CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 30 septembre 2021, n° 21/02224
PARIS
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
S.C.I. 14-16 Av de la République à Bagnolet
Défendeur :
Box Rent (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Guillou
Conseillers :
M. Rondeau, Mme Chopin
EXPOSE DU LITIGE
Par acte authentique du 18 décembre 1979, la sci [...] (ci-après, la sci) a consenti un bail à construction à la société Mecap, aux droits de laquelle vient la société Agexo, portant sur un terrain situé [...].
Le 24 octobre 2005, dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire à son encontre, la société Agexo a cédé son fonds de commerce, comprenant le bail à construction, à la société Ada Box, aux droits de laquelle vient la société Box Rent.
La société Box Rent sous-loue depuis les locaux aux sociétés Home Box et Ada.
En 2008, la société Box Rent a fait réaliser des travaux dans les locaux dont la portée et l'objet sont contestés par les parties.
Par un arrêt du 1er juillet 2016, la cour d'appel de Paris a converti le bail à construction en bail commercial à compter du 1er janvier 2010.
Par ordonnance du 23 mai 2018, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a désigné M. R. en qualité d'expert pour donner son avis sur l'origine et les conséquences des désordres survenus sous forme d'infiltrations d'eau, affectant l'immeuble, objet du bail.
Par exploit du 28 juin 2018, la sci a fait signifier à la société Box Rent un congé à effet au 31 décembre 2018.
M. R., expert, a déposé son rapport le 6 janvier 2020, concluant, notamment, que :
- une partie des sous-sols exploités par la société Box Rent subit des infiltrations qui interdisent toutes formes de stockage ;
- des travaux de remise en état et d'étanchéité sont nécessaires.
M. R. a imputé ces désordres à la sci et a validé un devis de remise en état établi par la société Etancheref le 30 janvier 2019 pour un montant total de 89.703,60 euros.
Par exploit du 2 mars 2020, la société Box Rent a assigné la sci devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny afin de lui a demander de :
- enjoindre cette dernière, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, de procéder à la réalisation des travaux d'étanchéité dans les lieux loués suivant le devis validé par l'expert dans les huit jours de l'ordonnance ;
- condamner la sci à lui payer la somme provisionnelle de 400.740 euros au titre de la perte d'exploitation subie par elle du fait des désordres constatés dans les locaux, objets du litige ;
- condamner la sci à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par ordonnance du 25 janvier 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a :
- enjoint la sci [...] de procéder, dans un délai de deux mois suivant la signification de la décision, à la réalisation des travaux d'étanchéité dans les locaux loués à la société Box Rent situés [...], conformément au devis établi le 30 janvier 2019 par la société Etancheref le 30 janvier 2019 et validé par M. R. ;
- dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la sci [...] aux dépens.
Par déclaration en date du 2 février 2021, la sci [...] a interjeté appel de cette décision, critiquant l'ordonnance en toutes ses dispositions.
Par conclusions communiquées par la voie électronique le 7 mai 2021, elle demande à la cour de :
'Vu l'ordonnance de référé du 25 janvier 2021 (RG N°20/00505),
Vu la déclaration d'appel n° 21/02640 enregistrée le 4 Février 2021,
Vu les présentes conclusions, ensemble les textes et jurisprudences citées et les pièces y jointes et, notamment,
L'acte notarié du 18 Décembre 1979 comportant bail à construction,
Vu la jurisprudence citée,
' Accueillir la SCI DU [...] en ses prétentions et,
' Dire celles-ci légitimes et bien fondées ;
Vu les dispositions des articles 1719 et 1720 du code civil,
Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile,
' Constater l'absence de motif de l'ordonnance de référé du 25 janvier 2021 ;
DANS TOUS LES CAS,
' Infirmer l'ordonnance de référé du 25 janvier 2021 (RG N°20/00505) dans les termes de la déclaration d'appel n° 21/02640 enregistrée le 4 Février 2021,
(i) en ce qu'elle a statué par les chefs suivants :
« - Enjoignons à la SCI [...] à procéder, dans un délai de deux mois suivant la signification de la présente décision, à procéder à la réalisation des travaux d'étanchéité dans les locaux loués à la société BOX RENT situés [...], conformément au devis établi le 30 janvier 2019 par la société ETANCHEREF le 30 janvier 2019 et validé par M. R., expert judiciaire, désigné par ordonnance du juge des référés en date du 23 mai 2018 »,
« - Disons n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes »,
« - Disons n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile »,
« - Condamnons la SCI [...] aux dépens ».
(ii) Et a débouté la SCI DU [...] des demandes suivantes :
« À titre principal,
Déclarer la société BOX RENT irrecevable faute de qualité à agir,
À titre subsidiaire,
Dire n'y avoir lieu à référé,
À titre infiniment subsidiaire :
Condamner la société BOX RENT à lui payer la somme provisionnelle de 1.530.000 euros au titre de l'excédent
anormal d'exploitation réalisé à son préjudice,
Condamner la société BOX RENT à lui payer la somme provisionnelle de 1.043.038,59 euros après compensation,
En tout état de cause,
Condamner la société BOX RENT à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens. »
STATUANT À NOUVEAU ET AU PRINCIPAL,
IN LIMINE LITIS
Vu les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile,
' Constater que la société BOX RENT ne justifie en réalité et ne jouit d'aucun droit au maintien dans les lieux ;
' Constater a contrario que la SCI DU [...] oppose valablement des agissements de la société BOX RENT constitutifs de fautes graves et légitimes faisant obstacle au prétendu droit de cette dernière à une indemnité d'éviction et corrélativement à un droit au maintien dans les lieux ;
' Constater que la société BOX RENT est donc dépourvue de qualité et d'intérêt à agir et qu'il existe à ce sujet a minima une contestation sérieuse ;
' Déclarer la société BOX RENT irrecevable en ses demandes ;
AU FOND
Vu les dispositions des articles 31 et 122 du code de procédure civile,
Vu les dispositions de l'article L.145-31 du code de commerce,
Vu les dispositions de l'ancien article 1131 du code civil,
Vu les dispositions de l'article 1732 du code civil,
Vu les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil,
Vu les dispositions de l'article L. 142-1 du code des assurances,
Vu les dispositions des articles 237 et 246 du code de procédure civile,
SUR LA RÉALISATION DES TRAVAUX D'ÉTANCHÉITÉ
' Constater la faute de la société BOX RENT ;
' Constater surabondamment l'inopposabilité du rapport d'expertise de Monsieur Jean R. ;
' Écarter en conséquence des débats ledit rapport d'expertise du 6 janvier 2020 ;
SUR LE PAIEMENT PROVISIONNEL SOLLICITÉ PAR BOX RENT
' Constater que la société BOX RENT est dépourvue de qualité et d'intérêt à agir ;
' Constater que la société BOX RENT ne fonde ni ne justifie tant dans son principe que dans son quantum sa demande ;
' Constater que la société BOX RENT sollicite en réalité la réparation d'une perte de chance fondée sur un dommage dépourvu de fondement légitime ou licite, bien au contraire ;
' Constater qu'il est opposé à la société BOX RENT des contestations éminemment sérieuses ;
' Déclarer la société BOX RENT irrecevable en ses demandes ;
D'UNE MANIÈRE GÉNÉRALE
' Constater que la société BOX RENT, qui fonde toutes ses demandes uniquement sur de pures assertions et un rapport d'expertise vicié, subjectif et erroné, échoue complètement à satisfaire aux obligations probatoires qui lui incombent ;
' Dire que les demandes de BOX RENT se heurtent à de multiples contestations sérieuses et,
' Dire n'y avoir lieu à référé ;
' Débouter la société BOX RENT de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;
EN TOUTE HYPOTHÈSE,
SUR LE PAIEMENT PROVISIONNEL SOLLICITÉ PAR LA SCI
Vu les dispositions du 2ème alinéa de l'article 835 du code de procédure civile,
' Condamner la société BOX RENT à payer à la SCI DU [...] la somme provisionnelle de 1.530.000 ' TTC au titre de l'excédent anormal et frauduleux d'exploitation qui a été réalisé à son préjudice ;
S'IL ÉCHET,
' Réduire la condamnation de la société BOX RENT, après compensation judiciaire de tout ou partie des sommes revendiquées par cette société ;
ET ENFIN,
Vu les dispositions des articles 700 et 696 du code de procédure civile,
' Condamner la société BOX RENT à payer à la SCI DU [...] la somme de 10.000 ' au titre de frais irrépétibles ;
' Condamner la société BOX RENT aux entiers dépens. '
La sci a exposé en substance les éléments suivants :
- la société Box Rent a commis plusieurs fautes constitutives de violations graves du bail :
• Elle a conclu des contrats de sous-location sans autorisation de la sci ;
• Elle n'exploite pas réellement les locaux ;
• Elle a réalisé des travaux sans autorisation ;
• Elle n'a pas informé la sci de l'existence de désordres dans les locaux.
- Par conséquent, en application de l'article L. 145-17 du code de commerce, elle a perdu tout droit au maintien dans les lieux ainsi qu'à une indemnité d'éviction consécutive au congé.
- Elle est donc occupante sans droit ni titre depuis le 1er janvier 2019 et n'a plus d'intérêt à demander des travaux et la réparation de sa prétendue perte d'exploitation.
- Ensuite, il est incontestable que la société Box Rent a sous-loué les locaux objets du bail à la société Home Box sans autorisation de la sci, de sorte qu'elle n'a subi aucun préjudice d'exploitation, puisqu'elle n'exploite pas directement les locaux et ne peut demander la réparation d'un tel préjudice.
- Enfin, la société Box Rent n'a aucun intérêt à agir en réparation des locaux qu'elle n'exploite pas et dont elle est occupante sans droit ni titre.
- Il ressort de l'ensemble que la demande de la société Box Rent est irrecevable.
- Le premier juge n'a pas précisé sur quel fondement, soit l'article 1719 (obligation d'entretien) ou bien l'article 1720 (obligation de réparation) du code civil, se fondait la condamnation.
- Le défaut d'étanchéité est apparu en 2005 et M. R. n'a été nommé qu'en 2018 : la société Box Rent a donc attendu 13 ans avant d'avertir la sci de l'existence de désordres.
- La société Box Rent a manqué à ses obligations au titre du bail à construction (en vigueur jusqu'en 2009) lui imposant d'entretenir l'étanchéité du parking et par son inertie, a aggravé le problème d'étanchéité.
- La société Box Rent a fait réaliser des travaux d'étanchéité en 2008 sans autorisation de la sci, travaux qui sont incontestablement la cause des infiltrations en sous-sol.
- Le refus de l'expert de retenir ce lien de causalité a empêché la sci d'agir en responsabilité contre les sociétés ayant réalisé les travaux, de sorte que l'expert n'a pas accompli sa mission avec objectivité,
- Selon la jurisprudence, les réparations d'entretien, qui incombent au locataire, sont celles qui sont 'utiles au maintien permanent en bon état de l'immeuble' tandis que les grosses réparations, qui incombent au bailleur, sont celles qui intéressent l'immeuble 'dans sa structure et sa solidité générale'.
- En l'espèce, un défaut d'étanchéité ne concerne pas la 'la structure et la solidarité générale' de l'immeuble.
- La qualification de 'réparations d'entretien' découle du devis même de la société Etancheref.
- Par conséquent, à supposer que la faute de la société Box Rent ne soit pas retenue, les travaux de remise en état doivent en tout état de cause être mis à sa charge.
- La société Box Rent prétend que l'exploitation des locaux est totalement impossible, alors que seul 500m2, sur les 1240 m2 exploitable, sont indisponibles et que la perte d'exploitation si elle est avérée n'est en tout état de cause pas indemnisable, puisqu'elle tire son origine d'un contrat de sous-location illicite.
- En sous-louant les locaux sans autorisation de la sci, la société Box Rent a réalisé une plus-value comme le prouve ses bilans comptables.
- Plusieurs méthodes différentes de calcul de la plus-value peuvent être retenues, qui permettant de l'évaluer à environ 150.000 euros par an depuis 2012.
- Par conséquent, la société Box Rent sera condamnée à verser à la sci la somme de 1.530. 000 euros.
Par conclusions communiquées par la voie électronique le 31 mai 2021, la société Box Rent demande à la cour de :
'Vu l'article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile,
Vu les articles 1719 et 1720 du Code civil,
Vu le rapport d'expertise en date du 6 janvier 2020,
- Juger la société BOX RENT recevable en son appel incident et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence :
- Confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a enjoint la SCI [...] à procéder à la réalisation des travaux d'étanchéité conformément au devis établi le 30 janvier 2019 par la société ETANCHEREF et validé par Monsieur R., Expert judiciaire désigné par ordonnance du Juge des référés du Tribunal judiciaire de Bobigny en date du 23 mai 2018, y ajouter que la SCI [...] devra réaliser ces travaux dans un délai de 8 jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1.000 ' par jour de retard,
- Infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté la société BOX RENT de sa demande de dommages et intérêts au titre de la perte d'exploitation subie,
Statuant à nouveau :
- Condamner la SCI [...] à payer à la société BOX RENT la somme provisionnelle de 731.560 ' H.T au titre de la perte d'exploitation subie du fait des désordres constatés dans les locaux pris à bail à la SCI [...],
- Débouter la SCI [...] de son appel de l'ordonnance de référé du Tribunal Judiciaire de Bobigny en date du 25 janvier 2021 et de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et l'en dire mal fondée,
- Condamner la SCI [...] à payer à la société BOX RENT la somme de 10.000 ' au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner la SCI [...] aux entiers dépens.'
La société Box Rent a exposé en résumé ce qui suit :
- A la suite du congé qui lui a été délivré, la société Box Rent dispose du droit de rester dans les lieux tant que la sci ne lui a pas payé l'indemnité d'éviction, ce, d'autant plus que la sci lui a adressé un congé avec offre d'indemnité d'éviction et non pas un congé pour fautes graves.
- La société Box Rent dispose donc bien d'un intérêt à agir.
- La sci ayant refusé, contrairement à ce que demandait l'arrêt de la cour d'appel de Paris de 2016, de signer un bail commercial avec la société Box Rent, c'est le régime légal qui s'applique.
- L'expert ayant retenu que les infiltrations étaient imputables à la sci et qu'il s'agissait de réparations d'entretien, c'est donc à bon droit que le premier juge les a mises à la charge de la sci et la cour devra y ajouter une astreinte.
- Contrairement à ce qu'affirme la sci, ces travaux réalisés en 2008 s'inscrivaient parfaitement dans le cadre du bail à construction qui liait alors les parties et il est donc faux de dire qu'ils ont été réalisés sans autorisation, alors que surtout, ces travaux n'ont pas été réalisés dans la zone aujourd'hui touchée par les infiltrations.
- La sci s'appuie sur les bilans comptables de la société Box Rent pour lui demander la somme de 1,5 millions d'euros au titre de la plus-value née de la sous-location mais ces bilans concernent l'ensemble des revenus perçus par la société Box Rent et pas seulement ceux tirés de la sous-location des locaux.
- la société Box Rent ne réalise aucune plus-value, le loyer que lui paye la société Homebox étant équivalent à celui qu'elle paye à la sci.
- La sous-location a été autorisée par le tribunal de commerce lorsqu'il a procédé à la cession du fonds de commerce de la société Agexo à la société Box Rent et les contrats de sous-location conclu par la société Box Rent ont toujours été communiqués à la sci.
- Les infiltrations empêchent la société Box Rent d'exploiter une partie des locaux (400 m2) depuis 2017 et contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il était parfaitement en mesure d'apprécier l'ampleur du préjudice et le montant de l'indemnité à allouer.
Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
- sur la qualité et l'intérêt à agir de la société Box Rent
L'article 122 du code de procédure civile dispose que 'Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.'
La sci soutient que la société Box Rent ne disposerait d'aucune qualité ni d'aucun intérêt à agir dans la mesure où son droit au maintien dans les lieux ne serait pas acquis, ce, pour avoir conclu des contrats de sous-location sous l'empire du bail à construction, contrats renouvelés de manière illicite sous l'empire du bail commercial, et, en violation des dispositions de l'article L145-31, alinéa 1 du code de commerce. Elle n'aurait pas non plus d'intérêt à agir dans la mesure où elle n'a jamais exploité les lieux sous loués de manière illicite et qu'elle ne dispose plus d'aucun droit d'occupation des locaux depuis le 1er janvier 2019.
Or, il est incontestable que la société Box Rent est bien locataire au titre du bail commercial qui lie les parties et qui a été judiciairement établi par arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 1er juillet 2016. Force est bien de constater d'ailleurs que la sci ne s'y est pas trompée en lui faisant délivrer, en sa qualité de locataire, un congé avec renouvellement et offre d'indemnité d'éviction à effet du 31 décembre 2018.
De surcroît, l'action menée par la société Box Rent est bien fondée sur les relations contractuelles entre les parties, étant précisé que le congé délivré par la sci visait, non pas un motif grave et légitime, mais bien un refus de renouvellement avec offre d'indemnité d'éviction,et alors même, ce qui est constant, que ladite indemnité d'éviction n'a pas été réglée, de sorte qu'en application des dispositions de l'article L145-28 du code de commerce, la société Box Rent dispose de toute évidence d'un droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction.
Elle est donc parfaitement recevable en ses demandes.
- sur le fond
L'article 835 du code de procédure civile dispose que: 'Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.'
Au soutien de son appel, la sci expose que la société Box Rent aurait eu un comportement intentionnellement fautif en méconnaissant ses obligations résultant du bail à construction,les désordres étant apparus en 2005,en s'étant sciemment abstenue d'entretenir et de réparer l'étanchéité du parking, alors que ses obligations étaient définies par l'acte notarié dressé le 18 décembre 1979, et en ayant, par son inertie, délibérément contribué à l'aggravation du coût des travaux nécessaires en ne réalisant pas les travaux d'entretien qui lui incombaient, le dessein de la société Box Rent étant précisément de se maintenir artificiellement dans les lieux et d'exercer une pression financière sur la sci .
Or, il apparaît que:
- il est constant que par effet de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 1er juillet 2016, le bail qui lie les parties obéit, ainsi que l'a à juste titre relevé le premier juge, au régime de droit commun des baux commerciaux, sans contenir de clauses de transfert de charges pesant habituellement sur le bailleur vers le locataire,
- il n'est pas discuté in fine qu'en l'absence de clause relative aux travaux, et en application des dispositions des articles 1754 et 1755 du code civil, le locataire est tenu des seules réparations locatives ou menu entretien, à moins qu'elles ne soient occasionnées par la vétusté ou la force majeure,
- M. R., aux termes de son rapport d'expertise, a constaté que la zone concernée n'a pas fait l'objet de travaux par la locataire, de sorte que les développements sur la responsabilité de la société Box Rent dans l'apparition des désordres ne sont pas pertinents,
- M. R. précise: 'une partie des sous-sols exploités par la société Box Rent subit des infiltrations qui interdisent toute forme de stockage. Les défauts du revêtement de surface permettent à l'eau de s'infiltrer entre les dalles de béton formant le toit du local. Ces infiltrations sont visibles sur les poteaux et au droit des dalles. La présence d'eau rend impossible tout aménagement et les locaux ne peuvent être utilisés pour faire du stockage.'
- l'expert indique encore: 'la partie du sous-sol litigieuse est la conséquence d'un décaissement de terrain qui a été recouvert pour créer un plafond par des dalles préfabriquées. En extérieur, l'ensemble de cette surface est recouvert de bitume et accueille un parking. Les fuites apparaissent au droit des dalles alvéatoires qui provoquent l'inondation du local. L'observation de la surface du parking montre que cette dernière est extrêmement dégradée, expliquant ainsi les passages d'eau'
- il en ressort que les travaux de remise en état et d'étanchéité, dont le coût a été évalué à la somme de 89.703, 30 euros par la société Etancheref aux termes de son devis du 30 janvier 2019,ne peuvent sérieusement relever des réparations locatives ou de menu entretien, de sorte qu'ils incombent bien au bailleur.
Dans ces conditions, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a enjoint la sci [...] de procéder, dans un délai de deux mois suivant la signification de la décision, à la réalisation des travaux d'étanchéité dans les locaux loués à la société Box Rent situés [...], conformément au devis établi le 30 janvier 2019 par la société Etancheref le 30 janvier 2019 et validé par M. R.. Elle sera en outre confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte, laquelle ne s'avère pas nécessaire.
A titre reconventionnel, la sci sollicite à titre provisionnel la somme de 1.530.000 euros à raison d'un 'excédent anormal et frauduleux d'exploitation', qui trouverait sa source dans une plus value réalisée par la société Box Rent grâce à la sous-location des lieux aux sociétés Homebox et Ada.
Toutefois, il ressort tout d'abord d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 10 décembre 2010 que la société Box Rent a bien informé la sci des sous-locations et qu'au cours de cette procédure menée devant la cour en 2010, la sci a estimé ne plus devoir contester la régularité des sous baux. Ensuite, aux termes de l'arrêt rendu le 1er juillet 2016 par la cour d'appel de Paris, il a été rappelé par la cour que la présence des sociétés Homebox et Sapn aux cotés de la société Box Rent, comme sous locataires de cette dernière, ne pouvait être litigieuse. La société Box Rent justifie enfin avoir informé la sci de toute sous-location, notamment en ce qui concerne les sociétés Homebox et Ada.
Dans ces conditions, les éléments produits, à savoir les seuls bilans de la société Box Rent, n'établissent pas, avec l'évidence requise en référé, l'existence même d'une plus value, ni son caractère frauduleux. L'ordonnance rendue sera confirmée sur ce point.
Enfin, la société Box Rent pour sa part sollicite la condamnation à titre provisionnel de la sci à lui payer la somme de 731.760 euros en réparation d'un préjudice de perte d'exploitation consécutif aux désordres.
Elle verse à l'appui de sa démonstration une attestation du commissaire aux comptes de la société Homebox qui détaille le préjudice subi au titre de la perte d'exploitation pour les années 2017 à 2020 et l'évalue à la somme de 584.360 euros HT et procède à un calcul (CA au m2 de surface exploitée x surface inexploitée), en retenant une base de 368 euros de chiffre d'affaires rapportée au m2. Toutefois, tout comme en première instance, la société Box Rent ne produit aucune autre pièce comptable qui lui soit propre, de sorte qu'il ne peut être fait droit à cette demande, avec l'évidence requise en référé.
L'ordonnance rendue sera confirmée sur ce point également.
Le sort des dépens et frais irrépétibles a été exactement réglé par le premier juge.
La sci qui succombe essentiellement sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à la société Box Rent la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS
Déclare la société Home Box recevable en ses demandes,
Confirme l'ordonnance rendue en toutes ses dispositions,
Rejette toute autre demande,
Condamne la sci [...] aux dépens d'appel,
Condamne la sci [...] à payer à la société Box Rent la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.