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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 17 décembre 2021, n° 18/16840

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Les Maçons Parisiens (SA)

Défendeur :

Instantané (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ardisson

Conseillers :

Mme Primevert, Mme L'Eleu de La Simone

T. com. Paris, du 22 mai 2018, n° 201700…

22 mai 2018

FAITS ET PROCEDURE

La SARL Instantané, spécialisée dans la vente, la location et la gestion de distributeurs automatiques de boissons, a conclu le 1er février 2010 avec la société Les Maçons Parisiens, spécialisée dans la construction de bâtiments collectifs en Île-de-France, un contrat de trois ans renouvelables par tacite reconduction prévoyant la mise en place de distributeurs automatiques payants de boissons chaudes et froides au siège de la société Les Maçons Parisiens.

Onze contrats ont par ailleurs été signés entre les parties pour l'installation par la société Instantané de fontaines à eau et/ou de distributeurs automatiques de boissons, pour une durée déterminée par les chantiers sur lesquels ils doivent être installés.

Afin de faire constater la présence d'une machine à café en face des distributeurs mis en dépôt par ses soins, la société Instantané a, sur requête aux fins de constat ayant conduit à une ordonnance du Président du tribunal de commerce d'Evry rendue le 25 avril 2016 rectifiée par ordonnance du 4 mai 2016, fait intervenir un huissier de justice au siège de la société Les Maçons Parisiens le 18 mai 2016. Celle-ci a alors, par lettres recommandées avec avis de réception du 19 mai 2016, mis fin à tous les contrats qui les liaient.

Suivant exploit du 16 décembre 2016, la société Instantané a fait assigner la société Les Maçons Parisiens devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir des indemnités sur le fondement des articles 1134 et 1135 du code civil et L. 442-6 I, 5° du code de commerce.

Par jugement du 22 mai 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

- condamné la société Les Maçons Parisiens à payer à la société Instantané les sommes de :

 7 166,25 euros et 1 387,65 euros TTC au titre de la rupture du contrat du 1er février 2010,

 1 723,17 euros TTC au titre du manque à gagner entre le mois de novembre 2015 et mai 2016,

 1 452 euros et 1 719,90 euros TTC au titre de la rupture des contrats de location et de gestion,

- condamné la société Les Maçons Parisiens à payer à la société Instantané la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Les Maçons Parisiens de sa demande de condamnation de la société Instantané à 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- condamné la société Les Maçons Parisiens aux dépens.

La société Les Maçons Parisiens a formé appel du jugement par déclaration du 3 juillet 2018 enregistrée le 10 juillet 2018.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 28 décembre 2020, la société Les Maçons Parisiens demande à la cour, au visa de l'article 1134 ancien (1104 nouveau) du code civil :

D’infirmer le jugement de la 13ème Chambre du tribunal de commerce de Paris du 22 mai 2018 à l'exception des demandes déboutant la société Instantané de ses demandes au titre de la valeur résiduelle à amortir et au préjudice moral,

De débouter la société Instantané de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement, de limiter à la somme globale de 8 293,90 euros, non soumise à la TVA, l'ensemble de l'indemnité due par la société Les Maçons Parisiens à la société Instantané à raison de sa rupture des contrats,

De condamner la société Instantané à payer à la société Les Maçons Parisiens la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

De condamner la société Instantané en tous les dépens, tant de première instance que d'appel.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 10 octobre 2019, la société Instantané demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1135 du code civil, L.442-6 I, 5° du code du commerce et 559 du code de procédure civile :

De débouter la société les Maçons Parisiens de l'ensemble de ses demandes

De confirmer le jugement entrepris à ce qu'il a constaté que la Société Les Maçons Parisiens a manqué à ses obligations contractuelles dans le cadre du contrat du 1er février 2010 en installant une machine concurrente

De confirmer le jugement entrepris à ce qu'il a constaté que la Société Les Maçons Parisiens a commis une faute dans la résiliation des contrats de gestion

De confirmer le jugement entrepris à ce qu'il a constaté que la Société Les Maçons Parisiens a commis une faute dans la résiliation des contrats de location

D’infirmer le jugement entrepris quant au non-cumul de la responsabilité contractuelle et de la rupture brutale des relations commerciales établies

D’infirmer le jugement entrepris quant au quantum qu'il retient

En conséquence,

De condamner la société Les Maçons Parisiens à payer à la société Instantané la somme de 13 178,50 euros TTC au titre de la rupture illégale du contrat du 1er février 2010

De condamner la société Les Maçons Parisiens à payer à la société Instantané la somme de 2 827,60 euros TTC au titre de la perte de chiffre d'affaires suite à l'installation de la machine concurrente dans le cadre du contrat du 1er février 2010

De condamner la société Les Maçons Parisiens à payer à la société Instantané la somme de 8 696,90 euros TTC au titre de la rupture illégale des contrats de gestion

De condamner la société Les Maçons Parisiens à payer à la société Instantané la somme de 4 736 euros TTC au titre de la rupture illégale des contrats de location

De condamner la société Les Maçons Parisiens à verser à la société Instantané la valeur résiduelle à amortir au moment de la rupture de 1 188 euros

De condamner la société Les Maçons Parisiens à payer à la société Instantané la somme de 10 064,07 euros TTC au titre de la rupture brutale des relations commerciales

De condamner la société Les Maçons Parisiens à verser à la société Instantané la somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral.

A titre reconventionnel

Vu l'article 559 du code de procédure civile,

De condamner la société Les Maçons Parisiens au maximum de l'amende prévue à l'article 559 du code de procédure civile

En tout état de Cause

de condamner la société Les Maçons Parisiens à payer à la société Instantané la somme de 17 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 24 juin 2021.

SUR CE, LA COUR,

Sur la responsabilité

La société les Maçons Parisiens sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité contractuelle d'une part en installant en face du distributeur de boissons chaudes et du distributeur de boissons froides de la société Instantané une machine à café gratuite concurrente destinée au personnel de l'entreprise et d'autre part en résiliant l'ensemble des contrats la liant à la société Instantané.

La société Instantané fait valoir que la société Les Maçons Parisiens a non seulement manqué à ses obligations contractuelles mais encore a résilié brutalement le contrat.

Aux termes de l'article 1134 ancien du code civil : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. ».

Le contrat « Siège » du 1er février 2010 intitulé « contrat de gestion en dépôt gratuit » prévoit la fourniture et l'installation par le déposant d'un « distributeur automatique de boissons chaudes de type Kikoo Max avec monnayeur rendeur » d'une valeur unitaire HT de 5.450 euros et d'un « distributeur automatique de boissons froides de type FAN 4 avec monnayeur rendeur » d'une valeur unitaire HT de 2.610 euros.

Les autres contrats « chantiers » conclus par la société Les Maçons Parisiens avec la société Instantané sont les suivants :

Contrat de location « chantier » du 1er juillet 2015 d'installation de deux fontaines à eau sur le site situé <adresse>,

Contrat de location « chantier » du 17 juillet 2015 d'installation d'une fontaine à eau sur le site situé <adresse>,

Contrat de location « chantier » du 17 juillet 2015 d'installation d'une fontaine à eau sur le site situé <adresse>,

Contrat de location « chantier » du 17 juillet 2015 d'installation d'une fontaine à eau sur le site situé <adresse>,

Contrat de location « chantier » du 10 juin 2015 d'installation d'une fontaine à eau sur le site situé <adresse>,

Contrat de location « chantier » du 10 juin 2015 d'installation d'une fontaine à eau sur le site situé à <adresse>,

Contrat de gestion du 5 novembre 2015 d'installation d'un distributeur sur le site du chantier <adresse>,

Contrat de gestion du 10 juin 2015 d'installation d'un distributeur sur le site situé à <adresse>,

Contrat de gestion du 22 juin 2015 d'installation d'un distributeur sur le site situé <adresse>,

Contrat de gestion du 5 novembre 2015 d'installation sur le site situé <adresse>,

Contrat de gestion du 29 juin 2015 d'installation d'un distributeur sur le site situé <adresse>.

Aux termes de l'article 6 du contrat « Siège » : « Durée du contrat » : « Le présent contrat est conclu pour une durée de 3 ans, à compter de la date des présentes. Il sera ensuite renouvelable par tacite reconduction pour une période de même durée, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties, par lettre recommandée envoyée trois mois avant la fin de cette période. ».

Le contrat a été renouvelé tacitement le 1er février 2013, pour une période de trois ans.

L'article 8 intitulé « Clauses essentielles » prévoit en son alinéa 3 : « La rupture anticipée de ce contrat par le client ou la non utilisation de l'appareil sous quelque forme qu'elle soit, de manière délibérée entraînera une facturation sur la base d'une indemnité égale à la consommation journalière moyenne multipliée par le nombre de jour restant à courir jusqu'à la fin du contrat. ».

Aux termes de l'article 9 intitulé « Exclusivité » du contrat « Siège » :

« Le client s'interdit expressément d'installer et d'exploiter un modèle d'appareil de boissons et produits concurrents de ceux qui lui sont confiés par le déposant, dans chaque lieu de dépôt.

Cette obligation de non-concurrence est applicable pendant toute la durée du présent contrat. ».

Le 18 mai 2016, à 11 heures, un huissier de justice s'est rendu dans les locaux de la société Les Maçons Parisiens sis <adresse>, où il a rencontré M. Luc H., Directeur administratif et financier de la société. Il s'est rendu au sous-sol où est aménagée la cafétéria et relate ainsi ses opérations, clichés photographiques à l'appui :

« Je constate la présence de deux distributeurs estampillés « INSTANTANE » :

Un distributeur pour les boissons chaudes ;

Un distributeur pour les boissons froides ;

En face de ces deux distributeurs est installée une machine à café de marque JURA portant la mention « IMPRESSA XJ5 PROFESSIONAL ».

Il s'agit d'une machine à café.

Pendant mon intervention une personne de l'entreprise se sert un café à cette cafetière.

Monsieur H. m'indique que « cette machine est librement accessible pour le personnel de l'entreprise et qu'elle est gratuite et qu'elle est installée depuis le mois de novembre 2015, date à laquelle démarre le contrat de location de ladite machine ».

Il résulte également du relevé du compteur sur le distributeur de boissons chaudes et de sa confrontation avec celui de la date de mise à disposition du distributeur, en date du 1er décembre 2014, que 693 unités ont été consommées entre le 1er décembre 2015 et le 18 mai 2016, et 12 424 unités du 1er décembre 2014 au 30 avril 2016.

Par lettre recommandée datée du 19 mai 2016, la société Les Maçons Parisiens a résilié le contrat de gestion en dépôt gratuit des appareils distributeurs de boissons chaudes et froides en sollicitant auprès de la société Instantané l'enlèvement immédiat des deux appareils. Par lettre recommandée du même jour, la société Les Maçons Parisiens a résilié la totalité des contrats de gestion en dépôt gratuit des distributeurs de boissons situés sur tous ses chantiers ainsi que la totalité des contrats de location des fontaines à eau mises à disposition sur ses chantiers et a demandé à la société Instantané de procéder à l'enlèvement immédiat de tous les appareils. L'appelante expose dans ses écritures que c'est en raison de cette attitude pour le moins cavalière et maladroite par laquelle la société Instantané a gravement porté atteinte à leurs bonnes relations commerciales qu'elle a ainsi mis fin à tous les contrats qui les liaient.

Cependant, les termes de l'article 9 précité sont clairs et l'engagement d'exclusivité ferme en ce qu'il prohibe tout « modèle d'appareil de boissons et produits concurrents ». La machine de la société Instantané délivre comme l'indique l'annexe 1 du contrat, les boissons chaudes suivantes : « café lyo court + long », boissons simples : café grains court + long, boissons composées : café au lait, cappuccino. Elle ne s'agit donc pas uniquement de cafés solubles et de ce fait la machine de marque JURA, qui utilise du café moulu et propose gratuitement du café de qualité à proximité immédiate, entre directement en concurrence avec le matériel de la société Instantané.

En installant cette machine dès le mois de novembre 2015 d'après les déclarations du Directeur administratif et financier à l'huissier, la société Les Maçons Parisiens a violé les termes de l'article 9 du contrat « Siège » signé avec la société Instantané.

D'autre part, malgré l'exigence d'un préavis de trois mois avant la fin de la période considérée pour mettre fin au contrat, la société Les Maçons Parisiens a résilié brutalement le contrat sans aucun préavis et sans justifier d'un motif prévu par la convention. En effet, l'article 8 in fine prévoit une possibilité de résiliation anticipée en ces termes : « De son côté, le client se réserve la possibilité de résilier le présent contrat en cas d'approvisionnements irréguliers, de pannes répétées, ceci au cas où ces différents incidents ayant fait l'objet d'une lettre recommandée, il ne leur serait pas donné remède après une dernière mise en demeure non suivie d'effet au bout de quinze jours. ».

Si la société Les Maçons Parisiens évoque, comme seule raison de la rupture des relations contractuelles, la brutalité du procédé consistant en la venue d'un huissier de justice à son siège sans avertissement ni démarches amiables préalables, l'attestation circonstanciée d'un ancien collaborateur de la société Instantané chargé de « suivre et de développer [le] client Les Maçons Parisiens » vient contredire l'absence de discussion antérieure : « j'ai tenté de résoudre ce litige entre nos deux sociétés en rencontrant à plusieurs reprises les responsables de la société « Les Maçons Parisiens » (...) j'ai essayé de trouver des solutions permettant de satisfaire les deux parties pour éviter d'entamer une procédure devant la justice.(...) J'ai eu un dernier entretien avec M. D. le mercredi 6 janvier 2016 pour connaître la réponse définitive de sa direction et de lui-même. J'ai essuyé un total refus de leur part (...). ».

D'autre part, l'appelante a également, alors qu'aucun litige n'était né sur les chantiers concernant les prestations de la société Instantané qui avait installé selon les cas fontaines à eau et/ou distributeurs, résilié l'ensemble des contrats en cours, soit cinq contrats de gestion et six contrats de location, sans préavis. Ces contrats étaient conclus pour la durée des chantiers et la société Les Maçons Parisiens n'a fait état d'aucun défaut d'approvisionnement ou d'une quelconque panne. Comme pour le contrat « Siège », la lettre de résiliation n'évoque aucun motif.

La société Les Maçons Parisiens a donc résilié unilatéralement de façon fautive le contrat « Siège » et les contrats « chantiers » de gestion et de location. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle de la société Les Maçons Parisiens.

Sur l'évaluation des préjudices

La société Instantané réclame en premier lieu la somme de 13.178,50 euros TTC au titre de la rupture du contrat du 1er février 2010. Ce contrat se renouvelait par tacite reconduction à l'issue de sa durée de trois ans et ce pour une période de même durée. Il n'a pas fait l'objet d'une dénonciation trois mois avant son échéance du 1er février 2016 et s'est donc renouvelé jusqu'au 1er février 2019. La lettre de résiliation est en date du 19 mai 2016 alors que 32 mois et demi restaient à courir.

L'article 8 alinéa 3 du contrat dispose : « La rupture anticipée de ce contrat par le client ou la non utilisation de l'appareil sous quelque forme qu'elle soit, de manière délibérée entraînera une facturation sur la base d'une indemnité égale à la consommation journalière moyenne multipliée par le nombre de jours restant à courir jusqu'à la fin du contrat. ».

Le contrat du 1er février 2010 indique en annexe 1 les tarifs suivants : 0,30 euros TTC pour le « café lyo court + long », 0,35 euros TTC pour les boissons simples (café grains court + long), 0,40 euros TTC pour les boissons composées (café au lait, cappuccino) et 0,80 euros TTC pour les boissons froides.

La société Instantané effectue son calcul à partir des relevés de compteur des machines, et retient un prix moyen de 0,40 euros TTC en prenant en considération une période de sept mois n'incluant pas les mois d'été, ce qui aboutit à une consommation journalière moyenne de 46,79 boissons.

Les premiers juges ont justement considéré que la perte du café représentait la majeure partie de la perte de chiffres d'affaires et qu'il convenait de retenir un prix moyen de 0,30 euros TTC et d'autre part que la consommation journalière moyenne devait être corrigée pour tenir compte des mois d'été et vacances, à hauteur de 35 boissons. Le préjudice subi sur une durée de 32 mois et demi à 21 jours ouvrés s'élève donc à 7 166,25 euros TTC sur la machine de boissons chaudes. Sur le distributeur de boissons froides, la moyenne des consommations est calculée sur 18 mois, à hauteur de 58,55 consommations par mois, à 0,79 euros TTC l'une en moyenne. Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a retenu la somme de 1.387,65 euros TTC à ce titre.

La société Instantané réclame en deuxième lieu la somme de 2.827,60 euros TTC au titre de la perte de chiffre d'affaires à la suite de l'installation de la machine concurrente dans le cadre du contrat du 1er février 2010. La concurrence entre les machines a débuté en novembre 2015 et jusqu'au 18 mai 2016. La perte s'établit à 42,08 consommations par jour. En retenant un prix moyen de 0,30 euros TTC, le préjudice subi s'élève à 1 723,17 euros TTC, comme l'ont décidé les premiers juges.

La société Instantané réclame en troisième lieu la somme de 8 696,90 euros TTC au titre de la rupture des contrats de gestion et en quatrième lieu la somme de 4 736 euros TTC au titre de la rupture des contrats de location. Elle excipe d'un délai moyen des travaux de 30 mois, sans en justifier, ne produisant qu'un exemple de chantier d'une durée de 28 mois. La société Les Maçons Parisiens ne donne pas davantage d'éléments pour calculer cette longévité supposée. La cour retient que le tribunal de commerce a fait une juste appréciation des faits de la cause en fixant la durée moyenne des chantiers à 18 mois. A partir des pièces produites, sachant que si les contrats de location mentionnent un montant mensuel tel n'est pas le cas pour les contrats de gestion, le tribunal a retenu un montant mensuel de 35,10 euros HT pour ces derniers. Le jugement sera confirmé en qu'il a condamné la société Les Maçons Parisiens à la somme de 1.452 euros HT au titre des contrats de location et à celle de 1 719,90 euros HT au titre des contrats de gestion.

La société Instantané réclame en cinquième lieu la somme de 1 188 euros au titre de la valeur résiduelle à amortir au moment de la rupture. Elle produit un tableau établi par ses soins sur les contrats de location de fontaines à eau sur les chantiers. Ainsi pour trois fontaines à eau neuves installées sur deux chantiers, elle en déduit que la valeur résiduelle à amortir est de 396 euros x 3. Cependant, elle ne démontre pas que les trois fontaines neuves n'ont pas été réutilisées, d'autant plus que les autres contrats de location prouvent que nombre de fontaines d'occasion ont été installées. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Instantané de sa demande à ce titre.

La société Instantané sollicite en sixième lieu la somme de 10 064,07 euros TTC au titre de la rupture brutale des relations commerciales, sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce dans sa version applicable en la cause, antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 aux termes duquel :

« I. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. (…) Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. (...) ; ».

Le champ d'application de ce texte est celui des relations commerciales établies, c'est-à-dire les cas où la relation commerciale entre les parties revêtait avant la rupture un caractère suivi, stable et habituel et où la partie victime de l'interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaire avec son partenaire commercial.

Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis, lequel doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

La cour doit procéder à une appréciation in concreto des conditions de déroulement et de la spécificité de la relation sachant que le fait que la responsabilité contractuelle de la société Les Maçons Parisiens ait été retenue pour résiliation fautive n'exclut pas une indemnité sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies.

La société Instantané produit un premier contrat de dépôt conclu avec la société Les Maçons Parisiens daté du 3 septembre 2003. L'intimée reconnaît d'ailleurs dans ses écritures que « les relations entre les parties étaient anciennes et cordiales ». La multiplicité des contrats - siège et chantiers -, leur ancienneté et le suivi de la relation commerciale entre ces sociétés caractérise l'existence d'un courant d'affaires régulier et donc établi entre elles. La société Instantané ne pouvait raisonnablement prévoir que son cocontractant allait rompre les relations pour l'ensemble des contrats au surplus sans aucun préavis. La brutalité de la rupture est avérée et a causé un préjudice à la société Instantané qui n'a pu, face aux termes définitifs employés par son cocontractant sollicitant l'« enlèvement immédiat » de tous les appareils, envisager le réemploi rapide des machines, faute de préavis. Au regard de la durée de la relation commerciale entre les parties, supérieure à douze ans, liées par plusieurs contrats, la cour dira qu'un préavis de 10 mois est raisonnable. A partir du coefficient de marge brute tel qu'il ressort de l'attestation de l'expert comptable de la société Instantané, la cour retiendra un coefficient de 82,67 % pour les boissons chaudes et de 45,03 % pour les boissons froides. Le préjudice subi au titre de la perte « boissons chaudes » s'établit à 35 consommations/jour x 10 mois x 21 jours ouvrés = 7 350 euros x 82,67 % = 6 076,24 euros TTC. Le préjudice subi au titre de la perte « boissons froides » s'établit à 58,55 consommations /mois x 10 mois = 585,50 euros x 45,03 % = 263,65 euros TTC.

Ainsi le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté la société Instantané de sa demande au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie et la société Les Maçons Parisiens sera condamnée à lui verser la somme de 6 339,89 euros à titre de dommages-intérêts.

La société Instantané réclame en septième lieu la somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral. Elle évoque notamment une résiliation vexatoire et à effet immédiat. Elle n'étaye cependant pas sa demande et faute d'éléments sur ce point, elle sera déboutée de cette prétention, comme l'ont décidé les premiers juges.

Sur l'amende civile

Aux termes de l'article 559 du code de procédure civile : « En cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés. Cette amende, perçue séparément des droits d'enregistrement de la décision qui l'a prononcée, ne peut être réclamée aux intimés. Ceux-ci peuvent obtenir une expédition de la décision revêtue de la formule exécutoire sans que le non-paiement de l'amende puisse y faire obstacle. ».

La société Instantané est irrecevable à solliciter reconventionnellement une telle amende. La cour décide que dans l'exercice de son droit d'agir et d'interjeter appel de la décision de première instance qui ne la satisfaisait pas, la société Les Maçons Parisiens n'a pas commis d'abus. Il n'y a donc pas lieu au prononcé d'une amende civile à son détriment.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Les Maçons Parisiens succombant à l'action, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d'appel, elle sera aussi condamnée aux dépens.

Il apparaît équitable de condamner la société Les Maçons Parisiens à payer à la société Instantané, qui a dû engager des frais en appel, la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Instantané de sa demande au titre de la rupture brutale d'une relation commerciale établie ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société Les Maçons Parisiens à payer à la société Instantané la somme de 6 339,89 euros au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie ;

DECLARE la société Instantané irrecevable à solliciter le prononcé d'une amende civile ;

DIT n'y avoir lieu à condamnation de la société Les Maçons Parisiens à une amende civile ;

CONDAMNE la société Les Maçons Parisiens aux dépens ;

CONDAMNE la société Les Maçons Parisiens à payer à la société Instantané la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.