizza City doit le remboursement à la société Ecodis de l'ensemble de ses frais à hauteur de la somme de 75.424,32 euros TTC, outre 2 510, 28 euros correspondant à ses frais de reconversion, et à M. X 54 000 euros de manque à gagner au regard des prévisions de rémunération qui avaient été établies à 18 000 euros dès la première année d'exploitation, et 20.000 euros au titre de la perte de chance d'avoir pu faire une meilleure utilisation de ses fonds s'il n'était pas entrée dans la franchise, et enfin, au titre du préjudice moral et des tracas qu'il a subi en raison de la création d'un point de vente non rentable et de l'exploitation déficitaire consécutive une somme de 5.000 euros ; enfin, la société Ecodis doit verser à la Sas Pizza City la somme de 14.500 euros au titre d'une action en contrefaçon, ce qui est la conséquence directe de la cession du fonds de commerce à la SAS Pizza City, et la Sarl Pizza City lui doit donc la garantie de ces sommes.

La Sarl Pizza City oppose :

- que la demande en nullité du contrat de franchise est prescrite pour avoir été formée plus de cinq ans après sa signature, qu'en outre, les chiffres de rentabilité prévisionnelle ont été établis par le cabinet Z. et non par elle, qu'en préambule du contrat de franchise d'octobre 2010, la société Ecodis a reconnu avoir reçu le 28 septembre 2009 un document d'information précontractuelle ainsi que le projet de contrat de franchise pour examen et avoir disposé d'un délai minimum de 20 jours pour les étudier, qu'elle avait tout loisir à réception de celui- ci soit de ne pas contracter, si elle pensait être insuffisamment avertie, soit d'agir en nullité rapidement, qu'elle ne s'est pas manifestée du 28 septembre 2009 au 30 septembre 2016, qu'enfin, le point de départ de l'action en nullité concernant un document d'information précontractuelle court à compter de la remise du document (28 septembre 2009) ou de la formation du contrat (29 octobre 2010) puisque c'est à cette date que ces griefs étaient connus, qu'en l'espèce, sur la base de ces éléments, la prescription quinquennale est acquise ;

- que le vice du consentement n'est pas démontré, qu'elle a parfaitement respecté son obligation de loyauté et de sincérité en donnant des informations sur le montant de l'investissement à consentir, l'état et les perspectives du développement du marché concerné ; qu'il n'est pas prévu par les textes qu'il soit remis au franchisé des documents comptables annuels des deux derniers exercices, que rien n'empêchait celui-ci de demander des informations complémentaires s'il s'estimait insuffisamment renseigné, qu'une année complète s'est écoulée entre la production du document précontractuel et la signature du contrat de franchise ;

- qu'elle n'a jamais assuré la société Ecodis d'un montant de chiffre d'affaires ni de la perspective pour son gérant d'obtenir un salaire annuel de 18 000 euros, que le prévisionnel a été établi par le cabinet comptable Z., son rôle personnel se limitant à donner des informations sur les investissements spécifiques à l'enseigne avant le démarrage de l'activité, qu'elle ne doit pas la garantie du prévisionnel, et que les résultats d'exploitation de la société Ecodis décevants résultent aussi de l'importance des achats et frais, et qu'un fonds de commerce est rarement rentable dès la première année ;

- au titre des demandes indemnitaires en cas d'annulation du contrat, que seule la restitution des sommes qui lui ont été versées, à savoir : les frais de réservation, les redevances ainsi que les frais d'installation payés directement à la société Pizza City, peuvent donner lieu à restitution ;

- concernant la mise en jeu de sa responsabilité civile, que la société Ecodis ayant refusé de poursuivre le contrat de franchise avec le cessionnaire, ne peut solliciter l'indemnisation de ses frais de reconversion, et que M. X ne justifie aucun des préjudices dont il demande réparation pour solliciter l'octroi de la somme totale de 74 005 euros de dommages et intérêts (nb: somme s'élevant à 79 000 euros dans la discussion des conclusions) ;

- que le contrat de franchise, à exécution successive, ne peut être résolu mais au mieux résilié pour l'avenir, et ne peut entraîner la disparition rétroactive des effets déjà produits ; qu'en outre, la société Ecodis peut d'autant moins se prévaloir d'un manquement contractuel du franchiseur, qu'elle même ne transmettait pas son chiffre d'affaire, ne payait plus ses redevances depuis octobre 2012, qu'elle s'est opposée à la cession du fonds de commerce à la SAS Pizza City et cependant a continué à utiliser la marque « Pizza City » jusqu'en septembre 2015 sans rien payer ni au cédant ni au cessionnaire; que la résiliation du contrat doit être prononcé aux torts de la société Ecodis, le comportement du gérant de la société Ecodis, M. X, tant lors de l'exécution du contrat de franchise que lors de la cession démontrant que le contrat n'a jamais été exécuté de bonne foi ; qu'elle a refusé de façon discrétionnaire d'agréer le repreneur du contrat de franchise et doit être considérée comme responsable de la rupture du contrat ;

- que la Sarl Pizza City ne pourra garantir aucune des sommes mises à la charge de la société Ecodis dans le cadre de l'action en contrefaçon puisqu'elle n'a pas valablement été appelée à l'instance devant le tribunal de grande instance de Lille et qu'elle n'a pas pu faire valoir sa défense ;

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité du contrat de franchise

Aux termes de l'article 2224 du code civil issu de la loi du 17 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Les appelants fondent leur demande de nullité du contrat de franchise du 29 octobre 2010 sur d'une part l'insuffisance des informations précontractuelles qui leur ont été dispensées notamment au regard de l'état du marché, et d'autre part l'erreur qu'ils auraient commise sur la rentabilité de l'opération, ayant découvert selon eux que le chiffre d'affaire annuel de 235 000 euros qu'ils prétendent leur avoir été présenté était totalement erroné.

Concernant les informations précontractuelles, elles sont définies par les articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce et doivent comporter des éléments complets permettant l'identification juridique du franchiseur, l'appréciation de son expérience, le contenu du contrat, l'état du marché, l'information sur le réseau de franchisés.

En l'espèce, celles-ci ont été délivrées par la Sarl Pizza City à la société Ecodis le 28 septembre 2009, plus d'une année avant la signature du contrat de franchise le 29 octobre 2010, délai durant lequel la société Ecodis a pu avoir connaissance des insuffisances du dossier, susceptibles de l'induire en erreur, notamment l'état du marché, avait le devoir de s'informer, vérifier, recouper, valider les renseignements reçus, accomplir les diligences normales d'un chef d'entreprise de sorte que l'erreur alléguée, résultant de faits qui pouvaient être connus du franchisé avant la signature du contrat le 29 octobre 2010, plus de cinq ans avant la date de l'assignation le 30 septembre 2016, est prescrite et ne peut plus fonder la demande de nullité du contrat de franchise en raison des insuffisances du dossier d'informations précontractuelles.

Concernant l'erreur sur la rentabilité résultant de prévisions trop optimistes, dans un courrier versé aux débats, adressé le 8 mars 2014 à M. Y (pièce 37 des appelants), M. X. a déclaré :

"De même, nous ne pouvons que rappele(r) une fois encore, méprisant toujours le fait de nous répondre sur ce point pour le moins important, que vous nous avez abusé et trompé pour que nous acceptions de signer le contrat de franchise en nous faisant croire que, dès la première année d'exploitation, nous pourrions réaliser un minimum de chiffre d'affaire de HT 235 000 euros soit 19.553 euros /mois pour être au minimum rentable.

Nous vous rappelions toujours également que vous ne pouvez nier cette réalité, que peu de franchises atteignent ce chiffre d'affaire même au terme de plusieurs années d'exploitation, que tant ont disparu, faute de ne le pouvoir.

Si nous avions été informés que nous ne pouvions en réalité atteindre déjà ce chiffre d'affaire dès la première année d'exploitation auquel vous vous engagiez dont par prévisionnel, nous n'aurions pas signé le contrat de Franchise".

Il résulte de ces déclarations que les faits susceptibles de caractériser l'erreur de rentabilité attendue de la société Ecodis et de son gérant M. X ont été connus d'eux au terme de la première année d'exploitation, que le point de départ de la prescription de leur action sur ce fondement se trouve reporté au 29 octobre 2011 de sorte que l'action en nullité pour erreur sur la rentabilité prévisionnelle de la société Ecodis pouvait être exercée jusqu'au 29 octobre 2016, et que la demande en nullité de ce chef ayant été formée par les appelants le 30 septembre 2016, est recevable.

Le jugement dont appel sera en conséquence infirmé du chef de l'acquisition de la prescription de la demande de nullité du contrat de franchise.

Sur la nullité du contrat de franchise

L'espérance de gain étant déterminante du consentement du franchisé, une erreur de celui-ci sur la rentabilité de l'activité entreprise est substantielle et constitue un vice du consentement sanctionné par la nullité du contrat.

Il est admis que l'erreur sur la rentabilité d'une franchise ne peut conduire à la nullité du contrat pour vice du consentement du franchisé si elle ne procède pas de données établies et communiquées par le franchiseur.

Les appelants font valoir qu'ils ont été déterminés dans leur consentement au contrat par les perspectives de chiffre d'affaires proposées par le dossier prévisionnel.

Celui-ci a été établi par le cabinet comptable Z., mandaté par la société Ecodis.

Le prévisionnel du cabinet Z. et les comptes de résultats de la société Ecodis pour les années 2011 et 2012 démontrent que, concernant l'année 2010-2011, invoquée comme celle sur laquelle a été commise l'erreur sur la rentabilité fondant la demande, un chiffre d'affaire de 220 00 HT euros était entrevu alors que celui réalisé a été de 130 230 euros HT, et pour l'année 2012-2013, un chiffre d'affaires de 226 000 euros HT était prévu alors qu'il n'a été que de 170 772 euros.

Les appelants produisent :

- en pièce 36, un courrier du cabinet Z. du 13 janvier 2012 indiquant à la société Ecodis en réponse à sa mise en cause pour manquement à un devoir de conseil, que 'le chiffre d'affaires a été évalué par (son) franchiseur Pizza City comme mentionné en page 3 du dossier prévisionnel, (qu'il n'est ) en aucun cas responsable de cette insuffisance de chiffre d'affaires' ;

- en pièce 12, un courriel de M. A du 25 juin 2010, du cabinet Z. qui lui rappelait les tarifs convenus avec le franchiseur pour ce qui concernait les interventions du cabinet d'expertise comptable auprès des franchisés Pizza City, indiquant à M. X : " M. B (présenté comme le directeur commercial de la Sarl Pizza City par la société Ecodis dans ses dernières conclusions) vient de me communiquer les éléments pour établir le prévisionnel".

Il en résulte que le prévisionnel a été établi par le cabinet Z. mandaté par la société Ecodis, qui disposait, outre les chiffres communiqués par M. B et dont la nature exacte n'est pas précisée, des résultats des autres franchisés Pizza City, constituant également des éléments comptables de comparaison pour proposer un prévisionnel.

La Sarl Pizza City n'étant pas l'auteur du dossier prévisionnel, celui-ci ne peut être retenu comme élément fondant une erreur sur la rentabilité de la franchise de nature à permettre de prononcer la nullité du contrat.

Au demeurant, les résultats comptables de la Sarl Pizza City pour l'exercice 2009, annexés à l'information précontractuelle, présentant un chiffre d'affaires HT de 251 840 euros et un résultat net de 7 843 euros, ne mettent pas en évidence que les prévisions du cabinet Z. étaient grossièrement optimistes.

Il ne peut donc être prononcé de nullité du contrat de franchise pour erreur sur la substance.

La demande sera rejetée.

Sur la demande de résolution du contrat de franchise

Les appelants sollicitent de voir le contrat de franchise résolu et font valoir à cette fin que la société Pizza City a commis diverses fautes, d'une part en méconnaissant son obligation précontractuelle d'information, d'autre part en cédant, au cours de la franchise, son fonds de commerce comprenant notamment la marque Pizza City à la société SAS Pizza City.

Il est admis qu'un manquement du franchiseur dans la mise en oeuvre de ses obligations d'information précontractuelle ne peut être sanctionné que par la nullité du contrat fondée sur un vice du consentement ; elle ne constitue pas une cause de résolution du contrat et le moyen doit être écarté.

Le contrat de franchise étant un contrat à exécution successive, son inexécution entraîne sa résiliation aux torts de l'auteur de la faute contractuelle.

La faute alléguée par le franchisé, résultant de la cession du contrat par le franchiseur, intervenue le 13 décembre 2014, alors que le contrat était d'une durée déterminée de 5 ans, prévoyant un terme contractuel au 28 septembre 2015, ne remet pas en question l'exécution antérieure du contrat, aucune faute du franchiseur n'étant alors caractérisée, et ne peut donc fonder une résolution du contrat ;

La demande de résolution du contrat sera rejetée ; dès lors, les demandes de restitution et de dommages et intérêts en résultant seront également rejetées.

Le jugement dont appel confirmé de ce chef

Sur la résiliation du contrat de franchise et le paiement des redevances

Le contrat de franchise est un contrat par lequel le franchiseur confère au franchisé le droit de réitérer, sous son enseigne, à l'aide de ses signes de ralliement de la clientèle au premier rang desquels figure la marque, et celle de son assistance continue, le système de gestion qu'il a préalablement expérimenté ; il doit fournir au franchisé un savoir-faire et une assistance technique et commerciale tout au long de la franchise.

La cession du contrat par le franchiseur ne fait pas obstacle au maintien des relations contractuelles avec le franchisé, qui peut choisir de les poursuivre avec le cessionnaire reprenant les droits et obligations du cédant, conservant dès lors le bénéfice de l'enseigne et sa créance d'assistance technique ; dès lors, le caractère intuitu personae du contrat fondé sur les avantages que le franchiseur peut garantir ne constitue pas un obstacle à la cession du contrat, qui ne constitue pas une faute dans l'exécution du contrat.

En l'espèce, il ressort des éléments versés aux débats que :

- par courrier du 29 août 2014, M. Y, gérant de la Sarl Pizza City, a informé la société Ecodis et M. X de son projet de cession de son affaire à M. D, animateur de réseau au sein de la franchise, et de M. E, responsable du magasin Pizza City Wormhout ; il précisait: "ce changement n'entraînera aucune modification dans le mode de fonctionnement de la franchise et ne peut qu'être favorable aux franchisés par un apport de sang neuf. E et D possèdent toutes les compétences à poursuivre sereinement le concept de la franchise, la méthodologie de fabrication, les moyens publicitaires, les négociations fournisseurs, la disponibilité et l'écoute auprès des franchisés (...) Ce changement sera effectif avant la fin de l'année 2014";

- par réponse du 5 septembre 2014, M. X a informé la Sarl Pizza City de son intention de s'opposer à la vente ;

- le 1er décembre 2014, la société SAS Pizza City a mis M. X en demeure de s'exprimer sous huitaine sur sa volonté ou non de poursuivre les relations commerciales avec elle-même, en qualité de repreneur successeur du franchiseur; il était clairement précisé:  "à défaut de réponse pour le 10 décembre 2014, nous considérerons que vous ne souhaitez pas poursuivre le contrat de franchise avec notre société et vous voudrez bien en conséquence déposer l'enseigne et supprimer tout élément distinctif de la marque Pizza City" ;

- le 13 décembre 2014, le notaire a confirmé à la société Ecodis la régularisation de la cession le 21 novembre 2014 du fonds de commerce de la Sarl Pizza City à la SAS Pizza City, et la prise en compte de son refus exprimé le 5 septembre 2014 du transfert de son contrat de franchise.

Il n'est pas justifié d'une réponse de la société Ecodis à la SAS Pizza City avant le 10 décembre 2014.

Il y a donc lieu de déclarer que le contrat de franchise du 29 octobre 2010 a été résilié à la date du 10 décembre 2014.

La Sarl Pizza City fait valoir que la société Ecodis reste lui devoir la somme de 6 424,61 euros au titre se rapportant aux redevances et participations à la publicité facturés entre les mois de janvier 2013 et septembre 2014, et sollicite de voir prononcer la résiliation aux torts de celle-ci en raison de ses manquements contractuels et sa condamnation à lui payer les dites sommes.

Aux termes de l'article 1315 du code civil dans sa version applicable aux faits de l'espèce, "Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation".

Le contrat de franchise prévoyait à l'article 10 "Redevances" le paiement au franchiseur par le franchisé d'une redevance mensuelle de 4% du chiffre d'affaire HT du mois en contrepartie de l'usage de la marque et de l'assistance commerciale, et d'une participation au budget publicitaire de 1% du chiffre d'affaires mensuel HT.

Les éléments du dossier témoignent de difficultés récurrentes dès l'année 2011 pour le franchiseur à être payé des redevances contractuelles, la société Ecodis ne communiquant en outre que très irrégulièrement son chiffre d'affaires nécessaire au calcul de celle-ci.

Dans leur dernières conclusions, les appelants opposent qu'il appartient à la société Sarl Pizza City de rapporter la preuve que la société Ecodis n'a pas payé ses factures et font valoir que si un tel impayé avait existé, le franchiseur n'aurait pas manqué de mettre en oeuvre l'article 16 du contrat de franchise prévoyant une résiliation du contrat après mise en demeure d'un mois restée infructueuse.

Cependant, ils ne justifient pas d'un paiement libératoire des factures.

Ce défaut de paiement justifie donc de voir prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts de la société Ecodis et de condamner cette dernière au paiement de la somme de 6 424,61 euros pour solde de redevances.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de garantie à l'encontre de la société Sarl Pizza City des condamnations prononcées par le tribunal de grande instance de Lille

Le tribunal de commerce a déclaré la demande en garantie de M. X irrecevable en relevant dans la motivation de sa décision que demandée au titre de la condamnation pour contrefaçon, celle-ci relevait à l'évidence d'une appréciation par le juge de la contrefaçon et non pas par lui-même.

La cour étant juridiction d'appel tant du tribunal de commerce de Dunkerque que du tribunal judiciaire de Lille, il y a lieu de statuer sur l'appel en garantie.

M. X fonde son appel en garantie sur la faute qu'aurait commise selon lui la société Sarl Pizza City en cédant le contrat de franchise à la société SAS Pizza City.

Cependant, outre le fait qu'il a été statué sur la faute alléguée de la Sarl Piza City dans les développements précédents et que la cour a dit que celle-ci n'était pas établie, l'appel en garantie d'une condamnation prononcée pour des faits de contrefaçon ne peut se fonder que sur la participation de l'appelée en garantie aux dits faits, ce qui en l'espèce est sans lien avec les fautes de la Sarl Pizza City sur lesquelles M. X fonde sa demande.

En conséquence, la demande sera rejetée.

Sur les indemnités procédurales et les dépens

Les dispositions du jugement dont appel relatives aux frais de procédure et aux dépens seront confirmées.

En outre, le sens du présent arrêt commande de condamner la société Ecodis à payer à la société Sarl Pizza City la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et condamne in solidum M. X et la société Ecodis aux dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevable la demande en nullité du contrat de franchise fondée sur le chef de l'irrégularité du dossier d'information précontractuelle ;

Rejette la fin de non recevoir de la demande de nullité du contrat de franchise, tiré de la prescription de l'erreur sur la rentabilité ;

Confirme le jugement du 18 juin 2018 du tribunal de commerce de Dunkerque en ce qu'il a :

- débouté la société Ecodis et M. X de leurs demandes de résolution du contrat de franchise, de restitution et de paiement de dommages et intérêts ;

- déclaré le contrat résilié à compter du 10 décembre 2014 ;

- condamné la société Ecodis au paiement de la somme de 6 424,61 euros pour solde de redevances ;

- condamné Ecodis et M. X solidairement entre eux au paiement de 2 000,00 euros au titre de l'art 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens, liquidés pour frais de greffe à la somme de 88,93 euros TTC ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau dans la limite de ces chefs et y ajoutant,

Rejette la demande d'annulation du contrat de franchise pour erreur sur la rentabilité ;

Rejette les demandes de restitution et de dommages et intérêts de la société Ecodis correspondant aux frais de reconversion ;

Rejette la demande de M. X d'appel en garantie de la société Sarl Pizza City pour les condamnations prononcées à son encontre par le tribunal de grande instance de Lille le 29 septembre 2016 ;

Condamne in solidum M. X et la société Ecodis à payer à la société Sarl Pizza City la somme de 4 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. X et la société Ecodis aux dépens de l'appel.