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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 16 décembre 2021, n° 19/03189

GRENOBLE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Euclide Conseil (SARL)

Défendeur :

Réponse Financement (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Figuet

Conseillers :

Mme Blanchard, M. Bruno

T. com. Grenoble, du 24 juin 2019, n° 20…

24 juin 2019

EXPOSE DU LITIGE :

La Sas Réponse Financement exploite une activité de commercialisation en matière de courtage en crédits et assurances de prêts.

Elle a développé un réseau de franchise permettant aux adhérents d'exploiter une agence sous sa marque « Vousfinancer.Com ».

La Sarl Euclide Conseil, immatriculée en décembre 1999, exerce notamment une activité de courtage en assurances, placements financiers, crédits.

Le 24 mars 2014, les sociétés Euclide Conseil et Réponse Financement ont signé un contrat de franchise.

Par lettre recommandée du 14 janvier 2015, la société Euclide Conseil a formulé divers griefs à l'encontre de sa cocontractante et sollicité la réduction du droit d'entrée et des redevances mensuelles.

Après des échanges infructueux et se prévalant de l'arrêt du paiement des redevances, la société Réponse Financement a fait assigner la société Euclide Conseil devant la juridiction commerciale en résiliation du contrat de franchise et indemnisation.

Par jugement en date de 24 juin 2019, le tribunal de commerce de Grenoble a :

- prononcé la résiliation du contrat signé entre la Sarl Euclide Conseil et la Sas Réponse Financement,

- condamné la Sarl Euclide Conseil à payer à la Sas Réponse Financement la somme de 63 798 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné la Sarl Euclide Conseil à payer à la Sas Réponse Financement une somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sarl Euclide Conseil aux dépens,

- rejeté toutes les autres demandes des parties.

Suivant déclaration au greffe du 22 juillet 2019, la société Euclide Conseil a relevé appel de cette décision.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Au terme de ses écritures notifiées le 21 octobre 2019, la société Euclide Conseil demande à la cour de :

- réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

- statuant à nouveau,

- débouter la société Réponse Financement de l'ensemble de ses demandes,

- à titre reconventionnel :

- à titre principal :

- constater l'absence de communication, dans le délai légal, du Document d'Information Précontractuelle puisque le Document d'Information Précontractuelle communiqué n'a pas matériellement pu être signé à la date indiquée et que le formalisme prescrit par le franchiseur lui-même n'a pas été respecté,

- constater la communication volontaire d'informations erronées par la société Réponse Financement à la société Euclide Conseil,

- constater le dol commis par la société Réponse Financement,

- constater l'erreur commise par la société Euclide Conseil,

- prononcer la nullité du contrat de franchise signé le 24 mars 2014,

- condamner la société Réponse Financement à verser à la société Euclide Conseil la somme de 64 707,41 euros, correspondant au remboursement des factures payées par la société Euclide Conseil durant l'exécution du contrat de franchise,

- condamner la société Réponse Financement à verser à la société Euclide Conseil la somme de 40 000 euros de dommages et intérêts,

- à titre subsidiaire :

- constater le comportement déloyal de la société Réponse Financement en ce qu'elle a volontairement communiqué des informations erronées sur les perspectives de développement du franchisé ,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a omis de statuer sur cette demande,

- condamner la société Réponse Financement à verser la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts à la société Euclide Conseil,

- en tout état de cause :

- condamner la société Réponse Financement à verser à la société Euclide Conseil la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Réponse Financement aux entiers dépens.

La société Euclide Conseil invoque d'une part, l'article L. 330-3 du code de commerce et la nullité résultant du défaut de communication du document d'information précontractuelle dans le délai de 20 jours minimum précédant la signature du contrat franchise ; d'autre part, le dol ayant vicié son consentement aux motifs que :

- la société Réponse Financement a produit un document d'information précontractuelle antidaté et faux, ainsi que des courriels dont elle conteste l'existence,

- ces courriels et la dernière version des faits n'ont jamais été évoqués par la société Réponse Financement avant ses dernières conclusions devant les premiers juges,

- la société Réponse Financement ne justifie pas de la notification du document d'information précontractuelle par lettre recommandée,

- le contrat signé le 24 mars 2014, la prive du délai de vingt jours au moins pour confirmer ou non sa volonté de devenir franchisé et courant jusqu'au 31 mars, selon le document d'information précontractuelle dont se prévaut la société Réponse Financement,

- pour la déterminer à intégrer son réseau, la société Réponse Financement lui a communiqué des informations erronées, notamment des projections irréalistes de chiffre d'affaires, une surévaluation du crédit moyen des transactions, se livrant à une présentation délibérément mensongère et contraire à la réalité économique.

Elle soutient que la nullité du contrat de franchise conduit au remboursement de toutes les sommes versées au franchiseur au titre du droit d'entrée, des travaux de mise en conformité de ses locaux, des factures de redevances.

Par ailleurs, elle poursuit l'indemnisation de son préjudice sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que la société Réponse Financement n'a pas exécuté ses obligations contractuelles avec loyauté, notamment en ne lui fournissant pas l'assistance prévue par le contrat.

Par conclusions notifiées le 17 janvier 2020, la société Réponse Financement entend voir :

- confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,

- condamner la société Euclide Conseil à payer à la société Réponse Financement la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Réponse Financement réfute tout manquement à son obligation légale d'information et tout dol soutenant que :

- le document d'information précontractuelle a été signé par les trois associés de la société Euclide, dans le délai imparti,

- cette dernière reconnaît elle-même que les informations qu'il contenait correspondaient à la réalité,

- les compétences de l'un des gérants de la société Euclide lui donnaient accès aux informations nécessaires qu'il lui est reproché de ne pas avoir fournies.

La procédure a été clôturée le 27 mai 2021.

MOTIFS DE LA DECISION :

1°) sur le document d'information précontractuelle :

L'article L. 330-3 du code de commerce dispose que : 'toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause'.

Conformément à ce même texte, le document doit être communiqué vingt jours minimum avant la signature du contrat.

Il est produit aux débats un document d'information précontractuelle, paraphé, signé et daté du 3 mars 2014.

Le contrat de franchise a, quant à lui, été signé le 24 mars 2014, soit plus de vingt jours après.

La société Euclide dénie la signature de son dirigeant sur le document d'information précontractuelle arguant de faux, au motif principal de son absence du territoire national à la date de signature.

Il ressort néanmoins de l'examen et de la comparaison des exemplaires de la signature de M. X présentés à la cour et ressortant de son passeport, du texte des résolutions proposées à une assemblée générale de la société Euclide, mais également du contrat de franchise, des courriers recommandés adressés par la société Euclide les 14 janvier 2015 et 22 juillet 2016, que la signature apposée sur le document du 3 mars 2014, présente de très fortes similarités avec celles, non contestées, figurant sur ces derniers.

De plus, s'il est établi que M. X a séjourné en Côte d'Ivoire du 28 février au 7 mars 2014, cette circonstance est insuffisante à établir que sa signature serait un faux et indifférente à la validité du document alors que d'une part, la société Euclide y a été représentée par ses deux autres co-gérants, MM. Y et Z; d'autre part qu'est produit un échange de deux courriels des 27 février et 4 mars 2014 dont il résulte du premier que le document a été transmis à la société Euclide avant le 27 février et que M. Y, dans le second, établi sous le logo de la société Euclide, indiquait avoir : "mis au courrier ce jour votre document d'information précontractuelle, paraphé et signé par l'ensemble des associés d'Euclide Conseil".

Il apparaît que M. X a donc été en mesure, avant son départ, de signer le document qui a pu être finalisé par les autres signataires à la date du 3 mars.

La cour relèvera en outre que dans le contrat de franchise, que M. X ne conteste pas avoir signé, les parties ont expressément reconnu avoir signé un précontrat le 3 mars 2014.

En conséquence, il est établi que la société Réponse Financement a satisfait à son obligation légale d'information précontractuelle.

2°) sur le dol :

La société Euclide soutient que son consentement au contrat de franchise a été vicié par le caractère erroné des informations communiquées au travers du document d'information précontractuelle.

Ce document présente la société Réponse Financement, le marché dans lequel elle développe son activité et comporte une description du contexte économique de l'agglomération de Tarbes et du département des Hautes Pyrénées. Il expose les différents profils de courtiers proposés, fournit la liste et les coordonnées des membres du réseau, ainsi qu'un modèle de contrat.

Ce document essentiellement descriptif ne constitue pas une étude de marché du secteur dévolu au franchisé, qui en sa qualité de professionnel indépendant conserve la responsabilité de l'analyse de l'adéquation du modèle proposé par le franchiseur avec la réalité économique de son secteur, ainsi qu'il s'y est soumis en page 2 du contrat de franchise.

Ainsi que le relève elle-même la société Euclide dans ses conclusions, cette présentation pour être générale, ne se résume pas à un tableau aguicheur du marché immobilier national et local, mais fournit des éléments chiffrés précis dont la société Euclide ne démontre pas la fausseté.

Les seuls éléments qu'elle produit concernent la seule localité de Saint Gaudens, située non pas dans le département des Hautes-Pyrénées, zone cible du document d'information, mais de la Haute-Garonne.

Mais surtout, il apparaît que la société Euclide, immatriculée en décembre 1999, exerçait déjà une activité de courtage, conseil en placements financiers et crédits, et démarchage bancaire sur le même secteur géographique avant d'intégrer le réseau de franchise VousFinancer.com. A ce titre, elle disposait d'une connaissance précise du marché immobilier et de ses caractéristiques locales, comme de celles des activités patrimoniales, et la présentation qui lui en a été faite par la société Réponse Financement n'était donc pas de nature à pouvoir la tromper.

En conséquence, la société Euclide ne rapporte pas la preuve de manœuvres de sa cocontractante ayant vicié son consentement et sa demande de nullité du contrat de franchise ne peut qu'être rejetée.

Le jugement qui n'a pas statué sur cette demande sera complété en ce sens.

3°) sur les manquements contractuels :

Il résulte de ce qui précède que le grief tenant à la qualité de l'information précontractuelle donnée n'est pas caractérisé et ne peut justifier un droit à indemnisation.

Par ailleurs, la société Euclide reproche à la société Réponse Financement d'avoir manqué à son obligation contractuelle d'assistance.

A ce titre, elle s'est plainte dans son courrier du 14 janvier 2015 de la médiocrité de la formation initiale et de l'absence d'assistance au démarrage.

Si dans sa réponse du 22 janvier suivant, la société Réponse Financement a admis « certains manquements dans nos obligations », elle considère avoir fait le nécessaire pour accompagner au mieux son franchisé.

Des échanges de courriers produits aux débats, il apparaît que suite au mécontentement exprimé au sujet de la formation initiale, la société Réponse Financement a programmé une nouvelle intervention dans les locaux de la société Euclide, dont cette dernière a reconnu le professionnalisme.

Concernant l'assistance au démarrage, la société Euclide a reconnu avoir bénéficié de l'intervention de deux personnes MM. W et X et n'articule aucun fait concret justifiant le manquement allégué.

La société Euclide est défaillante à rapporter la preuve de manquements caractérisés de la société Réponse Financement à ses obligations décrites par le paragraphe IV -D du contrat de franchise et sa demande indemnitaire ne peut prospérer.

4°) sur la résiliation du contrat :

Il n'est pas contesté que la société Euclide a cessé le paiement des redevances mensuelles et par courrier recommandé du 18 juillet 2016, la société Réponse Financement l'a mise en demeure de payer les sommes dues à ce titre.

Conformément aux stipulations du paragraphe VI du contrat de franchise, ce manquement à l'obligation du franchisé est de nature à justifier la résiliation du contrat de franchise.

La société Euclide, qui ne conteste pas le montant des sommes qui lui sont réclamées doit être condamnée à leur paiement, ce qui conduira la cour à confirmer le jugement.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DEBOUTE la Sarl Euclide Conseil de sa demande de nullité du contrat de franchise,

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Grenoble en date du 24 juin 2019,

y ajoutant,

CONDAMNE la Sarl Euclide Conseil à payer à la Sas Réponse Financement la somme complémentaire en cause d'appel de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Sarl Euclide Conseil aux dépens de l'instance d'appel.