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Décisions

CA Paris, 16e ch. a, 12 mars 1996, n° 94/16999

PARIS

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Mme Delpuech

Défendeur :

Cefrajed (Sté)

TGI Paris, du 18 févr. 1994

18 février 1994

La cour statue sur l'appel formé par la SARL Cefrajed à l'encontre du jugement rendu le 18 février 1994 par le juge des baux commerciaux du tribunal de grande instance de Paris qui, dans le litige opposant l'appelante à sa bailleresse, Mme Delpuech, sur la fixation du prix du bail renouvelé au 1er avril 1992 des locaux commerciaux affectés à usage d'hôtel 2 étoiles NN, sis 11, rue de Chabrol à Paris 10e, a, après entérinement du rapport d'expertise judiciaire de M. Gourret :

- fixé le loyer de renouvellement à la somme principale annuelle de 350 000 francs,

- ordonnéle réajustement du dépôt de garantie,

- dit que les intérêts au taux légal seraient dus à compter du 1er avril 1992 sur les compléments de loyers impayés,

- et partagé les dépens par moitié entre les parties.

La valeur locative des locaux a été déterminée par application de la « méthode hôtelière » en retenant :

1) une recette théorique journalière TTC de 10 627 francs tenant compte de l'incidence des réductions accordées aux voyagistes,

2) une recette théorique annuelle, hors taxes (au taux de 5,5 %), soit 3 676 639 francs,

3) un taux de fréquentation de 72 %, soit 2 647 180 F,

4) un pourcentage sur recettes de 15 %, soit 397 077 F,

5) un abattement pour travaux de 12 % tenant compte de la création de l'ascenseur pour 383 500 francs et de l'aménagement de la cafétéria pour 276 000 francs,

soit une valeur locative définitive de 349 427 francs arrondie à 350 000 francs.

Appelante, la société Cefrajed prie la cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau,

- de fixer le nouveau loyer à la somme de 230 000 francs à compter du 1er avril 1992,

- de condamner Mme Delpuech au paiement de la somme de 10 000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour sa part, l'application de la méthode hôtelière la conduit à apprécier les différents postes de la valeur locative de la façon suivante :

- recette théorique journalière TTC : 10 627 F

- recette théorique annuelle TTC : 3 878 855 F

- recette théorique annuelle hors TVA : 3 676 639 F

- recette théorique annuelle hors service (au taux de 15 %) : 3 125 143 F

- taux de fréquentation : 70 %, soit 2 187 600 F

- pourcentage sur recettes : 14 %, soit 306 264 F

- abattement pour importants travaux entrant dans le champ d'application de la loi du 1er juillet 1964 porté à 25 %,

soit une valeur locative définitive de 230 000 F.

Intimée, et appelante incidente, Mme Delpuech conclut quant à elle :

- au rejet de toutes les prétentions de l'appelante,

- à la fixation d'un loyer de renouvellement porté à 430 000 francs à compter du 1er avril 1992, avec réajustement correspondant du dépôt de garantie et intérêts au taux légal sur les compléments de loyer,

- à la condamnation de la société Cefrajed au paiement de la somme de 10 000 francs HT sur le fondement de l'article 800 du Nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Reprenant les calculs explicités dans son mémoire du 4 juin 1992, elle entend voir déterminer la valeur locative comme suit :

- recette théorique journalière : 12 040 F

- recette théorique annuelle hors taxe et service : 4 394 600 F

- taux de fréquentation : 75 %, soit 2 682 903 F

- pourcentage sur recettes : 16 %, soit 429 264 F arrondis à 430 000 F

- abattement pour travaux d'entretien : néant.

Cela étant exposé, la cour :

Sur la recette théorique annuelle à prendre en considération.

Considérant que Mme Delpuech ne saurait disconvenir au vu des nombreuses pièces justificatives fournies à l'expert que la recette annuelle TTC doit tenir compte, nonobstant son caractère théorique, des conditions financières d'exploitation et notamment en l'espèce des importants rabais accordés aux voyagistes ; que, dès lors, les calculs précis de l'expert, justement repris par le premier juge sur la base de 3 878 855 francs, ne peuvent être qu'adoptés ;

Considérant que l'abattement pour service de 15 %, longtemps pratiqué il est vrai, est devenu aujourd'hui sans signification dans la mesure où le montant correspondant du service fait désormais partie intégrante de la recette imposable ; que c'est donc à juste raison que l'expert puis le premier juge ont retenu en définitive une recette théorique annuelle de 3 676 639 francs, déduction faite seulement de la TVA au taux de 5,5 % ;

Sur le taux de fréquentation

Considérant que la société locataire ne saurait sérieusement prétendre à ce titre à un taux de 70 %, alors que, compte tenu de l'intérêt de l'emplacement dans le quartier des gares de l'Est et du Nord, de la catégorie de l'hôtel 2 étoiles NN et encore des conditions d'exploitation permettant précisément un remplissage optimal, le taux de 72 %, justement adopté, paraît tout à fait raisonnable si l'on prend également en considération le caractère secondaire de la rue de Chabrol où est situé l'établissement ; qu'en outre le taux « théorique » à retenir s'oppose à tout calcul de ratio avec le chiffre d'affaires réel de 1992, comme le suggère la société Cefrajed ;

Sur le pourcentage sur recettes

Considérant que sur ce point encore le taux moyen de 15 % retenu doit être confirmé au regard de l'importance relative des charges d'exploitation pour ce type d'établissement ; que la société locataire ne justifie nullement par ailleurs de charges supplémentaires directement liées à la répartition des chambres sur deux bâtiments (rue et jardin) ;

Considérant qu'à ce stade de calcul force est d'entériner la somme de 397 077 francs telle que déterminée par l'expert ;

Sur l'abattement pour travaux

Considérant que, pour retenir un abattement de 12 %, M. Gourrette a limité les travaux entrant dans le champ d'application de la loi du 1er juillet 1966 à la création de l'ascenseur et à l'aménagement de la cafétéria ;

Mais considérant que doit également entrer dans le champ d'application de cette loi la création, depuis 1985, de douches et de w-c dans de nombreuses chambres ;

Considérant toutefois que la minoration de 25 % réclamée n'est nullement justifiée dès lors que les travaux réalisés n'ont pas permis un changement de classement de l'hôtel mais son maintien dans la catégorie 2 étoiles NN ; qu'il s'ensuit que l'abattement de 15 % initialement envisagé par l'expert doit être adopté, en sorte que la valeur locative définitive des locaux ressort à 397 077 F x 0,85 = 337 515 F arrondis à 337 500 francs ; que le jugement déféré sera donc réformé en ce sens ;

Considérant que les positions respectives des parties (excessives pour la bailleresse, insuffisantes pour la société locataire) justifient le partage par moitié des dépens de première instance et d'appel, y compris le coût de l'expertise judiciaire ; que l'équité ne commande pas en revanche l'application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre d'entre elles ;

Par ces motifs,

La cour

Réformant le jugement déféré uniquement sur le montant de l'abattement pour travaux ;

Fixe le loyer de renouvellement dû à compter du 1er avril 1992 à la somme principale annuelle de 337 500 francs (trois cent trente-sept mille cinq cents francs) avec réajustement correspondant du dépôt de garantie, et intérêts au taux légal sur les compléments de loyers à compter du renouvellement.